Convention collective Syntec : 5 mai 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 21/00616

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Convention collective Syntec : 5 mai 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 21/00616

5 mai 2023
Cour d’appel de Douai
RG
21/00616

ARRÊT DU

05 Mai 2023

N° 674/23

N° RG 21/00616 – N° Portalis DBVT-V-B7F-TTBN

IF/AS

Jugement du

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LILLE

en date du

01 Avril 2021

(RG 19/00241 -section )

GROSSE :

Aux avocats

le 05 Mai 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

– Prud’Hommes-

APPELANTE :

S.A.S. GO TOUCH VR

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Sarah BACHELET, avocate au barreau de VAL-DE-MARNE

INTIMÉE :

Mme [S] [E]

[Adresse 5],

[Adresse 5]

[Localité 3]

représentée par Me Emilie YVART, avocate au barreau de LILLE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Olivier BECUWE

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Frédéric BURNIER

: CONSEILLER

Isabelle FACON

: CONSEILLER

GREFFIER lors des débats : Serge LAWECKI

DÉBATS : à l’audience publique du 28 Mars 2023

Le prononcé de l’arrêt a été prorogé du 14 Avril 2023 au 05 Mai 2023 pour plus ample délibéré

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 05 Mai 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Olivier BECUWE, Président et par Serge LAWECKI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 7 mars 2023

La société Go Touch VR (la société) est une start-up créée en avril 2017, spécialisée dans l’ingénierie et les études techniques en matière de réalité virtuelle et augmentée, notamment dans le développement d’un dispositif qui procure la sensation réelle du toucher dans univers virtuel.

Par contrat de travail à durée indéterminée du 1er septembre 2017, la société a engagé Madame [S] [E], en qualité de représentante commerciale.

Son salaire mensuel brut s’élevait en dernier lieu à la somme de 2083.33 euros.

La relation de travail était régie par la convention collective nationale applicable aux salariés des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieur – conseil et des sociétés de conseil (SYNTEC).

A partir du 27 juillet 2018, Madame [S] [E] s’est trouvée en arrêt maladie, elle ne reprendra plus le travail jusqu’à la rupture du contrat.

Par lettre recommandée avec accusé réception du 14 novembre 2018, la société a notifié à Madame [S] [E] son licenciement en raison de son absence prolongée causant une perturbation du fonctionnement de l’entreprise et nécessitant son remplacement définitif.

Madame [S] [E] a saisi le conseil de prud’hommes de Lille et formé des demandes afférentes à un licenciement nul, ainsi qu’à l’exécution de son contrat de travail.

Par jugement du 1er avril 2021, le conseil de prud’hommes de Lille a jugé son licenciement nul à la suite de la reconnaissance d’un harcèlement moral et sexuel et a condamné la société à lui payer les sommes suivantes :

– 25000 euros, en réparation du licenciement nul et de tous les préjudices,

– 13 733 euros bruts, au titre de la prime d’objectifs sur la première année du contrat,

– 2000 euros, au titre de l’indemnité pour frais de procédure.

Il a également ordonné la remise des documents de fin de contrat sous astreinte de 50 euros par jour, après un délai de 45 jours suivant notification du jugement.

La société a fait appel de ce jugement par déclaration du 5 mai 2021, en visant expressément les dispositions critiquées.

Aux termes de ses dernières conclusions, la société demande l’infirmation du jugement aux fins de débouté de l’ensemble des demandes de Madame [S] [E] et sa condamnation à lui payer la somme de 2500 euros, au titre de l’indemnité pour frais de procédure.

Aux termes de ses dernières conclusions, Madame [S] [E], qui a formé appel incident, demande la confirmation du jugement sur le principe de la nullité du licenciement, ainsi que sur la condamnation de la société à lui payer la somme de 3152,68 euros au titre de la prime d’objectifs de la première année et sur la remise des documents de fin de contrat sous astreinte.

