COUR D’APPEL DE CAYENNE
15 avenue du Général de Gaulle – 97300 CAYENNE
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT N°38
N° RG 21/00275 – N° Portalis 4ZAM-V-B7F-53D
S.A.S. GUYAMAZONE agissant poursuite et diligence de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
C/
[S] [P]
ARRÊT DU 04 NOVEMBRE 2022
Jugement au fond, origine Conseil de Prud’hommes – formation paritaire de CAYENNE, décision attaquée en date du 17 mai 2021, enregistrée sous le n° 19/00146
APPELANT :
S.A.S. GUYAMAZONE agissant poursuite et diligence de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège;
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Maître Muriel PREVOT, avocat postulant au barreau de GUYANE et de Maître Arnaud DOUMENGE, avocat plaidant au barreau de PARIS
INTIME :
Madame [S] [P]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Sonia PALOU, avocat postulant au barreau de GUYANE et de Maître Marc LAMONICA , avocat plaidant au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS:
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 02 septembre 2022 en audience publique et mise en délibéré au 04 novembre 2022, en l’absence d’opposition, devant :
Mme Nathalie RAMAGE, Présidente de chambre
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Mme Nathalie RAMAGE, Présidente de chambre
M. Hervé DE GAILLANDE, Conseiller
M. Laurent SOCHAS, Conseiller
qui en ont délibéré.
GREFFIER :
Mme Fanny MILAN, Greffier, présente lors des débats et du prononcé
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Exposé du litige
Par contrat du 14 janvier 2015 à effet au 14 mars 2015, Mme [S] [P] a été embauchée pour une durée indéterminée en qualité de chargé de mission au sein de la SAS Guyamazone.
Par contrat du 1er mars 2016 la salariée a été employée, toujours pour une durée indéterminée, en qualité de directrice développement et communication.
Par courrier remis en main propre le 12 septembre 2018, Mme [P] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 21 septembre 2018, avant d’être licenciée pour insuffisance professionnelle par courrier recommandé du 4 octobre 2018.
Mme [P] a saisi le conseil de prud’hommes de Cayenne, par requête du 17 septembre 2019, en contestation de son licenciement outre diverses demandes indemnitaires.
Par jugement contradictoire du 17 mai 2021, le conseil a :
-déclaré recevables les demandes additionnelles de Mme [P] relatives à sa classification indiciaire et à la fixation de son salaire de référence ;
-déclaré inopposable et privée d’effet la convention de forfait en jour conclue par Mme [P] et la SAS Guyamazone ;
-s’est déclaré incompétent pour connaître du litige entre les parties concernant le rachat de parts sociales postérieurement au licenciement et a renvoyé la salariée à mieux se pourvoir ;
-dit que l’emploi de Mme [P] relevait de la position conventionnelle 3.2 (convention SYNTEC) pour un coefficient de 210 ;
-fixé le salaire mensuel de référence de Mme [P] à la somme de à 5.347,86 euros bruts ;
-dit que le licenciement de Mme [P] en date du 04 octobre 2018 était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
-condamné la SAS Guyamazone à payer à Mme [P] les sommes suivantes :
*1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour privation des garanties relatives au droit au repos quotidien ;
*21.949,35 euros bruts au titre du paiement des 498 heures supplémentaires effectuées entre octobre 2016 et septembre 2018, outre 2.194,93 euros au titre des congés payés y afférents ;
*16.043,58 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
* 512,50 euros à titre du reliquat sur l’indemnité conventionnelle de licenciement;
* 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
-dit que les condamnations de la décision ayant la nature de créance salariale porteraient intérêts au taux légal à compte du 26 septembre 2019 ;
-dit que les autres condamnations à une indemnité porteraient intérêts au taux légal à compte de la décision ;
-ordonné la capitalisation des intérêts échus pour une année entière ;
-débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
-condamné la SAS Guyamazone aux entiers dépens de l’instance ;
-rappelé que l’exécution provisoire était de droit en application de l’article R. 1454-28 du code du travail pour la remise des documents de fin de contrat et le paiement des sommes (dans la limite de 9 mois de salaire) ;
-dit n’y avoir lieu à exécution provisoire pour le surplus .
