Convention collective SYNTEC : 4 janvier 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/05701

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Convention collective SYNTEC : 4 janvier 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/05701

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 6

ARRET DU 04 JANVIER 2023

(n° 2023/ , 12 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/05701 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCJKI

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Juin 2020 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LONGJUMEAU – RG n° F 18/00673

APPELANT

Monsieur [P] [G]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Olivier BERNARDY, avocat au barreau de PARIS, toque : R107

INTIMÉE

S.A.S. GRAITEC FRANCE

[Adresse 1],

[Localité 3]

Représentée par Me Marie-Hélène DUJARDIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D2153

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 08 novembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre

Madame Nadège BOSSARD, Conseillère

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Monsieur Stéphane THERME, Conseiller, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats

ARRÊT :

– contradictoire,

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– signé par Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

M. [G] a été embauché par la société Graitec France dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée en date du 27 juin 2014, avec effet au plus tard le 1er octobre suivant, en qualité d’ingénieur d’études, avec pour fonctions : ‘Support technique et formation des clients, démonstrations techniques des produits et services vendus par la société Graitec France et toutes autres attributions qui lui seront confiées’. La rémunération était composée d’un salaire fixe et d’une partie variable.

La société Graitec France a pour activité la commercialisation et la maintenance de logiciels.

Le nombre de salariés de l’entreprise est supérieur à dix.

La convention collective Syntec est applicable.

M. [G] a saisi le conseil de prud’hommes de Longjumeau le 09 juillet 2018 aux fins de demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail, des rappels de salaires et indemnités.

Par courrier recommandé en date du 12 juillet 2018, a notifié à M. [G] son licenciement pour inaptitude totale et définitive, constatée par le médecin du travail sans reclassement possible.

Par jugement du 19 juin 2020, le conseil de prud’hommes a :

– fixé le salaire de M. [G] à 3 443 euros,

– débouté M. [G] du surplus de ses demandes,

– débouté la société Graitec France de sa demande reconventionnelle,

– dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

– laissé les dépens à la charge de M. [G].

M. [G] a formé appel par acte du 27 août 2020.

Par conclusions déposées au greffe et notifiées le 09 mai 2021, auxquelles la cour fait expressément référence, M. [G] demande à la cour de :

Déclarer M. [G] recevable et bien fondé en son appel du jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Longjumeau le 19 juin 2020 et en ses demandes telles figurant au dispositif de ses conclusions d’appel, et débouter la société Graitec France de sa demande de voir déclarer irrecevables ces demandes.

En conséquence :

Confirmer ce jugement en ce qu’il a fixé le salaire mensuel moyen de M. [G] au cours de ses douze mois ayant précédé sa mise en arrêt maladie longue durée, à hauteur de 3 443 euros brut (hors heures supplémentaires dues).

Infirmer ce jugement en ce qu’il :

‘Déboute M. [G] du surplus de ses demandes

Dit n ‘y avoir lieu à faire application de l’article 700 du code de procédure civile

Laisse les dépens à la charge de M. [G]. »

Statuant à nouveau :

Constater que M. [G] est victime depuis le début de l’année 2017 d’une série d’agissements et actions de la part de la société Graitec France qui sont constitutifs à son encontre de harcèlement et qui l’empêchent de pouvoir continuer à développer ses activités pour l’entreprise dans des conditions normales et acceptables.

Constater que M. [G] est même de facto empêché par la société Graitec France de travailler depuis que celle-ci lui a supprimé son véhicule de fonction.

Prononcer de ce fait la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [G] avec effet à la date de l’arrêt à intervenir.

Dire et juger que, compte tenu des agissements et actions constitutifs de harcèlement ci-avant rappelés, cette résiliation judiciaire produit les effets d’un licenciement nul.

