Convention collective SYNTEC : 27 janvier 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 20/02294

·

·

Convention collective SYNTEC : 27 janvier 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 20/02294

ARRÊT DU

27 Janvier 2023

N° 122/23

N° RG 20/02294 – N° Portalis DBVT-V-B7E-TJOZ

SHF/AA

Jugement du

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LILLE

en date du

25 Septembre 2020

(RG F18/01275 -section 4)

GROSSE :

aux avocats

le 27 Janvier 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

– Prud’Hommes-

APPELANT :

M. [X] [C]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Catherine CAMUS-DEMAILLY, avocat au barreau de DOUAI,Assisté de Me Céline COTZA, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

S.A.S. ATOS INFOGERANCE

[Adresse 9]

[Adresse 9]

[Localité 4]

représentée par Me Laurent LECANET, avocat au barreau de PARIS

DÉBATS : à l’audience publique du 16 Novembre 2022

Tenue par Soleine HUNTER-FALCK

magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Nadine BERLY

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Soleine HUNTER-FALCK

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

Gilles GUTIERREZ

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 27 Janvier 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Soleine HUNTER-FALCK, Président et par Annie LESIEUR, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 26/10/2022

La SAS ATOS Infogérance qui a une activité d’exploitation de tout système informatique, le traitement de l’information, l’ingénierie des systèmes, les études, le conseil et l’assistance, est soumise à la convention collective SYNTEC ; elle comprend plus de 10 salariés.

Monsieur [X] [C], né en 1967, a été engagé par contrat à durée indéterminée par la SAS ATOS Infogérance le 07.04.2008, en qualité d’ingénieur d’exploitation, statut cadre, position 2.1, coefficient 115 à temps complet. Il était stipulé aux termes de l’article 3 du contrat de travail que le salarié relevait des modalités «réalisation de missions » et que son temps de travail serait décompté sur la base d’un forfait hebdomadaire en heure ne pouvant être supérieur à 35h plus 10% soit 38h30 par semaine sous réserve de dépassements exceptionnels ; il était prévu un forfait de 220 jours ouvrés.

Après avoir exercé ses fonctions auprès de la société EDF du CTI de [Localité 5] en qualité d’intégrateur BI, REPOP Aix, M. [X] [C] a reçu une mission ‘administrateur PATROL’ devant être réalisée auprès de EDF / IES12 SDIN et située au CTI de Lille [Adresse 1] à [Localité 8], à compter du 02.01.2014 et prévue jusqu’au 31.12.2014 ; cette mission a été renouvelée jusqu’au 31.12.2015.

Dans une note datée du 10.02.2014, l’employeur a fait connaître au salarié que conformément au contrat signé par l’entreprise avec le client EDF IESI LotA, les horaires du client de 40 h par semaine devaient s’appliquer.

Par avenant en date du 02.06.2014, la SAS Atos Infogerance a indiqué à M. [X] [C] qu’il relevait dorénavant compte tenu de la nature de ses fonctions, de la catégorie ‘modalité standard’ en application de l’accord statutaire du 01.03.2006 ; il était prévu que la durée du travail serait de 35 h par semaine, et plafonnée à 1607 heures par an, le salarié étant assujetti à l’horaire collectif de l’entité à laquelle il était affecté; ce dernier n’a pas signé cet avenant.

M. [X] [C] a refusé de signer un nouvel avenant transmis le 01.07.2014 relatif au changement de modalité du temps de travail et stipulant le passage à la catégorie ‘réalisation de missions’ en application des dispositions de l’accord de branche du 22.06.1999 ; la durée du travail était fixée à 38h30 par semaine, sur 218 jours pas an, 10 jours de RTT étant comptés par an.

Le 27.11.2014, M. [X] [C] a saisi l’inspection du travail des difficultés rencontrées.

Par LRAR du 15.02.2015 réitérée le 17.04.2015, M. [X] [C] a mis en demeure son employeur de payer des heures supplémentaires, de récupérer des heures de délégation syndicale, de régulariser son contrat de travail, les frais de déplacements, les délais de routes, le complément de prime de fin d’astreinte et l’augmentation obligatoire de salaire de 2012.

Le 30.10.2015, le conseil des prud’hommes de Lille a été saisi par Monsieur [X] [C] diverses demandes liées à l’exécution du contrat de travail.