Par déclaration reçue le 17 juin 2021, la SAS Guyamazone a interjeté appel de cette décision, limité aux chefs de jugement expressément critiqués.
Invitée par le greffe le 28 juillet 2021 à signifier sa déclaration d’appel à l’intimée, l’appelante a procédé à cette signification le 02 août suivant.
Aux termes de ses premières conclusions du 15 septembre 2021, et dernières du 11 mars 2022, l’appelante demande d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
*déclaré inopposable et privée d’effet la convention de forfait en jours conclue par l’intimée et l’appelante ;
* dit que le licenciement de l’intimée était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
*condamné l’appelante au paiement des sommes suivantes :
‘ 1.000,00 € à titre de dommages-intérêts pour privation des garanties relatives au droit au repos quotidien ;
‘ 21.949,35 € bruts au titre du paiement de 498 heures supplémentaires effectuées entre octobre 2016 et septembre 2018 ;
‘ 2.194,93 € bruts au titre des congés payés y afférents ;
‘ 16.043,58 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
‘ 512,50 € à titre de reliquat d’indemnité conventionnelle de licenciement ;
‘ 5.000,00 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile
*dit que les condamnations ayant la nature de créance salariale porteraient intérêts au taux légal à compter du 26 septembre 2019.
*dit que les autres condamnations à une indemnité porteraient intérêts au taux légal à compter de la décision ;
*ordonné la capitalisation des intérêts échus pour une année entière ;
* condamné l’appelante aux entiers dépens ;
-de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il :
*s’est déclaré incompétent pour connaître du litige entre les parties concernant le rachat des parts sociales postérieurement au licenciement et renvoyé l’intimée à mieux se pourvoir ;
-a débouté l’intimée de ses demandes :
‘ de rappel de salaire ;
‘ de dommages-intérêts pour licenciement brutal et vexatoire ;
‘ de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;
Et statuant à nouveau :
-dire et juger que le licenciement de l’intimée était légitime et bien fondé ;
-dire et juger que l’intimée était éligible au dispositif du forfait annuel en jours ;
-dire et juger que l’appelante a respecté ses obligations concernant la législation sur la durée du travail, le suivi et le contrôle de la charge de travail de l’intimée dans le cadre de ce même dispositif;
-débouter l’intimée de l’ensemble de ses demandes financières, fins et prétentions ;
-la condamner au paiement de la somme de 5.000,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
À titre infiniment subsidiaire, dans l’hypothèse tout à fait impossible où la cour viendrait à confirmer que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse :
-limiter l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse susceptible d’être mise à la charge de l’appelante à un quantum significativement moins important que celui alloué en première instance à l’intimée;
Dans l’hypothèse tout à fait impossible où la cour viendrait à confirmer que la convention de forfait annuel en jours de l’intimée est privée d’effet :
-dire et juger que l’intimée ne rapporte pas la preuve de la réalisation d’heures supplémentaires ;
-débouter l’intimée de sa demande de rappel d’heures supplémentaires et de congés payés y afférents.