Condamner en conséquence la société Graitec France à payer à M. [G] les sommes suivantes :

– 34 430 euros (correspondant à 10 mois du salaire mensuel moyen brut de M. [G]) à titre d’indemnité en application de l’article L. 1235-3-1 du code du travail, ou, à titre subsidiaire, 3 443 x 5 = 17 215 € (correspondant à 5 mois de ce salaire mensuel moyen brut) en application de l’article L. 1235-3 de ce code ;

– 4 360,06 euros à titre d’indemnité de licenciement ;

-10 329 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;

– 1 032 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ;

– 2 250,70 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de congés payés ;

– 553,76 euros brut à titre d’indemnité compensatrice des RTT non utilisés ;

– 265 euros brut à titre de solde de primes restant dû.

Condamner la société Graitec France à payer en outre à M. [G] à raison des agissements et actions constitutifs de harcèlement susvisés :

– 6 566,31 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel financier qu’il a subi de ce fait ;

– 10 329 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral de ce chef.

Dire et juger nulle ou, à défaut, inopposable à M. [G] la clause de son contrat de travail prévoyant que, pour ce qui concerne cette même durée de travail, il serait soumis aux dispositions de l’article 32 de la convention collective syntec et qu’il relèverait de la modalité 2 ‘réalisation de missions’.

Dire et juger par suite que relevait de la durée légale hebdomadaire de travail de 35 heures.

Condamner en conséquence la société Graitec France à lui payer en outre :

– 7 293,66 euros au titre de l’indemnisation de ses heures supplémentaires, pour 2016 ;

– 729,36 euros brut au titre des congés payés sur ces heures supplémentaires ;

– 839,90 euros brut au titre de la contrepartie obligatoire en repos ;

– 83,99 euros au titre des congés payés sur cette contrepartie ;

– 24 304,83 euros au titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé (articles L. 8223-1 et suivants du code du travail).

La condamner au surplus à lui payer une somme d’un montant net de 2 082,47 euros au titre de son complément de salaire pendant ses périodes d’arrêt pour cause de maladie.

Ordonner à la société Graitec France de remettre à M. [G] les bulletins de salaire, attestation Pôle Emploi et certificat de travail, rectifiés, sous astreinte de 200 euros par jour de retard passé un délai de 30 jours suivants la notification du Jugement à intervenir.

Débouter la société Graitec France de son appel incident du jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Longjumeau le 19 juin 2020 en ce qu’il n’a pas fait droit à ses demandes reconventionnelles de condamnation de M. [G] à lui verser des dommages et intérêts et une somme sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et la débouter par suite de ses demandes de condamnation de M. [G] à lui payer 10 000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive, 5 000 euros sur le fondement de cet article, ainsi qu’aux dépens.

La débouter, plus généralement, de toutes ses demandes, fins et conclusions.

Condamner en application dudit article 700 du code de procédure civile la société Graitec France à verser à M. [G] la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles que la présente procédure l’a contraint à engager.

Condamner la société Graitec France aux entiers dépens y compris ceux susceptibles d’être engagés pour poursuivre l’exécution forcée du jugement à intervenir.

Par conclusions déposées au greffe et notifiées le 11 février 2021, auxquelles la cour fait expressément référence, la société Graitec France demande à la cour de :

A titre principal

Déclarer irrecevables les demandes de M. [G] telles que figurant au dispositif de ses conclusions faute de se rattacher à l’acte d’appel n’énumérant pas les chefs de jugement critiqués

Constater l’absence d’effet dévolutif

Déclarer la cour non saisie des demandes de l’appelant,

A titre subsidiaire au fond

Confirmer le jugement rendu le 19 juin 2020 par le conseil de prud’hommes de Longjumeau, en ce qu’il a débouté M. [G] de l’intégralité de ses demandes et l’a condamné aux dépens.

Constater que M. [G] n’a pas été victime de harcèlement moral

Constater que l’employeur n’a manqué à aucune de ses obligations à l’égard du salarié,

En conséquence,

Débouter M. [G] de ses demandes :

– au titre du harcèlement moral

– au titre d’un prétendu préjudice matériel et financier,

– au titre de la résiliation judiciaire de son contrat de travail

– au titre d’un licenciement nul.

