Convention collective SYNTEC : 5 avril 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/06368

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Convention collective SYNTEC : 5 avril 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/06368

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 9

ARRÊT DU 5 AVRIL 2023

(n° , 11 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/06368 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEB7H

Décision déférée à la Cour : Jugement du 3 Décembre 2020 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – Section Encadrement chambre 2 – RG n° F19/06725

APPELANT

Monsieur [Z] [X]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Virginie RIBEIRO, avocat au barreau de PARIS, toque : E1066

INTIMÉE

SAS [K]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Marine HAMON, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Stéphane MEYER, président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

M. Stéphane MEYER, président de chambre

M. Fabrice MORILLO, conseiller

Mme Nelly CHRETIENNOT, conseillère

Greffier : Mme Pauline BOULIN, lors des débats

ARRÊT :

– contradictoire

– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

– signé par Monsieur Stéphane MEYER, président et par Madame Pauline BOULIN, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Monsieur [Z] [X] a été engagé par la société [K], pour un stage de 6 mois à compter du 29 avril 2017. La relation de travail s’est ensuite poursuivie en contrat à durée déterminée, puis indéterminée. Il exerçait en dernier lieu les fonctions de responsable SAV, avec le statut de cadre.

La relation de travail est régie par la convention collective « Syntec ».

Monsieur [X] a fait l’objet d’arrêts de travail à compter du 15 février 2019.

Par lettre du 2 mai 2019, Monsieur [X] était convoqué pour le 16 mai à un entretien préalable à son licenciement, lequel lui a été notifié le 31 mai suivant pour absences prolongées perturbant le fonctionnement de l’entreprise et nécessitant son remplacement.

Le 23 juillet 2019, Monsieur [X] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris et formé des demandes afférentes à un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi qu’à l’exécution de son contrat de travail.

Par jugement du 3 décembre 2020, le conseil de prud’hommes de Paris a débouté Monsieur [X] de ses demandes et l’a condamné aux dépens.

Monsieur [X] a régulièrement interjeté appel de ce jugement par déclaration du 13 juillet 2021, en visant expressément les dispositions critiquées.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 27 janvier 2023, Monsieur [X] demande l’infirmation du jugement, sauf en ce qu’il a rejeté la demande d’indemnité pour frais de procédure formée par la société [K], ainsi que la condamnation de cette dernière à lui payer les sommes suivantes :

– indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 27 406 € et à titre subsidiaire, 16 302 € ;

– dommages et intérêts pour violation des obligations de loyauté et de sécurité : 45 677 € ;

– dommages et intérêts pour absence de visite médicale : 4 568 € ;

– rappel de salaires pour heures supplémentaires : 48 700 € ;

– indemnité de congés payés afférente : 4 870 € ;

– rappel de salaire pour repos compensateur : 30 444,67 € ;

– indemnité de congés payés afférente : 3.044,46 ;

– rappel de salaire pour dimanches et jours fériés : 9 653,40 € ;

– indemnité de congés payés afférente : 965,34 € ;

– rappel de salaire pour indétermination de la partie variable du salaire : 6 500 € ;

– qu’il soit fait sommation à la société [K] de lui communiquer le montant de la masse globale des indemnités de congés payés réellement versée et constatée au 31 mai 2018 et au 31 mai 2019 et de la condamner à lui verser les primes de vacances dues correspondant à 10% de la masse globale brute des indemnités de congés payés afférentes à cette période ; – indemnité pour travail dissimulé : 27 406 € ;

– dommages et intérêts pour violation des normes encadrant la conclusion et l’exécution des conventions de forfait : 18 631 € ;

– indemnité pour frais de procédure en première instance : 3 000 € ;

– indemnité pour frais de procédure en appel : 3 000 € ;

– les intérêts au taux légal ;

– Monsieur [X] demande également que soit ordonnée la remise de bulletins de salaire, ainsi que d’un reçu pour solde de tout compte et d’une attestation destinée à Pôle Emploi, conformes, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document.