Par conclusions du 13 juin 2022, l’intimée demande de :
-constater, dire et juger que le licenciement notifié à l’intimée le 4 octobre 2018 ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse,
-constater, dire et juger que le licenciement revêt un caractère brutal et vexatoire,
-constater, dire et juger que l’appelante a violé les dispositions des articles L.1222-1 du code du travail,
-constater, dire et juger que la convention de forfait jours est privée d’effet,
-constater, dire et juger que l’intimée a subi une différence de traitement injustifiée et non fondée portant sur le montant de sa rémunération mensuelle brute,
-constater, dire et juger que l’intimée est en droit de bénéficier du coefficient hiérarchique 270 (position 3.3) de la Convention Collective SYNTEC,
-constater, dire et juger que l’appelante a violé les dispositions relatives aux garanties des durées maximales quotidiennes et celles relatives aux repos quotidien et hebdomadaire,
-constater, dire et juger que l’intimée a accompli des heures supplémentaires (base 151,67 heures mensuelles) entre le 1er mars 2016 et le 30 septembre 2018 demeurées impayées,
En conséquence,
-confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Cayenne en date du 17 mai 2021 entrepris en ce qu’il a :
* déclaré recevables les demandes additionnelles de Mme [P] relatives à sa reclassification indiciaire et à la fixation de son salaire de référence,
*déclaré inopposable et privée d’effet la convention de forfait en jour conclue par les parties ;
*dit que le licenciement de la salariée en date du 4 octobre 2018 était dépourvu de cause réelle et sérieuse,
*condamné l’employeur à payer à la salariée les sommes suivantes :
‘ 1.000,00 euros à titre de dommages-intérêts pour privation des garanties relatives au droit au repos quotidien ;
‘ 5.000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
*condamné l’appelante à payer à l’intimée :
‘ des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sauf en ce qu’il a limité leur montant à la somme de 16.043,58 euros,
‘ un reliquat d’indemnité conventionnelle de licenciement sauf en ce qu’il a limité son montant à la somme de 512,50 euros,
‘ un rappel de salaire à titre d’heures supplémentaires sauf en ce qu’il a limité son montant à la somme de 21.949,35 euros outre 2.194,93 euros au titre des congés payés afférents ;
-ordonné la capitalisation des intérêts échus pour une année entière,
-condamné l’employeur aux entiers dépens de l’instance.
-infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Cayenne en date du 17 mai 2021 entrepris en ce qu’il a :
*débouté la salariée de sa demande de reclassification conventionnelle en position 3.3 ‘ coefficient 270,
*débouté la salariée de sa demande de rappel de salaire fondée sur l’inégalité salariale outre les congés payés afférents,
*débouté la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement brutal et vexatoire,
*débouté la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
Et statuant à nouveau, de :
-fixer le montant de la rémunération mensuelle brute (salaire mensuel de référence) de l’intimée :
* à titre principal, à 6.875 euros,
* à titre subsidiaire, à 5.516,10 euros,
* à titre infiniment subsidiaire, à 5.347,86 euros ;
-condamner l’appelante au paiement des sommes ci-après énumérées :
‘ dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :
* à titre principal, sur la base d’un salaire mensuel de référence de 6.875€ : 27.500 euros
* à titre subsidiaire, sur la base d’un salaire mensuel de référence de 5.516,10€ : 22.064,40 euros
* à titre infiniment subsidiaire, sur la base d’un salaire mensuel de référence de 5.347,86 € : 21.391,44 euros
‘ dommages-intérêts en raison du caractère brutal et vexatoire du licenciement : 16.000 euros
‘ reliquat d’indemnité conventionnelle de licenciement (à titre principal) : 3.771,10 euros nets
‘ reliquat d’indemnité conventionnelle de licenciement (à titre subsidiaire) : 686,35 euros nets
‘ dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail : 32.000 euros
‘ À titre principal,
* rappel de salaire fondée sur la discrimination salariale : 43.614,06 euros
* congés payés afférents : 4.361,40 euros
‘ À titre subsidiaire,
*rappel de salaire fondée sur le salaire minimum conventionnel : 7.634,66 euros
*congés payés afférents : 763,46 euros
‘ À titre principal,
*rappel de salaire d’heures supplémentaires (base : 6.875€) : 28.208,81 euros
*congés payés afférents : 2.820,88 euros
‘ À titre subsidiaire,
*rappel de salaire d’heures supplémentaires (base : coefficient 270 ‘ position 3.3) 22.515,69 euros
*congés payés afférents : 2.251,56 euros
‘ À titre infiniment subsidiaire,
*confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Cayenne en ce qu’il a condamné la société appelante à payer à l’intimée la somme de 21.949,35 euros à titre de rappel de salaire d’heures supplémentaires, outre 2.194,93 euros à titre de congés payés afférents ;
-condamner l’appelante à payer à l’intimée la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
-condamner l’appelante aux entiers dépens de première instance et d’appel .
