Convention collective SYNTEC : 30 mai 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 20/01926

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Convention collective SYNTEC : 30 mai 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 20/01926

8ème Ch Prud’homale

ARRÊT N°215

N° RG 20/01926 –

N° Portalis DBVL-V-B7E-QSHS

M. [E] [C]

C/

– Me [O] [I] (Liquidation judiciaire de la S.A.S. NOX INGENIERIE)

– S.E.L.A.F.A. MJA (Liquidation judiciaire de la S.A.S. NOX INGENIERIE)

– Association UNEDIC DÉLÉGATION CGEA IDF EST

Infirmation

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Alexandre LE QUÉRÉ

Me Charles PHILIP

Me Marie-Noëlle COLLEU

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 30 MAI 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Rémy LE DONGE L’HENORET, Président de chambre,

Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

Madame Gaëlle DEJOIE, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 02 Mars 2023

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 30 Mai 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur [E] [C]

né le 26 Janvier 1970 à [Localité 8] (69)

demeurant [Adresse 5]

[Localité 9]

Représenté par Me Alexandre LE QUÉRÉ de la SELARL ALEXANDRE LE QUÉRÉ AVOCAT, Avocat au Barreau de RENNES

INTIMÉES :

– Me [O] [I], Mandataire Judiciaire, es qualités de Mandataire liquidateur de la SA NOX INGENIERIE ayant eu son siège social : [Adresse 4] aujourd’hui en liquidation judiciaire

[Adresse 3]

[Localité 7]

– La S.E.L.A.F.A. de Mandataires Judiciaires MJA prise en la personne de Me [D] [Z] ès qualités de Mandataire liquidateur de la SA NOX INGENIERIE ayant eu son siège social : [Adresse 4] aujourd’hui en liquidation judiciaire

[Adresse 2]

[Localité 7]

AYANT Me Charles PHILIP de la SELARL RACINE, Avocat au barreau de NANTES, pour Avocat constitué

L’Association UNEDIC, DÉLÉGATION AGS CGEA ILE DE FRANCE EST prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège  :

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Marie-Noëlle COLLEU, Avocat au Barreau de RENNES,

=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=

M. [E] [C] a été embauché par la Société GIREC, devenue la SAS NOX INGENIERIE, à compter du 2 septembre 2013 dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée en qualité de Chef d’agence, puis à compter du 1er septembre 2015 en qualité de Directeur technique, statut cadre, position 3.2, coefficient 210 de la Convention collective des bureaux d’études techniques, avec application d’une convention de forfait annuel en jours dans la limite de 218 jours.

Le 1er février 2018, par courrier remis en main propre, M. [C] a informé son employeur de sa démission. Son contrat de travail a pris fin le 27 avril 2018 à l’issue de son préavis exécuté.

La SAS NOX INGENIERIE a été placée en redressement judiciaire le 15 novembre 2018 ; la procédure a été convertie en liquidation judiciaire par jugement du 11 juillet 2019.

Le 30 novembre 2018, M. [C] a saisi le Conseil de prud’hommes de Nantes aux fins de :

‘ requalifier la démission intervenue le 1er février 2018 en prise d’acte de la rupture du contrat de travail, en raison des manquements graves de la société, produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

‘ condamner la SAS NOX INGENIERIE et les liquidateurs judiciaires à régler les sommes suivantes :

– 45.350,20 € d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 13.857,01 € d’indemnité conventionnelle de licenciement,

– 4.430 € nets de CSG CRDS de dommages et intérêts pour non respect de la convention de forfait jours et pour dépassement du nombre maximal de jours travaillés,

– 37.868,81 € de rappel de salaires pour les journées travaillées hors forfait,

– 3.786,88€ de congés payés afférents,

– 27.750 € de rappel de salaires pour les primes annuelles contractuelles d’objectifs,

– 2.775 € de congés payés afférents,

– 5.000 € nets de CSG CRDS de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat,

– 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ ordonner l’exécution provisoire,

‘ assortir les condamnations des intérêts au taux légal avec capitalisation,

‘ déclarer le jugement à intervenir opposable à l’association AGS CGEA Ile-de-France Est, ainsi qu’aux organes de la procédure collective.