A compter du 01.02.2016, M. [X] [C] a reçu une nouvelle mission à réaliser auprès de la CNAMTS située à [Localité 7] (59) [Adresse 6] à raison de 39 h par semaine ; cette mission a été renouvelée jusqu’au 30.09.2017, puis à nouveau pour l’année 2018 à raison de 35 h par semaine.

Dans un avenant en date du 07.09.2016, pris en application de l’accord d’entreprise du 22.04.2016, il a été proposé au salarié et accepté par lui une modalité de 35 heures hebdomadaires à compter du 01.07.2016.

Par un nouvel avenant du 08.10.2018, les modalités du télétravail ont été proposées au salarié.

Le 05.01.2022, M. [X] [C] a été nommé ingénieur d’exploitation statut cadre position 2.2 coefficient 130.

M. [X] [C] a été élu membre du CHSCT le 10.03.2014 ; lors du scrutin professionnel de juin/juillet 2014, M. [X] [C] a été élu délégué du personnel suppléant au sein du 2è collègue ; il avait été désigné délégué syndical en 2014.

Un appel a été interjeté régulièrement devant la cour d’appel de Douai le 16.11.2020 par Monsieur [X] [C] à l’encontre du jugement rendu le 25.09.2020 par le conseil de prud’hommes de Lille section Encadrement, notifié le 14.10.2020 ; cet acte a été enregistré sous le numéro RG 20.2249. M. [X] [C] a formé un nouvel appel le 27.11.2020 qui a été enregistré sous le numéro RG 20.2294.

Le conseil de prud’hommes de Lille a dans la décision critiquée débouté le salarié de l’intégralité de ses demandes et conclusions et il l’a condamné à verser à la Société Atos Infogerance la somme de 1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux éventuels dépens.

Le dossier enregistré sous le numéro RG 20.2249 est sorti du rôle le 13.04.2022.

Vu les conclusions transmises par RPVA le 18.02.2022 par Monsieur [X] [C] qui demande à la cour de :

INFIRMER le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Lille en date du 25 septembre 2020 en ce qu’il a débouté Monsieur [C] de l’ensemble de ses demandes et l’a condamné à verser à la SAS Atos Infogerance la somme de 1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

ET STATUANT A NOUVEAU,

SUR LES HEURES SUPPLEMENTAIRES

A titre principal,

DIRE ET JUGER que Monsieur [C] ne pouvait être soumis au décompte de son temps de travail selon les modalités 2 dites « réalisation de mission » ;

En conséquence,

CONDAMNER la société Atos Infogerance au paiement de la somme de 51.226,93 € à titre de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires ;

CONDAMNER la société Atos Infogerance au paiement de la somme de 5.122,69 € au titre des congés payés afférents ;

CONDAMNER la société Atos Infogerance au paiement de la somme de 48.786,31 €, et à titre subsidiaire à la somme de 35.358,17 €, à titre de dommages et intérêts pour non-respect du repos compensateur ;

A titre subsidiaire,

CONDAMNER la société Atos Infogerance au paiement de la somme de 43.683,30 € à titre de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires ;

CONDAMNER la société Atos Infogerance au paiement de la somme de 4.368,33 € au titre des congés payés afférents ;

SUR LES DOMMAGES ET INTERETS POUR TRAVAIL DISSIMULE

CONDAMNER la société Atos Infogerance au paiement de la somme 19 531.02 € à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé ;

SUR LE RAPPEL DE SALAIRE NAO

A titre principal,

CONDAMNER la société Atos Infogerance au paiement de la somme de 5.700 € de rappel de salaires au titre de la NAO pour l’année 2011 ;

CONDAMNER la société Atos Infogerance au paiement de la somme de 570 € au titre des congés payés afférents ;

FIXER le salaire de base de Monsieur [C] à la somme de 3.439,82 € ;

A titre subsidiaire,

CONDAMNER la société Atos Infogerance au paiement de la somme de 5.000 € de rappel de salaire au titre de la NAO pour l’année 2012 ;

CONDAMNER la société Atos Infogerance au paiement de la somme de 500 € au titre des congés payés afférents ;

FIXER le salaire de base de Monsieur [C] à la somme de 3.439,82 € ;