La clôture de l’instruction est intervenue le 20 juin 2022.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, qui seront exposés dans les motifs pour les besoins de la discussion, la cour se réfère aux conclusions sus-visées et à la décision déférée, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
Motifs :
1/ Sur la demande de rappel de salaire au titre de l’inégalité de traitement et de la reclassification conventionnelle
Le conseil, à la lecture du contrat de travail de la salariée, de l’avenant du 1er mars 2016, de l’article 2 de la convention collective nationale des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseil du 15 décembre 1987, et de son annexe II, a débouté Mme [P] de cette demande en retenant que :
-si elle occupait un poste de directrice du mois d’octobre 2016 au mois de décembre 2018, elle n’avait pas sous sa responsabilité une équipe importante ou une filière opérationnelle ;
-il ressortait de l’organigramme de la société qu’elle était rattachée fonctionnellement à Mme [V], directrice générale, laquelle avait autorité sur l’ensemble des directeurs du groupe et apparaissait plus fondée à bénéficier de la classification la plus élevée de la grille ;
-si la salariée disposait d’une autorité hiérarchique sur plusieurs agents, elle n’était pas la seule et l’exercice de son travail était limité par les instructions de sa hiérarchie, étant observé qu’elle n’apparaissait pas exercer les plus larges pouvoirs de coordination entre services ;
-son poste de directrice constituait le premier poste de cadre, et elle ne pouvait faire valoir à cet égard une expérience et une expertise importante dans ces fonctions ;
-elle ne justifiait pas d’un diplôme d’ingénieur ou d’école de commerce, et si elle avait un niveau master, l’ancienneté de celui-ci et l’enchaînement d’expériences professionnelles de durées courtes à très courtes ne caractérisait pas une grande valeur technique ou administrative au sens de la classification conventionnelle.
Il a considéré que la salariée relevait ainsi davantage de la classification 3.2 (coefficient 210) figurant dans l’avenant n°43 du 21 mai 2013 annexé à la convention collective SYNTEC.
Le conseil n’a toutefois pas fait droit à la demande de rappel de salaire y afférente après avoir relevé que la rémunération brute mensuelle perçue par la salariée avait toujours été supérieure aux minima conventionnels correspondants.
Il a également écarté toute inégalité de traitement, au visa des articles L 3221-2, L 3221-4, L 3221-3 du code du travail et 1315 du code civil en ce que l’inégalité de traitement, avérée, entre M. [C] et la salariée était objectivement justifiée par l’expérience professionnelle du premier en matière de direction commerciale d’un groupe, largement supérieure à celle de la salariée.
L’intimée expose qu’elle supervisait trois services ; que les fonctions de M. [C] étaient identiques aux siennes, et qu’elle dispose d’un MBA.
La cour retient que le conseil a pu valablement juger, pour des motifs qu’elle approuve, que la salariée relevait de la classification 3.2 sus-évoquée d’une part, et que l’ancienneté des deux salariés dans un poste de direction commerciale d’un groupe justifiait objectivement la différence de traitement critiquée d’autre part.
2/ Sur la convention en forfait-jour et la demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires :
2-1/ Sur la convention en forfait-jour :
Le conseil, après avoir rappelé les dispositions des articles 4.4 et 4.7 de l’avenant du 1er avril 2014 à l’accord du 22 juin 1999, a relevé que la convention individuelle de forfait ne faisait pas référence, avec précision, aux dispositions de la convention collective pertinente ; que l’employeur ne faisait état d’aucun décompte des jours travaillés de la salariée ; que l’entretien qu’il invoquait, du 21 mars 2018, avait donné lieu à une synthèse qui n’avait pas été signée par la salariée, et dont il n’était pas plus démontré qu’elle en avait reçu la notification.
Il a jugé que l’employeur ne démontrait pas avoir respecté les dispositions conventionnelles visant à contrôler la charge de travail du cadre, et a sanctionné ce non-respect par l’inopposabilité de la convention de forfait en jours.
L’appelante expose que l’intimée avait été parfaitement informée et avait expressément accepté que son temps de travail fût décompté exclusivement en jours sur l’année ; qu’elle était éligible au dispositif en sa qualité de directrice développement et communication, dotées de responsabilités, au regard de son niveau de rémunération.
Elle soutient qu’elle organisait le suivi et le contrôle de la charge de travail de la salariée à l’occasion de réunions d’équipes au cours desquelles était évoquée la question de cette charge de travail, et de l’entretien annuel professionnel, Mme [P] ayant indiqué au cours de son dernier entretien du 21 mars 2018 qu’elle maîtrisait son temps de travail.
