ARRÊT DU
27 Janvier 2023
N° 174/23
N° RG 19/01120 – N° Portalis DBVT-V-B7D-SKUG
VC/CH
Jugement du
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOURCOING
en date du
02 Mai 2019
(RG 17/00385 -section )
GROSSE :
aux avocats
le 27 Janvier 2023
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
– Prud’Hommes-
APPELANTE :
SAS MAXXING
[Adresse 3]
représentée par Me Marie Hélène LAURENT, avocat au barreau de DOUAI
INTIMÉES :
Mme [F] [U]
[Adresse 2]
représentée par Me Ioannis KAPPOPOULOS, avocat au barreau de VALENCIENNES
SELAS BMA ADMINISTRATEURS JUDICIAIRES représentée par Me [Y] [P], ès qualité de commissaire à l’exécution du plan de la Sté MAXXING
[Adresse 1]
représentée par Me Marie Hélène LAURENT, avocat au barreau de DOUAI
Me [H] [D], es qualité de mandataire judiciaire de la société MAXXING, INTERVENANT FORCE
[Adresse 4]
n’ayant pas constitué avocat – signification DA+CCL le 12.05.22 à personne habilitée
Association UNEDIC DELEGATION AGS, CGEA [Localité 6]
CGEA DE [Localité 6]
[Adresse 5]
représentée par Me Catherine CAMUS-DEMAILLY, avocat au barreau de DOUAI
DÉBATS : à l’audience publique du 01 Décembre 2022
Tenue par Virginie CLAVERT
magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER : Serge LAWECKI
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Pierre NOUBEL
: PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Virginie CLAVERT
: CONSEILLER
Laure BERNARD
: CONSEILLER
ARRÊT : Réputé contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 27 Janvier 2023,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Pierre NOUBEL, Président et par Annie LESIEUR, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 10 novembre 2022
EXPOSE DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES :
La SASU MAXXING a engagé Mme [F] [U] en qualité d’assistante marketing par contrat à durée déterminée du 18 février 2015 au 17 mai 2015, puis du 18 mai 2015 au 31 décembre 2015.
À compter du 1er janvier 2016, la relation de travail s’est poursuivie dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée et la salariée a exercé les fonctions d’assistante offres et certification produit.
Ce contrat de travail était soumis à la convention collective SYNTEC.
Le 17 mars 2016, Mme [U] s’est fracturée la rotule et a été placée en arrêt maladie. Elle a repris le travail à compter du 17 mai 2016 mais a de nouveau été victime d’une chute le 21 mai 2016 nécessitant une intervention chirurgicale et une rééducation de plusieurs mois. Elle a alors été placée de nouveau en arrêt maladie lequel devait se terminer le 27 novembre 2016.
La salariée a alors été invitée par la SASU MAXXING à prendre ses congés payés jusqu’au 9 décembre 2016.
Le 12 décembre 2016, la salariée a repris le travail et a de nouveau été placée en arrêt maladie le lendemain.
Le 15 décembre 2016, Mme [U] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 23 décembre 2016 et a été mise à pied à titre conservatoire.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 20 janvier 2017, la SASU MAXXING lui a notifié son licenciement pour cause réelle et sérieuse lui reprochant un comportement inadapté portant préjudice à la société et nuisant à la bonne cohésion des équipes.
Contestant la légitimité de son licenciement et réclamant des dommages-intérêts consécutivement à la rupture de son contrat de travail, Mme [U] a saisi le 15 novembre 2017 le conseil de prud’hommes de Tourcoing qui, par jugement du 2 mai 2019, a rendu la décision suivante :
– juge que le licenciement de Mme [U] est nul et de nul effet,
– ordonne la réintégration de Mme [U] au sein de la SASU MAXXING,
– condamne la SASU MAXXING à payer à Mme [U] les sommes suivantes :
– 62 276,96 euros au titre de l’indemnité d’éviction à compter du 23 mars 2017 jusqu’au jour de sa réintégration à savoir le lendemain de la présente décision,
– 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– rappelle qu’en application des dispositions de l’article R. 1454-28 du code du travail, la présente décision ordonnant le paiement des sommes au titre des rémunérations et indemnités mentionnées à l’article R. 1454-14 dudit code est exécutoire de plein droit dans la limite de 9 mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois (ladite moyenne s’élevant à 2 461,54 euros bruts),
– précise que les condamnations prononcées emportent intérêts au taux légal, à compter de la date de réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation pour les indemnités de rupture et les créances de nature salariale, et à compter du prononcé du jugement pour tout autre somme,
– ordonne la capitalisation des intérêts dès lors qu’ils sont dus pour une année entière,
– ordonne à la SASU MAXXING de rembourser au Pôle emploi les indemnités de chômage versées à Mme [U] dans la limite de 6 mois d’indemnités,
– déboute la SASU MAXXING de l’ensemble de ses demandes,
– laisse les frais et dépens à la SASU MAXXING.
La SASU MAXXING a relevé appel de ce jugement, par déclaration électronique du 9 mai 2019.