SUR LES FRAIS DE TRAJET

CONDAMNER la société Atos Infogerance au paiement de la somme de 13.062,24 € à titre de rappel de frais de trajet ;

SUR LES DOMMAGES ET INTERETS POUR INEXECUTION FAUTIVE DU CONTRAT

CONDAMNER la société Atos Infogerance au paiement de la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour inexécution fautive du contrat ;

EN TOUT ETAT DE CAUSE

DIRE ET JUGER que les créances de nature salariale emporteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation ;

DIRE ET JUGER que les créances de nature indemnitaire emporteront intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision à intervenir ;

ORDONNER la capitalisation des intérêts ;

CONDAMNER la société Atos Infogerance au paiement de la somme de 3 000.00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNER la société Atos Infogerance aux éventuels frais et dépens ;

Vu les conclusions transmises par RPVA le 11.05.2021 par la SAS ATOS Infogérance qui demande de :

. Confirmer la décision de première instance en toutes ses dispositions,

. Débouter Monsieur [C] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

A TIRE SUBSIDIAIRE,

. Ramener les demandes de Monsieur [C] à de plus justes proportions ;

EN TOUT ETAT DE CAUSE,

. Condamner Monsieur [C] à verser à la Société Atos Infogerance, la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens qui sont recouvrés par Maître Laurent LECANET, Avocat aux offres de droit ;

Vu l’ordonnance rendue le 29.09.2021 par le conseiller de la mise en état faisant injonction aux parties de rencontrer un médiateur ainsi que l’accord des parties, la décision étant néanmoins restée sans suite ;

Vu l’ordonnance de jonction du 10.11.2021 ;

Vu l’ordonnance de clôture en date du 26.10.2022 prise au visa de l’article 907 du code de procédure civile ;

Pour un exposé complet des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère aux conclusions écrites transmises par RPVA et dont un exemplaire a été déposé à l’audience de plaidoirie.

A l’issue de cette audience, les parties présentes ont été avisées que la décision était mise en délibéré pour être rendue par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur l’exécution du contrat de travail :

1) Sur les heures supplémentaires :

a) M. [X] [C] expose qu’aux termes de l’ARTT du 22.06.1999 annexé à la convention SYNTEC trois modalités de réduction du temps de travail étaient prévues : la modalité standard, la modallité de réalisation de missions (dite modalité n°2) et la modalité de réalisation de missions avec autonomie complète ; il rappelle que la modalité 2 n’était susceptible de s’appliquer aux ingérnieurs et cadres qu’à la condition que leur rémunération soit au moins égale au plafond de la sécurité sociale à défaut de quoi la convention de forfait hebdomadaire en heures n’était pas valable ; alors le salarié peut revendiquer un décompte du temps de travail sur la base d’un horaire hebdomadaire de 35h.

Contractuellement, le salarié était soumis à la modalité 2impliquant un horaire hebdomadaire de 38h30 alors que, en 2012, sa rémunération était inférieure au plafond de la sécurité sociale fixé à 36.272 €, peu important un arrêt maladie du 2809 au 31.12.2012, puisqu’il a bénéficié d’un maintien de salaire à 100% ; ce critère de rémunération annuelle ne doit pas être apprécié uniquement lors de l’affectation initiale du salarié.

Sur ce point la SAS ATOS Infogérance réplique en observant que le texte de l’accord statutaire du 01.03.2006 stipule en ce qui concerne la modalité 2 ‘réalisation de missions’ que ce paragraphe (§3.2.2) comporte une note en bas de page (1) selon laquelle ‘L’appréciation du critère de la rémunération annuelle est faite lors de l’affectation initiale à cette modalité’ ; il s’agit d’une condition d’entrée et non une condition devant être maintenue tout au long de la collaboration. Par suite le salarié ayant perçu à la signature de son contrat une rémunération annuelle supérieure au plafond de la sécurité sociale et supérieure à 115% du minimum conventionnel, remplissait initialement tous les critères pour conclure une convention de forfait dont la validité ne peut être remise en cause. La société relève en outre que l’accord statutaire n’a pas vocation à instituer une indexation des salaires sur les plafonds de la sécurité sociale mais qu’il se borne à reprendre une exigence de l’accord de branche étendu ; les seules incidences de l’augmentation du plafond de la sécurité sociale concernent le calcul des cotisations sociales et il ne s’agit pas d’assurer une garantie de rémunération ; cette interprétation a été reprise par la jurisprudence.

