COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
15e chambre
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
DU 03 NOVEMBRE 2022
N° RG 20/01613
N° Portalis DBV3-V-B7E-T7CE
AFFAIRE :
[K] [S]
C/
S.A.R.L. A B D INTERNATIONAL
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 13 Février 2020 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de Boulogne-Billancourt
N° Section : Encadrement
N° RG : 18/01397
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Sébastien BUSY de la SCP ACG & ASSOCIES
Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE TROIS NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant, initialement fixé au 21 septembre 2022, différé au 22 septembre 2022 puis prorogé au 27 octobre 2022, puis prorogé au 03 novembre 2022, les parties ayant été avisées, dans l’affaire entre :
Monsieur [K] [S]
né le 13 Novembre 1984 à [Localité 6] (34)
de nationalité Française
Chez madame [L] [NV]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentant : Me Sébastien BUSY de la SCP ACG & ASSOCIES, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1830
APPELANT
****************
S.A.R.L. A B D INTERNATIONAL
N° SIRET : 434 316 600
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 – Représentant : Me Jean-Louis DECOCQ de la SELARL XY AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de COMPIEGNE substitué par Me Édouard PRAQUIN, avocat au barreau de LILLE
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 31 mai 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Régine CAPRA, Présidente chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Régine CAPRA, Présidente,
Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,
Madame Perrine ROBERT, Vice-présidente placée,
Greffier lors des débats : Madame Carine DJELLAL,
EXPOSE DU LITIGE
M. [K] [S], qui avait été précédemment salarié de l’entreprise aux termes d’un contrat de travail du 22 janvier 2007 rompu par une convention de rupture conventionnelle le 13 juillet 2011, a été engagé à compter du 5 janvier 2015 par contrat de travail à durée indéterminée, par la société ABD International, exerçant son activité sous le nom commercial d’Atrix International, en qualité de responsable recrutement, position 2.1, coefficient 115, pour 39 heures de travail par semaine, moyennant un salaire mensuel brut fixe de 2 750 euros et une rémunération mensuelle brute variable.
Par avenant du 1er octobre 2015, M. [S] a été classé position 2.3, coefficient 150 et son salaire mensuel brut fixe a été porté à 2 900 euros.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des bureaux d’études techniques, cabinets d’ingénieurs conseils, sociétés de conseil.
M. [S] a sollicité le 18 janvier 2016 une rupture conventionnelle de son contrat de travail.
Il a fait l’objet d’un avertissement en date du 9 février 2016.
Les parties ont signé le 26 février 2016 une convention de rupture conventionnelle mentionnant un délai de rétractation expirant le 12 mars 2016, une date de la rupture du contrat de travail envisagée au 31 mars 2016 et le versement d’une indemnité spécifique de rupture de 1 300 euros.
M. [S] a été en congés payés du 26 février 2016 au 4 mars 2016, en congé sans solde du 7 mars au 16 mars 2016 et en congé maladie du 22 au 31 mars 2016.
La convention de rupture conventionnelle contractuelle a été homologuée par la Direccte.
Contestant la rupture conventionnelle de son contrat de travail et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits, M. [S] a saisi, par requête reçue au greffe le 8 avril 2016, le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt afin d’obtenir le paiement de diverses sommes.
Par ordonnance du 6 octobre 2016, le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes a désigné deux conseillers rapporteurs avec mission ‘d’auditionner les anciens collègues de M. [K] [S] sur les conditions de travail sur la même période, en se réservant la possibilité de ne pas entendre toutes les personnes convoquées si les conseillers rapporteurs disposent de suffisamment d’éléments pour établir le rapport […] et, d’une manière générale de réunir les éléments d’information nécessaires au bureau de jugement pour statuer’. Les conseillers rapporteurs ont déposé leur rapport le 22 septembre 2017.
L’affaire a été radiée par décision du 14 juin 2018, notifiée le 5 juillet 2018, puis réinscrite au rôle sur demande de M. [S] du 19 octobre 2018.
En l’état de ses dernières prétentions, M. [S] a demandé au conseil de prud’hommes de :
– prononcer la nullité de rupture conventionnelle,
– dire que la rupture du contrat de travail doit s’analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– condamner la société ABD International à lui payer :
* 41 304 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 10 326 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral subi et exécution déloyale du contrat de travail,
* 15 489 euros pour indemnité compensatrice de préavis,
* 1 549 euros au titre des congés payés afférents,
* 1 528,06 euros au titre du maintien du salaire durant l’arrêt maladie au mois de mars 2016,
* 3 211 euros à titre de rappel de commissions,
* 3 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonner la délivrance d’un décompte intelligible des commissions comportant les totaux mensuels, sous astreinte,
– ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir,
– dire qu’à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées et en cas d’exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l’huissier instrumentaire en application des dispositions de l’article 10 du décret du 12 décembre 1996, devront être supportées par la société défenderesse en sus de l’indemnité mis à sa charge sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;
– condamner la société ABD International aux entiers dépens.
Par jugement du 13 février 2020, auquel la cour renvoie pour l’exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt a :
– condamné la société ABD International sous enseigne Atrix à payer à M. [S] les sommes suivantes:
* 3 211 euros à titre de rappel de salaire sur les commissions non versées ;
* 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouté M. [S] de l’ensemble de ses autres demandes ;
– dit qu’à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la présente décision et qu’en cas d’exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l’huissier instrumentaire en application des dispositions de l’article 10 du décret du 12 décembre 1996, devront être supportées par la société défenderesse en sus de l’indemnité mis à sa charge sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– prononcé l’exécution provisoire de droit ;
– débouté la défenderesse de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– mis les dépens à la charge de la défenderesse.
M. [S] a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe du 23 juillet 2020.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par Rpva le 26 janvier 2021, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens, M. [S] demande à la cour :
– d’infirmer le jugement entrepris en l’ensemble de ses dispositions et, statuant à nouveau :
– d’annuler la mesure d’instruction des conseillers rapporteurs, les auditions de témoins et le compte rendu de leur enquête pour défaut du respect du contradictoire ;
– de condamner la société ABD International à lui verser les sommes suivantes :
* 12 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral lié au harcèlement moral,
* 12 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice lié à l’absence de toute mesure de prévention des risques professionnels et de prévention du harcèlement moral ;
– de juger nulle la rupture conventionnelle ;
– en conséquence, de condamner la société ABD International à lui verser les sommes suivantes :
* 15 489,00 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
* 1 548,90 euros au titre des congés payés afférents,
* 40 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– en tout état de cause,
– d’annuler l’avertissement du 9 février 2016 ;
– de condamner la société ABD International à lui verser les sommes suivantes :
* 100 euros à titre de dommages-intérêts pour avertissement abusif,
* 490 euros à titre de rappel de prime de vacances,
* 2 400 euros à titre de congés payés sur rémunération variable,
* 1 528,06 euros à titre de rappel de salaire au titre du maintien de salaire pendant l’arrêt maladie du mois de mars 2016,
* 3 911,00 euros à titre de rappel de salaire sur la rémunération variable,
* 391,10 euros au titre des congés payés afférents ;
– de débouter la société ABD International de toutes ses demandes reconventionnelles à hauteur d’appel,
– de condamner la société ABD International à lui verser les sommes de :
* 3 500 euros au titre de l’article 700 pour les frais afférents à la première instance,
* 3 500 euros au titre de l’article 700 pour les frais afférents à hauteur d’appel.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par Rpva le 27 octobre 2020, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens, la société ABD International demande à la cour de :
– réformer le jugement entrepris sauf en ce qu’il a débouté M. [S] de sa demande de nullité de la rupture conventionnelle du 26 février 2016 et de sa demande au titre de la rémunération de mars 2016 et, statuant à nouveau, de :
– débouter M. [S] de sa demande nouvelle en cause d’appel liée à un prétendu harcèlement moral ;
– débouter M. [S] de sa demande nouvelle en cause d’appel liée à un prétendu manquement aux obligations de prévention des risques professionnels ;
– débouter M. [S] de sa demande nouvelle en cause d’appel liée au versement de la prime de vacances ;
– débouter M. [S] de sa demande nouvelle en cause d’appel liée au rappel de congés payés sur la partie variable de la rémunération ;
– condamner M. [S] à lui payer les sommes suivantes :
* 967,50 euros au titre du trop perçu de l’indemnité de non concurrence, versée 2 fois en janvier 2017 ;
* 1 969 euros au titre des commissions trop perçues ;
* 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner M. [S] aux entiers dépens de la présente procédure.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 13 avril 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la nullité de la mesure d’instruction
A défaut pour les conseillers rapporteurs désignés pour exécuter la mesure d’enquête ordonnée par décision du bureau de conciliation et d’orientation du 6 octobre 2016, d’avoir entendu les témoins en présence des parties et de leurs défenseurs ou celles-ci et ceux-ci appelés conformément aux dispositions des articles 208, 209 et 210 du code de procédure civile et d’avoir consigné les dépositions des témoins dans un procès-verbal conforme aux dispositions des articles 2019 et 220 du code de procédure civile régulièrement communiqué aux parties, l’enquête diligentée doit être annulée ainsi que le rapport déposé le 22 septembre 2017 par les deux conseillers rapporteurs.
