Convention collective SYNTEC : 5 octobre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/11019

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Convention collective SYNTEC : 5 octobre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/11019

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 4

ARRET DU 05 OCTOBRE 2022

(n° , 11 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/11019 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CA4UD

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Mars 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 16/08184

APPELANT

Monsieur [R] [N]

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représenté par Me Emmanuelle METGE, avocat au barreau de PARIS, toque : E1875

INTIMEES

SAS IEL SERVICES

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Romain BIZZINI, avocat au barreau de PARIS

Association AGS CGEA IDF OUEST Prise en la présence de sa Directrice nationale, Madame [X] [S],

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Hélène NEGRO-DUVAL, avocat au barreau de PARIS, toque : L0197

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 Juin 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président

Madame Anne-Ga’l BLANC, conseillère

Madame Florence MARQUES, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD

ARRET :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Victoria RENARD, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

EXPOSÉ DU LITIGE :

M. [R] [N], né le 29 mars 1978, a été embauché sans contrat écrit par la société Iel Services à compter du 18 novembre 2013, en qualité d’informaticien.

L’employeur a pour activité l’édition de logiciel, l’analyse et le développement de solutions informatiques et la vente de matériel informatique.

La relation de travail est régie par la convention collective Syntec.

Par lettre du 18 juillet 2016, la société Iel Services a convoqué le salarié à un entretien préalable fixé au 28 juillet 2016 en vue d’un éventuel licenciement.

M. [R] [N] a accepté le jour même le contrat de sécurisation professionnelle qui lui a été proposé lors de l’entretien, de sorte que le contrat de travail a pris fin le 18 août 2016.

Par jugement du 27 octobre 2016, la société a été placée en redressement judiciaire. Un plan de continuation sur sept ans a été adopté par décision du 17 novembre 2017.

Le salarié a entre-temps saisi le conseil des prud’hommes de Paris le 15 juillet 2016, aux fins de voir constater que le contrat de travail remonte au 16 décembre 2012, date à laquelle il dit avoir commencé à collaborer avec la société Iel Services, de voir requalifier le contrat de travail en contrat à temps plein, d’obtenir sa reclassification et d’obtenir la condamnation de l’employeur à lui payer les sommes suivantes :

– 61.820,64 euros à titre de rappel de salaire à raison du temps plein, pour la période écoulée entre le 16 décembre 2012 et le 18 août 2016 ;

– 6.182,06 euros d’indemnité de congés payés y afférents ;

– 32.920,03 euros et subsidiairement 26.066,75 euros de rappel de salaire au titre de la période écoulée entre le 17 novembre 2013 et le 18 août 2016 ;

– 3.292,03 euros et subsidiairement 2.606,67 euros d’indemnité de congés payés y afférents ;

– 1.155,99 euros ou à défaut 880 euros de prime de vacances au titre de la période écoulée de 2013 à 2016 ;

– 15.763,80 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– 15.763,80 euros ou à défaut 12.000 euros d’indemnité de travail dissimulé ;

– 1.500 euros de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité ;

– 1.500 euros de dommages-intérêts pour absence de visite médicale d’embauche ;

– 1.500 euros pour absence de visite périodique ;

– 1.500 euros de dommages-intérêts pour absence de visite médicale de reprise ;

– 5.000 euros de dommages-intérêts pour absence de formation ;

– 2.500 euros de dommages-intérêts pour absence d’information sur le compte personnel de formation ;

– 8.000 euros de dommages-intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat ;

– 2.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– avec mise des dépens à la charge de la défenderesse.

Celle-ci s’est opposée à toutes ces prétentions et a sollicité l’allocation de la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles.

Par jugement du 27 mars 2019 rendu en présence de l’UNEDIC Délégation AGS CGEA IDF Ouest, la société a été condamnée à verser à M. [R] [N] les sommes suivantes :

– 1.751,49 euros ‘au titre de l’irrégularité du salaire’ (irrégularité de la procédure de rupture) ;

– 170,38 euros de prime de vacances ;

– 1.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Le conseil ordonnait aussi ‘la remise des documents sociaux conformes à la décision à intervenir’.