Elle sollicite l’infirmation des autres dispositions du jugement et réitère les demandes formées en première instance aux fins que la société soit condamnée à lui payer les sommes suivantes :

– 34 731 euros de rappels de salaires, au titre de la qualification de responsable commerciale cadre 3.1 qui devait lui être appliquée,

– 20 000 euros, au titre du préjudice subi pour harcèlement moral,

– 301.29 euros, au titre du reliquat d’ indemnité de licenciement,

– 19 253.69 euros de rappels de salaire compte tenu de la qualification, outre 10 % au titre des congés payés,

– 10 000 euros au titre de l’obligation de prévention de la santé,

– 15 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de l’exécution déloyale du contrat de travail,

– 2255 euros en réparation du coût des séances de psychothérapie,

– 3500 euros au titre de l’indemnité pour frais de procédure, outre les dépens,

Il est référé aux conclusions des parties pour l’exposé de leurs moyens, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le harcèlement

Aux termes de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l’article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

Aux termes de l’article L 1153-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des faits:

1° Soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ;

2° Soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers.

Selon l’article L1153-3 du code du travail, aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire pour avoir témoigné de faits de harcèlement sexuel ou pour les avoir relatés.

L’article L.1154-1 du même code prévoit qu’en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement. Il incombe alors à l’employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l’espèce, Madame [S] [E], qui produit plusieurs certificats médicaux, invoque les faits suivants :

– s’agissant du harcèlement sexuel, une immixtion constante dans sa vie privée, notamment sur la manière de se vêtir, un dénigrement et des remarques déplacées, sexistes ou sexuelles,

– s’agissant du harcèlement moral, une surcharge de travail et des pressions, ainsi que des instructions contradictoires et des critiques injustifiées,

S’agissant du harcèlement sexuel, il résulte des attestations concordantes de ses collègues, Madame [G] et Messieurs [C] et [Y], ainsi que des échanges de messages électroniques et téléphoniques produits que Madame [S] [E] a subi de la part de Monsieur [N], son supérieur, et de Monsieur [Z], un consultant de la société, des propos et des comportements à connotation sexuelle ou à connotation sexiste répétés qui ont porté atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant et humiliant.

Pour exemples les plus saillants des faits constitutifs de harcèlement sexuel, il convient de citer :

– le 12 mars 2018, une personne prénommée [D] que la cour identifie comme étant [D] [Z] échange en anglais avec Madame [S] [E], et lui répond ‘I know Darling’, sans que les réponses de cette dernière ne soient sur le même registre,

– en janvier 2018, lors du trajet pour se rendre au salon de [Localité 4], Monsieur [N], dirigeant de l’entreprise, a déclaré à Monsieur [Y] et Monsieur [C] que Madame [S] [E], alors assoupie dans la voiture, leur ferait des fellations à l’arrivée au Airbnb, remarque qui éclaire sur l’ambiance générale dans l’entreprise,

– lors de ce même salon, Monsieur [N] lui a dit qu’elle n’avait pas intérêt à tomber enceinte dans les trois ans à venir, tout comme deux autres de ses collègues féminines,

– en octobre 2017, lorsque Madame [S] [E] a refusé d’inscrire son numéro de téléphone sur les cartes de visite, Monsieur [N] et [Z] lui ont répondu qu’elle devrait se sentir flattée de recevoir des messages de flirt ou d’avance,

– lors du concours d’innovation en mai-juin 2018, il lui est demandé de bien s’habiller, bien se coiffer, bien se maquiller et d’accorder chaussures et sacs à main.

En conséquence, non seulement, Madame [S] [E] présente des éléments de fait laissant supposer un harcèlement sexuel mais, plus encore, elle les démontre de façon parfaitement caractérisée.

Les dénégations de la société ne sont, dès lors, pas sérieuses. Elle ne pouvait ignorer les faits en raison du positionnement de Monsieur [N] dans la société et de leur caractère habituel. C’est à tort que la société se dédouane des agissements de Monsieur [Z], en ce qu’il ne serait pas son salarié mais seulement un prestataire consultant.