En l’absence de signature du compte rendu d’entretien professionnel dont se prévaut l’employeur, ou de notification de celui-ci, mais aussi de tout élément confirmant la tenue des réunions d’équipes et le fait que la charge de travail des salariés y était abordée, la cour approuve le conseil en ce que, à défaut de tout élément démontrant un contrôle effectif de la dite charge de travail, la convention devait être déclarée inopposable à la salariée.
2-2/ Sur les heures supplémentaires
Le conseil a déduit de l’inopposabilité de la convention sus-évoquée le fait que le contrat de travail de l’intimée était réputé conclu pour une durée de 35 heures hebdomadaires.
Les pièces produites par la salariée : décompte de son temps de travail précisant le nombre d’heures travaillées, tableau recensant les heures supplémentaires, qui n’étaient ni systématiques, ni forfaitaires, les courriels mentionnant une heure d’envoi ont été jugées suffisantes pour étayer la demande de la salariée.
L’employeur ne versant aux débats quant à lui qu’un extrait d’emploi du temps « outlook » qui n’établissait que très imparfaitement la quantité d’heures hebdomadaires travaillées, il a considéré que les 40 heures de travail hebdomadaires en moyenne avancées par la salariée étaient réalistes et effectuées.
Il a fixé la somme due à ce titre, couvrant une période de 23 mois, sur la base d’une majoration de 25 % à défaut de tout élément permettant de retenir un dépassement des heures de travail au-delà de huit heures hebdomadaires, à la somme de 21 949,35€, outre celle de 2 194,93€ au titre des congés payés y afférents.
L’appelante affirme que le décompte fourni par la salariée est erroné. Elle fait grief à celle-ci de ne produire aucun décompte précis permettant de déterminer le temps de travail effectivement réalisé.
Comme l’a exposé le conseil dans son jugement, la preuve du temps de travail n’incombe spécialement à aucune des parties ; il appartient simplement au salarié de présenter des éléments suffisamment précis quant aux heures réalisées et non rémunérées afin de permettre à l’employeur d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
La juridiction de première instance a pu valablement considérer qu’en l’espèce, les éléments fournis par la salariée étaient suffisamment précis, et que les pièces versées aux débats par l’employeur ne permettaient pas de contredire le décompte de Mme [P].
2-3 / Sur la privation des garanties relatives au droit au repos quotidien
Le conseil a partiellement débouté la salariée de la demande formée au titre de cette privation en retenant que si l’irrespect des limitations journalières pouvait être déduite des éléments figurant au dossier, alors que l’employeur ne justifiait pas, au-delà de la production d’un calendrier Outlook rempli partiellement, des temps effectifs de travail, il ne ressortait pas des éléments produits, y compris des courriels envoyés par la salariée au cours des années 2017 et 2018, que le droit au repos hebdomadaire ait été violé.
Les violations alléguées se concentrant sur les années 2017 et 2018, il a évalué la réparation du préjudice subi par l’allocation d’une somme de 1 000€.
L’appelante souligne que Mme [P] n’avait jamais émis la moindre observation et/ ou revendication à ce sujet depuis son embauche ; qu’il ne lui a jamais été imposé de venir travailler un dimanche ou un jour férié ; qu’aucune heure de prise ou de fin de poste n’était prévue.
Elle observe que les mails dont se prévaut l’intimée sont des mails transférés à elle-même à des heures matinales ou tardives, et donc inopérants à démontrer le non-respect des repos quotidiens ou hebdomadaires allégués.
L’intimée affirme n’avoir pu disposer de ses repos quotidiens et hebdomadaires, mais sollicite la confirmation du jugement en ce qu’il lui a été alloué la somme précitée.
Les pièces produites ne permettent pas de retenir une violation du repos hebdomadaire imposé par l’article L 3132-2 du code du travail. Pour le reste, le conseil a correctement évalué la réparation du préjudice subi, étant observé que l’employeur ne peut déduire de l’absence de revendication de la salariée, ou de celle d’horaire de prise et fin de poste, la preuve que le repos quotidien était nécessairement respecté.