Sur la recevabilité des demandes nouvelles
Les dispositions de l’article L. 1452-7 du code du travail, résultant du décret n°2008-244 du 7 mars 2008, selon lesquelles les demandes dérivant du même contrat de travail sont recevables même en appel, sont applicables au présent litige, les dispositions de l’article 8 du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 qui abrogent l’article L. 1452-7 du code du travail, n’étant applicables, conformément à l’article 45 du décret, qu’aux instances introduites devant les conseils de prud’hommes à compter du 1er août 2016 et l’instance ayant été en l’espèce introduite devant le conseil de prud’hommes le 8 avril 2016.
Les demandes nouvelles de M. [S] sont donc recevables.
Sur l’avertissement du 9 février 2016
La société ABD International a notifié à M. [S], le 9 février 2016, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, un avertissement rédigé en ces termes :
‘Nous tenions par la présente à vous formuler notre inquiétude relativement à votre attitude qui ne vous permet pas d’exercer correctement vos fonctions de responsable de recrutement.
Vous persistez depuis plusieurs jours à adopter une attitude d’opposition à votre direction, refusant de travailler et d’exécuter normalement les tâches prévues dans votre contrat de travail.
L’attitude que vous affichez dégrade fortement le niveau de prestation du cabinet et n’est absolument pas respectueuse vis-à-vis des collaborateurs que vous encadrez.
Ce comportement est inacceptable, constitue un manquement à vos obligations contractuelles et entrave le bon fonctionnement de l’entreprise ; il a évidemment des répercussions importantes sur la gestion et la motivation de votre équipe et le bon déroulement des missions et des comptes dont vous avez la charge.
Nous vous adressons donc ce premier avertissement.’
M. [S] fait valoir cet avertissement est sans objet dès lors qu’il n’avait plus de travail en propre depuis que l’ensemble de ses dossiers avait été listé et transféré à ses collègues, qu’il n’est pas rapporté la preuve de l’existence d’un règlement intérieur qui lui soit opposable.
M. [S] n’allègue pas que la société ABD International employait habituellement au moins vingt salariés, de sorte que l’établissement d’un règlement intérieur aurait été obligatoire pour elle.
La société ABD International ne produit aucun élément de nature à établir qu’à la date de l’avertissement M. [S] persistait depuis plusieurs jours à adopter une attitude d’opposition vis-à-vis de la direction, refusant de travailler et d’exécuter normalement les tâches prévues dans son contrat de travail.
La lettre d’avertissement, qui fixe les limites du litige, ne fait aucunement référence à la publication par M. [S] d’une offre d’emploi concernant l’entreprise Fayolle et fils. De plus, si la société ABD International, qui verse aux débats un courrier rédigé par ses soins présenté comme ayant été adressé le 8 février 2016 à l’entreprise Fayolle et fils en réponse à une lettre recommandée avec demande d’avis de réception que celle-ci lui aurait adressée le 2 février 2016 la suite de la publication d’une annonce ne respectant pas l’exigence de confidentialité des informations qu’elle lui aurait transmises, impute dans sa réponse la publication de cette annonce à un salarié confirmé du cabinet qui fait pression sur la direction pour obtenir une rupture conventionnelle, a agi dans l’objectif de lui nuire et a, depuis, fait l’objet d’un avertissement, il n’est pas établi que c’est M. [S] qui aurait été chargé de la gestion de ce dossier et qui aurait commis une erreur ou aurait cherché à nuire à son employeur.
L’avertissement litigieux étant injustifié, il convient de l’annuler. Cet avertissement a causé à M. [S] un préjudice moral que la cour fixe à la somme de 100 euros. Il convient en conséquence de condamner la société ABD International à payer ladite somme à M. [S] à titre de dommages-intérêts.
Sur le harcèlement moral
Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. En vertu de l’article L. 1154-1 du même code, lorsque survient un litige relatif à l’application de l’article L. 1152-1, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et, au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
M. [S] soutient :
– qu’il a été confronté tout au long de la relation de travail à un harcèlement moral managérial caractérisé par une très forte pression sur les salariés et un comportement anormal et irrationnel des membres de la direction et en particulier du président-directeur général se traduisant par des pressions orales et écrites quotidiennes pour connaître l’avancement des missions, une surveillance de tous les instants des salariés, des changements d’humeur et des accès de colère, des hurlements, des claquements de portes, l’humiliation des salariés devant leurs collègues, un acharnement sur certains salariés, des propos grossiers tenus sur des salariés ;
– qu’il a été victime d’un harcèlement moral spécifique à compter de sa demande de rupture conventionnelle, le 18 janvier 2016, lequel s’est traduit par :
* la demande qui lui a été faite par son employeur le 19 janvier 2016 d’établir la liste de tous ses dossiers, leur état d’avancement et de dispatcher les dossiers entre ses collègues, ce dont ceux-ci ont été informés le 22 janvier 2016 ;
* le fait que le 25 janvier 2016 son employeur ait fait état, de façon humiliante, devant tout le pôle des problèmes personnels et confidentiels liés à l’état dépressif de sa compagne ;
* le comportement colérique et agressif de son employeur dans l’open space le 28 janvier 2016, après qu’il lui ait écrit qu’il désapprouvait ce comportement ;
* la notification d’un avertissement pour refus d’exécuter normalement les tâches prévues dans le contrat de travail alors qu’il n’avait plus de travail en propre suite au transfert de ses dossiers à ses collègues ;
* le fait que son employeur l’ait invectivé le 12 février 2016 ;
* l’absence de régularisation par l’employeur de la rupture conventionnelle demandée le 18 janvier 2016 avant le 26 février 2016 ;
– que son état de santé s’est dégradé.