Les autres demandes du salarié étaient rejetées.

Appel a été interjeté par ce dernier le 4 novembre 2019 contre le jugement qui lui avait été notifié le 20 septembre 2019.

Par conclusions remises via le réseau privé virtuel des avocats le 11 avril 2022, le salarié sollicite l’infirmation du jugement déféré, sauf en ce qu’il a condamné l’employeur à lui payer la somme de 1.751,49 euros pour ‘irrégularité du salaire’.

Il modifie comme suit pour le surplus ses prétentions en sollicitant l’octroi des sommes suivantes :

– 61.820,64 euros à titre de rappel de salaire à raison du temps plein, pour la période écoulée entre le 16 décembre 2012 et le 18 août 2016 ;

– 6.182 euros d’indemnité de congés payés y afférents ;

– 1.155,99 euros de prime de vacances au titre de la période écoulée de 2013 à 2016 ;

– 15.763,80 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– 15.763,80 euros ou à défaut 12.000 euros d’indemnité de travail dissimulé ;

– 2.627,30 euros de dommages-intérêts pour irrégularité de la procédure ;

– 1.500 euros de dommages-intérêts pour absence de visite médicale d’embauche et de reprise ;

– 5.000 euros de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de formation ;

– 2.500 euros de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

– 8.000 euros de dommages-intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat ;

– 2.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– avec mise des dépens à la charge de la défenderesse.

Il demande enfin que les condamnations éventuelles soient inscrites au passif de la société Iel Services et que le jugement soit déclaré opposable à l’AGS CGEA IDF Est.

Par conclusions remises via le réseau privé virtuel des avocats le 7 mai 2022, la société prie la cour d’infirmer le jugement sur les dommages-intérêts pour ‘irrégularité du salaire’ et sur l’indemnité au titre des frais irrépétibles accordée à l’appelant et la remise des documents sociaux et de rejeter toutes les prétentions adverses, en dehors de celle relative à la prime de vacances. Il sollicite l’allocation de la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions remises via le réseau privé virtuel des avocats le 7 avril 2020, l’AGS CGEA IDF Est demande qu’il lui soit donné acte des limites de sa garantie. Elle observe que les créances nées antérieurement au jugement d’ouverture de la procédure collective ne peuvent faire l’objet de condamnation et doivent être inscrites sur l’état des créances déposées au greffe du tribunal.

Pour plus ample exposé sur le litige, la cour se réfère aux conclusions des parties en application de l’article 455 du Code de procédure civile.

MOTIFS :

Aux termes de l’article L 622-21 du code de commerce, le jugement d’ouverture interrompt ou interdit toute action en justice tendant à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent de la part de tous les créanciers, dont la créance n’est pas mentionnée au I de l’article L. 622-17, c’est-à-dire nées régulièrement après le jugement d’ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d’observation, ou en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur pendant cette période.

La rupture du contrat de travail remontant au 18 août 2016, soit à une date antérieure au jugement d’ouverture de la procédure collective par jugement du 25 octobre 2016, et plus généralement l’ensemble des créances litigieuses étant antérieur à cette dernière date, la cour ne pourra que fixer les créances au passif de la société.

1 : Sur la portée du contrat de travail

M. [R] [N] fonde ses demandes de rappel de salaire sur trois moyens : sa classification insuffisante, la requalification en temps complet de son contrat de travail et l’avancement de la date du début de l’exécution du contrat de travail au 16 décembre 2012, date antérieure à la signature du contrat de travail qui est du 18 novembre 2013.

1.1 : Sur le début de la relation de travail

M. [R] [N] soutient que la relation de travail a commencé le 16 décembre 2012. Alors que tous les critères du contrat de travail étaient déjà réunis, ce ne serait que tardivement le 18 novembre 2013 que la relation a été formalisée.