Constater que M. [G] ne rapporte pas la preuve des heures supplémentaires qu’il prétend avoir réalisées en 2016,

En conséquence

Débouter M. [G] de ses demandes :

– au titre des heures supplémentaires,

– au titre des congés payés y afférents,

– au titre d’une contrepartie obligatoire en repos

– au titre du travail dissimulé non démontré

– au titre du contingent annuel.

Constater que M. [G] a été intégralement indemnisé au cours de sa période de suspension du contrat de travail,

Débouter M. [G] de cette demande

Débouter M. [G] de toutes ses autres demandes,

Infirmer ledit jugement sur les demandes reconventionnelles de la société relatives à des dommages et intérêts et à l’article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau la société Graitec France sollicite de la cour la :

Condamnation de M. [G] à lui verser les sommes suivantes :

– 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

– 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– entiers dépens et dire que Maître Buret, avocat à la cour, pourra les recouvrer conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 06 septembre 2022.

MOTIFS

Sur la recevabilité des demandes de M. [G]

La société Graitec France fait valoir que les demandes formées par M. [G] sont irrecevables, l’acte d’appel étant dépourvu d’effet dévolutif.

En vertu de l’article 562 du code de procédure civile, l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s’opérant pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.

Seul l’acte d’appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement.

Dans l’acte d’appel M. [G] indique solliciter ‘l’infirmation du jugement du conseil de prud’hommes de Longjumeau en date du 19 juin 2020 en ce qu’il déboute M. [G] du surplus de ses demandes, autres que la fixation du salaire de M. [G], dit n’y avoir lieu à faire application de l’article 700 du code de procédure civile, laisse les dépens à la charge de M. [G].’

M. [G] a ainsi expressément indiqué les chefs du jugement du conseil de prud’hommes qui sont critiqués, notamment celui du débouté du surplus des demandes, de sorte que l’effet dévolutif a opéré pour tous les chefs de jugement concernés.

Les demandes qui avaient fait l’objet d’un rejet par le conseil de prud’hommes sont ainsi recevables.

Sur la résiliation judiciaire

Un salarié peut demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur en cas de manquements de celui-ci à ses obligations. Lorsque les manquements sont établis et sont d’une gravité telle qu’ils empêchent la poursuite du contrat de travail, la résiliation judiciaire est prononcée aux torts de l’employeur et produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Lorsqu’un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement, le juge doit d’abord rechercher si la demande de résiliation du contrat de travail était justifiée. Ce n’est que si le juge estime la demande de résiliation infondée qu’il statuera sur le bien-fondé du licenciement.

M. [G] fait valoir qu’il a subi plusieurs agissements de l’employeur qui se sont inscrits dans une politique manifeste de déstabilisation à son encontre et sont constitutifs d’un harcèlement.

L’article 1152-1 du code du travail dispose que :

‘Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.’

En application de l’article L. 1154-1 du code du travail, alors applicable, il incombe au salarié qui l’invoque de présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement. Dans cette hypothèse, il incombera à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

M. [G] indique en premier lieu que le champ de ses missions et responsabilités a peu à peu fait l’objet de réductions et de restrictions. Il produit un échange de courriers avec son supérieur dans lequel il fait lui-même état de la diminution de ses formations et de la réduction progressive de ses missions et responsabilités, notamment de la perte du statut ‘d’administrateur Microsoft’. Il produit plusieurs mails dont il résulte qu’il intervenait sur la gestion des comptes d’utilisateurs, participait aux commandes de matériel informatique, mais qui ne démontrent pas qu’il était le seul responsable de ces tâches dans l’entreprise, ce qui ne résulte pas par ailleurs des pièces qu’il verse aux débats, notamment de son contrat de travail.

Il ressort des éléments produits qu’il a assuré des formations jusqu’à la date de son arrêt de travail et a exercé les attributions prévues à son contrat. Le fait que d’autres personnes soient intervenues sur le même domaine d’activité n’établit pas que son champ d’activité et ses responsabilités ont été réduits. Ce fait n’est pas établi.

