Convention collective SYNTEC : 27 mai 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 18/17391

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Convention collective SYNTEC : 27 mai 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 18/17391

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1

ARRÊT AU FOND

DU 27 MAI 2022

N° 2022/204

Rôle N° RG 18/17391 – N° Portalis DBVB-V-B7C-BDJBN

[F] [P]

C/

SAS ASSYSTEM FRANCE devenue SASU EXPLEO FRANCE

Copie exécutoire délivrée

le :

27 MAI 2022

à :

Me Christian MAILLARD de la SCP SCP MAILLARD ET LEFEVRE, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Françoise BOULAN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MARTIGUES en date du 14 Septembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 16/00550.

APPELANT

Monsieur [F] [P], demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Christian MAILLARD de la SCP SCP MAILLARD ET LEFEVRE, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

SAS ASSYSTEM FRANCE devenue SASU EXPLEO FRANCE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège , demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Françoise BOULAN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, Me Aurélie KLINSBOCCKEL, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 Février 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Mme Emmanuelle CASINI, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Mai 2022 et prorogé au 27 Mai 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 Mai 2022

Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Monsieur [F] [P] a été embauché en qualité d’ingénieur, statut cadre, position 1-2, le 3 septembre 2012 par la SAS ASSYSTEM FRANCE dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée en date du 3 juillet 2012.

À compter du mois d’avril 2014, Monsieur [P] s’est trouvé dans une situation d’inter-contrat de manière prolongée, faute de demandes de clients en adéquation avec ses compétences dans sa zone géographique habituelle d’intervention.

Par courrier du 1er juillet 2014, Monsieur [P] a été convoqué à un entretien préalable fixé le 11 juillet 2014, puis il a été licencié pour cause réelle et sérieuse le 22 juillet 2014 en ces termes, exactement reproduits :

 » A la suite de l’entretien préalable que vous avez eu le 11 juillet 2014 avec [L] [U], Directeur des Opérations, assisté de [K] [Z], Chargée de Ressources Humaines, auquel vous êtes venu assisté de [G] [N], délégué du personnel, nous sommes au regret de vous signifier par la présente votre licenciement au motif de vos manquements à vos obligations contractuelles tel que nous vous l’avons exposé au cours de l’entretien et dont nous vous rappelons ci-après la teneur.

Préalablement, nous vous rappelons depuis le 18 Avril 2014, date de votre fin de mission en calcul pour le client Airbus Helicopters, vous êtes en situation de sous charge à l’agence de [Localité 8]. Devant l’absence de mission pérenne en adéquation avec vos compétences d’Ingénieur calcul sur votre bassin d’emploi local, nous avons recherché toutes les solutions afin de vous affecter durablement sur votre c’ur de métier et sur une mission en adéquation avec vos compétences. C’est dans ce cadre que votre manager [A] [B] vous a proposé une mission en calcul sur le projet MAP A350 pour le compte de notre client Airbus sur le site [Localité 5] (44).

– Non respect de vos obligations contractuelles telles que mentionnées dans le contrat de travail que vous avez signé le 03 septembre 2012

Au vu de vos compétences techniques en adéquation avec le projet MAP A350, [A] [B] vous a confirmé en date du 28 mai 2014 l’Ordre De Mission (ODM) n’2014- 04337-078.

Au regard de la pérennité de la mission, votre affectation sur cette mission était organisée dans un premier temps et pendant 3 mois en situation de Grand Déplacement (GD) afin de vous permettre d’organiser votre mobilité en vue de votre mutation au sein de notre établissement Assystem France sis [Adresse 1].

L’ODM comprenait une date de démarrage au 23 juin 2014 jusqu’au 23 septembre 2014 avant la date de mutation actée au 1er octobre 2014. Un second ordre de mission devait couvrir la période du 24 septembre au 30 septembre 2014. La mission avait pour objet les travaux MAP T300 – Activité Spirit sur le site client Airbus à [Localité 5].

Cette période de grands déplacements devait se dérouler pour les deux premiers mois sous indemnités en frais réels et sous indemnités forfaitaires pour le troisième mois avec également 1 trajet mensuel dit de détente pour [Localité 6]/[Localité 4]: indemnisations de frais telles que prévues par le barème des Indemnisations des frais de déplacements identifiée RH-ADP-001 Conditions déplacements France, par ailleurs disponible via l’intranet et la convention collective.