La société Iel Services objecte que si un lien de subordination a existé à partir de novembre 2013, auparavant, le prétendu salarié n’a fait que prendre en charge les commandes d’un ancien client de la société AT21, en liquidation, et dont l’intéressé venait d’être nommé gérant. Elle souligne qu’il est étonnant que pendant plusieurs mois il n’ait jamais réclamé de salaire.

Sur ce

Il résulte des articles L. 1221 – 1 et suivants du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d’autrui moyennant rémunération.

Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

L’existence d’un contrat de travail dépend, non pas de la volonté manifestée par les parties ou de la dénomination de la convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité du travailleur.

S’agissant de la période litigieuse d’une année, le salarié produit une huitaine de courriels très brefs selon lesquels M. [R] [N] communiquait avec la société, par une adresse courriel de celle-ci, [Courriel 7], dans le cadre de services qu’il rendait notamment pour l’établissement de devis. Ces éléments non significatifs ne révèlent aucun lien de subordination.

L’existence d’un contrat de travail entre le 16 décembre 2012 et le 18 novembre 2013 est écartée.

1.2 : Sur la classification

M. [R] [N] soutient relever de la classification 2.2 coefficient 130 prévue à l’annexe II de la convention collective relatif aux ingénieurs et cadres et non pas de la classification 1.3. Il allègue que les bulletins de paie mentionnent des classifications aussi diverses qu’erronées, qu’il est le seul informaticien de l’entreprise, qu’il a intégré la société pour étendre son activité informatique et qu’il a mis en place le système informatique de plusieurs clients.

La société Iel Services répond qu’il ne rapporte pas la preuve de ses dires qui sont contestés et qu’il n’a jamais exercé que des fonctions de technicien, qu’il n’a aucun diplôme d’ingénieur et qu’il n’a jamais remis en cause sa classification au cours de l’exécution du contrat.

Sur ce

Il est de principe que, sous réserve d’une attribution volontaire par l’employeur, la qualification, mais également la catégorie à laquelle appartient un salarié, se détermine en fonction des fonctions réellement exercées par celui-ci, sans que l’absence de contestation en amont puisse lui être opposée, les juges n’étant pas liés par la qualification figurant dans le contrat de travail. La charge de la preuve de la qualification revendiquée pèse sur le salarié.

La classification de l’article 2.1 de la convention collective Syntec des ingénieurs et cadres, s’appliquent aux ingénieurs et cadres ayant au moins deux ans de pratique de la profession, les qualités intellectuelles et humaines leur permettant de se mettre rapidement au courant des travaux d’études ; ils coordonnent éventuellement les travaux de techniciens, agents de maîtrise, dessinateurs ou employés, travaillant aux mêmes tâches qu’eux dans le corps d’état étudiés par le bureau d’études.

La classification de l’article 2.2 revendiqué s’applique aux salariés remplissant les conditions de la position 2.1 et, qui, en outre, partant d’instructions précises de leur supérieur, doivent prendre des initiatives et assumer des responsabilités que nécessite la réalisation de ces instructions, étudient des projets courants et peuvent participer à leur exécution ; ce sont des ingénieurs d’études ou de recherche, mais sans fonction de commandement.

Pour justifier qu’il remplit les conditions voulues, l’intéressé verse aux débats des échanges de courriels, factures et un contrat passé avec un client dont l’entrée en vigueur était stipulée pour le 1er janvier 2010 et des documents techniques, devis, bons de livraison, tableaux, échanges de courriels. Son nom n’apparaît pas sur ces pièces qui sont souvent antérieures au contrat de travail. L’attestation de M. [L], qui rapporte notamment que M. [R] [N] l’a guidé lors de son embauche dans l’entreprise comme assistant projet support et maîtrisait les différents mécanismes réseaux, ne suffit pas à justifier des nombreux critères requis.