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Mme [U] a réintégré la société.
À compter du 14 mai 2019, elle a été placée en arrêt maladie.
Lors de la visite de reprise du 20 novembre 2019, le médecin du travail a déclaré la salariée inapte à tout emploi dans l’entreprise avec dispense de reclassement.
Le 25 novembre 2019, Mme [U] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 5 décembre 2019.
Par courrier du 30 novembre 2019, elle a sollicité le report de l’entretien à une date ultérieure lequel a été refusé par la SASU MAXXING par courrier du 3 décembre 2019 «compte tenu d’une part, des délais impératifs à respecter dans le cadre de cette procédure et d’autre part, l’absence de précision [dans votre courrier] sur le motif de votre indisponibilité».
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 10 décembre 2019, Mme [U] s’est vue notifier son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
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Le 27 avril 2020, la SASU MAXXING a fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire et la SELARL [H] a été désignée en qualité de mandataire judiciaire.
Le 16 septembre 2020, un plan de redressement par voie de continuation a été adopté et la SELAS BMA ADMINISTRATEURS JUDICIAIRES a été nommée en qualité de commissaire à l’exécution du plan.
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Vu les dernières conclusions notifiées par RPVA le 7 septembre 2022 au terme desquelles la SASU MAXXING demande à la cour de réformer le jugement rendu en toutes ses dispositions et de :
– débouter Mme [U] de l’ensemble de ses demandes,
– dire n’y avoir lieu à remboursement à Pôle emploi d’indemnités de chômage,
– condamner Mme [U] aux dépens d’instance et d’appel.
Au soutien de ses prétentions, la SASU MAXXING expose que :
– l’état de santé de la salariée n’est pas à l’origine de la décision de la licencier qui a pour seul motif l’atteinte portée au bon fonctionnement de l’entreprise résultant de l’attitude de cette dernière lors de son retour dans l’entreprise le 12 décembre 2016. Dès lors, le licenciement prononcé ne peut être qualifié de discriminatoire.
– la salariée a été licenciée en raison de discussions intempestives et de propos tenus à l’égard de la direction. Ce motif, objectif et vérifiable est suffisamment précis et constitue une faute rendant impossible la continuation du travail dans l’entreprise. De plus, depuis l’ordonnance du 22 septembre 2017, le salarié peut demander des précisions quant au motif de licenciement, à défaut de quoi, l’imprécision du motif entraîne simplement une irrégularité de procédure.
– l’attestation de Mme [V] produite par la salariée est inopérante dans la mesure où elle a été établie plus de deux ans après le licenciement et qu’elle est datée du jour où cette dernière a reçu elle-même une convocation pour un entretien préalable pour faute grave assortie d’une mise à pied.
– à la suite de la décision rendue par les premiers juges, la salariée a été réintégrée au sein de l’entreprise et tout a été mis en ‘uvre pour que son retour se fasse dans de bonnes conditions.
– en tout état de cause, Mme [U] ne justifie pas du préjudice qu’elle prétend avoir subi du fait de la rupture du contrat de travail.
Vu les dernières conclusions notifiées par RPVA le 29 avril 2022, dans lesquelles Mme [F] [U], intimée, demande à la cour à titre principal, de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, et à titre subsidiaire de :
– juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
– condamner la SASU MAXXING à lui payer la somme de 62 276,96 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse par application de l’article L. 1235-3 du code du travail,
En tout état de cause :
– condamner la SASU MAXXING à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et la condamner aux entiers dépens de l’instance,
– juger que l’arrêt à intervenir sera opposable au commissaire à l’exécution du plan, au mandataire judiciaire, et au CGEA-AGS de [Localité 6],
– dire qu’en application de l’article 1153-1 du code civil, les sommes dues porteront intérêts à compter du jour de la demande,
– constater qu’elle demande la capitalisation des intérêts par voie judiciaire,
– dire y avoir lieu de plein droit à capitalisation des intérêts en application de l’article 1154 du code civil, du moment qu’ils sont dus pour une année entière.
À l’appui de ses prétentions, Mme [F] [U] soutient que :
– son licenciement est discriminatoire et entaché de nullité car fondé sur son état de santé. Depuis le 22 mai 2016, elle n’a travaillé qu’un seul jour soit le 12 décembre 2016 de sorte qu’il est impossible qu’elle ait pu adopter un comportement portant atteinte à la cohésion de l’équipe. L’appelante n’apporte aucun élément objectif de nature à justifier que la décision de la licencier ne résulte pas d’une discrimination.
– elle est en droit de solliciter le paiement d’une indemnité d’éviction correspondant au salaire qui aurait dû lui être versé depuis la rupture nulle jusqu’au jour de sa réintégration soit du 23 mars 2017 au 3 mai 2019, soit la somme de 62 276,96 euros, somme retenue par la juridiction prud’homale.
– subsidiairement, le motif du licenciement à savoir un comportement inadapté n’est pas suffisamment précis. L’appelante ne produit aucun élément de nature à en établir la matérialité et elle ne s’explique pas sur la nature et la teneur du comportement reproché.