Le kit mobilité comprenant l’ensemble des dispositifs accompagnant la mobilité, notamment la prise en charge du déménagement et le versement d’une prime équivalente à 2 mois de rémunération brute, vous a été adressé par email par [W] [T], relais RH et remis en main propre par [A] [B] le mercredi 28 Mai 2014. A la suite de cet entretien, vous aviez un délai de lecture de l’ensemble des éléments avec un engagement de restitution d’un exemplaire de l’ODM signé par vos soins pour le 4 juin 2014 ; pendant ce laps de temps, vous étiez informé que vous pouviez bien évidemment solliciter sans réserve votre manager et votre relais RH pour toutes éventuelles questions.

C’est dans ce cadre que le 02 juin 2014 vous avez rencontré votre manager et le relais RH afin d’aborder les éventuelles questions issues de la lecture de l’ensemble des documents. Vous avez formulé des questions sur les conditions de déplacement et exprimé le souhait de pouvoir bénéficier de 2 allers/retours supplémentaires car des événements personnels étaient prévus pour le mois de juin et de juillet 2014, soit pendant la période de grand déplacement. Votre manager vous a confirmé la faisabilité de prendre en charge à titre exceptionnel ces demandes supplémentaires de trajet de détente.

Nonobstant cet accord, le 4 juin 2014, vous avez refusé par écrit l’ordre de mission avec la mention  » refus de la mission « , sans apporter une quelconque précision.

A l’issue de l’exposé de ces faits, nous avons recueilli vos explications, lesquelles ne nous ont néanmoins pas permis de modifier notre appréciation des faits.

Les motifs que vous invoquez à l’appui de vos refus ne peuvent en effet justifier votre refus de vous conformer à vos engagements contractuels.

Outre le fait que l’affectation proposée correspondait parfaitement à vos compétences, nous vous rappelons que lors de la signature de votre contrat de travail, vous vous êtes engagé à effectuer tous les déplacements de courte ou longue durée, nécessaires à l’accomplissement des missions qui vous seront confiées en France ou à l’étranger et ce par ailleurs conformément à l’ordre de mission précisant l’objet et les modalités d’exercice de la mission. De plus votre contrat de travail mentionnait également que la mobilité géographique pourrait le cas échéant se traduire par une mutation géographique entrainant un changement de résidence.

Le refus de rejoindre votre lieu de mission s’analyse en une inexécution de vos obligations contractuelles.

Vous comprendrez aisément que nous ne pouvons accepter votre comportement, notamment au regard de notions telles que le bon fonctionnement de notre société, l’employabilité de nos salariés, la qualité des relations commerciales que nous entretenons avec le client et l’image de notre société. Ces missions s’inscrivent parfaitement à la fois dans vos compétences, vos capacités professionnelles et dans la logique du contrat de travail qui nous lie.

Compte tenu du contexte industriel actuel, il ne nous est pas possible de vous présenter et de vous demander d’effectuer d’autres missions et par conséquence de votre refus nous nous voyons contraints de procéder â votre licenciement. Ce dernier prendra effet à la date de première présentation de la présente à votre domicile. Votre préavis d’une durée de 3 mois que nous vous dispsnsons d’effectuer, vous sera néanmoins rémunéré aux échéances habituelles de paie et l’ensemble de vos droits conservés… « .

Contestant le bien fondé de la mesure ainsi prise à son encontre et réclamant le paiement d’heures supplémentaires, Monsieur [F] [P] a saisi la juridiction prud’homale par requête du 21 juin 2016.

Par jugement du 14 septembre 2018, le conseil de prud’hommes de Martigues a ordonné la jonction des procédures RG 16/00594 et 16/00550, a débouté Monsieur [P] de ses demandes au titre des heures supplémentaires, a jugé que la mutation de Monsieur [P] de Vitrolles à Saint-Nazaire était intervenue dans un délai de prévenance suffisant, a constaté qu’il n’y avait pas d’incidence significative sur la vie personnelle et familiale de Monsieur [P] liée à cette mobilité, a jugé fautif le refus de mobilité de Monsieur [P], a jugé bien fondé le licenciement de Monsieur [P] prononcé par la SAS ASSYSTEM FRANCE, a débouté Monsieur [P] de toutes ses demandes, a débouté la SAS ASSYSTEM FRANCE de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et a condamné Monsieur [P] aux entiers dépens.