A l’appui des faits de harcèlement moral qu’il invoque, M. [S] produit :
– les courriers qu’il a adressés à l’inspecteur du travail venu dans l’entreprise à la fin du mois de novembre :
* le 15 janvier 2016, dans lequel il indique le contacter car il y a de nombreux problèmes de management, dont certains qu’il juge très graves, sans autre précision ;
* le 27 janvier 2016, dans lequel il demande à le rencontrer car la situation a empiré ; qu’il a annoncé le 18 janvier à son employeur son souhait d’une rupture conventionnelle car pour des raisons personnelles mais aussi professionnelles, il n’arrivait plus à se projeter à court ou moyen terme dans la société ; que ses raisons professionnelles, sur lesquelles il n’a pas trop insisté pour ne pas créer de conflit sont liées à un environnement très particulier : pression extrêmement forte, très nombreux départs, manque d’éthique, manque de respect des salariés, racisme, etc. ; qu’il a par contre insisté sur ses raisons personnelles tenant à l’état psychologique de sa compagne et que son employeur a divulgué le 25 janvier 2016 à tous les salariés ces informations personnelles dont il lui avait fait part à titre confidentiel ;
* le 4 février 2016, par anticipation de leur rendez-vous du 10 février 2016, que le 28 janvier 2016, son employeur à qui il avait écrit avoir été choqué par le non-respect de sa vie privée, a réagi de façon extrêmement agressive et colérique ;
– des attestations de salariés ayant quitté l’entreprise avant son retour au sein de celle-ci, le 5 janvier 2015 : M. [U] (juillet 2005-novembre 2008), Mme [A] [N] (2008-2012), Mme [D] (octobre 2009-décembre 2013), M. [R] (juin 2010-août 2013), Mme [X] (3 mars 2014-23 décembre 2014) ;
– l’attestation d’une salariée qui a quitté l’entreprise à la mi-janvier 2015, Mme [Y] (octobre 2014-mi-janvier 2015);
– les attestations de trois salariés en poste dans l’entreprise en même temps que lui :
* M. [Z] en poste durant trois mois à compter de mars 2015 ;
* Mme [O] en poste durant environ deux ans, d’octobre 2013 à décembre 2015 ;
* M. [OT] en poste durant plus de 10 ans, du 1er juin 2005 au 15 février 2016 ;
– sa propre attestation en date du 4 avril 2016 ;
– un mail adressé par Mme [O] à l’inspection du travail le 11 décembre 2015, transféré par son auteur à M. [OT] le 1er mars 2016 ;
– des mails échangés les 24 et 25 février 2016 entre Mme [LR] [V] et Mme [G] [I], responsable administratif et financier, transférés par Mme [V] à M. [OT] le 25 février 2016 ;
– des SMS :
* deux séries d’échanges de SMS, dont la première n’est pas datée et dont la seconde mentionne une date illisible, dont il ressort de leur contenu qu’ils sont postérieurs à son départ de l’entreprise, entre une personne non identifiée et lui, la première dans laquelle cette dernière indique qu’elle va démissionner de l’entreprise et la seconde dans laquelle elle indique qu’elle a remis sa démission ;
* un SMS non daté dont l’auteur, non identifié, sollicite une attestation d’une prénommée [RX] ;
* un SMS non daté dont l’auteur, non identifié, refuse d’attester en faveur d’une prénommée [LR].
M. [S] affirme dans l’attestation qu’il a lui-même établie, que l’atmosphère au sein de l’entreprise était irrespirable, oppressante, anxiogène et stressante, que M. [J] a très rapidement fait preuve d’un acharnement incompréhensible à son égard, lui reprochant son implication, son activité et ses résultats, mettant sur lui une pression quotidienne démesurée sur une mission en particulier, le recrutement en interne de nouveaux commerciaux, pour laquelle il lui a fait des reproches systématiques, a remis constamment en question son travail et son implication et faisait part de son mécontentement le concernant à d’autres salariés afin de le rabaisser, ce qui a engendré chez lui un état de stress permanent et une perte de confiance en lui, que M. [J] s’est mis dans une colère folle lorsque M. [OT] et lui ont refusé de faire de la prospection commerciale, qu’il lui a reproché publiquement à propos de M. [Z] de ne pas faire son travail de manager, que Mme [I] a fait la même chose le 24 février 2016 au sujet de Mme [V].
Les propres écrits de M. [S], courriers, mails et SMS, ne sont pas de nature à emporter à eux seuls la conviction de la cour.
Les attestations qu’il produit, qui émanent d’anciens salariés présents dans l’entreprise durant sa première période d’emploi, du 22 janvier 2007 au 13 juillet 2011 ne peuvent être retenues comme correspondant à la réalité des conditions de travail qui y régnaient, alors qu’il a spontanément postulé pour être réengagé par la société ABD International le 5 janvier 2015. Leurs auteurs ne sont en tout état de cause pas à même d’attester des conditions de travail de M. [S] au cours de sa nouvelle période d’emploi. Il en est de même de l’attestation établie par Mme [Y] qui a quitté l’entreprise à la mi-janvier 2015, très peu de temps après l’engagement de M. [S], et qui ne fait pas état de faits précisément survenus depuis l’embauche de celui-ci.
En ce qui concerne le mail adressé par Mme [O] à l’inspection du travail le 11 décembre 2015 et l’attestation établie par celle-ci, ils ne font pas état de faits précis et circonstanciés concernant M. [S].
L’attestation de M. [Z], qui n’a été présent que trois mois dans l’entreprise, ne peut être retenue comme fiable au vu du vif sentiment de rancoeur que celui-ci exprime envers M. [J].
L’attestation de M. [OT] ne peut être retenue comme présentant des garanties suffisantes d’impartialité, dès lors que son auteur, qui est resté plus de 10 ans en poste dans l’entreprise sans contester ses conditions de travail, est lui-même en litige avec la société ABD International.
Les comportements imputés par M. [S] à son employeur au cours de la période du 5 janvier 2015 au 17 janvier 2016 ne sont pas établis.
S’agissant des faits que M. [S] prétend avoir subi à compter du 18 janvier 2016, il est établi :
– qu’il a demandé à M. [J], président-directeur général de la société ABD International, lors d’un entretien du 18 janvier 2016, une rupture conventionnelle de son contrat de travail ;
– que suite à l’annonce de son souhait de quitter l’entreprise après un an, son employeur lui a demandé le 19 janvier 2016 à 8h48 un bilan détaillé des missions en cours, avec les candidats en cours, le nom et les coordonnées de l’interlocuteur client, l’avancement de la mission, etc.
– que par mail du 19 janvier à 9h43, Mme [I], responsable administratif et financier de la société ABD International et compagne de M. [J], a rappelé à M. [S] son obligation de loyauté et les obligations de son contrat de travail, au motif qu’au cours de l’entretien de la veille, au cours duquel il a annoncé sa volonté de quitter l’entreprise pour des raisons strictement personnelles liées à la situation de sa conjointe, il a fait pression pour obtenir la rupture conventionnelle qu’il souhaitait, en remettant en cause la qualité de son travail dans les mois à venir en cas de refus ;
– que par mail du 19 janvier à 10h44, M. [S] a contesté avoir fait pression pour obtenir une rupture conventionnelle, en remettant en cause la qualité de son travail à venir en cas de refus ; il a indiqué avoir exprimé son mal être actuel, lié à sa situation personnelle (liée en bonne partie à celle de sa conjointe) et couplée à sa situation professionnelle, et le fait qu’il devient difficile pour lui de se projeter à court ou long terme dans la société et souhaité que son départ se fasse dans le cadre d’une rupture conventionnelle, qui lui permettra de bénéficier de l’allocation de retour à l’emploi. Il a indiqué souhaiter faire les choses en bonne intelligence et s’entendre sur les modalités d’un accord quant à son départ, afin que la transition soit gérée la plus efficacement possible pour lui comme pour l’entreprise, avec les équipes internes et les clients et a souligné qu’il était parfaitement conscient de ses obligations et n’a pas l’intention d’y déroger ;
– que par mail du 18 janvier à 11h04, Mme [I] a répliqué qu’il n’avait à aucun moment évoqué la veille un mal être professionnel, mais uniquement le fait que son épouse ne trouvait pas de travail et qu’ils souhaitaient a priori repartir en Suède et que ces propos constituaient une forme de pression sur la direction par rapport à un litige en cours qu’il connaît bien ;
– que par mail du 19 janvier à 11h19, M. [S] a répondu qu’il ne voit aucune forme de pression là dedans, qu’il ne souhaite pas entrer en conflit, que la situation de sa compagne et donc la sienne également les poussent à opter pour un changement et un nouvel environnement, ce qui n’est pas compatible avec la poursuite de son contrat de travail et qu’il ne fait état que de sa situation individuelle.