Sur ce, l’article 3.2.2 de l’accord d’entreprise du 01.03.2016 applicable au sein de la SAS ATOS Infogérance prévoit que : « Bénéficient des modalités réalisation de missions, les collaborateurs ingénieurs et cadres qui, compte tenu de la nature des tâches réalisées, ne peuvent suivre strictement un horaire prédéfini parce que soumis à des horaires aléatoires ne pouvant être définis à l’avance et dont la rémunération est au moins égale au plafond de sécurité sociale (1).

Par ailleurs ces collaborateurs doivent bénéficier d’une rémunération annuelle au moins égale à 115% du minimum conventionnel de leur catégorie. »

Ces dispositions sont conformes à celles prévues par l’accord de branche SYNTEC selon lesquelles, aux termes de l’article 3 :

« Ces modalités s’appliquent aux salariés non concernés par les modalités standard ou les réalisations de missions avec autonomie complète. Tous les ingénieurs et cadres sont a priori concernés à condition que leur rémunération soit au moins égale au plafond de la sécurité sociale. De plus, en fonction de l’activité de l’entreprise, un accord d’entreprise doit préciser les conditions dans lesquelles d’autres catégories de personnel peuvent disposer de ces modalités de gestion.

(‘) Le personnel ainsi autorisé à dépasser l’horaire habituel dans la limite de 10 % doit bénéficier d’une rémunération annuelle au moins égale à 115 % du minimum conventionnel de sa catégorie ».

L’accord d’entreprise a entendu préciser dans la note en bas de page (1) :

« L’appréciation du critère de la rémunération annuelle est faite lors de l’affectation initiale à cette modalité ».

Dès lors c’est à bon droit que l’employeur rappelle que la référence au plafond de la sécurité sociale, qui n’a d’incidence qu’en termes de cotisations sociales, constitue une simple condition d’entrée pour le classement du salarié dans la catégorie cadre avec missions, sans aucunement être liée à la garantie d’une rémunération minimale. Il fait valoir en effet que la Fédération SYNTEC qui est signataire de l’accord de branche sur l’ARTT, saisie de la question, a entendu préciser le 03.05.2005 que:

« La rémunération ne suit pas systématiquement l’augmentation du plafond de sécurité sociale dans la mesure où ce critère n’est qu’une condition d’entrée ».

Il en résulte que les variations du plafond de la sécurité sociale ne sont pas répercutées sur les salaires pendant toute la durée du contrat.

Enfin la société relève que M. [X] [C], qui percevait initialement un salaire mensuel de 3.100 €, a perçu 3.175 € à compter du 01.07.2012 puis 3.205 € à partir du 01.08.2014 ce qui correspond à des rémunérations supérieures au plafond de la sécurité sociale ; le salarié ne peut se prévaloir de sa situation courant 2012 alors qu’il a perçu en fin d’année sur trois mois des indemnités journalières de sécurité sociale complémentaires.

En conséquence M. [X] [C] s’est vu appliquer valablement un forfait hebdomadaire en heures par son employeur dans le cadre de la modalité 2 et il ne peut solliciter l’application des dispositions du droit commun en matière de temps de travail. Le jugement sera confirmé sur ce point.

b) Néanmoins, M. [X] [C] indique qu’à compter de décembre 2013, il a dû effectuer 40 heures par semaine à la demande du client.

La société déclare que les lettres de mission en qualité d’intégrateur BI de février 2012 à décembre 2013 ne mentionnaient pas un horaire de travail sur 40 heures par semaine, alors qu’à compter de janvier 2014 le salarié est intervenu auprès de EDF/IES12 SDIN en tant qu’administrateur PATROL ce qui l’a conduit à réaliser 40 heures par semaine et le courriel du 10.02.2013 confirme que conformément au contrat conclu avec le client les prestataires étaient tenus d’appliquer un horaire de 40h par semaine.