Ayant relevé appel, Monsieur [F] [P] demande à la Cour, aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 6 février 2019, de :

Vu les articles L 1222-1, L 1333-2, L 1333-3 & L.1235-3 du Code du Travail;

Vu la convention collective SYNTEC ;

Vu l’article 3 (1) de l’accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail, annexé à la Convention collective SYNTEC ;

Vu la jurisprudence;

Vu les pièces versées aux débats;

1) SUR LES HEURES SUPPLEMENTAIRES

CONSTATER que Monsieur [P] a été engagé pour un salaire mensuel brut de 2.709 € pour un temps de travail hebdomadaire de 38 heures 30.

CONSTATER que la rémunération brute de Monsieur [P] est inférieure au plafond annuel de la sécurité sociale.

CONSTATER que pour débouter Monsieur [F] [P] de sa demande en paiement d’heures supplémentaires avec incidence congés payés, le Conseil de prud’hommes a considéré à tort que Monsieur [F] [P] ne relevait pas de la modalité d’organisation du travail intitulée  » Réalisation de missions » de la convention collective SYNTEC.

Par conséquent,

INFIRMER le jugement sur ce point ;

CONDAMNER la société ASSYSTEM FRANCE à payer à Monsieur [F] [P] les sommes de 8.673,54 € au titre des heures supplémentaires contractuelles outre 867,35 € d’incidence congés payés.

2) SUR LE LICENCIEMENT

A TITRE PRINCIPAL

CONSTATER que la société ASSYSTEM FRANCE a indiqué verbalement le 27 mai 2014 à Monsieur [P], un nouvel ordre de mission à [Localité 7].

CONSTATER que la société ASSYSTEM FRANCE a confirmé le nouvel ordre de mission à [Localité 7], par écrit le 28 mai 2014, de manière totalement imprécise tant sur le contenu exact de la mission que sur les dates de début et fin de la mission.

CONSTATER que malgré une demande d’éclaircissements concernant la mission, les modalités pratiques et les dates de début et fin de mission, formulée le 3 juin 2014, la réponse apportée le 4 juin par l’employeur est des plus laconiques.

CONSTATER que, de l’aveu même de l’employeur, celui-ci se plaçait tant sur le terrain des déplacements professionnels que sur le terrain de la mutation définitive, de sorte que Monsieur [P] était dans l’incapacité de savoir si sa mission était temporaire ou définitive.

CONSTATER qu’en maintenant Monsieur [P] dans le flou concernant la mission à [Localité 7], le salarié ne pouvait y donner de suite favorable, eu égard notamment à sa vie familiale et personnelle.

En conséquence,

INFIRMER le jugement en ce qu’il a débouté Monsieur [F] [P] de sa demande relative au licenciement.

DIRE ET JUGER le refus de l’ordre de mission non fautif.

Et de surcroît,

CONSTATER que l’ordre de mission de [Localité 8] à [Localité 7] est intervenu sans délai de prévenance suffisant.

CONSTATER qu’un tel ordre de mission, imprécis, dans une ville très éloignée de [Localité 8], n’est pas sans incidence sur la vie personnelle et familiale de Monsieur [P];

Par conséquent,

DIRE ET JUGER le licenciement prononcé dépourvu de cause réelle et sérieuse.

CONDAMNER la société défenderesse au paiement de la somme de 30.743,60 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

A TITRE SUBSIDIAIRE

CONSTATER que pour des faits strictement identiques, Madame [C] n’a pas été licenciée.

CONSTATER que Monsieur [P], qui avait plus de deux ans d’ancienneté, n’avait aucun antécédent disciplinaire.

Par conséquent,

CONSTATER la disproportion manifeste du licenciement prononcé à l’encontre de Monsieur [P].

INFIRMER le jugement ;

DIRE ET JUGER que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

CONDAMNER la société intimée au paiement de la somme de 30.743,60 € à titre de dommages et intérêts.