– que par mail du 19 janvier 2016 à 13h14, M. [S] a adressé à M. [J] le point demandé sur les missions actuelles ;
– que par mail du 20 janvier 2016 à 17h50, M. [S] a adressé à M. [J] une répartition des missions Axians entre M. [ZH] et lui ;
– qu’une réunion s’est tenue le 21 janvier 2016 concernant la redistribution des missions Axians dont il avait la responsabilité ;
– que par mail du 22 janvier 2016 à 13h43, M. [S] a demandé à M. [ZH] et à M. [JM] de lui confirmer l’exactitude de la redistribution entre eux deux des missions Axians dont il avait la responsabilité afin de lui permettre d’en informer les chargés de recrutement travaillant sur ces missions et d’organiser, en fonction de leurs agendas, les points sur chaque mission ;
– que par mail du 22 janvier 2016 à 15h00, M. [S] a adressé à M. [ZH] et à M. [JM] des documents supplémentaires concernant Axians ;
– que par mail du 25 janvier 2016 à 14h48, M. [J] a demandé à M. [S] de lui donner la liste des postes finalisés ou non finalisés (arrêt de mission) avec Axians et a ajouté qu’il faudra expliquer les missions et les interlocuteurs à M. [ZH] et à M. [JM] une fois que la répartition sera faite ;
– que par mail du 25 janvier 2016 à 16h02, M. [S] a adressé à M. [J] la liste des missions Axians finalisées ;
– que par mail du 26 janvier 2016, M. [J] a transmis à M. [S] le curriculum vitae d’un candidat pour le poste de directeur général de la société Sequabat, du groupe IDEC, à la suite de quoi, M. [S] a travaillé sur ce recrutement, prenant contact avec le candidat et rendant compte de leur entretien à M. [J] ;
– que par mail du 27 janvier 2016 à 10h09, M. [S] a demandé à M. [ZH] de lui confirmer qu’il a toutes les informations nécessaires sur les missions Axians transférées et en prend désormais la responsabilité, lui-même étant disponible pour l’épauler sur ces missions ;
– que par mail du 27 janvier 2016 à 10h22, M. [ZH] lui a confirmé, comme il le lui demandait, l’effectivité de la transmission des missions Axians et qu’il prenait la responsabilité de celles-ci ;
– que par mail du 27 janvier 2016 à 11h32, M. [JM], qui avait dû repousser le point prévu le 25 janvier avec M. [S] sur les missions Axians, a informé M. [J] que lorsqu’il a proposé à M. [S], qui l’avait relancé, de faire cette réunion le 29 janvier, compte-tenu de son agenda chargé, M. [S] a trouvé que cela faisait tard et a insisté pour que leur entretien ait lieu le 26 janvier à 18h30 ;
– que par mail du 27 janvier 2016 à 11h39, M. [JM] a fait part à M. [J] de sa surprise quant à la pression mise en place par M. [S] pour que la passation des missions Axians se fasse vite et de sa crainte que M. [S] actionne son départ cette semaine ou la semaine prochaine ;
– que par mail du 28 janvier 2016 à 14h04, M. [S] a reproché à M. [J] de le laisser dans une situation d’incertitude et de doute, alors qu’il a effectué le transfert de la quasi-totalité de ses missions à M. [ZH] et à M. [JM], comme il le lui a demandé, ce qui montre bien qu’il a acté son départ ;
– que par mail du 28 janvier à 17h43, M. [J] a répondu à M. [S] qu’il a compris que la rupture conventionnelle revêtait pour lui un caractère urgent et qu’il met tout en place pour pouvoir se positionner malgré un agenda chargé, que les transferts de mission sont en train d’être faits, qu’il lui a paru essentiel de prévenir en amont son équipe de la situation, qu’il a besoin de sécuriser les comptes de l’entreprise et qu’il n’a pas à ce jour la validation de l’ensemble des consultants sur la transmission des informations concernant les comptes que M. [S] suit ;
– que par mail du 28 janvier à 19h56, M. [S] a indiqué avoir réalisé le transfert de missions de la façon la plus complète et transparente ;
– que par mail du 3 février 2016, M. [ZH] a demandé à M. [S] à quel moment ils pourraient faire un point dans la journée avec M. [E] sur le poste d’ingénieur sécurité Axians au vu du désistement de M. [UB] ;
– que par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 9 février 2016, M. [J] a notifié un avertissement à M. [S] ;
– que par mail du 11 février 2016, M. [J], informé de la rupture de la période d’essai de M. [W], a demandé à M. [S] de resélectionner des candidats, pour trouver des solutions dans les plus brefs délais ;
– que par mail du 12 février 2016 à 11h11, M. [S] a répondu être en recherche de nouveaux candidats ;
– que M. [HI], chargé de recrutement, atteste que le 25 février 2016, M. [S] a fait irruption, équipé d’un baladeur, haut-parleur activé, la musique très élevée, les pieds sur le bureau, dérangeant tout le pôle, l’empêchant ainsi que les autres collaborateurs de travailler, que M. [J] lui a demandé à plusieurs reprises d’éteindre son baladeur, mais que M. [S] a à chaque fois refusé, que son objectif était sans équivoque de faire pression sur la direction pour obtenir sa rupture conventionnelle, que M. [J] lui a remis un document, que cela l’a un peu calmé, qu’il est sorti, puis revenu musique à fond et que cela a duré une bonne heure, que son comportement agressif, irrespectueux a déstabilisé l’ensemble des salariés ; qu’il est passé le lendemain dans les équipes pour expliquer que la direction avait accédé à sa demande de rupture conventionnelle et qu’il prenait des congés ;
– que M. [ZH] atteste avoir vu M. [S] au sein des locaux de l’entreprise en pleine journée avec son casque audio sur la tête avec le son au maximum puis s’asseyant à son bureau en mettant les jambes en évidence devant l’ensemble des chargés de recrutement afin de provoquer de manière claire la direction et que M. [S] n’a obtempéré qu’après 30 mn de provocation et a quitté les lieux ;
– qu’aux termes d’un procès-verbal du 25 février 2016 de 16h00 à 16h30, l’huissier de justice à qui la société ABD International a demandé de venir dresser un constat du comportement de M. [S] dans le bureau du pôle dont il est responsable, a constaté que celui-ci était absent et a relevé que les personnes présentes interrogées lui ont déclaré que M. [S] était arrivé vers 14h00 et reparti vers 15h00 ;
– que M. [S] reconnaît être venu au travail le 25 février 2016 avec un baladeur dont les haut-parleurs étaient activés, le son de la musique très élevé et une attitude nonchalante afin de provoquer son employeur pour obtenir la rupture conventionnelle qu’il demandait.
Il n’est pas établi, en l’absence d’élément venant corroborer les seules allégations de M. [S] à cet égard que M. [J] a divulgué à son insu et sans son accord des informations personnelles et confidentielles sur l’état dépressif de sa compagne devant toutes les personnes du pôle et porté ainsi atteinte à sa vie privée. Il n’est pas établi non plus que M. [J] ait réagi de manière colérique et agressive à la réception du mail de M. [S] lui ayant reproché de l’avoir effectivement fait.
S’il est établi que par mail du 11 février 2016, M. [J], informé de la rupture de la période d’essai de M. [W], a demandé à M. [S] de resélectionner des candidats, pour trouver des solutions dans les plus brefs délais, il n’est pas établi qu’il l’ait invectivé, alors que ce dernier, dans son mail du 12 février 2016 à 11h11 indique d’ailleurs seulement que M. [J] l’a relancé au téléphone pour qu’il réponde à son mail de la veille au soir.