Le procès verbal de la réunion des délégués du personnel du 05.03.2014 mentionne explicitement qu’il avait été demandé officiellement depuis le 10.02.2014 aux collaborateurs Atos affectés sur cette mssion de respecter les horaires figurant au contrat signé avec le client EDF.

Par suite, il convient de dire que, à défaut pour la société de produire le contrat EDF/IES12 SDIN qui aurait permis d’en déterminer la date d’application, le salarié était tenu comme ses collègues affectés à cette mission devait réaliser 40 heures par semaine, ce que ne conteste pas l’employeur qui indique que ‘ce n’est qu’au titre de cette dernière mission qui a débuté en 2014 que Monsieur [C] a été amené à réaliser 40 heures par semaine’.

Il s’ensuit que M. [X] [C] bénéficiant du régime de la modalité 2 se traduisant par un horaire hebdomadaire de 38h30, le salarié est légitime à se voir rémunérer 1h30 par semaine au titre des heures supplémentaires qui dans les faits étaient transformées en ‘jours TEA’ (ou Tranche Exceptionnelle d’Activité) ; le salarié bénéficiait donc d’un système de récupération des heures effectuées au delà de 38h30 prévu par le convention SYNTEC mais aussi par l’accord d’entreprise (§ 3.5.1.1).

Concrètement, la société justifie de ce que, peu important que le salarié n’ait pas réalisé des tranches exceptionnelles d’activité de 3h30 prévues par l’accord d’entreprise, au cours de l’année 2014 il a bénéficié de 11 jours au titre des TEA qui ont couvert les heures accomplies au délà de 38h30 et que de même en 2015, il a bénéficié de 16 jours de congés supplémentaires. Il a donc effectivement été désintéressé par l’application de ce système. Le jugement sera confirmé.

c) A partir du 01.02.2016, M. [X] [C] a reçu une nouvelle mission à réaliser auprès de la CNAMTS à raison de 39 h par semaine ; de ce fait il exécute ses prestations au delà de la durée hebdomadaire de 38h30 à raison de 30 minutes par semaine. Ses bulletins de paie mentionne là encore des indemnités jours TEA correspondant à 6,5 jours de récupération cumulés dans le couarant de l’année 2016.

d) L’avenant signé entre les parties le 07.09.2016 en application du nouvel accord d’entreprise sur la durée et l’organisation du temps de travail, prévoit, à partir de juillet 2016, une durée hebdomadaire de 35 heures et une durée annuelle de travail fixée à 1607 heures. Cependant M. [X] [C] effectue toujours 39 heures par semaine ; les bulletins de paie font figurer à compter de novembre 2016 des heures supplémentaires rémunérées à 125 % ; par la suite il perçoit la rémunération d’heures supplémentaires à 125 ou 150% et en decembre 2017 35 heures de repos compensateurs de remplacement.

Ces modalités se sont poursuivies également en 2018.

e) M. [X] [C] sollicite le paiement d’heures de délégation qu’il déclare avoir effectuées en dehors de son temps de travail.

– Il se prévaut des dispositions de l’article L2143-13 (ancien) du code du travail pour évaluer à 15 heures par mois les heures de délégation dont il pouvait bénéficier.

Pour justifier de ce temps supplémentaire, il produit notamment le compte rendu rédigé le 23.05.2014, une demande de rencontre pour évoquer cette question par courriel du 22.0.2014, des échanges de courriels entre septembre et décembre 2015 effectués en sa qualité d’élu alors que M. [X] [C] y participe entre 20h et 23h sauf une fois à l’heure du déjeuner ; dans la lettre du 05.07.2014, le salarié demande à son employeur comment planifier et rémunérer non seulement les 40 heures dues au client mais également les 15 heures de délégation par mois, à raison de 13 heures rémunérées à 25% et de 2 heures rémunérées à 50%.

– M. [X] [C] fait valoir que depuis le 01.02.2016, il bénéficie de 40 heures de délégation par mois en raison de ses mandats de secrétaire du CHSCT, délégué syndical et délégué du personnel titulaire, en application des dispositions des articles L 4614-3, L2143-13 et L2315-1 anciens, heures qu’il déclare avoir à nouveau effectuées en dehors de son temps de travail et qui doivent lui être rémunérées à raison de 17 heures à 25% et de 23 heures à 50%.