Il n’en ressort pas la nature du travail de l’intéressé, ni qu’il remplissait les conditions lui conférant la classification demandée. Cette prétention sera donc rejetée.

1.3 : Sur la requalification du contrat de travail en contrat à temps plein

M. [R] [N] soutient qu’alors qu’il a été déclaré salarié à temps partiel à hauteur de 90 heures par mois du 18 novembre 2013 au 31 août 2015, mais qu’il est présumé avoir travaillé à temps plein en l’absence d’écrit. Il souligne qu’il travaillait bien à temps complet.

La société Iel Services oppose que les feuilles de paie font état d’un temps partiel et que le salarié lui-même a demandé à l’employeur pour les besoins d’une procédure judiciaire, à laquelle il était partie, une attestation certifiant son emploi à temps partiel. Elle ajoute que la personne qui a remplacé l’intéressé dans l’entreprise est occupée 4 heures par semaine outre quelques interventions exceptionnelles.

Sur ce

L’absence d’écrit mentionnant la durée hebdomadaire, ou le cas échéant mensuelle prévue, et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, fait présumer que l’emploi est à temps complet. L’employeur qui conteste cette présomption doit rapporter la preuve, d’une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d’autre part, de ce que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’avait pas a se tenir constamment à la disposition de l’employeur.

Les éléments versés aux débats par l’employeur tendant à démontrer que l’intéressé travaillait bien moins de 35 heures par semaine, sont inopérants au regard des critères nécessaire au refus de la requalification revendiquée.

La demande du salarié sera donc accueillie.

1.4 : Sur la demande de rappel de salaire

M. [R] [N] sollicite le paiement de la somme de 61 820,64 euros, compte tenu d’abord des salaires échus entre le 16 décembre 2012, date à laquelle il entend faire remonter le début de sa relation salariale, et la rupture du contrat de travail, ensuite de la reclassification et enfin de la requalification du contrat à temps partiel en contrat à temps complet.

La société Iel Services maintient son opposition aux demandes relatives à la requalification, la classification et le début de la relation contractuelle et, subsidiairement, oppose la prescription triennale s’agissant des rappels de salaire sur la période comprise entre le 16 décembre 2012 et le 16 novembre 2013.

Sur ce

Eu égard au rejet de la demande de modification de la classification et d’avancement de la date du début de la relation de travail salarié, il n’est dû à l’intéressé que la différence entre le salaire à plein temps et le salaire à temps partiel effectivement perçu, entre le 18 novembre 2013 et le jour de la rupture.

La prescription soulevée au titre de la période antérieure est donc sans objet.

Il convient d’ordonner la réouverture des débats en application des articles 442, 444 et 445 du code de procédure civile sur le calcul de la somme due, puisque les parties ne décomposent pas leur calcul en fonction de la position retenue par la cour.

1.5 : Sur le travail dissimulé

M. [R] [N] sollicite la condamnation de l’employeur à lui payer une indemnité de travail dissimulé en ce qu’il n’a pas déclaré le salarié entre le 16 décembre 2012 et la signature du contrat de travail, en ce qu’il l’a sous payé au mépris de sa véritable qualification et en ce qu’il n’a pas versé de salaire pour un temps complet, quoique la relation de travail encoure la requalification.

La société Iel Services objecte que les demandes adverses sur le salaire prétendument dû n’étant pas fondées, il ne peut lui être reproché de ne pas avoir mentionné les sommes correspondantes sur les bulletins de paie et d’être ainsi coupable d’un travail dissimulé. Elle ajoute qu’en tout état de cause, aucune intention ne saurait lui être reprochée.

Sur ce

L’article L8221-5 du code du travail dispose qu’est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d’un bulletin de paie ou d’un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.

L’article 8223-1 du code du travail dispose quant à lui que, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

L’employeur n’a pas tenu compte dans l’établissement des feuilles de paie de la qualification de temps plein.

Toutefois, il n’est pas démontré que la société avait conscience de la requalification encourue et agissait par conséquent de manière intentionnelle.