La cour est saisie d’une appel régulièrement formé par M. [C] le 20 mars 2020 du jugement du 20 février 2020 par lequel le Conseil de prud’hommes de Nantes a :

‘ déclaré irrecevables les demandes en condamnation formées par M. [C] à l’encontre des mandataires liquidateurs de la SAS NOX INGENIERIE et de la société NOX INGENIERIE,

‘ débouté les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ décerné acte à l’association CGEA Ile-de-France Est, ès qualités de représentant de l’AGS, des conditions de son intervention sur le fondement de l’article L621-15 du code de commerce,

‘ déclaré le jugement opposable à l’AGS et au CGEA Ile de France Est, son mandataire, dans les limites de la garantie légale,

‘ condamné M. [C] aux dépens éventuels.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 4 mai 2022, suivant lesquelles M. [C] demande à la cour de :

‘ infirmer le jugement du Conseil de prud’hommes de Nantes du 20 février 2020 en ce qu’il a :

– déclaré irrecevables les demandes en condamnation de M. [C] à l’encontre des mandataires liquidateurs de la SAS NOX INGENIERIE et de la SAS NOX INGENIERIE,

– débouté M. [C] de sa demande au titre des frais irrépétibles,

– condamné M. [C] aux dépens ;

Statuant à nouveau,

‘ requalifier la démission de M. [C] de son poste au sein de la SAS NOX INGENIERIE en date du 1er février 2018 en prise d’acte de la rupture du contrat de travail, en raison des manquements graves de la SAS NOX INGENIERIE produisant les effets d’un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

‘ constater et fixer les créances suivantes au passif de la liquidation judiciaire de la SAS NOX INGENIERIE au profit de M. [C] :

– 13.857,01 € à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

– 45.350,20 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 37.868,81 € à titre de rappel de salaires pour les journées travaillées hors forfait,

– 3.786,88 € au titre des congés payés afférents,

– 4.430 € nets de CSG-CRDS à titre d’indemnisation pour défaut de respect de la convention de forfait-jours et dépassement du nombre maximal de jours travaillés,

– 27.750 € à titre de rappel de salaires pour les primes annuelles contractuelles d’objectifs non réglées,

– 2.775 € au titre des congés payés afférents,

– 5.000 € nets de CSG-CRDS à titre d’indemnisation pour défaut d’exécution loyale du contrat de travail,

– 4.600 € au titre des frais irrépétibles, outre les dépens de l’instance,

‘ assortir les condamnations des intérêts légaux,

‘ déclarer l’arrêt opposable à l’association AGS CGEA Ile de France Est ainsi qu’aux mandataires liquidateurs judiciaires de la SAS NOX INGENIERIE.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 23 juin 2020, suivant lesquelles la SELAFA MJA, prise en la personne Me [Z] et Me [O] [I], ès-qualités de mandataires liquidateurs de la SAS NOX INGENIERIE demandent à la cour de :

‘ dire et juger que la démission de M. [C] est claire et non équivoque,

En conséquence,

‘ débouter M. [C] de ses demandes suivantes :

– 45.350,20 € de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

– 13.857,01 € d’indemnité de licenciement,

A titre subsidiaire,

‘ réévaluer les demandes indemnitaires à de plus justes proportions et l’indemnité conventionnelle de licenciement à la somme de 11.359,33 €,

‘ débouter M. [C] de ses demandes :

– en paiement de rappel de salaires pour les journées travaillées hors forfait à hauteur de 37.868,81 € bruts outre 3.786,88 € bruts au titre des congés payés afférents,

– d’indemnisation pour défaut de respect de la convention de forfait-jours et dépassement du nombre maximal de jours travaillés à hauteur de 4.430 € nets,