Il communique des échanges de courriels intervenus en 2016 entre juin et décembre où l’on voit que M. [X] [C] y participe soit tard le soir soit très tôt le matin.

– Entre le 01.10.2017 et le 30.09.2018 M. [X] [C] invoque toujours un total de 40 heures de délégation par mois soit 34 heures de délégation par mois devant être rémunérées à 25% et 6 heures à 50%. Il produit la liste de ses interventions en qualité de secrétaire du CHSCT entre mars 2017 et septembre 2018, les réunions s’étant tenu en journée.

– Il précise qu’étant en intercontrats depuis octobre 2018 il est en mesure d’exercer ses mandats pendant son temps de travail effectif en l’absence de mission.

En réplique la société déclare que dès lors que le salarié n’est pas en mesure de démontrer la réalité des heures supplémentaires alléguées il les réclame au titre d’heures de délégation syndicale prises prétendument hors du temps de travail sans pour autant produire ses comptes rendus d’activité et qu’il ne se fonde que sur ses propres déclarations.

Sur ce, la convention collective SYNTEC stipule en son article 3 (Droit syndical et liberté d’opinion) que :

‘Lorsque les salariés seront appelés à participer aux réunions paritaires décidées entre les employeurs et les organisations syndicales représentatives au niveau national, des autorisations d’absence seront accordées, les heures correspondantes rémunérées et non décomptées sur les congés payés dans la limite d’un nombre de salariés fixés d’un commun accord par les employeurs et les organisations syndicales représentatives au niveau national.

Le nombre de salariés d’une même entreprise autorisés à s’absenter simultanément sera fixé d’un commun accord par les employeurs et les organisations syndicales représentatives au niveau national.

Les employeurs et les organisations syndicales représentatives au niveau national en cause s’efforceront, dans les cas visés aux 2 et 3 ci-dessus, de faire en sorte que ces absences n’apportent pas de gêne appréciable à la marche générale de l’entreprise ou au libre exercice du droit syndical’.

Néanmoins il ne ressort pas des éléments de la procédure que l’employeur exigeait du représentant qu’il l’informe préalablement de l’utilisation de ses heures de délégation, ce qui lui aurait permis d’assurer la continuité de l’activité de l’entreprise en anticipant l’absence du représentant mais aussi de comptabiliser les heures de délégation.

Le représentant du personnel est seul juge de l’opportunité d’utiliser des heures de délégation. La pratique des bons de délégation ni même des autorisations d’absence évoquées dans la convention collective ne paraît pas en vigueur dans l’entreprise, et depuis la loi n° 82-915 du 28.10.1982, il existe une présomption de bonne utilisation des heures de délégation, y compris pour celles utilisées en dehors des horaires de travail.

Donc l’employeur doit, en principe, payer ces heures en même temps que le salaire du mois considéré, et s’il conteste la bonne utilisation des heures de délégation, il doit entamer une procédure de contestation devant les tribunaux mais en ayant au préalable payé ces heures.

En conséquence en l’état la SAS ATOS Infogérance doit régler au salarié les heures de délégation dont il réclame le paiement.

Il lui est donc dû :

– de août 2014 à janvier 2016 : 12.201,30 €

– de février 2016 à septembre 2017 : 23.556,80 €

– de octobre 2017 à décembre 2017 : 3.590,64 €

total = 39.348,74 €.

Le jugement sera infirmé sur ce point.

2) Sur la contrepartie obligatoire en repos :

M. [X] [C] rappelle que les heures de délégation effectuées en heures supplémentaires ouvrent droit à une contrepartie obligatoire sous forme de repos dont le salarié peut être indemnisé, mais aussi que conventionnellement le contingent annuel d’heures supplémentaires s’élève à 130 heures. A titre subsidiaire il se prévaut de l’application du contingent annuel légal de 220 heures.

La société répond que le contingent de 130 heures est prévu pour les ETAM et non pour les cadres ; il y a donc lieu d’appliquer un contingent de 220 heures par an.

Le contingent annuel d’heures supplémentaires hors modulation prévu par la convention collective des bureaux d’études techniques est établi à 130 heures par an et par salarié uniquement pour les ETAM ; par suite il convient de vérifier la situation de M. [X] [C] au regard des dispositions légales et un contingent de 220 heures par an.