M. [G] expose qu’on lui a confié l’accomplissement de tâches sans aucune utilité ou irréalisables. Il produit un mail dans lequel il répond à une demande qui lui a été faite d’établir une synthèse sur un événement auquel il a participé, ce qui ne démontre pas qu’elle était inutile. Il verse également aux débats un mail en réponse à une demande qui lui a été faite d’accomplir une tâche, sans le message initial, dans lequel il indique ne pas avoir eu de procédures, d’outils ou de licences à sa disposition. Ce seul message n’établit pas qu’il ne disposait pas des outils nécessaires à ses activités. Ce fait n’est pas établi.

M. [G] indique qu’on lui a refusé ses demandes de remboursement de frais. Il justifie que le remboursement de frais de blanchisserie exposés au cours d’une mission de deux semaines lui a été refusé au cours du mois de novembre 2017. Ce fait est établi.

M. [G] explique qu’au mois d’octobre 2017, l’employeur a rétroactivement modifié les commissions qui lui avaient été versées. Il verse aux débats un courrier du président de la société Graitec France du 16 octobre 2017 qui l’informe qu’après régularisation des paiements d’une formation, il est apparu qu’une commission lui avait été versée à tort et qu’un montant de 265 euros allait être régularisé sur les salaires d’octobre à décembre 2017, soit 83,33 euros par mois. Ce fait est établi.

M. [G] indique qu’on lui a demandé de changer de bureau au mois d’octobre 2017, alors qu’il était absent de l’entreprise, pour être isolé de l’équipe. Il produit le mail de son supérieur en date du 12 octobre 2017, qui lui demande de s’installer dans un autre bureau, et trois attestations d’anciens salariés qui déclarent que les personnes qui avaient occupé ce bureau ont ensuite quitté l’entreprise. Ce fait est établi.

M. [G] expose que le véhicule dont il disposait, tant pour le service que pour son usage personnel, lui a été retiré alors même qu’il était en arrêt maladie. Il justifie par deux mails contemporains de son embauche qu’un véhicule a été mis à sa disposition, dont il était prévu qu’il puisse également l’utiliser en dehors des heures de travail. Par mail du 31 octobre 2017, il lui a été demandé de le tenir à disposition pour une restitution. Ce fait est établi.

M. [G] a signalé la dégradation de ses conditions de travail et le comportement de son supérieur par mails des 17 octobre et 13 novembre 2017 ainsi que par courriers des 15 novembre et 22 décembre 2017.

M. [G] a été en arrêt de travail pour maladie à compter du 15 novembre 2017, ce qui résulte des mentions de ses bulletins de paie. Il justifie d’un suivi auprès d’un psychiatre-addictologue à compter du 9 avril 2018, avec prescription d’un traitement anti-dépresseur ; ce professionnel de santé a établi un certificat le 4 juin 2018 qui indique que ‘son état actuel permet d’envisager la reprise d’une activité professionnelle, bien qu’il soit inapte définitivement au poste de travail qu’il occupe actuellement.’ Le médecin du travail a conclu à une inaptitude totale et définitive à son poste le 21 juin 2018, l’état de santé du

salarié faisant obstacle à tout reclassement dans un emploi dans l’entreprise. L’étude de poste, des conditions de travail et l’entretien avec l’employeur ont eu lieu le 6 avril 2018.

Pris dans leur ensemble, les faits établis par M. [G] permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral.

La société Graitec France explique que la politique de remboursement des frais a fait l’objet d’une vigilance dans l’entreprise. Elle justifie que deux mails rappelant les modalités de remboursement de frais professionnels ont été adressés à l’ensemble du personnel les 26 septembre 2016 et 6 février 2017, modalités qui ne prévoient pas le remboursement des frais de blanchisserie exposés par les salariés au cours de leurs déplacements. Il est précisé que toute dépense exceptionnelle non prévue doit faire l’objet d’une autorisation préalable. Le refus de remboursement de la note présentée par M. [G] correspondait ainsi à l’application de la politique de l’entreprise.