Par suite la demande d’indemnité de travail dissimulé sera rejetée.

2 : Sur l’exécution du contrat de travail

2.1 : Sur les visites médicales obligatoires

L’employeur demande l’allocation de la somme de 1.500 euros en réparation du préjudice né de l’absence de visite médicale d’embauche prescrite par l’article R 4464-10 du code du travail et de visite médicale de reprise dont il aurait dû bénéficier en application de l’article R 4624-20 du code du travail à la suite de son arrêt maladie qui s’est prolongé d’octobre 2014 à août 2015.

La société Iel Services ne conteste pas ne pas avoir fait procéder à ces visites comme elle l’aurait dû, mais observe qu’aucun préjudice n’est démontré et que par suite la demande doit être rejetée ou à tout le moins réduite à la somme de 500 euros.

Sur ce

Pour expliquer son préjudice, le salarié ne fait qu’évoquer des conséquences abstraites et générales de l’absence de visite médicale. S’il explique, en ce qui le concerne personnellement, l’utilité de telles visites pour une personne en télétravail comme lui, cette observation n’est pas convaincante.

Faute de preuve du préjudice, la demande sera rejetée.

2.2 : Sur l’absence de formation

M. [R] [N] sollicite l’allocation de la somme de 5.000 euros en réparation du préjudice né du manquement de l’employeur quant à son obligation de formation prescrite par l’article L. 6321-1 du code du travail. Il se plaint de n’avoir pas obtenu satisfaction dans ses demandes de validation des acquis et de l’expérience. Il impute à ce manquement la difficulté qu’il a à se rétablir sur le plan professionnel à la suite de la rupture.

La société Iel Services objecte qu’elle a financé deux formations en sa faveur et que l’intéressé procède par voie d’affirmation sans prouver ce qu’il avance et en particulier son préjudice.

Sur ce

Aux termes de l’article R 6323-7 du code du travail, l’employeur assure l’adaptation des salariés à leur poste de travail et veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi notamment en fonction de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations.

Alors que la relation de travail s’est écoulée du 18 novembre 2013 au 18 août 2016, émaillée de trois arrêts maladie d’un total de plus de douze mois, pendant lesquels il était impossible de faire suivre à M. [R] [N] une formation, il est établi qu’il en a suivi deux à savoir le 7 mai 2014 et le 29 mai 2015, soit une par année de travail effectif.

La société a ainsi bien rempli son obligation de formation et la demande de dommages-intérêts sera rejetée.

2.3 : Sur l’absence d’information sur le compte personnel de formation

M. [R] [N] sollicite la condamnation de la société à lui payer la somme de 2.500 euros en réparation de l’absence d’information de la part de l’employeur sur le compte personnel de formation.

La société Iel Services s’y oppose motif pris de ce qu’aucune pièce vient démontrer le préjudice.

L’intéressé ne justifie pas avoir perdu ses droits à formation comme il le prétend. Son préjudice n’est pas établi et il sera débouté.

2.4 : Sur les primes de vacances

M. [R] [N] sollicite le paiement de la somme de 1.155,99 euros de rappel de prime de vacances due en application de l’article 31 de la convention collective au titre des années 2013, 2014, 2015 et 2016. Elle effectue le calcul de cette somme sur la base du temps plein, de la reclassification sollicitée et de l’avancement de l’ancienneté à décembre 2012 prétendue.

La société Iel Services, rejetant cette base de calcul et se fondant sur les salaires effectivement versés au salarié évalue le montant dû à ce titre à la somme de 170,38 euros.

Sur ce

Aux termes de l’article 31 de la convention collective, l’ensemble des salariés bénéficie d’une prime de vacances d’un montant au moins égal à 10 p. 100 de la masse globale des indemnités de congés payés prévus par la convention collective.