CONDAMNER la société ASSYSTEM FRANCE aux entiers dépens ;

CONDAMNER la société ASSYSTEM FRANCE au paiement de la somme de 2.800 € (au titre de l’article 700 du CPC) ;

DIRE que dans l’hypothèse où, à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées dans le jugement à intervenir, l’exécution forcée devra être réalisée par l’intermédiaire d’un huissier, le montant des sommes retenues par l’huissier devra être supporté par le débiteur en sus de l’application de l’article 700 du CPC.

La SAS ASSYSTEM FRANCE devenue la SASU EXPLEO FRANCE demande à la Cour, aux termes de ses conclusions responsives notifiées par voie électronique le 12 avril 2019, de :

Vu les textes applicables,

Vu la jurisprudence et les pièces versées aux débats,

– dire et juger que le licenciement fait suite au refus de Monsieur [P] de se conformer à ses obligations contractuelles et repose sur une cause réelle et sérieuse ;

– dire et juger que Monsieur [P] ne relève pas de la catégorie « réalisation de missions » ;

– en tout état de cause, dire et juger que Monsieur [P] ne justifie pas avoir accompli des heures supplémentaires au-delà de la durée légale de travail.

EN CONSÉQUENCE :

– débouter Monsieur [P] de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;

– condamner Monsieur [P] à verser à la Société la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner Monsieur [P] aux entiers dépens, ceux d’appel distraits au profit de Maître Françoise BOULAN, membre de la SELARL LEXAVOUE AIX EN PROVENCE, Avocats associés aux offres de droit.

La clôture de l’instruction de l’affaire a été prononcée par ordonnance du 27 janvier 2022.

SUR CE :

Sur les heures supplémentaires :

Monsieur [F] [P] fait valoir qu’en application de l’article 3 de l’accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail, annexé à la Convention collective SYNTEC, et selon la jurisprudence de la Cour de cassation dans son arrêt du 4 novembre 2015, n° 14-25.475, alors que sa rémunération annuelle brute s’élève à 32 508 euros, celle-ci est inférieure au plafond annuel de la sécurité sociale, qu’il est fondé à venir réclamer le paiement des heures supplémentaires à raison de 3h30 par semaine, soit la somme de 8673,54 euros au titre des heures supplémentaires contractuelles outre 867,35 euros d’incidence congés payés.

La SAS ASSYSTEM FRANCE réplique que Monsieur [P] se prévaut d’une jurisprudence qui concerne uniquement les cadres soumis à un forfait en heures selon la modalité particulière « Réalisation de Missions » prévue par la Convention collective SYNTEC, que Monsieur [P] ne relevait pas de cette modalité d’organisation de travail intitulée « Réalisation de Missions » ; qu’en effet, selon l’accord d’entreprise sur l’aménagement et la réduction du temps de travail du 30 novembre 2006, seuls les cadres en position 2 au sein de la société voyaient leur durée du travail organisée selon ce forfait horaire global correspondant à la modalité « Réalisation de Missions » de la Convention collective SYNTEC ; qu’en revanche, les cadres en position 1, comme Monsieur [P], étaient soumis à un horaire de travail précis égal à 38h30, et non à un forfait en heures incluant les variations d’horaires dans la limite de 38h30 ; qu’il n’y a donc là nulle mention d’un forfait mais au contraire, la mention d’une durée du travail précise ; que les 3h30 de présence supplémentaire hebdomadaire (incluant la pause payée) par rapport à la durée légale de travail ont donné lieu à l’octroi de 13 jours de RTT par an (0,25 par semaine), conformément à l’accord d’entreprise en vigueur et que l’appelant doit être débouté de ses demandes.

*****

Selon le contrat de travail de Monsieur [F] [P] en date du 3 juillet 2012, celui-ci était employé en qualité d’ingénieur, position 1.2, coefficient 100, avec un salaire mensuel brut de 2709 euros, versé sur 12 mois « en contrepartie d’un temps de présence hebdomadaire actuellement fixée à 38 heures et 30 minutes, pauses de 20 minutes journalières comprises ». La convention collective applicable est celle des bureaux d’études techniques, cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987, dite Syntec.