Au soutien de ses demandes, Monsieur [X] expose que :

– son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse car, d’une part, ses absences ne perturbaient pas le fonctionnement de l’entreprise et d’autre part étaient uniquement dues à un manquement de la part de la société à son obligation de sécurité ; la motivation du jugement déféré est erronée ;

– l’indemnisation de son licenciement, telle qu’elle résulte du barème applicable, n’est pas de nature à assurer une réparation adéquate de son préjudice, dont il justifie, et est contraire à l ‘article 10 de la Convention n° 158 de l’OIT, ainsi qu’à l’article 24 de la Charte sociale européenne du 3 mai 1996 ;

– l’employeur a violé son obligation de loyauté et a dégradé ses conditions de travail par une surcharge importante de travail, malgré ses alertes, conduisant à une détérioration de son état de santé, alors qu’il n’a pas bénéficié de visite médicale ;

– la convention de forfait à laquelle il était soumis est dépourvue d’effet car les entretiens individuels professionnels ne concernaient pas la charge de travail et l’exécution de cette convention ; aucun suivi sérieux de son temps de travail et de sa charge de travail n’a été effectué ;

– il a effectué des heures supplémentaires qui n’ont pas été rémunérées et a dépassé le contingent annuel ; il a également travaillé pendant les dimanches et jours fériés ;

– la prime d’objectif convenue n’a pas été réglée alors que ses objectifs n’ont pas été fixés ;

– il n’a pas perçu les primes de vacances dues en application de la convention collective applicable ;

– l’entreprise s’est rendue coupable de travail dissimulé.

Par ordonnance du 31 mai 2022, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions d’intimée de la société [K], notifiées le 17 mars 2022, ainsi que les pièces à leur soutien et toutes conclusions ultérieures.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 7 février 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère aux dernières conclusions de Monsieur [X], visées par le greffier et développées lors de l’audience des débats, ainsi qu’au jugement.

* * *

MOTIFS

Il résulte des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, que la partie qui ne conclut pas est réputée s’approprier les motifs du jugement.

Sur la demande de rappel de salaires pour heures supplémentaires

L’article L.3121-63 du code du travail permet la conclusion de conventions de forfait, à condition que ces conventions soient prévues par un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche

Aux termes de l’article L. 3121-64 du même code, cet accord doit, notamment, déterminer les modalités selon lesquelles l’employeur assure l’évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié et les modalités selon lesquelles l’employeur et le salarié communiquent périodiquement sur la charge de travail de ce dernier, sur l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sur sa rémunération ainsi que sur l’organisation du travail dans l’entreprise.

L’article 4-8-1 de l’avenant du 1er avril 2014 à l’accord du 22 juin 1999 annexé à la convention collective « Syntec » et relatif à la durée du travail, prévoit qu’en cas de convention de forfait annuel en jours, l’employeur doit veiller à mettre en place un outil de suivi pour assurer le respect des temps de repos quotidien et hebdomadaire du salarié.

L’article 4.8.3 du même avenant prévoit qu’afin de se conformer aux dispositions légales et de veiller à la santé et à la sécurité des salariés, l’employeur convoque au minimum deux fois par an le salarié, ainsi qu’en cas de difficulté inhabituelle, à un entretien individuel spécifique, qu’au cours de ces entretiens seront évoquées la charge individuelle de travail du salarié, l’organisation du travail dans l’entreprise, l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie privée et, enfin, la rémunération du salarié, que, lors de ces entretiens, le salarié et son employeur font le bilan sur les modalités d’organisation du travail du salarié, la durée des trajets professionnels, sa charge individuelle de travail, l’amplitude des journées de travail, l’état des jours non travaillés pris et non pris à la date des entretiens et l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle.

En l’espèce, l’avenant au contrat de travail de travail de Monsieur [X], daté du 2 janvier 2018 et à effet rétroactif au 1er septembre 2017, stipulait une convention de forfait en jours.

Le conseil de prud’hommes a estimé applicable cette convention de forfait, aux motifs, d’une part que Monsieur [X] avait bénéficié de « très nombreux entretiens et communiqué avec sa hiérarchie de façon continue sur sa charge de travail » et d’autre part, que la Direction avait « dû prendre des mesures pour qu’il daigne respecter ses temps de repos ».

Cependant, s’il résulte des pièces produites par Monsieur [X] qu’en juin 2018, la Direction de l’entreprise a adressé à Monsieur [X] une fiche à remplir en vue d’un entretien relatif à l’évaluation de ses performances, puis qu’à compter de janvier 2019, elle a demandé à ses salariés de remplir un document relatif au suivi de leur temps de travail, aucun élément ne permet pour autant d’établir qu’elle aurait respecté les dispositions conventionnelles susvisées et notamment qu’elle aurait convié le salarié, au moins deux fois par an, à des entretiens individuels dédiés.