Dès lors que la cour retient le principe d’heures de délégation en plus du temps de travail effectif, il y a lieu de dire que :

– de août 2014 à janvier 2016 : le salarié n’a pas dépassé le contingent ;

– de février 2016 à septembre 2017 : le salarié a dépassé largement le contingent si l’on retient 40h supplémentaires par mois ;

– de octobre 2017 à décembre 2017 : il en est de même pour cette période .

De février 2016 à décembre 2017 on doit considérer un dépassement de 40h x12 = 440h – 220 = 220 h et il en est de même en 2017.

Par suite, il convient de mettre à la charge de l’employeur :

– en 2016 : 220 x 23,16 € = 5.095,20 €

– en 2017 : 220 x 23,25 € = 5.115 €

total =10.2010,20 € outre les congés payés afférents.

Le jugement sera infirmé.

3) Sur le travail dissimulé :

M. [X] [C] fait valoir les dispositions de l’article L 8221-5 du code du travail en estimant que la SAS ATOS Infogérance avait conscience de ne pas déclarer l’intégralité des heures réalisées par lui en dépit des réclamations qu’il avait formulées, ce dont il doit être indemnisé en application de l’article L 8223-1.

La société réplique que le salarié a volontairement refusé de signer des avenants venant régulariser sa situation.

Est interdit le travail totalement ou partiellement dissimulé tel que défini aux articles L 8221-3 et L 8221-5 du code du travail. Cependant il appartient au salarié de démontrer l’intention frauduleuse de l’employeur ce qu’il ne fait pas, cette intention frauduleuse ne pouvant découler du seul fait que le salarié a accompli des heures supplémentaires.

Ainsi est réputé travail dissimulé par dissimulation d’activité, l’exercice à but lucratif d’une activité de production, de transformation, de réparation ou de prestations de services ou l’accomplissement d’actes de commerce par toute personne qui, se soustrayant intentionnellement à ses obligations, n’a pas procédé aux déclarations qui doivent être faites aux organismes de protection sociale ou à l’administration fiscale en vertu des dispositions légales en vigueur (art L 8221-3).

Est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur (1°) de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L 1221-10 relatif à la déclaration préalable à l’embauche d’une part et d’autre part (2°) de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L 3243-2 relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du Titre II du Livre Ier de la 3è partie du code du travail ; et enfin (3°) de ne pas accomplir auprès des organismes de recouvrement de contributions et cotisations sociales les déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux ci (art 8221-5).

En application de l’article L 8823-1, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

La SAS ATOS Infogérance ne s’explique pas sur l’absence de prise en compte des heures de délégation, en dépit des demandes du salarié dès le 05.07.2014, pas plus qu’elle n’expose le système prévu pour comptabiliser ces heures de délégation et pour les payer aux représentants syndicaux.

Cependant si le travail dissimulé paraît de ce fait caractérisé, néanmoins le salarié est toujours en poste dans l’entreprise et il n’est fait état d’aucune rupture du contrat de travail. Les conditions pour l’application de ces dispositions ne sont donc pas remplies et la demande doit être rejetée.

Le jugement sera confirmé.

4) Sur l’augmentation de salaire au titre de la NAO 2011/2012 :

M. [X] [C] conteste l’absence de toute augmentation individuelle depuis le 01.07.2011 alors qu’un procès verbal de désaccord est intervenu le 04.02.2011, et qu’il en avait fait la demande, que par ailleurs l’employeur ne présente pas d’éléments objectifs à l’appui de sa décision de refus.

la SAS ATOS Infogérance rappelle qu’une augmentation générale de 1,5% était garantie à tous les salariés ayant une rémunération inférieure à 30.000 € par an brut ; au delà les salariés pouvaient bénéficier d’une augmentation individuelle dépendant des performances de chacun ; il était prévu de prendre en compte les résultats de la revue de personnel de septembre 2010 et des entretiens annuels ce dont il est justifié ; elle constate que l’évaluation de M. [X] [C] était de 3/5 et ne justifiait pas d’augmentation individuelle.

Au vu de ces éléments il convient de confirmer la décision prise pour l’année 2011 par le premier juge qui a constaté que le salarié au vu de son évaluation de l’année ne pouvait pas prétendre à une augmentation individuelle.