Il est établi que M. [S] a fait l’objet d’un avertissement le 9 février 2016, que si, contrairement à ce qu’il allègue, il a continué à traiter ses dossiers, la responsabilité de la gestion des dossiers des clients Axians a été transférée à M. [ZH] et à M. [JM] fin janvier 2016, que la convention de rupture conventionnelle, qu’il avait sollicitée le 18 janvier 2018 a été signée le 26 février 2016.
M. [S] produit un arrêt de travail pour maladie du 22 au 31 mars 2016, dont la raison médicale n’est pas indiquée et une ordonnance en date du 22 mars 2016 pour la délivrance d’un anxiolytique (Xanax 0,25 mg, Cpr séc B/30,prendre un demi-comprimé le matin, le midi et le soir si besoin).
Au vu des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, les faits ci-dessus retenus comme matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail.
Il appartient dès lors à l’employeur de prouver que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
La demande faite par la société ABD International à M. [S] au lendemain de sa demande de rupture conventionnelle de lui faire un bilan détaillé des dossiers en cours, qui était justifiée par un élément objectif étranger à tout harcèlement, la nécessité pour l’employeur d’anticiper les conséquences que le départ envisagé du salarié aurait pour l’entreprise, ne permet pas de présumer que l’employeur envisageait de les retirer au salarié. Si la responsabilité de la gestion de ces dossiers a été transférée par M. [S] à M. [ZH] et à M. [JM], il est établi que M. [S] a lui-même organisé ce transfert et tout fait pour l’accélérer afin de concrétiser son départ prochain. Ce transfert est ainsi justifié par un élément objectif étranger à tout harcèlement.
Le délai écoulé entre la demande de rupture conventionnelle faite par le salarié le 18 janvier 2016 et la régularisation de la convention de rupture conventionnelle par les parties le 26 février 2016, étant un délai nécessaire pour permettre à l’employeur de prendre les mesures nécessaires pour que le départ du salarié se fasse sans dommage pour l’entreprise, est justifié par un élément objectif étranger à tout harcèlement.
Si l’avertissement notifié au salarié le 9 février 2016 n’est pas justifié par un élément objectif étranger à tout harcèlement, ce fait matériel unique ne suffit pas à caractériser l’existence d’un harcèlement moral, lequel suppose des agissements répétés.
Il convient en conséquence de débouter M. [S] de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral.
Sur le non-respect de l’obligation de prévention des risques professionnels et notamment du harcèlement moral
En application de l’article L. 4121-1 du code du travail, l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité envers ses salariés, prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent des actions de prévention des risques professionnels, des actions d’information et de formation, la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés. L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.
L’article L4121-2 du code du travail dispose:
‘L’employeur met en oeuvre les mesures prévues à l’article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :
1° Eviter les risques ;
2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;
3° Combattre les risques à la source ;
4° Adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;
5° Tenir compte de l’état d’évolution de la technique ;
6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;
7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu’ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l’article L. 1142-2-1;
8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;
9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.’
L’employeur, tenu d’une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise, doit en assurer l’effectivité.
Il lui appartient de démontrer qu’il a mis en oeuvre les mesures nécessaires pour assurer la prévention des risques professionnels.
Ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la prévention des risques professionnels, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par l’article L. 4121-2 du code du travail.
La société ABD International, qui justifie avoir établi le 24 septembre 2013 le document unique d’évaluation des risques professionnels prévu par l’article L. 4121-1 du code du travail en ce qui concerne le pôle production, ne justifie pas avoir mis à jour ce document chaque année au moins et ne justifie pas non plus avoir mis en place un outil de prévention des risques psychosociaux, notamment du harcèlement moral. Elle n’a dès lors pas satisfait à son obligation de prévention des risques professionnels.
Toutefois, M. [S] ne rapporte pas la preuve du préjudice qu’il aurait subi du fait de ce manquement. Il convient en conséquence de le débouter de sa demande de dommages-intérêts de ce chef.
Sur la demande de rappel de prime de vacances
Selon l’article 31 de la convention collective Syntec, l’ensemble des salariés bénéficie d’une prime de vacances d’un montant au moins égal à 10% de la masse globale des indemnités de congés payés de l’ensemble des salariés.
Toutes primes ou gratifications versées en cours d’année à divers titres et quelle qu’en soit la nature peuvent être considérées comme primes de vacances à condition qu’elles soient au moins égales aux 10% prévus à l’alinéa précédent et qu’une partie soit versée pendant la période située entre le 1er mai et le 31 octobre.
L’article 31 de la convention collective ne prévoit pas que le droit au versement de la prime de vacances est subordonné à la présence du salarié dans l’entreprise sur la totalité de la période de référence.
En revanche, une prime de vacances payable annuellement ne peut donner lieu à un paiement prorata temporis à un salarié ayant quitté l’entreprise avant la date normale de son paiement que si ce prorata résulte d’une disposition conventionnelle ou d’un usage.
La société ABD International ne justifiant pas avoir payé à M. [S] la prime de vacances conventionnelle qui lui était due pour l’année 2015, il convient de la condamner à payer à M. [S] la somme de 490 euros que celui-ci revendique de ce chef, dont le montant n’est pas en lui-même contesté.
Sur la demande de rappel de rémunération variable de M. [S] et la demande reconventionnelle en remboursement d’un trop-perçu de rémunération variable de la société ABD International
Le contrat de travail et l’avenant au contrat de travail de M. [S] stipulent que la partie variable de la rémunération variable de M. [S] est calculée par rapport au chiffre d’affaires hors taxes et hors frais (CAHTHF) facturé à un client par mission. Une mission correspond aux honoraires hors taxes et hors frais demandés par la société pour un poste de recrutement et confié au chargé de recrutement. Cette partie variable sera versée dans le mois qui suit l’encaissement de la facture.
Pour une mission complète, 6% du CAHTHF seront reversés comme salaire brut décomposé comme ci-dessous :
-2% du CAHTHF lors du paiement de la facture correspondant à la présentation des candidats au client,
-2% du CAHTHF lors du paiement de la facture correspondant à la fin de mission,
-2% du CAHTHF attribué de façon qualitative.
Partie variable pour les fonctions de réalisateur d’affaires (relationnel client) : sur l’ensemble des missions spécifiques transférées à M. [S] par M. [J] sur ses propres comptes clients (y compris Medline), menées à bien directement par M. [S], et ayant abouti à la signature et à l’intégration d’un candidat, une commission supplémentaire de 3% du CAHTHF facturé et encaissé sera versée comme salaire brut.
Cette commission de réalisateur d’affaires sera payée suite à la signature des candidats, en fonction du paiement de l’intégralité des factures émises par Atrix sur la mission.
Cette prime sera portée à 6% uniquement dans le cadre des missions éventuellement gérées pour les comptes Artelia et Axians.
Le contrat de travail de M. [S] stipulait que pour les douze premiers mois d’activité de M. [S], l’employeur s’engageait à lui verser chaque mois un salaire variable brut total de 2 000 euros brut. En conséquence, dans le cas où les primes variables dégagées par l’activité de M. [S] sur un mois écoulé, étaient inférieures à 2 000 euros, l’employeur s’engageait à verser à titre d’avance une prime correspondant au différentiel, cet engagement s’appliquant dès le premier mois d’activité pendant 12 mois. Il était précisé que cette avance était imputable sur l’ensemble des primes variables dégagées par l’activité de M. [S] dans les douze premiers mois et dans les mois suivants.