La clause de forfait est donc dépourvue d’effet, contrairement à ce qu’a estimé le conseil de prud’hommes.

Aux termes de l’article L. 3243-3 du code du travail, l’acceptation sans protestation ni réserve d’un bulletin de paie par le travailleur ne peut valoir de sa part renonciation au paiement de tout ou partie du salaire et des indemnités ou accessoires de salaire qui lui sont dus en application de la loi, du règlement, d’une convention ou d’un accord collectif de travail ou d’un contrat.

Aux termes de l’article L. 3171-4 du même code, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Il appartient donc au salarié de présenter, au préalable, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies, afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement, en produisant ses propres éléments.

Il résulte des dispositions des articles 3, 5 et 6 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, lus à la lumière de l’article 31, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ainsi que de l’article 4, paragraphe 1, de l’article 11, paragraphe 3, et de l’article 16, paragraphe 3, de la directive 89/391/CEE du Conseil, du 12 juin 1989, qu’il incombe à l’employeur, l’obligation de mettre en place un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque travailleur.

En l’espèce, au soutien de sa demande de rappel de salaires pour heures supplémentaires, Monsieur [X] mentionne aux termes de ses conclusions, un décompte quotidien des heures de travail qu’il soutient avoir réalisées et mentionnant le nombre de courriels envoyés chaque jour.

Il produit également de nombreux courriels mentionnant des heures d’envoi et de réception tardives, un tirage issue du logiciel interne « ZenDesk » mentionnant les horaires allégués, ainsi qu’une attestation de Madame [W], ancienne collègue, qui déclare avoir travaillé très régulièrement avec lui jusqu’à plus de minuit, voire deux heures du matin, qu’il était la seule personne capable d’assurer son poste et devait travailler sur deux continents, soit deux fuseaux horaires : les Etats-Unis et l’Europe, et faisait des horaires journaliers extrêmement longs.

Il produit également un extrait du blog de l’entreprise ainsi rédigé : « La réactivité est essentielle pour nous, tout comme l’humain. Chez [K], la relation client s’organise en horaires décalés. Notre chère équipe se repose entre minuit et 9h du matin. Le reste du temps, elle s’active à répondre le plus rapidement possible à nos clients ! »

Ces éléments sont suffisamment précis afin de permettre à l’employeur d’y répondre utilement, contrairement à ce qu’a estimé le conseil de prud’hommes.

Or, il ne résulte d’aucun élément du dossier que la société [K] ait produit des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Par ailleurs, le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l’accord de l’employeur, soit s’il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées.

En l’espèce, le conseil de prud’hommes a estimé que la société [K] n’avait jamais sollicité Monsieur [X] pour qu’il effectuât des heures supplémentaires.

Cependant, Monsieur [X] produit plusieurs sms et courriels, dont certains envoyés ou reçus à des heures tardives, établissent de façon incontestable que la présidente de la société, Madame [H], connaissait parfaitement sa charge de travail et contrairement à ce qu’a estimé le conseil de prud’hommes, aucun élément ne permet de retenir qu’elle s’y serait opposée.

C’est ainsi que, par courriel du 9 janvier 2018, Monsieur [X] écrivait :

« [ ‘] Une dernière petite chose avant que j’oublie.. je commence à fatiguer. Je le ressens pas toujours mais bon. Je travaille beaucoup depuis Mai 2017 et avec l’école c’était pas super simple.. Et c’est surtout le fait de travailler 7 jours sur 7 je pense ça fait des semaines très longues.. c’est pour ça que je t’avais demandé si il y avait les congés pour les 4 mois de stage que j’ai effectué avant le contrat! J’essaie de faire une liste des objectifs mais j’ai déjà listé les difficultés rencontrées et les besoins que j’ai! Voilà ! »

Le 25 mars 2018, il écrivait qu’il « pétait un câble » à cause de sa charge de travail, à Madame [H], laquelle lui répondait « ok je vais réfléchir pour que tu puisses prendre 1 semaine voir 15 j ».

Le 22 décembre 2018, elle lui écrivait : « merci [Z], tu peux grave dire que [K] te met la pression ».