S’agissant du harcèlement moral, Madame [S] [E] produit différents messages téléphoniques tardifs ou reçus le week-end de Monsieur [Z]. Monsieur [Y] atteste qu’à partir du moment où elle a travaillé en home office, elle a dû travailler sans aucune limite, la semaine, le week-end, pendant les vacances et même pendant ses arrêts maladie. Madame [G] confirme cette situation.

Madame [S] [E] verse au débat un courrier qu’elle a adressé au président de la société, le 4 octobre 2018, avec Monsieur [Y] et Monsieur [C], par lequel elle faisait état de son travail fréquent en dehors des horaires, y compris les week-ends et jours fériés, les congés payés et les arrêts maladie, ainsi que des déplacements pour des salons, sans récupération et avec du travail plus de 12 heures par jour sans pause. Ils estimaient que leur santé et leur sécurité étaient mises en danger. Ils dénonçaient également les propos racistes, sexistes et grossiers régulièrement utilisés pour parler des employés, ainsi que les conditions de travail dans des locaux non ventilés.

Elle produit également le courrier en réponse du 18 octobre 2018 par lequel l’avocat de la société la mettait en demeure de cesser ces accusations graves et infondées.

C’est donc à raison que le conseil de prud’hommes a estimé que l’employeur n’allègue d’aucune action, d’aucune analyse de la situation, d’aucune enquête sur la véracité des dires des salariés et d’aucune mesure en lien avec la médecine du travail en réponse au courrier du 4 octobre 2018.

Enfin, Madame [S] [E] produit au moins six certificats médicaux de différents médecins, notamment psychiatres, entre le 28 juillet 2018 et le 9 avril 2020 pour un syndrome dépressif sévère en lien direct avec le travail auprès de la société Go Touch VR.

En conséquence, il résulte de ce qui précède que Madame [S] [E] a subi des faits de harcèlement moral et sexuel durant le temps de la relation de travail.

Le jugement sera confirmé.

Elle sollicite à ce titre une indemnité de 20.000 euros, en raison des conséquences importantes du harcèlement subi sur son état de santé, ainsi qu’une indemnité de 2255 euros en remboursement du reste à charge après prise en compte des mutuelles de ces différentes psychothérapies, pour lesquelles elle verse l’ensemble des factures acquittées.

La société sera, en conséquence, condamnée à payer à Madame [S] [E] la somme de 15.000 euros, en réparation des préjudices résultant du harcèlement sexuel et moral subi, en ce compris la charge financière de psychothérapies non prises en charge par la sécurité sociale.

Le jugement sera infirmé.

Sur le licenciement

Aux termes de l’article L. 1232-1 du code du travail, le licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Aux termes de l’article L. 1132-1 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné ou licencié en raison de son état de santé. Il en résulte une interdiction de principe du licenciement d’un salarié en raison de sa maladie, et ce à peine de nullité.

Pour autant, ce texte ne s’oppose pas au licenciement motivé, non pas par l’état de santé du salarié, mais par la situation objective de l’entreprise qui se trouve dans la nécessité de pourvoir au remplacement définitif d’un salarié dont l’absence prolongée ou les absences répétées perturbent son fonctionnement.

Il appartient à l’employeur d’établir, à la fois, la perturbation engendrée par la prolongement de l’absence du salarié ou de ses absences répétées et la nécessité de son remplacement définitif.

La preuve de la désorganisation de l’entreprise relève de l’appréciation souveraine du juge du fond, à partir des éléments concrets qui lui sont soumis tenant au salarié (emploi occupé, qualification), à l’entreprise (taille, activité, organisation) et à la durée de l’absence.