Aux termes de l’avenant au contrat de travail signé le 1er octobre 2015, l’employeur s’est engagé à reconduire pour une période de 12 mois, soit du 1er octobre 2015 au 30 septembre 2016 la garantie de salaire variable prévue dans le contrat initial en y ajoutant les stipulations suivantes :
– cette garantie ne s’applique que pour un temps de travail effectif de 73% sur le mois écoulé (en jours ouvrés) et en conséquence elle ne sera pas due en cas d’absences de plus de 6 jours ouvrés par mois (maladie ou autre) sauf période de congés payés ;
– cette avance sera imputable sur l’ensemble des primes variables dégagées par l’activité de M. [S] sur les mois écoulés et dans les mois suivants ;
– en cas de cessation du contrat de travail, quelles qu’en soient la cause et la période, toute avance comptabilisée et versée au salarié au titre de cette garantie pourra être imputée sur l’ensemble des primes et indemnités liées au solde de tout compte.
Il résulte des bulletins de paie produits, dont il n’est pas contesté qu’ils ont donné lieu au paiement des sommes qu’ils mentionnent, que :
– M. [S] a perçu, de janvier 2015 à décembre 2015,une rémunération mensuelle brute variable de 2 000 euros, soit 24 000 euros ;
– il a perçu en outre au mois de décembre 2015 un solde de primes variables 2015 de 788 euros;
– il a perçu en janvier et février 2016 une rémunération mensuelle brute variable 2 000 euros, soit 4 000 euros au total.
La société ABD International fait valoir que M. [S] a bénéficié d’un trop perçu de rémunération variable de 1 969 euros calculé comme suit :
* rémunération variable perçue : 28 788 euros,
* rémunération variable due : 26 819 euros,
* trop perçu : 1 969 euros
et en revendique le remboursement.
M. [S], qui soutient qu’il n’a pas été rempli de ses droits à rémunération variable, revendique le paiement d’un rappel de rémunération variable de 3 911,00 euros, dont la cour déduit de la pièce 43 qu’il le calcule comme suit :
* rémunération variable perçue : 28 788 euros ;
* rémunération variable due et prise en compte par la société ABD International : 26 819 euros ;
* rémunération variable également due mais non prise en compte par la société ABD International : 5 880 euros ;
* solde de rémunération variable restant dû [(26 819 + 5 880 = 32 699] – 28788 = 3 911 euros.
M. [S] décompte en effet les commissions dues non prises en compte par la société ABD International comme suit :
– recrutement d’un juriste international pour le client Artelia, chiffre d’affaires de 12 000 euros, rémunération variable de 12% ; rémunération variable perçue : 120 euros, reste 240 euros ;
– recrutement de M. [C] pour le client Artelia, chiffre d’affaires de 14 000 euros, rémunération variable de 12% ; rémunération variable perçue : 1 440 euros, reste 240 euros ;
– recrutement de M. [UZ] pour le client Artelia, chiffre d’affaires de 12 000 euros, rémunération variable de 12% ; rémunération variable perçue : 360 euros, reste 1080 euros ;
– recrutement de M. [F] pour le client Axians, chiffre d’affaires de 13 000 euros, rémunération variable de 12% ; rémunération variable perçue : 810 euros, reste 750 euros ;
– recrutement de M. [H] pour le client Axians, chiffre d’affaires de 13 000 euros, rémunération variable de 12% ; rémunération variable perçue : 0 euro, reste 1560 euros ;
– recrutement de M. [UB] pour le client Axians, chiffre d’affaires de 13 000 euros, rémunération variable de 12% ; rémunération variable perçue : 390 euros, reste 1170 euros ;
– recrutement de techniciens supervisions pour le client Axians, chiffre d’affaires de 13 000 euros, rémunération variable de 9% ; rémunération variable perçue : 70 euros, reste 320 euros ;
– recrutement de M. [M] pour le client Omexom, chiffre d’affaires de 13 000 euros, rémunération variable de 6% ; rémunération variable perçue : 600 euros, reste 120 euros ;
– bonus 13 signatures en 2015 : 400 euros.
Lorsque le calcul de la rémunération dépend d’éléments détenus par l’employeur, celui-ci est tenu de les produire en vue d’une discussion contradictoire.
La société ABD International qui soutient que la facture adressée pour le recrutement d’un juriste international a été rejetée par le client Artelia et a fait l’objet d’un avoir, n’en justifie pas. En effet, si elle produit un avoir sur factures de 16 000 euros adressé à la société Artelia le 30 juin 2017, elle ne démontre pas que cet avoir se rapportait aux recrutements effectués par M. [S]. Ce dernier, qui a mené à bien ce recrutement, est bien fondé à prétendre à un solde de rémunération variable de 240 euros pour celui-ci.
La société ABD International qui soutient que la facture adressée à la société Artelia pour le recrutement de M. [C] a été ramenée de 14 000 à 12 000 euros, n’en justifie pas. M. [S], qui a mené à bien ce recrutement, est bien fondé à prétendre à un solde de rémunération variable de 240 euros pour celui-ci.
Si la société ABD International affirme que le pourcentage sur chiffre d’affaires dû à M. [S] pour le recrutement de M. [UZ] par la société Artelia était de 3% et non de 12%, quand il était de 12% pour le recrutement de M. [C] pour le même client, elle n’en justifie pas. M. [S], qui a mené à bien ce recrutement, est bien fondé à prétendre à un solde de rémunération variable de 1080 euros pour celui-ci.
Il est établi par le mail de M. [S] du 19 janvier 2016 et le mail de M. [JM] du 20 janvier 2016 que pour le recrutement d’un responsable d’affaires commercial [Localité 7] pour le client Axians trois candidatures étaient en cours à cette date, M. [F], M. [T] et M. [P]. La société ABD International n’établissant ni la part prise par M. [ZH] dans le recrutement de M. [F], ni avoir payé à ce dernier, partie de la rémunération variable afférente à ce recrutement, M. [S] est bien fondé à prétendre à un solde de rémunération variable de 750 euros pour ce recrutement.
Il est établi par le mail de M. [S] du 19 janvier 2016 que pour le recrutement de techniciens supervisions pour le client Axians, il y avait un candidat en cours, M. [AC], et une signature déjà réalisée, M. [W]. S’il est démontré par le mail de M. [S] du 11 février 2016 que M. [W] qui avait été engagé à compter du 14 décembre 2015, comme technicien supervisions par la société Axians, a vu sa période d’essai rompue, il n’est pas établi cependant que cette rupture en période d’essai ait entraîné une diminution du montant facturé au client. M. [S] est dès lors bien fondé à prétendre à un solde de rémunération variable de 320 euros pour ce recrutement.
S’il est établi par le mail de M. [S] à M. [J] du 25 janvier 2016 que le recrutement de M. [UB] pour le client Axians n’a pas abouti, ce candidat qui devait intégrer l’entreprise le 1er mars 2016 venant de se désister, il résulte également de ce mail qu’il est prévu qu’un autre candidat, M. [B], à qui Axians avait beaucoup hésité à faire la proposition d’embauche, rencontre à nouveau le chef d’entreprise le 29 janvier 2016. La société ABD International n’établit pas que cet autre candidat présenté par M. [S] n’a pas été recruté. M. [S] est dès lors bien fondé à prétendre à un solde de rémunération variable de 1170 euros pour ce recrutement.
Il est établi par le mail de M. [S] du 19 janvier 2016 et le mail de M. [JM] du 20 janvier 2016 que la mission de recrutement d’un bid manager [Localité 5] pour le client Axians prise le 20 octobre 2015 n’a plus de candidats en cours à cette date et par le mail de M. [ZH] à Mme [I] du 26 février 2016 que le recrutement de M. [H] pour ce poste vient d’aboutir, ce candidat ayant reçu la veille une proposition d’Axians qu’il a acceptée. Il n’est pas établi que M. [S] n’est pas à l’origine de ce recrutement. Celui-ci est dès lors bien fondé à prétendre à un solde de rémunération variable de 1560 euros pour celui-ci.