Il résulte de ces courriels que la Direction de l’entreprise, tout en incitant Monsieur [X] à moins travailler sous forme de pétitions de principe tenus en termes amicaux, continuait néanmoins à lui fournir du travail et ne prenait en réalité aucune mesure concrète pour alléger sa charge de travail et ses horaires.

Contrairement à ce qu’a estimé le conseil de prud’hommes, Monsieur [X] est donc fondé à obtenir paiement des heures supplémentaires réalisées.

La convention de forfait n’étant pas applicable, le décompte et le paiement de ces heures doit s’effectuer selon le droit commun, au regard de la durée légale de 35 heures hebdomadaires.

Monsieur [X] produit un tableau de calcul relatif à la période du 1er décembre 2017 au 30 juin 2018, faisant apparaître un total de 1 284 heures supplémentaires.

Toutefois, au vu des pièces produites, la cour estime à 643 le nombre total des heures supplémentaires effectuées par Monsieur [X], ce qui correspond, en corrigeant ses calculs, à un rappel de salaire de 23 621 euros, outre 2 362,10 euros d’indemnité de congés payés afférente.

Dans cette mesure, il convient donc d’infirmer le jugement en ce qu’il a débouté Monsieur [X] de ces demandes.

Sur la demande relative au repos compensateur

Aux termes de l’article L.3121-30 du code du travail, en plus des majorations prévues en contrepartie des heures supplémentaires, les salariés ont droit à une contrepartie obligatoire en repos pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel.

Aux termes de l’article L.3121-30 du même code, cette contrepartie est égale à 100% des heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent pour les entreprises de plus de 20 salariés.

L’article 33 de la Convention collective « Syntec » fixe le contingent annuel à 130 heures.

Le salarié qui n’a pas été en mesure, du fait de son employeur, de formuler une demande de repos compensateur, a droit à l’indemnisation du préjudice subi, laquelle comporte le montant d’une indemnité calculée comme si le salarié avait pris son repos auquel s’ajoute le montant de l’indemnité de congés payés afférent.

En l’espèce, en 2017, Monsieur [X] n’a pas dépassé le contingent.

En 2018, il a effectué un total de 563 heures supplémentaires et a ainsi dépassé le contingent de 433 heures, sans être informé de son droit à contrepartie obligatoire en repos et sans prendre effectivement ce repos. L’effectif de l’entreprise dépassant 20 salariés, Il est donc fondé à obtenir paiement d’une indemnité de 13 336,40 euros, incluant les congés payés afférents ([433 x 28 €] + 10%).

Sur la demande de dommages et intérêts pour violation des normes encadrant la conclusion et l’exécution des conventions de forfait

Monsieur [X] ne rapportant pas la preuve d’un préjudice causé par l’absence de respect des règles relatives à l’application de la convention de forfait, qui serait distinct des rappels de salaire qui en sont la conséquence, le jugement doit être confirmé en ce qu’il a rejeté cette demande.

Sur la demande de rappel de salaire pour dimanches et jours fériés

L’article 35.3. de la convention collective SYNTEC prévoit une majoration de 100% pour le travail du dimanche et des jours fériés pour les ingénieurs et cadres, indépendamment des majorations dues au titre des heures supplémentaires.

En l’espèce, il résulte des courriels produits et du tableau détaillé, qui n’est utilement contredit par aucun élément du dossier, que Monsieur [X] a accompli 251 heures de travail pendant les dimanches et jours fériés et est donc fondé à obtenir un rappel de salaire correspondant, soit 6 371 euros, outre 637,10 euros d’indemnité de congés payés afférente.

Sur la demande d’indemnité pour travail dissimulé

Il résulte des dispositions des articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail, que le fait, pour l’employeur, de mentionner intentionnellement sur le bulletin de paie du salarié un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli est réputé travail dissimulé et ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité forfaitaire égale à 6 mois de salaires.

En l’espèce, le caractère intentionnel de la dissimulation n’est pas établi, la société [K] ayant pu se méprendre sur l’application de la clause de forfait.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu’il a rejeté cette demande.

Sur la demande de rappel de salaire pour indétermination de la partie variable du salaire

Le contrat de travail de Monsieur [X] stipulait une clause intitulée « rémunération variable » ainsi rédigée :

« Le Salarié pourra, par ailleurs, recevoir une rémunération variable.

Cette rémunération sera :

i partiellement basée sur l’atteinte de certains résultats par la Société ; et

ii partiellement basé sur l’atteinte d’objectifs individuels.