3/ Sur le licenciement
3-1/ Sur les griefs faits à la salariée
Au visa de l’article L 1232-1 du code du travail, et à la lecture de la lettre de licenciement, le conseil a procédé à l’analyse des pièces produites par les parties et retenu, pour des motifs développés dans son jugement et auquel il est expressément renvoyé, que seuls certains des griefs mentionnés dans la lettre étaient caractérisés :
-partiellement s’agissant du déploiement de la politique commerciale en ce qu’il pouvait être objectivement reproché à la salariée une insuffisance de prospect et d’animation des relations grands comptes, ainsi que des carences dans l’accompagnement des directeurs des opérations (DOP) ;
-totalement s’agissant de défaillances dans le suivi des dossiers contentieux et du rattachement (supervision) de la société Provhydis.
Le conseil a relevé que l’employeur formulait de façon générale des reproches trop imprécis, ou au contraire extrêmement circonstanciés mais non étayés.
Il a considéré que si la salariée avait pu commettre certains manquements ou erreurs, parfois par manque de pilotage ou d’initiative, ces manquements n’avaient pas excédé ce qui pouvait être attendu des capacités d’un directeur du développement et de la communication de l’expérience de l’intimée, dès lors qu’un employeur ne pouvait exiger d’un salarié, surtout ayant des fonctions d’encadrement supérieur, une infaillibilité au regard de la complexité de l’activité à gérer en l’espèce.
Il a jugé que la circonstance que la salariée n’ait pas été infaillible sur l’ensemble des sujets relevant de sa compétence ne suffisait pas à établir son insuffisance professionnelle.
En l’absence d’autres causes réelles et sérieuses de licenciement, il a retenu que celui-ci était dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Appelante et intimée font valoir les mêmes arguments qu’en première instance, la première pour affirmer que tous les griefs mentionnés dans la lettre de licenciement sont caractérisés, la seconde, pour soutenir qu’aucun ne l’est.
A défaut d’élément nouveau, la cour estime que le conseil a fait une juste analyse des pièces produites, une exacte appréciation de la cause ainsi que des droits des parties et a, par de justes motifs qu’elle approuve, retenu que seuls les griefs repris supra pouvaient être considérés comme justifiés.
L’appréciation des aptitudes professionnelles et de l’adaptation à l’emploi relève du pouvoir patronal, et le conseil ne pouvait y substituer la sienne, motif pris de la faible ancienneté de la salariée, étant relevé, au demeurant, que celle-ci était d’un peu plus de deux ans au moment de son licenciement, période suffisante pour permettre à la salariée de s’adapter à ses fonctions.
Toutefois, l’insuffisance professionnelle ne peut justifier un licenciement que si elle se manifeste dans les répercussions en tant qu’elle perturbe le bon fonctionnement de l’entreprise.
En l’espèce, s’il est déploré, dans certains des mails versés aux débats, le fait que des marchés ait échappé à l’entreprise, celui-ci ne peut être imputé, à la lecture des pièces versées aux débats, aux seules défaillances de la salariée.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a dit le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.
3-2/ Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse :
Au visa de l’article L 1235-3 du code du travail, le conseil, qui a fixé la moyenne des salaires de l’intimée à la somme de 5 347,86€, a relevé que l’employeur ne justifiait pas d’un effectif de moins de 11 salariés, lequel au demeurant ne correspondait pas aux organigrammes produits, et que la salariée avait une ancienneté de trois années.
Au regard de l’âge de la salariée, et de sa place dans la société, il a fixé l’indemnité à la somme correspondant à trois mois de salaire.
L’appelante, à titre subsidiaire, affirme que l’entreprise compte moins de 11 salariés et que l’indemnité à allouer doit être comprise entre 1 et 4 mois de salaire.
Elle demande de la fixer, précisément, à la somme correspondant à un mois de salaire.
L’intimée sollicite l’allocation d’une somme de 27 500 € correspondant selon elle à 4 mois de salaire, qu’elle fixe à 6 875€ compte tenu de la reclassification sollicitée, ou, subsidiairement, de 22064,40€ sur la base d’un salaire de 5516,10€, ou, très subsidiairement, de 21 391,44€ au regard du salaire tel que fixé par le conseil.