Si la société ABD International produit le mail adressé par M. [S] à la société Omexom le 7 décembre 2015 l’informant de la disponibilité de M. [M] pour un second entretien et le mail reçu par celui-ci en réponse le 8 décembre 2015, qu’il a transféré au président-directeur général à M. [J], rédigé comme suit : ‘Pourrait-on revoir les termes du contrat du fait qu’un seul candidat corresponde à nos attentes. Je vous propose de supprimer le dernier terme et vous pouvez facturer sans lien avec une signature ou pas de contrat. Merci pour votre retour.’, il n’est pas établi que les termes du contrat ont été effectivement revus. M. [S] est dès lors bien fondé à prétendre à un solde de rémunération variable de 1170 euros pour ce recrutement.
Il est constant que M. [S] devait percevoir un bonus de 400 euros s’il obtenait 13 signatures de contrats de travail. La société ABD International ne fournit pas d’élément objectif de nature à corroborer ses allégations concernant le nombre de contrats signés par M. [S]. Il convient de relever au surplus que si le candidat [UB] s’est désisté, tel n’a pas été le cas du candidat [W], dont le contrat a été signé mais rompu en période d’essai. M. [S] est dès lors bien fondé à revendiquer le paiement de cette prime.
Le rappel de rémunération variable dû à M. [S] s’établit dès lors comme suit :
[(26 819 + 5 880 = 32 699] – 28 788 = 3 911 euros.
Il convient en conséquence de débouter la société ABD International de sa demande de remboursement d’avance sur rémunération variable, d’infirmer le jugement entrepris et de la condamner à payer à M. [S] la somme de 3 911 euros brut à titre de rappel de rémunération variable.
Sur la demande de rappel d’indemnité de congés payés
L’article L. 3141-22 du code du travail dispose que le congé annuel prévu par l’article L. 3141-3 ouvre droit à une indemnité égale au dixième de la rémunération brute totale perçue par le salarié au cours de la période de référence, cette indemnité ne pouvant être inférieure au montant de la rémunération qui aurait été perçue pendant la période de congé si le salarié avait continué à travailler.
Selon l’article 28 de la convention collective, l’indemnité de congés payés est égale au dixième de la rémunération perçue par le salarié au cours de la période de référence, sans pouvoir être inférieure pour les IC à la rémunération qui aurait été perçue pendant la période de congé pour un horaire normal de travail.
La société ABD International, qui a calculé l’indemnité de congés payés versée à M. [S] sur la seule partie fixe de sa rémunération, fait valoir que le contrat de travail comme l’avenant au contrat de travail l’a expressément prévu.
Il résulte des articles L. 3141-22 et L. 3141-26 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, interprétés à la lumière de l’article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, que s’il est possible d’inclure l’indemnité de congés payés dans la rémunération forfaitaire lorsque des conditions particulières le justifient, cette inclusion doit résulter d’une clause contractuelle transparente et compréhensible, ce qui suppose que soit clairement distinguée la part de la rémunération qui correspond au travail, de celle qui correspond aux congés, et que soit précisé l’imputation de ces sommes sur un congé déterminé, devant être effectivement pris.
Tel n’étant pas le cas de la clause du contrat de travail de M. [S] et de l’avenant à ce contrat, qui se borne à mentionner que seule la partie fixe est la base de calcul des indemnités de congés payés, que la partie variable s’entend congés payés inclus, sans préciser la répartition entre la rémunération et les congés payés, cette clause, qui n’est ni transparente, ni compréhensible, n’est pas opposable au salarié.
Il convient en conséquence de condamner la société ABD International à payer à M. [S] la somme de 2 400 euros que celui-ci revendique à titre d’indemnité de congés payés sur la rémunération variable qui lui a été versée ainsi que la somme de 391,10 euros revendiquée à titre d’indemnité de congés payés afférente au rappel de rémunération variable ci-dessus allouée.
Sur la demande de rappel de salaire au titre du mois de mars 2016
Il est établi que M. [S], qui percevait un salaire mensuel brut de 4 900,01 euros, a perçu en décembre 2015 une régularisation de rémunération variable d’un montant de 788 euros pour l’année 2015 et était bien fondé à prétendre à un rappel de rémunération variable de 3 900 euros. Il est dès lors bien fondé à prétendre à la rémunération mensuelle brute moyenne de 5 123,64 euros, qu’il revendique, ce qui correspond à une rémunération mensuelle nette de 3 842,73 euros.
Il est établi que M. [S] a perçu pour le mois de mars 2016 une rémunération brute de 1 942,79 euros, hors indemnité de rupture conventionnelle, correspondant à une rémunération nette de 1 483,38 euros.
Il est établi en outre que, le 2 novembre 2016, la Cpam a versé à la société ABD International, subrogée dans les droits à des indemnités journalières de la sécurité sociale de M. [S], la somme de 283,36 euros net.
M. [S] a été en congés payés du 1er au 4 mars 2016, en congé sans solde du 7 au 16 mars 2016, en absence rémunérée du 17 au 21 mars 2016 et en congé maladie du 22 au 31 mars 2016.
Le salarié ayant été en congé sans solde durant 8 des 23 jours du mois ouvrant théoriquement droit à rémunération (22 jours ouvrés et le lundi de Pâques 28 mars férié), la société ABD International était bien fondée à retenir à ce titre la somme de 1 782,14 euros sur son salaire de ce mois : (5 123,64/23) x 8 = 1 782,14 euros, correspondant à un salaire net de 1 336,60 euros.
Le salarié devait bénéficier du maintien de son salaire durant ses congés payés, en application de l’article 28 de la convention collective, de sorte qu’il devait bénéficier à ce titre d’une rémunération brute de (5 123,64/23) x 4 = 891,07 euros, correspondant à un salaire net de 668,30 euros.
La dispense d’activité rémunérée du 17 au 21 mars 2016 ne devait entraîner aucune perte de rémunération pour lui, de sorte qu’il devait bénéficier à ce titre d’une rémunération brute de (5 123,64/23) x 3 = 668,30 euros, correspondant à un salaire net de 501,23 euros.
M. [S] devait bénéficier en outre du maintien de son salaire durant son congé maladie, en application de l’article 43 de la convention collective. La société ABD International est dès lors mal fondée à lui opposer les stipulations de l’avenant au contrat de travail stipulant que la garantie de rémunération variable ne s’applique que pour un temps de travail effectif de 73% sur le mois écoulé (en jours ouvrés) et qu’en conséquence elle ne sera pas due en cas d’absences de plus de 6 jours ouvrés par mois (maladie ou autre) sauf période de congés payés.
Selon l’article 43 de la convention collective Syntec, l’IC a droit, après un an d’ancienneté, au maintien du salaire dès le premier jour d’absence pour maladie ou accident dûment constaté par un certificat médical.
Selon cet article, l’employeur ne devra verser aux ingénieurs et cadres que ‘les sommes nécessaires pour compléter ce que verse la sécurité sociale, et, le cas échéant, un régime de prévoyance, (…) jusqu’à concurrence de ce qu’aurait perçu, net de toute charge, l’ingénieur ou cadre malade ou accidenté s’il avait travaillé à temps plein ou à temps partiel, non compris primes et gratifications’.
Il en résulte que ce texte n’exclut pas la prise en compte de la partie variable de la rémunération du salarié lorsqu’il en perçoit une.
M. [S] devait dès lors percevoir un salaire net de 1 336,60 euros pour la période du 22 au 31 mars 2016: (3 842,73/23) x 8.
M. [S] n’ayant perçu qu’un salaire net de 313,85 euros pour cette période [1 483,38 – (668,30 + 501,23) = 313,85], il convient d’infirmer le jugement entrepris et de condamner la société ABD International à payer à M. [S] la somme de 1 022,75 euros net à titre de rappel de salaire au titre du maintien du salaire durant son congé maladie, ce qui correspond à un salaire brut de 1 363,67 euros.