– de rappel de primes annuelles d’objectif à hauteur de 27.750 € bruts outre 2.775 € au titre des congés payés afférents,

– d’indemnisation pour exécution déloyale du contrat de travail,

‘ débouter M. [C] de l’ensemble de ses autres demandes,

‘ condamner M. [C] au paiement de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et le condamner aux entiers dépens.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 16 juillet 2020, suivant lesquelles l’association AGS CGEA Ile de France Est demande à la cour de :

‘ confirmer le jugement du Conseil de prud’hommes de Nantes,

‘ débouter M. [C] de l’ensemble de ses demandes,

A titre subsidiaire,

‘ débouter M. [C] de toute demande excessive et injustifiée,

En toute hypothèse,

‘ débouter M. [C] de toutes ses demandes qui seraient dirigées à l’encontre de l’AGS,

‘ décerner acte à l’AGS de ce qu’elle ne consentira d’avance au mandataire judiciaire que dans la mesure où la demande entrera bien dans le cadre des dispositions des articles L.3253-6 et suivants du code du travail,

‘ dire et juger que l’indemnité éventuellement allouée au titre de l’article 700 du code de procédure civile n’a pas la nature de créance salariale,

‘ dire et juger que l’AGS ne pourra être amenée à faire des avances, toutes créances du salarié confondues, que dans la limite des plafonds applicables prévus aux articles L.3253-17 et suivants du code du travail,

‘ condamner aux dépens comme de droit.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 16 février 2023.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, à leurs conclusions régulièrement notifiées.

MOTIVATION DE LA DÉCISION

A titre liminaire

En application des dispositions de l’article L625-3 du code de commerce, les instances en cours devant la juridiction prud’homale à la date du jugement d’ouverture de la procédure collective étant poursuivies en présence des organes de la procédure ou ceux-ci dûment appelés, la demande en paiement d’une créance résultant d’un contrat de travail, antérieure au jugement d’ouverture, est recevable dès lors que la juridiction prud’homale en est saisie avant l’ouverture de la procédure ; après celle-ci, la juridiction doit, après mise en cause des organes de la procédure, statuer sur son bien fondé et le cas échéant, constater l’existence de la créance et en fixer le montant au passif de la procédure collective.

En l’espèce il est constant que la procédure de redressement judiciaire était déjà ouverte, depuis le 15 novembre 2018, lorsque M. [C] a saisi le Conseil de prud’hommes de Nantes, de sorte que sa demande de condamnation en paiement d’une créance antérieure née de l’exécution du contrat de travail, formulée après l’ouverture de la procédure, n’était pas recevable en application des dispositions ci-dessus.

Pour autant, les organes de la procédure étant intervenus régulièrement dans l’instance et les demandes de M. [C] étant désormais formulées en termes de fixation de ses créances au passif de la liquidation judiciaire, il y a lieu d’infirmer le jugement entrepris et de se prononcer sur l’existence et le montant des créances alléguées en vue de leur fixation au passif.

Sur le dépassement du forfait en jours

M. [C] fait valoir qu’en application de la convention SYNTEC et des dispositions du contrat de travail, la durée du travail dans le cadre du forfait est de 218 jours maximum par année civile’; que le recensement de ses jours de travail sur un calendrier, étant donné que son employeur n’effectuait pas ce décompte comme le lui impose pourtant l’article 4.7 de la convention collective, montre qu’il a travaillé respectivement 259, 246 et 238 jours en 2015, 2016 et 2017′; que ces dépassements commandent par conséquent une rémunération des jours travaillés hors forfait’; que les dépassements du nombre de jours maximum de travail autorisé par la convention collective motivent également l’indemnisation du préjudice subi en termes d’atteinte au repos, à la vie privée et familiale, à l’équilibre des temps consacrés à sa vie personnelle et professionnelle.