La jurisprudence de la Cour de Cassation (Soc. 4 novembre 2015, n° 14-25.745) à laquelle se réfère Monsieur [P] concerne des salariés dont les contrat de travail stipulaient, en application de l’article 3, chapitre II, de l’accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail et annexé à la convention collective Syntec, une convention de forfait en heures sur une base hebdomadaire de 38h30, s’agissant de salariés relevant des modalités 2 « Réalisation de missions », lesdites modalités s’appliquant aux salariés non concernés par les modalités standard ou les réalisations de missions avec autonomie complète et dont la rémunération est au moins égale au plafond de la sécurité sociale.

En l’espèce, il ne ressort pas du contrat de travail de Monsieur [P] que celui-ci bénéficiait d’une convention de forfait en heures. Par ailleurs, selon l’accord d’entreprise sur l’aménagement et la réduction du temps de travail en date du 30 novembre 2006, seul le personnel cadre position 2 bénéficie d’un forfait en heures, aux termes de l’article 15 dudit accord.

Monsieur [F] [P], positionné 1.2, ne bénéficiait donc pas d’une convention de forfait en heures, mais d’une durée de travail effectif de 36h30 correspondant à un temps de présence hebdomadaire de 38h30 incluant une pause de 20 minutes par jour. Aux termes de l’article 5 de l’accord d’entreprise du 30 novembre 2006, « la réduction du temps de travail est effectuée par l’attribution de 13 jours de réduction du temps de travail (JRTT) par année complète, permettant de fixer la durée moyenne de travail effectif à 35 heures sur l’année, soit un maximum de 1600 heures annuelles, plus 7 heures au titre de la journée de solidarité ».

Monsieur [P] ne prétend pas ne pas avoir bénéficié de ses jours de réduction du temps de travail, lesquels sont inscrits sur ses bulletins de paie.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Monsieur [P] de sa demande en paiement d’heures supplémentaires et de congés payés afférents.

Sur le licenciement :

Monsieur [F] [P] soutient que son contrat de travail fait clairement la différence entre d’une part, les déplacements de courte et longue durée, et d’autre part la mutation, que la SAS ASSYSTEM FRANCE n’a jamais été en mesure de lui expliquer si l’ordre de mission était un déplacement professionnel ou une mutation, qu’il lui a été demandé de répondre clairement et rapidement à une demande qui était tout sauf claire (s’agissait-il d’une mission limitée à 3 mois ‘ S’agissait-il d’une mutation définitive ‘), qu’ainsi, le refus par le salarié de la clause de mobilité est parfaitement légitime et ne saurait être considéré comme fautif dès lors que l’employeur s’est placé à la fois sur le terrain de la clause 1 « déplacements » et la clause 2 « mutation » pour justifier son licenciement ; que l’employeur n’a pas exécuté de bonne foi le contrat de travail en mettant en ‘uvre de manière floue et imprécise la clause relative aux déplacements et/ou celle relative à la mutation.

Il fait valoir également qu’il n’a été informé verbalement que le 27 mai 2014 de son affectation à [Localité 7] pour début juin, que de surcroît, malgré l’insuffisance des informations apportées aux salariés dont Monsieur [P] dans l’e-mail du 4 juin 2014, son employeur exigeait une réponse le jour même, que l’absence de visibilité sur la mission, sa durée réelle et l’absence de délai de prévenance suffisant ont conduit Monsieur [P] a légitimement refusé la mission à [Localité 7] et que son licenciement doit être déclaré dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Monsieur [P] souligne par ailleurs que, sur l’ensemble des salariés concernés par cette mutation géographique sur [Localité 7], il a été le seul licencié et qu’une telle sanction, totalement injustifiée, est à tout le moins disproportionnée.