Toutes primes ou gratifications versées en cours d’année à divers titres et quelle qu’en soit la nature peuvent être considérées comme primes de vacances à condition qu’elles soient au moins égales aux 10 p. 100 prévus à l’alinéa précédent et qu’une partie soit versée pendant la période située entre le 1er mai et le 31 octobre.

La prime de vacances due en application de ces deux paragraphes doit être calculée au vu de la requalification du contrat de travail en contrat à temps plein.

Il convient d’ordonner la réouverture des débats sur ce point en application des articles 442, 444 et 445 du code de procédure civile, pour que les parties décomposent leur calcul en fonction de cette requalification au lieu de fonder leur estimation, en ce qui concerne le salarié sur de la seule hypothèse de l’accueil de ses trois demandes précitées ou, en ce qui concerne la société, sur le rejet total de celles-ci.

3 : Sur le licenciement

3.1 : Sur la cause du licenciement

M. [R] [N] soutient que la rupture doit produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, dès lors que l’employeur n’a pas notifié le motif économique du licenciement lors de la procédure d’adhésion au CSP.

La société Iel Services rétorque que les difficultés économiques ont bien été exposées à M. [R] [N] lors de l’entretien préalable ainsi que par la lettre de convocation à l’entretien préalable.

Sur ce

La rupture du contrat de travail résultant de l’acceptation par le salarié d’une convention de reclassement personnalisé doit avoir une cause économique réelle et sérieuse. L’appréciation de cette cause ne peut résulter que des motifs énoncés par l’employeur.

Lorsque le salarié a accepté le CSP qui lui a été proposé, l’employeur doit lui notifier le motif économique de la rupture de son contrat de travail, au plus tard au moment de cette adhésion, soit dans le document écrit d’information sur la convention de reclassement personnalisé remis obligatoirement au salarié concerné par le projet de licenciement, soit dans la lettre qu’il est tenu d’adresser au salarié lorsque le délai de réponse expire après le délai d’envoi de la lettre de licenciement imposé par les articles L. 1233-15 et l’article L. 1233-39 du Code du travail, soit encore, lorsqu’il n’est pas possible à l’employeur d’envoyer cette lettre avant l’acceptation par le salarié de la proposition de convention, dans tout autre document écrit, remis ou adressé à celui-ci au plus tard au moment de son acceptation.

Le motif énoncé doit indiquer d’une part l’élément originel ou raison économique qu’il s’agisse de difficultés économiques, de mutations technologiques ou de réorganisation de l’entreprise et d’autre part son incidence sur l’emploi ou le contrat de travail, qu’il s’agisse de suppression, transformation d’emploi ou de modification du contrat.

En l’espèce, la convocation à l’entretien préalable se borne à évoquer le principe d’un licenciement économique.

Le compte-rendu d’entretien préalable établi par le conseiller du salarié le 31 juillet 2016, rapporte que l’employeur a fait état de difficultés financières de manière vague, qu’il a en conséquence décidé d’abandonner l’activité d’hébergement et que l’activité du salarié pourra être reprise par son collègue M. [U]. Ce document ne constitue pas une notification de la part de l’employeur et de surcroît n’énonce pas de faits suffisamment précis et matériellement vérifiables pour correspondre dans son contenu à un motif de licenciement économique.

Dès lors le licenciement doit être déclaré dénué de cause réelle et sérieuse.

3.2 : Sur les conséquences financières du licenciement

M. [R] [N] sollicite la condamnation de la partie adverse à lui verser la somme de 15.763,80 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en soulignant qu’il n’a pas retrouvé d’emploi. Il demande aussi l’allocation de la somme de 2.627,30 euros pour irrégularité de procédure, en ce que l’employeur n’ayant pas fait les démarches auprès de Pôle Emploi il n’a pu bénéficier du CSP.

La société Iel Services répond que le salarié ne peut cumuler les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et l’indemnité pour irrégularité de procédure en l’état de la jurisprudence, qu’il ne démontre pas de préjudice découlant de la rupture et qu’il ne peut lui être accordé plus d’un mois de salaire.