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est rédigé comme suit :

‘ Pour mémoire, vous avez été recrutée au sein de la société GO TOUCH VR en qualité de représentante commerciale avec la qualification professionnelle ETAM 2.1, le 1 er septembre 2017.

Dans le cadre de vos missions, vous aviez notamment pour mission :

-d’assurer l’implémentation de l’initiative de vente vers les universités et centres de recherches,

-d’assurer la préparation et le suivi de toutes les offres de ventes pour la totalité des clients de l’entreprise,

-la gestion de l’inventaire de la documentation de vente, et la création et gestion du CRM,

Votre rôle était donc essentiel au développement de notre entreprise.

A compter du 27 juillet 2018, vous avez été placée, par votre médecin traitant, en arrêt maladie d’origine non professionnelle.

Depuis cette date, vous êtes absente de votre poste, la Société ayant reçu sept renouvellements de vos arrêts de travail pour les périodes suivantes :

-du 28/07/2018 au 5/08/2018,

-du 03/08/2018 au 19/08/2018,

-du 18/08/2018 au 24/08/2018,

-du 8/09/2018 au 21/09/2018,

-du 22/09/2018 au 05/10/2018,

-du 06/10/2018 au 19/10/2018,

-du 20/10/2018 au 02/11/2018,

-du 03/11/2018 au 16/11/2018,

Vous étiez en congés du 27/08/2018 au 07/09/2018.

Compte tenu du fait que la Société connaît une activité importante et du fait que vous êtes la seule à occuper les fonctions de représentante commerciale, votre absence prolongée a nécessairement généré une perturbation au sein de celle-ci.

Surtout, la Société n’a pas été en mesure de suivre tout le process et pipeline de ventes établies pendant le premier semestre de cette année entraînant, ainsi une perte de chiffre d’affaire de plusieurs dizaines de milliers d’euros pour la Société. Ce d’autant plus que vous ne pouvez ignorer que notre qualité de start-up, la Société ayant été créée en date du 21 avril 2017, nécessite que nous soyons extrêmement actifs, visibles et mobilisés devant les clients et prospects, lesquels sont la clé de réussite et d’évolution de notre entreprise.

Afin de tenter de limiter cette perturbation, la société GO TOUCH VR s’est vue dans l’obligation notamment de donner à d’autres salariés des tâches qui vous incombaient, ce qui génère nécessairement une surcharge de travail de leur côté, laquelle ne peut plus être assumée, pas moins de trois salariés étant actuellement absents.

La nature et la technicité de vos fonctions ne permettent, de surcroît pas, de procéder à votre remplacement par le biais de contrats temporaires au regard de la nécessité d’une longue période de formation, pour former un commercial dans le domaine de l’haptique.

En réalité, la délégation de votre travail à différentes personnes ne peut perdurer et ne permet pas de pallier la désorganisation de l’entreprise dont votre absence est seule à l’origine.

Par conséquent, au vu de votre absence prolongée depuis le 28 juillet 2018 et la désorganisation de l’entreprise qui en découle, la Société se voit dans l’obligation de procéder à votre remplacement de manière définitive.

Ainsi, nous sommes contraints, après réflexion, de procéder à votre licenciement pour absence prolongée perturbant le fonctionnement de l’entreprise et de la nécessité de pourvoir à votre remplacement définitif.’

Deux éléments de la lettre de licenciement sont particulièrement significatifs.

Tout d’abord, la description des activités de Madame [S] [E], qui sont des missions de vente tout à fait classiques, qui ne nécessitent pas de qualification particulière dans ce domaine. Elles ont d’ailleurs été prises en charge de façon relativement récente par Madame [S] [E] qui a été engagée en avril 2017, soit 18 mois auparavant, au moment de la création de la société.

Ensuite, la société a décidé de licencier Madame [S] [E] le 14 novembre 2018, soit 3 mois et 18 jours après son arrêt de travail, période à laquelle il convient de retrancher les 18 jours de congés qui lui ont été accordés du 27 août au 7 septembre 2018.