La SAS ASSYSTEM FRANCE devenue la SASU EXPLEO FRANCE fait valoir que Monsieur [P] avait expressément accepté, lors de son embauche, d’effectuer tout déplacement nécessaire à l’accomplissement des missions confiées et d’accepter tout changement de son lieu de travail en France, que le salarié en situation d’inter-contrat de manière prolongée à compter du mois d’avril 2014 s’est vu proposer une mission pérenne à [Localité 5], à proximité de [Localité 7] (44) ; que la mission proposée les 27 et 28 mai 2014 correspondait en tous points aux compétences et qualifications de Monsieur [P]; qu’il lui a été confié dans un premier temps une mission de 3 mois sous le régime des grands déplacements, devant débuter le 23 juin 2014, soit 4 semaines après la remise de l’ordre de mission ; que ce n’est que dans un second temps, à compter du 1er octobre 2014, soit 4 mois plus tard, que devait être formalisée la mutation permanente de Monsieur [P] par le biais d’un avenant ; que Monsieur [P] a bénéficié d’une semaine pour réfléchir (du 28 mai au 4 juin 2014), durant laquelle il a été reçu en entretien par la direction des ressources humaines et par son manager et a reçu toutes les informations sur les mesures d’accompagnement ; qu’en outre, Monsieur [P] et ses collègues concernés par la proposition de mission à [Localité 5] ont reçu toutes les informations techniques sur le contenu de la mission ; que Monsieur [P] ne peut donc sérieusement indiquer qu’il aurait manqué d’informations ; qu’il ne peut davantage soutenir que sa mobilité aurait été mise en ‘uvre sans respecter un délai suffisant ; que dans ces conditions, aucune hâte ni légèreté blâmable ne peut être reprochée à la société ; que le refus par Monsieur [P] d’une mission de 3 mois en grande déplacement est totalement injustifié, que le salarié n’a d’ailleurs fourni aucune explication lors du refus de l’ordre de mission, se contentant d’invoquer l’éloignement de son lieu de mission par rapport à son domicile, sans évoquer aucun motif lié à sa situation personnelle, que le refus de Monsieur [P] de se conformer à ses obligations en matière de déplacements professionnels inhérents aux missions confiées constitue une faute qui justifie pleinement le licenciement prononcé ; que Monsieur [P] se prévaut du cas de Madame [C] qui a également refusé l’ordre de mission en question mais n’a pas été licenciée, que cependant Madame [C] avait une ancienneté supérieure de plusieurs mois à celle de Monsieur [P] ; que de plus, le pouvoir d’individualisation des sanctions dont dispose l’employeur lui permet de sanctionner différemment des salariés et que Monsieur [P] doit être débouté de ses prétentions.

*****

Il est prévu à l’article VI « Lieu de travail – déplacements – mobilité géographique » du contrat de travail de Monsieur [F] [P] que :

« L’activité de prestataire de services de la Société et les attributions dévolues à Monsieur [P] le conduisent à effectuer sa prestation tantôt en mission chez le client tantôt en agence.

Le lieu de travail de Monsieur [P] est actuellement situé à l’agence de [Localité 8] (13).

Son établissement juridique de rattachement est celui de [Localité 8] (13).

Ces points ne constituent pas un élément essentiel du présent contrat.

1. Déplacements

Il est bien entendu que Monsieur [P] s’engage à effectuer tous les déplacements, de courte ou longue durée, nécessaires à l’accomplissement des missions qui lui seront confiées en France et à l’étranger, et ce conformément à son ordre de mission précisant l’objet et les modalités d’exercice de la mission.

Le refus de Monsieur [P] de rejoindre son lieu de mission s’analyserait en une inexécution de ses obligations contractuelles.

2. Mutation

Monsieur [P] est informé que la mobilité géographique est inhérente à l’activité même de la Société et accepte le fait que celle-ci pourra, le cas échéant, se traduire par une mutation géographique pouvant entraîner un changement de sa résidence dans tout autre établissement juridique ou bureau de la société situé en France.

Dans une telle hypothèse, les modalités de mise en ‘uvre et d’accompagnement de cette mutation seront déterminés conformément aux dispositions de la Convention Collective applicable et aux normes en vigueur au sein de la Société.

En conséquence, et en apposant sa signature en marge de la présente clause, Monsieur [P] reconnaît expressément avoir pris la mesure de ses engagements et des contraintes inhérentes aux déplacements et à son éventuelle mutation qui constituent une condition déterminante de son engagement ».

Alors que Monsieur [P] était en situation d’inter-contrat à compter du mois d’avril 2014, il a été informé oralement, le 27 mai 2014, d’une mission qui devait lui être attribuée, ainsi qu’à d’autres collègues de travail, devant se réaliser à [Localité 7]. Par courriel du 28 mai 2014, Monsieur [P] recevait des éléments d’information sur le contenu de la mission et les tâches à accomplir dans le cadre de cette mission.