En revanche en 2012, M. [X] [C] a bénéficié d’une augmentation de sa rémunération 900 € par an soit de 75 € par mois à compter du mois de juillet qui est à distinguer de l’augmentation générale de 600 € prévue par la NAO, la date d’application de cette augmentation générale ayant été fixée au 01.09.2012 sans effet rétroactif. L’augmentation de 900 €avait donc un caractère individuel et M. [X] [C] aurait dû bénéficier de la mesure d’augmentation générale ce qui n’a pas été le cas.

la SAS ATOS Infogérance devra lui verser la somme de 5.000 € et le jugement sera infirmé.

5) Sur les remboursements de frais de trajets :

Eu égard à la saisine de la juridiction prud’homale le 30.10.2015, la demande de M. [X] [C] au titre de l’année 2011 n’est pas prescrite.

Cependant, il convient de considérer que le lieu de travail habituel du salarié doit être situé non pas à son rattachement administratif mais au lieu de ses missions auprès de l’entreprise cliente en considération de la durée des missions accomplies.

Il est constant que M. [X] [C] ne produit pas la lettre de mission correspondant à l’année 2011 qui aurait permis de vérifier les conditions de remboursement des frais de trajet.

En 2012, M. [X] [C] reconnaît avoir été défrayé. Il déclare ne pas avoir vu ses frais de transport pris en charge de 2013 à 2015 alors que le site d’intervention était le même que précédemment. Il reconnaît à nouveau avoir été défrayé depuis 2016.

Pour sa part, la SAS ATOS Infogérance affirme avoir appliqué les règles en vigueur dans l’entreprise.

la SAS ATOS Infogérance privilégiait l’utilisation des transports en commun ; compte tenu du lieu de mission et du lieu de rattachement administratif de M. [X] [C], la société n’était pas tenue de rembourser des frais de transport en 2013 et en 2014 l’ordre de mission prévoyait là encore l’utilisation de transports en commun ; enfin en 2015 M. [X] [C] ne justifie pas de l’utilisation des transports en commun. En dernier lieu à défaut pour le salarié de justifier de titres de transport, il ne pouvait pas se voir rembourser partiellement conformément à l’article L 3261-2. Le jugement sera confirmé.

6) Sur l’inexécution fautive du contrat de travail :

Au vu de la décision prise, la cour constate que le contrat de travail a été partiellement été exécuté de mauvaise foi. Compte tenu du préjudice subi, il sera mis à la charge de la SAS ATOS Infogérance la somme de 2.000 € ; le jugement rendu sera infirmé.

La capitalisation des intérêts est de droit conformément à l’article 1343-2 nouveau du code civil (ancien 1154 du code civil).

Il serait inéquitable que Monsieur [X] [C] supporte l’intégralité des frais non compris dans les dépens tandis que la SAS ATOS Infogérance qui succombe doit en être déboutée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement contradictoirement :

Déclare l’appel recevable ;

Confirme le jugement rendu le 25.09.2020 par le conseil de prud’hommes de Lille section Encadrement sauf en ce qu’il a rejeté les demandes relatives aux heures supplémentaires, à la contrepartie obligatoire en repos, au rappel sur NAO 2012, à l’exécution fautive du contrat de travail ;

L’infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne en conséquence la SAS ATOS Infogérance à payer à Monsieur [X] [C] les sommes de :

– 39.348,74 € au titre des heures supplémentaires liées aux heures de délégation, outre 3.934,87 € au titre des congés payés ;

-10.2010,20 € outre les congés payés afférents soit 1.020,10 € au titre de la contrepartie obligatoire en repos ;

– 5.000 € en rappel de salaire au titre de la NAO 2012 ;

– 2.000 € à titre de dommages intérêts pour exécution fautive du contrat de travail ;

Dit que les sommes à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter du jour où l’employeur a eu connaissance de leur demande, et les sommes à caractère indemnitaire, à compter du présent arrêt, ce avec anatocisme ;

Rejette les autres demandes ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SAS ATOS Infogérance à payer à Monsieur [X] [C] la somme de 3.000 € en vertu de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel ;

Condamne la SAS ATOS Infogérance aux entiers dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER

Annie LESIEUR

LE PRESIDENT

Soleine HUNTER-FALCK

 


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x