Les conditions et modalités pratiques de cette rémunération variable seront portées à la connaissance du Salarié dans un document séparé, étant précisé que ce document sera remis au Salarié avant le début de la période de référence. »

Contrairement à ce que prétend Monsieur [X], cette clause ne formalise pas un engagement de l’employeur relatif à une rémunération variable mais seulement une éventualité, laissée à la discrétion de ce dernier.

Monsieur [X] n’est donc pas fondé à obtenir paiement d’une rémunération variable sur le seul fondement de cette clause et le jugement doit donc être confirmé en ce qu’il l’en a débouté, bien qu’à la suite d’une motivation inadéquate.

Sur les demandes de production de pièces et de paiement de primes de vacances

Au soutien de cette demande, Monsieur [X] expose que l’article 31 de la convention collective applicable prévoit le paiement d’une prime de vacance d’un montant au moins égal à 10 % de la masse globale des indemnités de congés payés de l’ensemble des salariés de l’entreprise, prime qu’il a fini par percevoir en cours de procédure prud’homale, mais que l’employeur ne produit pas les éléments permettant d’en calculer le montant.

Cependant, il ne formule aucune critique circonstanciée de nature à contester utilement le montant qu’il a perçu.

Le jugement (non motivé sur ce point) doit donc être confirmé en ce qu’il a rejeté ces demandes.

Sur le manquement allégué à l’obligation de loyauté et de sécurité et l’absence de visite médicale

Aux termes de l’article L. 4121-1 du code du travail, l’employeur a l’obligation de protéger la santé physique et mentale de ses salariés et aux termes de l’article L 4121-2, il met en oeuvre ces mesures sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

1° Eviter les risques ;

2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l’état d’évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu’ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.

Ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les textes susvisés.

En l’espèce, il résulte des développements qui précèdent que l’employeur ne justifie pas avoir pris les dispositions nécessaires de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail de Monsieur [X] restaient raisonnables et assuraient une bonne répartition dans le temps du travail et donc à assurer la protection de sa sécurité et de sa santé, alors qu’il justifie l’avoir alerté à de nombreuses reprises sur sa charge de travail très importante

Monsieur [X] a fait l’objet, à compter du 15 février 2019 et jusqu’au 15 février 2022, d’arrêts de travail motivés par un état d’anxiété, d’insomnies et de souffrance au travail et justifie de prescription d’un traitement anxiolytique et anti-dépresseur. Il a été déclaré en situation d’invalidité.

Par ailleurs, il n’a fait l’objet d’aucune visite médicale à son embauche et pendant l’exécution de son contrat de travail.

La société [K] a ainsi manqué à ses obligations relatives à la sécurité du salarié.

C’est donc à tort que le conseil de prud’hommes a débouté Monsieur [X] de ses demandes d’indemnisation aux motifs inopérants, d’une part, qu’il n’avait pas été effectué de déclaration d’accident du travail et d’autre part qu’il n’avait pas sollicité de visites médicales auprès de l’employeur.

Le préjudice total subi par Monsieur [X] doit être évalué à 10 000 euros.

Sur le licenciement

Si, en principe, l’employeur est fondé à licencier un salarié au motif que ses absence répétées ou prolongées perturbent le fonctionnement de l’entreprise et rendent nécessaire son remplacement définitif, tel n’est pas le cas lorsque ces absences sont dues à une détérioration de son état de santé causée par un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.

En l’espèce, il résulte des explications qui précèdent que les arrêts de travail, ayant motivé le licenciement de Monsieur [X], ont pour origine des manquements de l’employeur à son obligation de sécurité.

Le licenciement est donc dépourvu de cause réelle et sérieuse, contrairement à ce qu’a estimé le conseil de prud’hommes, par des motifs dénués de toute objectivité et inopérants.

En ce qui concerne l’indemnisation de sa perte d’emploi, Monsieur [X] conteste l’application des barèmes, tels que prévus par l’article L.1235-3 du code du travail, dans sa rédaction introduite par l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, au motif qu’ils contreviendraient aux dispositions de l’article 10 de la Convention 158 de l’Organisation internationale du travail, ainsi qu’à l’article 24 de la Charte sociale européenne.

Cependant, les dispositions des articles L.1235-3 et L.1235-3-1 du code du travail, qui octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l’ancienneté du salarié et qui prévoient que, dans les cas de licenciements nuls dans certaines hypothèses, le barème ainsi institué n’est pas applicable, permettent raisonnablement l’indemnisation de la perte injustifiée de l’emploi.