Un ordre de mission a été adressé par la SAS ASSYSTEM FRANCE à Monsieur [F] [P], prévoyant une mission auprès de la société AIRBUS à Montoir de Bretagne (44550), sur la période du 23 juin 2014 au 23 septembre 2014, avec le paiement d’indemnités de grands déplacements et le règlement d’un trajet mensuel aller-retour par transport en commun. Cet ordre de mission porte mention du « Refus de mission » de Monsieur [P] à la date du 4 juin 2014.

Il convient d’observer que le courriel du 28 mai 2014 de [A] [B] parle de tâches à réaliser à [Localité 7] « dans le cadre de la mutation » alors que l’ordre de mission concerne l’exécution d’une mission de 3 mois s’exécutant selon le régime de remboursement des frais de grand déplacement.

Il était également sollicité, par courriel du 3 juin 2014 de [O] [Y] adressé à [A] [B] avec copie aux autres salariés concernés dont [F] [P], des informations sur les tâches à réaliser, sur la prise en charge du « trajet détente prévu » (« est-ce forfaitaire ou sur frais réels ‘ Dans la limite de quel montant ‘ »), sur la possibilité d’avoir une voiture de fonction sur place « comme cela se fait couramment pour ce type de mission lointaine » et susceptible de faciliter « la recherche de logements et l’aménagement de nos heures de travail », étant précisé que le courriel en réponse du 4 juin 2014 de [A] [B] n’apporte des précisions que sur la prestation à réaliser. Également, [O] [Y] a indiqué dans son courriel du 3 juin 2014 que les salariés n’avaient aucune information sur les tâches à réaliser dans le cadre de leur mission, « Mr [R] n’étant pas disponible », s’agissant du « manager de l’activité » qui avait transmis « quelques éléments sur la mission » par courriel du 28 mai 2014 et que les salariés concernés n’ont pu joindre.

La SAS ASSYSTEM FRANCE devenue la SASU EXPLEO FRANCE soutient que Monsieur [P] s’est vu remettre également le 28 mai 2014 un « kit mobilité Assystem France » détaillant les dispositifs d’accompagnement applicables et les conditions financières d’indemnisation en cas d’acceptation de la mission proposée. Il ressort de ce document (pièce 14 versée par l’employeur) qu’il est question d’aides pour faciliter la « mutation géographique » d’un salarié (prime de mutation, prise en charge du voyage de recherche de logement, prise en charge des frais de déménagement, etc.).

Au vu des éléments versés par les parties, il apparaît que la SAS ASSYSTEM FRANCE a parlé indifféremment d’une mission grand déplacement et d’une mutation. Par ailleurs, la société intimée ne démontre pas avoir répondu aux interrogations légitimes des salariés sur les conditions de mise en ‘uvre des aides (modalités de la prise en charge financière du trajet « détente », attribution d’un véhicule de fonction).

Eu égard à l’absence de précision sur les conditions d’exercice de la mission confiée à Monsieur [F] [P] et l’absence de réponse de l’employeur aux interrogations des salariés, la Cour constate que la SAS ASSYSTEM FRANCE a fait une application abusive de la clause de mobilité géographique du salarié. Ce dernier n’a pas en conséquence commis de faute en refusant l’ordre de mission de son employeur. Son licenciement est donc dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Monsieur [F] [P] ne verse aucun élément sur l’évolution de sa situation professionnelle postérieurement à son licenciement et sur son préjudice.

En considération de son ancienneté inférieure à deux ans lors de la notification de son licenciement par lettre recommandée du 22 juillet 2014, reçue par le salarié le 31 juillet 2014 selon avis de réception produit par l’employeur, et du montant de son salaire mensuel brut, la Cour accorde à Monsieur [F] [P] la somme de 8000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur l’article 700 du code de procédure civile :

Il y a lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, tel que précisé au dispositif.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et en matière prud’homale,

Confirme le jugement en ce qu’il a débouté Monsieur [F] [P] de sa demande en paiement d’heures supplémentaires et des congés payés afférents,

L’infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau sur les points infirmés,

Dit que le licenciement de Monsieur [F] [P] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne la SAS ASSYSTEM FRANCE devenue la SASU EXPLEO FRANCE à payer à Monsieur [F] [P] 8000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la SAS ASSYSTEM FRANCE devenue la SASU EXPLEO FRANCE aux dépens de première instance et d’appel et à payer à Monsieur [F] [P] 2800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

[V] [I] faisant fonction

 


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