Les mandataires liquidateurs de la société NOX INGÉNIERIE rétorquent que M. [C] ne produit pas d’éléments suffisants pour étayer ses demandes puisqu’il fournit uniquement des tableaux récapitulatifs qu’il s’est établi lui-même pour les besoins de la cause’; qu’en tout état de cause la demande d’indemnisation de jours de travail effectués au-delà du nombre figurant dans la convention de forfait ne peut donner lieu à un rappel de salaire mais uniquement à l’indemnisation d’un préjudice dont le salarié, en l’espèce, ne rapporte pas la preuve’; qu’à titre subsidiaire les demandes antérieures de plus de trois années à la date de la rupture du contrat sont irrecevables comme prescrites’; que les demandes formées par M. [C] tendent à une double indemnisation, étant observé qu’il ne démontre pas l’existence du préjudice qu’il allègue.

L’AGS-CGEA Ile-de-France Est soutient que lorsqu’un salarié au forfait jours prétend avoir accompli un dépassement du nombre de jours travaillés par rapport au forfait convenu, cette seule circonstance n’emporte ni la nullité de la convention de forfait, ni son absence d’effet’; que la durée du travail du salarié concerné ne peut alors pas être décomptée en heures et que le dépassement du nombre de jours prévus par la convention de forfait n’est pas générateur d’heures supplémentaires’; que le salarié peut seulement prétendre à des dommages et intérêts à condition d’établir l’existence d’un préjudice’; qu’en l’espèce le salarié ne parvient pas à démontrer la réalité des jours travaillés au-delà du forfait jours, ses tableaux étant établis unilatéralement par M. [C] pour les besoins de la cause et corroborés par aucun élément matériel probant’; qu’ils ne permettent pas de caractériser qu’un éventuel dépassement du forfait serait imputable à une demande de l’employeur ou à une charge de travail anormale.

Il résulte de la combinaison de l’article L3121-45, dans sa version applicable et des articles L. 3171-4 et D. 3171-10 du code du travail qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre de jours de travail effectués par le salarié dans le cadre d’une convention de forfait jours, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier des jours effectivement travaillés par le salarié ; qu’au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles ; qu’ainsi la preuve n’incombe spécialement à aucune des parties, et le juge ne peut, pour rejeter une demande de paiement de jours travaillés, se fonder sur l’insuffisance des preuves apportées par le salarié mais doit examiner les éléments de nature à justifier les jours effectivement travaillés par le salarié et que l’employeur est tenu de lui fournir.

Il résulte de ces dispositions qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre de jours de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter à l’appui de sa demande des éléments suffisamment précis quant aux jours dépassant le forfait qu’il prétend avoir accomplis afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle du temps de travail effectué, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments, après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties. Le taux de majoration applicable à la rémunération de ce temps de travail supplémentaire ne peut être inférieur à 10%.

Par contrat de travail signé entre les parties le 1er septembre 2015 (pièce n°1), les dispositions suivantes ont été prévues ‘l’article 4 du chapitre 2 de l’accord du 22 juin 1999 de la convention collective nationale des bureaux d’études techniques définit la catégorie de cadres pour laquelle il prévoit la conclusion de forfait en jours, catégorie à laquelle appartient [M [C]], compte tenu des caractéristiques de son emploi […] la gestion du temps de travail [‘] sera effectuée en nombre de jours, ce nombre étant fixé par l’accord susvisé à 217 par année complète d’activité auquel s’ajoute la journée de solidarité et en tenant compte du nombre maximum de jours de congés défini à l’article L3141-3 du code du travail [‘] portant à 218 le total des jours travaillés annuellement.

Il est expressément convenu que la rémunération versée [‘] est forfaitaire et rémunère l’exercice de la mission qui lui est confiée, dans la limite du nombre de jours fixé par l’accord [‘] Un entretien individuel annuel avec [M. [C]] permettra d’adapter, si nécessaire, le nombre de jours travaillés à la charge de travail. Cet entretien annuel aura également pour objet d’examiner les éventuelles difficultés d’articulation de l’activité professionnelle et de la vie personnelle et familiale ainsi que l’évolution de la rémunération.’»