Sur ce

Aux termes de l’article L 1235-5 du Code du travail, dans sa version applicable à l’époque des faits, ne sont pas applicables au licenciement d’un salarié de moins de deux ans d’ancienneté et au licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, les dispositions relatives à l’absence de cause réelle et sérieuse prévues par l’article L 1235-3 du même code selon lequel il est octroyé au salarié qui n’est pas réintégré une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois et en cas de licenciement abusif le salarié ne peut prétendre à une indemnité correspondant au préjudice subi.

Compte tenu notamment de l’effectif de l’entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [R] [N], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu’ils résultent des pièces et des explications fournies, il ya lieu de lui allouer, en application de l’article L 1235-3 du Code du travail une somme de 2.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif.

L’intéressé n’explique pas en quoi l’absence de lettre de licenciement lui a causé un préjudice, alors qu’il avait accepté le CSP. En conséquence, cette prétention sera rejetée.

3.3 : Sur la remise tardive des documents de fin de contrat

M. [R] [N] demande l’allocation de la somme de 8.000 euros à raison de la remise des documents de fin de contrat six mois après la rupture. Il prétend qu’il n’a pu de ce fait faire valoir ses droits à Pôle Emploi et bénéficier du CSP.

La société Iel Services répond que ce préjudice n’est pas démontré et qu’elle a bien remis à l’avocat de l’intéressé quatre mois après la rupture les pièces litigieuses.

Sur ce

L’obligation de l’employeur de remettre les documents de fin de contrat est quérable et non portable.

Dès lors, M. [R] [N] qui ne justifie même pas avoir réclamé les documents litigieux, sera débouté de sa demande de dommages-intérêts.

Surabondamment, la société produit une lettre du 7 décembre 2016, postérieure à la rupture de moins de quatre mois et non de six comme le prétend le salarié, par laquelle il lui remet les documents en cause.

4 : Sur les documents de fin de contrat, l’application de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Il conviendra de statuer à l’issue de la présente décision avant dire droit sur la délivrance de documents de fin de contrat réclamés, sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens.

PAR CES MOTIFS :

La Cour statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe et en dernier ressort ;

Confirme le jugement déféré sur les demandes tendant à voir fixer le début de la relation contractuelle au 16 décembre 2012, de reclassification de M. [R] [N], d’indemnité de travail dissimulé, de dommages-intérêts pour absence de formation ou d’information sur le CPF, d’indemnité pour retard dans la remise des documents de fin de contrat, de dommages-intérêts pour irrégularité de la procédure et de dommages-intérêts pour défaut de visite médicale d’embauche et de reprise ;

Infirme le jugement déféré sur la demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et sur la requalification du contrat à temps partiel en contrat à temps plein ;

Statuant à nouveau ;

Requalifie le contrat du 18 novembre 2013 en contrat à temps complet ;

Fixe au passif de la société Iel Services une créance de 2.000 euros en faveur de M. [R] [N] à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif ;

Avant dire droit sur les rappels de salaire au titre de la requalification en contrat à temps plein, sur la prime de vacances, sur la délivrance des documents de fin de contrat, sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile et sur les dépens,

Ordonne la réouverture des débats sur le rappel de salaire au titre de la requalification en temps plein pour permettre aux parties de préciser leurs calculs et faire apparaître la différence entre le salaire dû au regard de la requalification en temps plein et le salaire effectivement perçu ainsi que préciser de la même manière le montant de la prime de vacances due en application de l’article 31 de la convention collective au vu de cette requalification ;

Renvoie l’affaire à l’audience du 14 mars 2023 à 13h30 – salle Louise HANON 2H01 ;

Dit que M. [R] [N] devra faire parvenir une note avant le 15 novembre 2022 ;

Dit que la société Iel Services devra faire parvenir une note avant le 15 janvier 2022 ;

Réserve les dépens.

LA GREFFI’RE LE PR »SIDENT

 


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