Sur la rupture conventionnelle du contrat de travail
M. [S] est bien fondé à invoquer en cause d’appel des moyens nouveaux à l’appui de sa demande. Il est donc recevable à invoquer en cause d’appel le moyen nouveau tiré du non-respect du délai de rétractation.
Il est constant que la convention de rupture conventionnelle ayant été signée par les parties le 26 février 2016, le délai de rétractation n’expirait pas le 12 mars 2016, comme elle le mentionnait, qui était un samedi, mais le lundi 14 mars 2016.
Une erreur commise dans la convention de rupture conventionnelle sur la date d’expiration du délai de quinze jours prévu par l’article L. 1237-13 du code du travail ne peut entraîner la nullité de cette convention que si elle a eu pour effet de vicier le consentement de l’une des parties ou de la priver de la possibilité d’exercer son droit à rétractation. M. [S] n’établissant pas que l’erreur commune sur la date d’expiration du délai de rétractation a vicié son consentement, est mal fondé à invoquer pour ce motif la nullité de la convention de rupture conventionnelle.
Il est constant que l’autorité administrative a implicitement homologué la convention de rupture conventionnelle signée par les parties. L’erreur dans la date de rupture, fixée par les parties antérieurement au lendemain de l’homologation, n’entraîne pas en elle-même la nullité de la convention de rupture. M. [S] n’établissant pas que l’erreur commune sur la date de rupture a vicié son consentement est mal fondé à invoquer pour ce motif la nullité de la convention de rupture conventionnelle.
M. [S] invoque à l’appui de sa demande en nullité de la convention de rupture conventionnelle l’existence d’une violence morale.
Selon l’article 1109 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, entrée en vigueur le 1er octobre 2016, il n’y a point de consentement valable si le consentement a été extorqué par violence.
Selon l’article 1112 du même code dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, il y a violence lorsqu’elle est de nature à faire impression sur une personne raisonnable, et qu’elle peut lui inspirer la crainte d’exposer sa personne ou sa fortune à un mal considérable et présent. On a égard, en cette matière, à l’âge, au sexe et à la condition des personnes.
La validité du consentement doit être appréciée au moment de la formation du contrat.
Il incombe à M. [S], qui invoque l’existence d’une violence morale ayant vicié son consentement, d’en rapporter la preuve. A l’appui de cette allégation, il soutient que l’ensemble des agissements qu’il a subis tout au long de l’exécution de son contrat de travail ne lui a pas laissé d’autre alternative que de solliciter une rupture conventionnelle ; qu’étant exténué, épuisé par une telle situation, il s’agissait de la seule issue pour lui pour s’extraire de celle-ci.
Il résulte des pièces produites que M. [S], qui n’établit pas avoir subi des agissements de son employeur ayant altéré son consentement, a exprimé une volonté claire, libre et réfléchie de rompre son contrat de travail dans le cadre d’une rupture conventionnelle.
En l’absence de vice du consentement, l’existence de faits de harcèlement moral, au demeurant non établie en l’espèce, n’affecte pas en elle-même la validité de la convention de rupture intervenue en application de l’article L. 1237-11 du code du travail.
Il convient en conséquence de débouter M. [S] de sa demande en nullité de la convention de rupture conclue le 26 février 2016 et de ses demandes subséquentes d’indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement entrepris sera donc confirmé de ces chefs.
Sur la demande reconventionnelle en remboursement d’un trop-perçu de contrepartie financière de la clause de non-concurrence
La société ABD International sollicite le remboursement d’un trop-perçu par M. [S] de contrepartie financière de la clause de non-concurrence de 967,50 euros. A l’appui de cette demande, elle fait valoir qu’elle a payé deux fois à M. [S] la contrepartie financière de la clause de non-concurrence pour le mois de janvier 2017.
M. [S] demande à la cour de débouter la société de cette demande au motif qu’il n’existe à ce stade aucun fondement juridique et factuel à cette demande.
Selon l’article 1235 du code civil, tout paiement suppose une dette : ce qui a été payé sans être dû est sujet à répétition.
La société ABD International justifie avoir payé deux fois à M. [S] la contrepartie financière de la clause de non-concurrence pour le mois de janvier 2017 en produisant :
– le détail de onze virements Sepa correspondant à un montant total de 19 579,68 euros validés le 31 janvier 2017, comprenant un virement Sepa de 967,50 euros sur le compte de M. [S] ;
– son relevé de compte de la HSBC mentionnant le débit du virement Sepa d’un montant de 19 579,68 euros, émis le 31/01/2017, suite à la remise par télétransmission de 11 opérations ;
– l’ordre de virement de 967,50 euros donné le 31/01/2017 par la société ABD International à la HSBC, qui l’a pris en compte sous la référence I9RPL8O le 31/01/2017 à 16h58 et a informé la société ABD International de ce qu’il sera exécuté le 01/02/2017 ;
– son relevé de compte de la HSBC mentionnant le débit du virement Sepa d’un montant de 967,50 euros émis le 1er février 2017 sur le compte de M. [S].
Il convient en conséquence de condamner M. [S] à rembourser à la société ABD International la somme de 967,50 euros indûment payée deux fois au titre la contrepartie financière de la clause de non-concurrence pour le mois de janvier 2017.
Sur les dépens et l’indemnité de procédure
La société ABD International, qui succombe partiellement, sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel et sera déboutée de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.
Il convient de la condamner, en application de l’article 700 du code de procédure civile, à payer à M. [S] la somme de 3 500 euros pour les frais irrépétibles exposés en cause d’appel, en sus de la somme de 500 euros qu’elle a été condamnée à payer à celui-ci par le conseil de prud’hommes pour les frais irrépétibles exposés en première instance.
PAR CES MOTIFS :
La COUR,
Statuant par arrêt CONTRADICTOIRE,
Annule l’enquête diligentée ainsi que le rapport déposé le 22 septembre 2017 par les conseillers rapporteurs désignés par le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt par ordonnance du 6 octobre 2016 ;
Infirme partiellement le jugement du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en date du 13 février 2020 et statuant à nouveau sur les chefs infirmés :
Condamne la société ABD International à payer à M. [K] [S] les sommes suivantes :
* 3 911 euros brut à titre de rappel de commissions,
* 1 363,67 euros brut à titre de rappel de salaire au titre du maintien de salaire pendant le congé maladie du mois de mars 2016,
Confirme pour le surplus les dispositions non contraires du jugement entrepris ;
Y ajoutant :
Déclare les demandes nouvelles de M. [K] [S] recevables,
Annule l’avertissement notifié par la société ABD International à M. [K] [S],
Déboute M. [K] [S] de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral,
Déboute M. [K] [S] de sa demande de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de prévention des risques professionnels et de prévention du harcèlement moral,
Condamne la société ABD International à payer à M. [K] [S] les sommes suivantes :
* 100 euros à titre de dommages-intérêts pour avertissement abusif,
* 490 euros brut à titre de rappel de prime de vacances,
* 2 400 euros brut à titre de congés payés sur rémunération variable,
* 391,10 euros brut à titre de congés payés afférents au rappel de rémunération variable ;
Condamne M. [K] [S] à rembourser à la société ABD International la somme de 967,50 euros net au titre du trop perçu de l’indemnité de non concurrence pour le mois de janvier 2017 ;
Condamne la société ABD International à payer à M. [K] [S] la somme de 3 500 euros pour les frais irrépétibles qu’il a exposés en cause d’appel,
Déboute la société ABD International de sa demande d’indemnité fondée sur l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles qu’elle a exposés en cause d’appel,
Condamne la société ABD International aux dépens de première instance et d’appel.
– Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– Signé par Madame Régine CAPRA, Présidente et par Madame Sophie RIVIERE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER,LA PRÉSIDENTE,