Le courrier adressé par l’employeur à M. [G] le 16 octobre 2017 indique que la régularisation des commissions de l’année 2016 est consécutive à un appel d’une société cliente en date du 28 août 2017 à laquelle deux journées de formation lui avaient été facturées mais qui n’avaient pas été effectuées par la société Graitec France alors qu’elles avaient été réglées par l’entreprise cliente. Il s’est avéré que les mêmes documents pour une même prestation avaient été à l’origine d’une deuxième facturation, dont la conséquence a été l’augmentation erronée du résultat de M. [G] et le versement consécutif d’une commission sur cette base. M. [G] n’en a pas contesté le principe dans le courrier adressé au président de la société, mais a indiqué que cette démarche était tardive.

La société Graitec France explique que la décision de changement du bureau a été prise après une réorganisation consécutive au départ de salariés, ce qui était indiqué dans le courriel d’origine qui l’annonçait à M. [G] et lui expliquait qu’il serait à proximité du nouveau salarié engagé comme commercial, afin de favoriser la création du binôme. L’employeur démontre par la production des photographies que M. [G] devait quitter un bureau en open space à plusieurs salariés, au profit d’un bureau qui serait occupé seul, de taille adéquate et disposant de deux fenêtres. L’intimée justifie que deux anciens occupants du bureau ont quitté volontairement l’entreprise, en démissionnant.

Le mail du 31 octobre 2017 demandant à M. [G] la restitution du véhicule indique expressément que sept véhicules de l’entreprise sont concernés, au motif que leurs contrats de location arrivaient à échéance, ce qui est confirmé par les fiches de plusieurs véhicules. L’échange de mails indique qu’il s’agit d’une politique globale de l’entreprise et que des dispositions sont prises pour maintenir la disponibilité d’un véhicule. La date de restitution du véhicule de M. [G] était le 20 novembre 2017, à une date postérieure au début de l’arrêt de travail ininterrompu de M. [G], de sorte que les modalités proposées par l’employeur n’ont pas été mises en oeuvre avant la rupture du contrat de travail.

L’employeur produit les nombreux courriers et mails adressés en réponse à M. [G], dans lesquels les propos du salarié y sont contestés de façon argumentée.

La société Graitec France justifie ainsi que les éléments établis par M. [G] n’étaient pas constitutifs d’un tel harcèlement et que les décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral.

Le harcèlement moral de M. [G] n’est pas constitué.

Les demandes de dommages et intérêts fondées par M. [G] sur le harcèlement moral doivent être rejetées.

Le jugement sera confirmé de ces chefs.

Les manquements imputés à l’employeur par le salarié ne sont pas caractérisés.

M. [G] doit être débouté de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail et des demandes liées à la rupture du contrat de travail.

Les sommes dues au titre de l’indemnité de licenciement, de l’indemnité compensatrice des congés payés acquis et de l’indemnité compensatrice des congés payés ont été versées à M. [G] à l’occasion du reçu pour solde de tout compte.

Le rappel de la prime sollicité, correspondant à la somme retenue par l’employeur après la régularisation de commission, n’était pas dû à M. [G].

M. [G] doit être débouté de ces demandes.

Le jugement sera confirmé de ces chefs.

Sur la clause du temps de travail

L’article 3 du chapitre 2 de la convention collective Syntec ‘réalisation de missions’ dispose que :

‘Ces modalités s’appliquent aux salariés non concernés par les modalités standard ou les réalisations de missions avec autonomie complète. Tous les ingénieurs et cadres sont à priori concernés, à condition que leur rémunération soit au moins égale au plafond de la sécurité sociale. De plus, en fonction de l’activité de l’entreprise, un accord d’entreprise doit préciser les conditions dans lesquelles d’autres catégories de personnel peuvent disposer de ces modalités de gestion.