La convention collective nationale des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils et l’avenant du 1er avril 2014 à l’accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail’prévoient’:

‘Article 4.3

Décompte du temps de travail en jours sur une base annuelle

La comptabilisation du temps de travail du salarié se fait en jours sur une période de référence annuelle, avec un maximum fixé à 218 jours de travail par an, journée de solidarité incluse, pour un salarié présent sur l’année complète et ayant acquis la totalité des droits à congés payés complets, compte non tenu des éventuels jours d’ancienneté conventionnels au titre de l’article 23 de la convention collective et de ceux définis éventuellement par accord d’entreprise ou par usage et des absences exceptionnelles accordées au titre de l’article 29 de la convention collective nationale.’

‘Article 4.4

Rémunération

Le personnel ainsi concerné doit bénéficier d’une rémunération annuelle au moins égale à 120% du minimum conventionnel de sa catégorie sur la base d’un forfait annuel de 218 jours travaillés ou sur la base du forfait défini en entreprise.

Chaque année, l’employeur est tenu de vérifier que la rémunération annuelle versée au salarié est au moins égale à 120 % du minimum conventionnel de son coefficient.

La rémunération mensuelle du salarié est lissée sur la période annuelle de référence quel que soit le nombre de jours travaillés au cours du mois, conformément aux dispositions légales et réglementaires.

L’adoption de cette modalité de gestion du temps de travail ne peut entraîner une baisse du salaire brut en vigueur à la date de ce choix.

Lorsqu’un salarié ayant conclu une convention de forfait en jours perçoit une rémunération manifestement sans rapport avec les sujétions qui lui sont imposées, il peut, nonobstant toute clause contraire, conventionnelle ou contractuelle, saisir le juge judiciaire afin que lui soit allouée une indemnité calculée en fonction du préjudice subi, eu égard notamment au niveau du salaire pratiqué dans l’entreprise et correspondant à sa qualification conformément aux dispositions légales.’

‘Article 4.6

Jours de repos

Afin de ne pas dépasser le plafond convenu (dans la limite de 218 jours de travail sur l’année pour un droit à congés payés complet), ces salariés bénéficient de jours de repos dont le nombre peut varier d’une année à l’autre en fonction notamment des jours chômés. Il sera tenu compte des dispositions légales, réglementaires et conventionnelles se rapportant à tout autre type d’absence.

Le positionnement des jours de repos par journée entière et indivisible du salarié en forfait annuel en jours se fait au choix du salarié, en concertation avec la hiérarchie, dans le respect du bon fonctionnement du service dont il dépend.

En accord avec leur employeur, les salariés peuvent renoncer à des jours de repos moyennant le versement d’une majoration minimum de 20 % de la rémunération jusqu’à 222 jours et de 35 % au-delà. Cette majoration est fixée par avenant au contrat de travail. Ce dispositif de rachat ne pourra avoir pour conséquence de porter le nombre de jours travaillés au-delà de 230 jours.’

M. [C] produit au soutien de sa demande’:

– un agenda complet des années 2015, 2016 et 2017 mentionnant le détail des journées travaillées (pièce n°3), avec le décompte des jours travaillés sur les week-ends, congés, récupérations, jours fériés, arrêt maladie,

– le compte rendu de son entretien de suivi du forfait annuel jours de 2014 (pièce n°4),

– ses bulletins de salaire à partir d’avril 2017 (pièce n°31).

Il produit ainsi des éléments suffisamment précis qui peuvent être discutés par l’employeur. Il importe peu à cet égard que les plannings aient été remplis unilatéralement par M. [C], sans être soumis à son supérieur hiérarchique. En application des règles probatoires rappelées ci-dessus, il n’appartient pas à M. [C] de rapporter la preuve de ses journées supplémentaires accomplies.

Les intimées ne produisent au soutien de leur contestation aucun élément relatif à l’organisation du travail de M. [C], critiquant les éléments avancés par le salarié sans fournir aucun élément de nature à justifier les journées qui, selon elles, auraient réellement été travaillées par M. [C] alors qu’il appartient à l’employeur d’établir les documents nécessaires au décompte de la durée de travail.