Compte tenu du rejet de la demande de reclassification de la salariée et à défaut d’élément nouveau, la cour estime que le conseil a fait une exacte appréciation de la cause ainsi que des droits des parties et a, par de justes motifs qu’elle approuve, considéré que l’allocation d’une indemnité correspondant à trois mois de salaire constituait une réparation adaptée du préjudice subi par l’intimée du fait de son licenciement.
La cour relève par ailleurs que si l’appelante sollicite l’infirmation du jugement du 17 mai 2021 en ce qu’il l’a condamnée à payer un reliquat d’indemnité conventionnelle de licenciement, elle n’expose aucun moyen au soutien de cette demande, sur laquelle la cour n’a donc pas à statuer.
L’intimée quant à elle sollicite la revalorisation de ce reliquat sur la base d’un salaire mensuel calculé après sa reclassification, qui a été rejetée.
3-3/ Sur la demande de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire :
Le conseil a débouté Mme [P] de cette demande aux motifs :
-qu’il ne saurait être fait grief à l’employeur d’avoir voulu avoir recours à un mode de rupture transactionnel, sauf à considérer que celui-ci constituait une pression excessive, ce qui n’était pas soutenu ;
-que le fait d’être remplacée avant que la rupture du contrat de travail n’ait été prononcée n’était pas en soit vexatoire, d’autant que la salariée avait été licenciée le 4 octobre 2018 et le nouveau directeur commercial avait été recruté le 08 octobre 2018 ;
-que le fait que certains collaborateurs aient été informés de la procédure de licenciement et du départ prochain de la salariée, information obtenue sur sollicitation de cette dernière, était, bien qu’indélicat, insuffisant à caractériser une rupture brutale ou vexatoire.
L’intimée reprend les arguments soulevés devant le conseil, et ajoute qu’elle a été priée de quitter son poste sur le champ ; que cette situation a gravement nui à sa réputation et son professionnalisme.
La cour adopte les motifs du conseil, étant observé que l’intimée ne produit aucune pièce corroborant ses allégations quant au fait qu’elle a dû quitter son poste sur-le-champ.
4/ Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution défectueuse du contrat de travail :
Le conseil a également rejeté cette prétention en ce que :
-le préjudice allégué résultant d’une absence de rémunération à la juste valeur de la salariée soit était inexistant, soit avait déjà été indemnisé ;
-le non-respect du repos journalier ou hebdomadaire avait, lui aussi, déjà donné lieu à réparation ;
-le préjudice qu’elle prétendait avoir subi à l’occasion de la vente de ses parts sociales postérieurement à la rupture du contrat de travail ne relevait pas de la compétence de la juridiction prud’homale.
L’intimée fait valoir les mêmes arguments que ceux exposés ci-dessus.
A défaut d’élément nouveau, la cour estime que le conseil a fait une exacte appréciation de la cause ainsi que des droits des parties et a, par de justes motifs qu’elle approuve, débouté Mme [P] de cette demande.
5/ Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Le jugement sera également confirmé en ce qu’il a condamné la société Guyamazone aux dépens et à verser à la salariée, au vu de la nature, de la durée et de la complexité du litige, la somme de 5 000€ au titre des frais irrépétibles.
L’appelante, qui succombe en son recours, supportera la charge des dépens d’appel.
Le sens de la décision et l’équité justifient la condamnation de l’appelante à payer à l’intimée la somme de 5 000€ au titre des frais irrépétibles engagés en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, par arrêt contradictoire, en dernier ressort et mis à disposition par le greffe,
Confirme le jugement du conseil de prud’hommes de Cayenne du 17 mai 2021 en toutes ses dispositions ;
Et y ajoutant,
Condamne la société Guyamazone aux dépens d’appel ;
Condamne la société Guyamazone à payer à Mme [S] [P] la somme de 5 000€ (cinq mille euros) en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles engagés en cause d’appel.
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par la Présidente de chambre et le Greffier.
Le Greffier La Présidente de chambre
Fanny MILAN Nathalie RAMAGE