Compte tenu de la nature des tâches accomplies (responsabilités particulières d’expertise technique ou de gestion qui ne peuvent s’arrêter à heure fixe, utilisation d’outils de haute technologie mis en commun, coordination de travaux effectués par des collaborateurs travaillant aux mêmes tâches…), le personnel concerné, tout en disposant d’une autonomie moindre par rapport aux collaborateurs définis à l’article 3, ne peut suivre strictement un horaire prédéfini. La comptabilisation du temps de travail de ces collaborateurs dans le respect des dispositions légales se fera également en jours, avec un contrôle du temps de travail opéré annuellement (chapitre III).

Les appointements de ces salariés englobent les variations horaires éventuellement accomplies dans une limite dont la valeur est au maximum de 10 % pour un horaire hebdomadaire de 35 heures.

La rémunération mensuelle du salarié n’est pas affectée par ces variations.

Les dépassements significatifs du temps de travail, commandés par l’employeur, au-delà de cette limite, représentant des tranches exceptionnelles d’activité de 3,5 heures, sont enregistrés en suractivité. Le compte de temps disponible peut être utilisé pour enregistrer ces suractivités qui ont vocation à être compensées par des sous-activités (récupérations, intercontrats…) par demi-journée dans le cadre de la gestion annuelle retenue.

Ces salariés ne peuvent travailler plus de 219 jours pour l’entreprise, compte non tenu des éventuels jours d’ancienneté conventionnels. Le compte de temps disponible peut être utilisé pour enregistrer les jours accordés aux salariés concernés par ces modalités. Toutefois, ce chiffre de 219 jours pourra être abaissé par accord d’entreprise ou d’établissement, négocié dans le cadre de l’article L. 132-19 du code du travail.

Le personnel ainsi autorisé à dépasser l’horaire habituel dans la limite de 10 % doit bénéficier d’une rémunération annuelle au moins égale à 115 % du minimum conventionnel de sa catégorie.

L’adoption de ces modalités de gestion du temps de travail ne peut entraîner une baisse du salaire brut de base en vigueur à la date de ce choix.’

Le contrat de travail que : ‘La durée hebdomadaire du travail est soumise aux dispositions de l’article 3 2 de la convention collective [Syntec] dans son paragraphe concernant les cadres.

Le salarié est soumis aux modalités de réalisation de missions et demeure libre d’organiser son travail dans le cadre des directives qui lui seront données par son responsable hiérarchique.

Le dépassement de la durée hebdomadaire ne pouvant ouvrir droit qu’à un congé de récupération.

La mise en place des 35 heures se traduit :

– Par l’acquisition de 10 jours de RTT annuels, calculés du 1er juin au 31 mai, et fixés par moitié par l’employeur et moitié par le salarié.

La réduction du temps de travail a nécessité la détermination de 3 catégories professionnelles. Votre poste relèvera de la modalité 2 (réalisation de missions)’.

M. [G] conteste la validité de cette clause, faisant valoir qu’elle ne précise pas le temps de travail.

Le contrat contient une clause qui prévoyait expressément l’application des modalités de l’article 3 du chapitre 2 de la convention collective. Il résulte de son libellé qu’il est soumis au temps de travail hebdomadaire, dans le cadre du dispositif de la réalisation de missions.

Il n’est pas discuté que la rémunération perçue est au moins égale au montant prévu par la convention collective, ce qui résulte par ailleurs des éléments produits ni que les conditions d’exercice de M. [G] correspondaient aux modalités de réalisation de mission.

Le dispositif est ainsi valable et applicable à M. [G].

Sur les heures supplémentaires

En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux articles L. 3171-2 à L. 3171-4 du code du travail. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence de rappels de salaire, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

M. [G] expose qu’il a régulièrement accompli des heures supplémentaires qui n’ont pas été rémunérées par l’employeur.

Il produit un tableau pour l’année 2016, qui précise les jours, horaires de travail et les heures de pause, ainsi que des justificatifs des déplacements professionnels accomplis en 2016.

Ces éléments permettent à l’employeur de répondre utilement à la demande.