Par conséquent, au vu de l’ensemble des éléments ainsi soumis à la cour par chacune des parties, il apparaît que le salarié a bien accompli des journées de travail au-delà du nombre de jours prévus dans la convention de forfait, dans la proportion figurant dans les agendas susvisés sur lesquels n’apparaissent pas d’inexactitudes ni d’imprécisions.

Sans qu’il soit besoin d’une mesure d’instruction, la cour a la conviction au sens du texte précité que M. [C] a effectué, entre juillet 2015 et décembre 2017, soit sur une période non couverte par la prescription triennale prévue à l’article L3245-1 du code du travail, des jours de dépassement des 218 jours de travail pour un total de 89 jours (dont 41 en 2015, 28 en 2016 et 20 en 2017).

Le contrat de travail ne prévoyant rien sur ce point, il y a lieu de faire application des dispositions précitées de la convention collective précitées, plus favorable que celle de l’article L. 3121-45 du code du travail dans sa version applicable, de sorte que la majoration doit être au moins égale à la majoration minimum de 20 % de la rémunération jusqu’à 222 jours et de 35 % au-delà.

La créance de M. [C] au passif de la liquidation de la société NOX INGÉNIERIE sera fixée à la somme, conforme à celle réclamée dont le calcul détaillé est exposé dans les écritures du demandeur en pages 14 et 15, de 37.868,81€, outre 3.786,88€ au titre des congés payés.

Au soutien de la demande de dommages et intérêts qu’il forme par ailleurs, M. [C] indique qu’il est le père d’une jeune enfant, qu’il a été tenu éloigné de sa famille en raison de contraintes professionnelles, que son employeur le retenait sur son lieu de travail en Algérie, l’empêchant d’effectuer régulièrement des retours à son domicile en France à [Localité 9], alors qu’il s’était engagé à organiser le retour de son salarié tous les week-ends et vise au soutien de son argumentation sa pièce n°12, constituée par son courrier électronique du 9 septembre 2015 qui, outre qu’il est antérieur à la quasi-totalité des jours de dépassement du forfait ne fait pas état du nombre de jours travaillés mais porte sur le paiement des salaires et primes mensuelles notamment en lien avec un déplacement à l’étranger.

M. [C], qui chiffre sur la base d’une indemnisation forfaitaire de chaque journée travaillée au-delà du forfait et d’une indemnisation forfaitaire de chaque journée dépassant le maximum conventionnel autorisé, mais ne justifie pas de l’existence d’un préjudice spécifique résultant des dépassements du temps de travail, distinct de celui tenant à l’absence de paiement des jours considérés, alors au demeurant qu’il n’est pas établi qu’il aurait été privé de ses repos compensateurs et jours de récupération.

Il sera donc débouté de ce chef de demande.

Sur la demande au titre des primes annuelles contractuelles d’objectifs

M. [C] fait valoir au soutien de cette demande que lorsque la part variable de la rémunération dépend de la réalisation d’objectifs fixés unilatéralement par l’employeur, cette part doit être intégralement versée au salarié si l’employeur n’a ni précisé les objectifs à réaliser ni fixé des conditions de calcul vérifiables de cette rémunération et si le contrat de travail ne mentionne aucune période de référence.

Il ressort des dispositions du contrat du 1er septembre 2015 (pièce n°1 du salarié) concernant la rémunération'(article 3) qu’outre le salaire mensuel brut (de 5.000 € à l’origine et de 7.000 € au 1er septembre 2016), M. [C] «’percevra une prime annuelle suivant l’atteinte des objectifs fixés en commun accord avec sa Direction en début d’année. Celle-ci pourra aller jusqu’à 1,5 mois de salaire brut’».