Le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l’employeur est également assuré dans la plupart des situations par l’application d’office, par le juge, des dispositions de l’article L.1235-4 du code du travail.

Ces dispositions sont ainsi de nature à permettre le versement d’une indemnité adéquate ou d’une réparation considérée comme appropriée au sens de l’article 10 de la Convention n°158 de l’OIT.

Il en résulte que les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec cette convention.

Par ailleurs, les dispositions de la Charte sociale européenne n’étant pas d’effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers, l’invocation de son article 24 ne peut davantage conduire à écarter l’application des dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail.

Monsieur [X] justifie de deux années d’ancienneté et l’entreprise emploie habituellement plus de 10 salariés.

En dernier lieu, il percevait un salaire mensuel brut de 4 567,72 euros.

En application des dispositions de l’article L.1235-3 du code du travail, il est fondé à obtenir une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse égale à une somme comprise entre 3 et 3,5 mois de salaire, soit entre 13 703,16 euros et 15 987,02 euros.

Au moment de la rupture, Monsieur [X] était âgé de 26 ans et il a fait l’objet d’arrêts de travail jusqu’au 15 février 2022

Au vu de cette situation, et de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle il convient d’évaluer son préjudice à 15 987,02 euros.

Enfin, sur le fondement de l’article L.1235-4 du code du travail, il convient de condamner l’employeur à rembourser les indemnités de chômage dans la limite de trois mois.

Sur les autres demandes

Il convient d’ordonner la remise d’un bulletin de salaire rectificatif, ainsi que d’un reçu pour solde de tout compte et d’une attestation destinée à Pôle emploi, conformes aux dispositions du présent arrêt, sans que le prononcé d’une astreinte apparaisse nécessaire.

Sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, il convient de condamner la société [K] à payer à Monsieur [X] une indemnité destinée à couvrir les frais non compris dans les dépens qu’il a dû engager pour assurer la défense de ses intérêts et qu’il y a lieu de fixer à 4 000 euros.

Il convient de dire, conformément aux dispositions de l’article 1231-7 code civil, que les condamnations à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, que les autres condamnations porteront intérêts au taux légal à compter du 31 juillet 2019, date de convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation, conformément aux dispositions de l’article 1231-6 du même code.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement déféré, sauf en ce qu’il a débouté Monsieur [Z] [X] de ses demandes de rappel de salaire pour indétermination de la partie variable du salaire, de sommation de communiquer, de primes de vacances, d’indemnité pour travail dissimulé, ainsi que de dommages et intérêts pour violation des normes encadrant la conclusion et l’exécution des conventions de forfait ;

Statuant à nouveau sur les points infirmés ;

Condamne la société [K] à payer à Monsieur [Z] [X] les sommes suivantes :

– rappel de salaires pour heures supplémentaires : 23 621 € ;

– indemnité de congés payés afférente : 2 362,10 € ;

– indemnité pour absence de repos compensateur : 13 336,40 € ;

– rappel de salaire pour dimanches et jours fériés : 6 371 € ;

– indemnité de congés payés afférente : 637,10 € ;

– dommages et intérêts pour violation de l’obligation sécurité et pour absence de visites médicales : 10 000 € ;

– indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 15 987,02 € ;

– indemnité pour frais de procédure : 4 000 € ;

Dit que les condamnations au paiement, de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de l’indemnité pour absence de repos compensateur, des dommages et intérêts pour pour violation de sécurité et pour absence de visites médicales et de l’indemnité pour frais de procédure, porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et que les autres condamnations porteront intérêts au taux légal à compter du 31 juillet 2019 ;

Ordonne la remise d’un bulletin de salaire rectificatif, ainsi que d’un reçu pour solde de tout compte et d’une attestation destinée à Pôle emploi, conformes aux dispositions du présent arrêt, dans un délai de 30 jours à compter de sa signification ;

Ordonne le remboursement par la société [K] des indemnités de chômage versées à Monsieur [Z] [X] dans la limite de trois mois d’indemnités ;

Rappelle qu’une copie du présent arrêt est adressée par le greffe à Pôle emploi ;

Déboute Monsieur [Z] [X] du surplus de ses demandes ;

Condamne la société [K] aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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