Ce délai d’absence de trois mois, apprécié à l’aune des missions commerciales classiques confiées à Madame [S] [E], permettait à l’employeur de recourir à toutes les formes de remplacement possibles, notamment le contrat à durée déterminée de remplacement, sans envisager uniquement, comme il le fait dans la lettre de licenciement, la surcharge des salariés restant dans l’entreprise.

En conséquence, le licenciement de Madame [S] [E] n’est pas fondé sur une cause réelle et sérieuse, peu important que la société justifie de l’embauche en contrat à durée indéterminée le 2 janvier 2019 d’un conseiller commercial.

En outre, il fait suite à une longue période de harcèlement moral et sexuel caractérisé et à une alerte par lettre recommandée adressée à l’employeur, le 4 octobre 2018, soit moins d’un mois avant la convocation à l’entretien préalable au licenciement du 30 octobre 2018.

Compte-tenu de leur date, les absences, invoquées à l’appui du licenciement, présentent un lien avec les faits de harcèlement dont elles sont le résultat.

Dès lors, en application de l’article L 1235-3-1 du code du travail, le licenciement de Madame [S] [E] est nul.

Le jugement sera confirmé.

Sur la requalification de poste :

Madame [S] [E] demande la requalification de son poste pour bénéficier du statut de cadre 3.1 coefficient 170, alors qu’elle a été engagée en qualité de représentant commercial au statut ETAM 2.1 et qu’elle avait évolué selon ses bulletins de salaire au niveau 2.2 coefficient 310

Aux termes de la convention collective applicable, s’agissant des fonctions d’étude ou de préparation, l’activité de l’agent consiste, à partir d’un programme de travail, à le mettre en ‘uvre, concrétiser, développer et, éventuellement, faire apparaître les difficultés d’ordre pratique de nature à le remettre en cause. S’agissant du contenu, il s’agit de prise en charge d’activité pouvant, éventuellement, comporter un rôle d’assistance et de coordination des travaux personnels de qualifications moindres ou de tâches ou études fractionnées ou cycliques se présentant sous la forme de schémas ou de programmes qu’il s’agit de développer, de finaliser ou de concrétiser en vue de leur réalisation. Les caractéristiques communes des missions sont la pluralité des méthodes ou des tâches, le choix par l’intéressé d’une méthode parmi les méthodes connues et la détermination et la mise en ‘uvre des moyens nécessaires, la connaissance d’un certain environnement (entreprises, département, matériel fabriqué, organisation, clientèle’) et une autonomie relative, les contrôles de conformité n’étant pas systématique.

Concernant la position 2.2 parmi les fonctions d’étude ou de préparation, l’exercice de la fonction implique la connaissance des méthodes, procédés et moyens propres à une technique initiative d’établir entre les choix appropriés.

S’agissant de la classification des ingénieurs et cadres, trois positions sont explicitées:

– les positions 1.1 et 1.2 concernent les débutants,

– la position 2.1 concerne les ingénieurs ou cadres ayant au moins deux ans de pratique, la position 2.3 concerne ceux ayant au moins six ans de pratique,

– la position 3.1 concerne : ‘les ingénieurs ou cadres placés généralement sous les ordres d’un chef de service et qui exercent des fonctions dans lesquels ils mettent en ‘uvre non seulement des connaissances équivalents à celle sanctionnée par un diplôme mais aussi des connaissances pratiques étendues sans assurer, toutefois, dans leurs fonctions une responsabilité complète et permanente qui revient en fait à leur chef’,

La société estime que Madame [S] [E] ne démontre pas qu’elle a effectué des tâches qui ne relevaient pas de sa qualité de représentante commerciale et sollicite la confirmation du jugement du conseil de prud’hommes sur ce point.