Il n’est fourni aucune autre pièce concernant ni la réalité de la fixation des objectifs, ni leur consistance, ni l’assiette de calcul retenue pour la détermination de la part variable de rémunération du salarié, étant observé d’une part que les dispositions du contrat précitées ne fixent pas un minimum mais bien un maximum à cette part variable, étant observé d’autre part que les courriers électroniques produits par M. [C] et les quelques bulletins de salaire susvisés font apparaître que plusieurs primes lui ont été versées (pièces n°7 à 31).

En l’état de ces éléments, il n’est pas établi que des sommes resteraient dues à M. [C] au titre de prime(s) annuelle(s) contractuellement dues et M. [C] doit donc être débouté de ce chef de demande.

Sur la demande au titre d’une exécution déloyale

Par application de l’article L.1222-1 du code du travail, le contrat de travail est présumé exécuté de bonne foi, de sorte que la charge de la preuve de l’exécution de mauvaise foi du contrat incombe à celui qui l’invoque.

M. [C] évoque au soutien de cette demande les «’nombreux manquements’» constitués, outre le non respect du forfait jours et du nombre maximal de journées travaillées par an, le non-respect des temps minimum de repos quotidien et hebdomadaire, ainsi que le défaut de paiement de ses primes d’objectifs.

Outre que ces éléments ne sont pas tous constitués, ainsi qu’il ressort de ce qui précède, force est de constater qu’ils ne sont pas suffisants à caractériser une exécution déloyale de ses obligations par l’employeur, M. [C] ne rapportant aucun autre élément pour justifier qu’il aurait, avant la rupture de son contrat, demandé à son employeur le paiement de jours travaillés hors forfait, l’attribution de jours de repos ou le paiement de sommes qui lui auraient été refusées.

M. [C] sera débouté de ce chef de demande.

Sur la rupture du contrat de travail

M. [C] fait valoir au soutien de cette demande que l’ensemble des éléments évoqués ci-dessus constituent des manquements suffisamment graves de la part de son employeur pour justifier une prise d’acte de sa part de la rupture du contrat’; que sa démission donnée en l’espèce sans réserve, qui revêt a priori tous les aspects d’une démission sans équivoque, a cependant été donnée en raison de circonstances antérieures ou contemporaines qui la rendent équivoque et justifient qu’elle produise les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Les mandataires liquidateurs de la société NOX INGÉNIERIE font valoir que les manquements invoqués par M. [C] ne sont pas suffisamment graves pour justifier la requalification de sa démission, laquelle était dépourvue d’équivoque et manifestement motivée par la circonstance de l’emploi qu’il a occupé dès la fin de son préavis au sein de la société CIA INTERNATIONAL.

L’AGS CGEA soutient que la démission du salarié était claire et non équivoque et que le salarié ne justifie en rien de l’existence de manquements graves de l’employeur de nature à justifier la requalification demandée.

Il est établi que lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l’annulation de sa démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s’il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu’à la date à laquelle elle a été donnée celle-ci était équivoque, l’analyser en une prise d’acte de la rupture qui produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire d’une démission.

Les termes du courrier de M. [C] du 1er février 2018 (pièce n°4 des mandataires liquidateurs) sont les suivants’:

« Madame, Monsieur,

Par la présente, je vous informe de ma décision de démissionner du poste de Directeur Technique que j’occupe au sein de votre société.

Conformément à la convention collective applicable au sein de la société, j’effectuerai mon préavis de trois mois et quitterai la société le vendredi 27 avril 2018.

Je vous prie d’agréer, Madame, Monsieur, l’expression de mes salutations distinguées ».