La société Graitec France expose que M. [G] gérait son emploi du temps avec une liberté horaire dont il fait largement usage. Elle ne produit pas d’élément relatif au temps de travail accompli par le salarié, et fait valoir que des jours de RTT ont été pris par le salarié et sont indiqués sur ses bulletins de paie.

Il résulte des éléments produits par l’une et l’autre des parties que M. [G] a accompli des heures supplémentaires au delà du temps de travail compris dans le forfait en heures, pour lesquelles il n’a pas bénéficié de contrepartie.

En appliquant le taux horaire majoré, tel que résultant de la rémunération retenue, la société Graitec France doit être condamnée à lui payer la somme de 1 163,40 euros au titre des heures supplémentaires, outre 116,34 euros au titre des congés payés afférents.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Le volume des heures supplémentaires effectuées n’a pas dépassé le contingent annuel. M. [G] doit être débouté de sa demande à ce titre.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur l’indemnité pour travail dissimulé

Pour caractériser le travail dissimulé prévu par l’article L.8221-5 du code du travail la preuve de l’élément intentionnel de l’employeur doit être rapportée.

Si une condamnation en paiement de rappel d’heures supplémentaires est prononcée, la preuve de l’élément intentionnel de l’employeur n’est pas rapportée.

La demande d’indemnité formée à ce titre par M. [G] doit être rejetée.

Le jugement sera confirmé de chef.

Sur le complément de salaire

M. [G] demande la condamnation de l’employeur à lui verser des sommes au titre de la prise en charge de sa rémunération pendant son arrêt de travail.

L’article 43 de la convention collective prévoit le versement de sommes par l’employeur à un salarié en arrêt de travail pour maladie, pour compléter la perte de salaire. Pendant une durée de trois mois il complète les sommes versées par la sécurité sociale, jusqu’à concurrence de ce que le salarié aurait perçu.

L’article 6 de l’accord relatif à la prévoyance prévoit que l’employeur complète ensuite les versements de la sécurité sociale, jusqu’à 80% du salaire brut.

Les bulletins de paie mentionnent les sommes qui ont été versées à M. [G] pendant la durée de son arrêt de travail.

La société Graitec France produit un tableau récapitulatif des sommes perçues par le salarié, faisant observer qu’elles ont été supérieures au revenu net qu’il aurait dû recevoir.

M. [G] formule des calculs détaillés, mois par mois, mais ne justifie pas des sommes qui ont été versées par la sécurité sociale au titre des indemnités journalières.

Il doit être débouté de sa demande. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la remise des documents

La remise d’un bulletin de paie récapitulatif conforme, d’une attestation destinée à Pôle Emploi rectifiée et d’un certificat de travail sera ordonnée dans le délai d’un mois suivant la signification de la décision. Il n’y a pas lieu à ordonner d’astreinte.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur les dommages et intérêts pour procédure abusive

La société Graitec France n’explique pas pour quel motif la procédure intentée par M. [G] serait abusive. Elle sera déboutée de sa demande.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les dépens et frais irrépétibles

Les parties succombent toutes deux partiellement. Le sort réservé aux demandes justifie que chaque partie supporte la charge des dépens qu’elle a exposés et qu’aucune somme ne soit allouée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

DIT que la déclaration d’appel a opéré son effet dévolutif et que les demandes formées par M [G] sont recevables,

CONFIRME le jugement du conseil de prud’hommes, sauf en ce qu’il a débouté M. [G] de sa demande de rappel d’heures supplémentaires et de congés payés afférents et de remise de documents de fin de contrat,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

CONDAMNE la société Graitec France à payer à M. [G] la somme de 1 163,40 euros au titre des heures supplémentaires, et celle de 116,34 euros au titre des congés payés afférents,

CONDAMNE la société Graitec France à remettre à M. [G] un bulletin de paie récapitulatif, une attestation Pôle Emploi et un certificat de travail conformes au présent arrêt dans le délai d’un mois et dit n’y avoir lieu à astreinte,

LAISSE à chaque partie la charge des dépens par elle exposés,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

 


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