La société rappelle que la convention collective prévoit trois niveaux de classification des cadres. Elle indique que si le niveau cadre était retenu, Madame [S] [E] aurait pu prétendre au maximum au niveau 1.1 de la classification des cadres, pour un coefficient 95 et un salaire mensuel minimum conventionnel de 1948,45 euros, inférieur à celui perçu par la salariée.

C’est à bon droit que le conseil de prud’hommes retenait que Madame [S] [E] ne justifiait pas, au vu des attestations et messages électroniques ou téléphoniques produits d’une corrélation suffisante entre ses fonctions au sein de la société et la classification de cadre revendiquée.

En conséquence, sa demande à ce titre sera rejetée.

Le jugement sera confirmé.

Sur l’indemnisation du licenciement nul :

En application de l’article L 1235-3-1 du code du travail, Madame [S] [E] ne demandant pas sa réintégration dans l’entreprise, elle est en droit d’obtenir une indemnité qui ne peut être inférieure à 6 mois de salaire.

Compte tenu notamment du montant de la rémunération de Madame [S] [E], de son âge, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement sur sa santé, la cour retient que l’indemnité à même de réparer son préjudice doit être évaluée à la somme de 15 000 euros.

Le jugement sera infirmé.

L’article L.1235-4 du code du travail dispose que « Dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé.

Ce remboursement est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées. ».

Le licenciement de Madame [S] [E] ayant été jugé sans cause réelle et sérieuse, il y a lieu à l’application de l’article L.1235-4 du Code du travail .

En conséquence, la cour ordonne le remboursement par la société aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées à Madame [S] [E], du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage.

Sur la prime d’objectifs :

L’article 4 du contrat de travail dispose que : ‘le salarié accepte de satisfaire à des objectifs de résultats, qui feront l’objet de mesures et contrôles. Il est prévu qu’à compter du 1er janvier 2018, Madame [S] [E] aura des objectifs de résultats (tels que définies en annexe et tel que défini chaque trimestre). L’accomplissement des objectifs de résultats généreront le versement d’une prime. Celle-ci sera versée le mois suivant le trimestre civil. Le versement de cette prime sera conditionné à la présence du salarié au moment du paiement. Selon le degré d’accomplissement de ces objectifs, la prime sera calculée au prorata correspondant, sur la base d’un montant annuel de 15’000 euros.’

Le conseil de prud’hommes a parfaitement jugé que la société ne justifiant pas d’objectifs clairement établis, elle était tenue au paiement de la prime d’objectifs prévue au contrat.

La prime d’objectifs étant évaluée trimestriellement à partir du 1er janvier 2018, sur la base d’un montant annuel de 15’000 euros, il s’ensuit que le montant de la prime d’objectifs trimestrielle de Madame [S] [E] était de 3750 euros.

S’agissant des deux premiers trimestres de l’année 2018, la société devait à Madame [S] [E] deux fois la somme de 3750 euros.

Du 1er juillet au 30 septembre 2018, Madame [S] [E] était en activité pendant 75 jours, la société lui devait donc la somme de 2812,50 euros.

La société ayant déjà versé au titre des primes d’objectifs des deux premiers trimestres la somme totale de 1267 euros, elle devait encore à Madame [S] [E] la somme de 9045,50 euros.

Madame [S] [E] indique avoir reçu entre le jugement de première instance et celui en cause d’appel la somme de 7715,59 euros.

En conséquence, la société sera condamnée à lui payer la somme de 1329,91 euros, comme solde des primes d’objectifs trimestrielles de l’année 2018.

Le jugement sera infirmé.

Sur le manquement à l’obligation de sécurité :

L’obligation de sécurité de l’employeur résulte de l’article L 4121-1 du code du travail qui dispose que l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Madame [S] [E] reproche à son employeur de ne pas avoir tenu compte des difficultés de type harcèlement sexuel et moral qu’elle a dénoncé dans son courrier du 4 octobre 2018.