M. [C], en l’espèce, ne formulait aucune réserve ni n’évoquait aucun des griefs qu’il invoque aujourd’hui au soutien de sa demande de requalification que sont’:

– le travail de multiples dimanches et jours fériés, sans que le droit au repos hebdomadaire soit respecté,

– le travail demandé par l’employeur pendant les jours d’arrêt de travail pour cause de maladie,

– le dépassement du nombre de 218 jours de travail prévu annuellement à la convention de forfait-jour sans accord du salarié,

– le dépassement du nombre maximum de 230 jours de travail annuellement prévu par la convention collective SYNTEC

– le défaut de paiement des primes annuelles contractuelles d’objectifs,

– le défaut d’exécution loyale du contrat de travail par l’employeur en exerçant une pression constante

Outre que plusieurs de ces griefs ont déjà été écartés, force est de constater que’:

– M. [C] ne justifie d’aucune demande de sa part ou revendication dans le cadre des entretiens annuels des années considérées relativement aux difficultés d’organisation de sa vie professionnelle et de l’impact de sa charge de travail sur sa vie personnelle,

– les courriers électroniques qu’il produit font état d’échanges depuis l’année 2015 et ‘jusqu’en avril 2017, soit très anciens pour la plupart et antérieurs de plusieurs mois pour les deniers à son courrier de démission,

– les derniers mois avant l’envoi de son courrier de démission ne sont plus ponctués dans ses agendas (pièce n°3 susvisée) d’aucune journée de dépassement du forfait ou de travail le jours fériés,

– les pièces produites ne montrent pas que la charge de travail de M. [C] aurait «’explosé’» comme il l’indique dans ses écritures (page 3) au fil du temps puisque, après signature du nouveau contrat du 1er septembre 2015 et poursuite d’une organisation au forfait en jours similaire à celle pratiquée depuis 2013, le dépassement de 41 jours en 2015 sur la seule deuxième partie de l’année a été suivi d’un dépassement de 28 jours sur toute l’année 2016 puis de 20 jours sur toute l’année 2017.

Dans ces conditions, M. [C] ne justifie pas d’un différend contemporain de la démission ni de nombreuses réclamations de sa part ni donc de manquements suffisamment graves qui empêchaient la poursuite du contrat de travail, alors qu’il fait état de griefs anciens dont il s’était visiblement accommodé puisqu’ils n’ont pas empêché le salarié de poursuivre la relation contractuelle pendant plusieurs années et au surplus d’indiquer qu’il exécuterait son préavis de trois mois, ces griefs qu’il n’avait pas jusqu’alors manifestement considérés comme un motif de rupture de la relation de travail ne lui apparaissant pas d’une gravité suffisante.

Ces éléments ne sont donc pas de nature à remettre en question le caractère non équivoque’de la démission donnée sans réserve par M. [C] ni à justifier qu’elle soit requalifiée en prise d’acte aux torts de l’employeur.

M. [C] sera donc débouté de ce chef de demande et de toutes les demandes d’indemnisation en découlant.

Sur les frais irrépétibles

Les éléments de la cause et la situation économique respective des parties justifient qu’il soit fait application de l’article 700 du code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant en dernier ressort par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,

INFIRME le jugement du Conseil de Prud’hommes de Nantes,

DÉCLARE recevables les demandes de M. [C],

Statuant à nouveau,

FIXE au passif de la liquidation judiciaire de la SA NOX INGÉNIERIE les créances suivantes de M. [C] :

– 37.868,81 € à titre de rappel de salaires pour les journées travaillées hors forfait,

– 3.786,88 € au titre des congés payés,

RAPPELLE que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation,

CONDAMNE la SELAFA MJA, prise en la personne de Me [Z] et Me [O] [I], ès-qualités de mandataires liquidateurs de la SAS NOX INGÉNIERIE, à payer à M. [C] la somme de 2.500 € au titre des frais irrépétibles non compris dans les dépens,

DÉCLARE la présente décision opposable à la délégation UNEDIC ‘ AGS CGEA de Île-de France EST,

DÉBOUTE M. [C] du surplus de ses demandes,

DÉBOUTE la SELAFA MJA, prise en la personne de Me [Z] et Me [O] [I], ès-qualités de mandataires liquidateurs de la SAS NOX INGÉNIERIE, de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SELAFA MJA, prise en la personne de Me [Z] et Me [O] [I], ès-qualités de mandataires liquidateurs de la SAS NOX INGÉNIERIE, aux entiers dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.

 


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