Pour autant, entre cette date et la rupture du contrat de travail le 14 novembre 2018, le contrat de travail de Madame [S] [E] était suspendu, de sorte qu’il n’est pas possible d’apprécier si la société a manqué à son obligation de prévention entre ces deux dates.

La demande d’indemnité de Madame [S] [E] à ce titre sera rejetée.

Le jugement sera confirmé.

Sur l’exécution déloyale du contrat de travail :

Aux termes de l’article L 1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.

Madame [S] [E] retient différents manquements de son employeur à son égard :

– les nouveaux locaux à Euratechnologies étaient insupportables en été et n’étaient pas ventilés, l’employeur n’a pas cherché à apporter la moindre solution dépit de ses demandes,

– la société ne lui a pas versé sa prime d’objectifs,

– ses bonus ne lui étaient pas versés à temps,

– la société n’a pas respecté les horaires de travail prévus au contrat,

– elle effectuait des missions ne correspondant pas son poste de travail,

– elle a dû faire face à du dénigrement, à l’immixtion dans sa vie privée, à des remarques injustifiées et à des pressions incessantes.

Bien que la demande de Madame [S] [E] ne soit pas formulée à titre subsidiaire, la cour relève que l’ensemble des faits évoqués au soutien d’une indemnisation de l’exécution déloyale du contrat de travail ont déjà été analysés et indemnisés.

Ne justifiant pas d’un préjudice distinct, elle sera déboutée de sa demande en dommages-intérêts à ce titre.

Le jugement sera confirmé.

Sur les documents de fin de contrat rectifiés :

Il convient d’ordonner la remise d’un bulletin de salaire rectificatif, ainsi que d’un certificat de travail et d’une attestation destinée à Pôle emploi, conformes aux dispositions du présent arrêt, sans que le prononcé d’une astreinte apparaisse nécessaire.

Le jugement sera infirmé.

Sur les dépens et l’indemnité pour frais de procédure :

En application de l’article 696 du code de procédure civile, la société, partie perdante, sera condamnée aux dépens de la procédure de première instance et d’appel.

Le jugement sera infirmé sur les dépens, ainsi que sur l’indemnité de procédure qui en découle.

Compte tenu des éléments soumis aux débats, il est équitable de condamner la société à payer à Madame [S] [E] la somme de 2500 euros, en application de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement déféré, excepté en ce qu’il a :

– jugé que Madame [S] [E] avait subi un harcèlement moral et sexuel,

– jugé que son licenciement était nul,

– rejeté la demande de requalification du poste de Madame [S] [E] et de rappel de salaire,

– rejeté la demande au titre du manquement à l’obligation de sécurité de l’employeur,

– rejeté la demande au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail par l’employeur

-condamné la société GO TOUCH VR à payer à Madame [E] la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles,

Confirme le jugement de ces chefs,

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant :

Condamne société à payer à Madame [S] [E] les sommes suivantes :

– 15.000 euros, en réparation des préjudices résultant du harcèlement sexuel et moral subi, en ce compris la charge financière de psychothérapies non prises en charge par la sécurité sociale

– 15 000 euros, à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul

– 1329,91 euros, comme solde des primes d’objectifs trimestriels de l’année 2018 dues à hauteur de 9045,50 euros.

Ordonne la remise d’un bulletin de salaire rectificatif, ainsi que d’un certificat de travail et d’une attestation destinée à Pôle emploi, conformes aux dispositions du présent arrêt, dans un délai de 30 jours à compter de sa notification,

Déboute la société de sa demande reconventionnelle ;

Ordonne le remboursement par la société aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées à Madame [S] [E], du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage,

Rappelle qu’une copie du présent arrêt est adressée par le greffe à Pôle emploi,

Condamne la société aux dépens de première instance et d’appel,

Condamne la société à payer à Madame [S] [E] la somme de 2500 euros, au titre de l’indemnité pour frais de procédure.

LE GREFFIER

Serge LAWECKI

LE PRESIDENT

Olivier BECUWE

 


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