– contrairement à ce que prétend la société appelante, les dispositions issues de l’ordonnance du 22 septembre 2017 ne s’appliquent pas aux licenciements intervenus avant le 24 septembre 2017 étant précisé qu’elles ne sont pas rétroactives.
– en tout état de cause, la société appelante n’apporte aucun élément pour justifier du licenciement alors que la charge de la preuve lui incombe. Les attestations versées aux débats ne sont pas probantes. Elle est fondée à obtenir des dommages-intérêt en réparation du préjudice moral et financier subi.
Vu les dernières conclusions notifiées par RPVA le 8 juin 2022 dans lesquelles le CGEA-AGS de [Localité 6], intimée et appelante incidente demande à la cour de :
Vu la continuation dont a fait l’objet la société,
– juger que l’arrêt à intervenir ne lui sera opposable qu’à défaut de disponibilités suffisantes de l’employeur, et le cas échéant, dans la stricte limite de la garantie légale fixée par les articles L. 3253-17 du code du travail et D. 3253-5 du code du travail,
Au fond, en cas de condamnation de l’employeur et de résolution du plan,
– infirmer le jugement sauf en ce qu’il a laissé les dépens à la charge de la SASU MAXXING,
Statuant à nouveau,
– débouter Mme [U] de l’ensemble de ses demandes,
A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour faisait droit à la demande subsidiaire de la salariée, à savoir la demande de requalification de son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– limiter le quantum des dommages-intérêt au minimum légal, faute de justifier du préjudice subi
En tout état de cause,
– dire que l’arrêt à intervenir ne sera opposable à l’AGS que dans la limite de sa garantie légale telle que fixée par les articles L.3253-6 et suivants du code du travail (ancien art. L143.11.1 et suivants du code du travail) et des plafonds prévus à l’article D.3253-5 du code du travail (ancien art. D 143.2 du code du travail), et ce toutes créances du salarié confondues,
– dire et juger que l’obligation du CGEA de faire l’avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s’exécuter que sur présentation d’un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement, conformément aux dispositions de l’article L.3253-20 du code du travail,
– statuer ce que de droit quant aux dépens.
Au soutien de ses prétentions, le CGEA-AGS de [Localité 6] fait valoir pour l’essentiel que :
– la société a fait l’objet d’un plan de redressement par voie de continuation et est redevenue in bonis. Dès lors, elle est présumée disposer des fonds disponibles permettant le règlement de créances de salaires impayés. Ainsi, sa garantie n’a qu’un caractère subsidiaire.
– n’étant pas partie au contrat de travail, elle fait sienne l’argumentation développée par la société appelante et souligne que Mme [U] ne justifie d’aucun préjudice.
– elle rappelle les conditions de sa garantie.
Vu les dernières conclusions notifiées par RPVA le 27 janvier 2022 dans lesquelles la SELAS BMA ADMINISTRATEURS JUDICIAIRES, intimée et appelante incidente demande à la cour de :
– prononcer la nullité ou à tout le moins l’inefficacité de cette assignation de mise en cause,
– débouter Mme [U] de l’ensemble de ses demandes,
– condamner Mme [U] à payer la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– dépens comme de droit.
À l’appui de ses prétentions, la SELAS BMA ADMINISTRATEURS JUDICIAIRES soutient que l’assignation par laquelle elle a été mise en cause est nulle puisque d’une part, aucune précision ni demande n’est faite à son encontre ; que d’autre part, il n’y a pas lieu d’attraire le commissaire à l’exécution du plan dans le cadre d’une telle procédure laquelle est, en l’état, autonome par rapport au plan.
Bien qu’une assignation de mise en cause lui a été délivrée à personne habilitée par exploit du 12 mai 2022, la SELARL [H] BORKOWIAK, en sa qualité de mandataire judiciaire de la SASU MAXXING, n’a pas constitué avocat.
La clôture a été prononcée par ordonnance du 10 novembre 2022.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, il est renvoyé aux dernières conclusions susvisées.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la discrimination liée à l’état de santé et la demande de nullité du licenciement :
La cause réelle du licenciement est celle qui présente un caractère d’objectivité. Elle doit être existante et exacte. La cause sérieuse concerne une gravité suffisante pour rendre impossible la poursuite des relations contractuelles.
La lettre de licenciement doit énoncer des motifs précis et matériellement vérifiables. La datation dans cette lettre des faits invoqués n’est pas nécessaire.
Le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige doit être apprécié au vu des éléments fournis par les parties, étant précisé que, si un doute subsiste, il profite au salarié, conformément aux dispositions de l’article L. 1235-1 du code du travail dans sa version applicable à l’espèce.
Si la lettre de licenciement doit énoncer des motifs précis et matériellement vérifiables, l’employeur est en droit, en cas de contestation, d’invoquer toutes les circonstances de fait qui permettent de justifier ce motif.
Par ailleurs et en application de l’article L. 1132-1 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte en raison, notamment, de son état de santé.
En outre, conformément aux dispositions des articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du même code, il appartient au salarié qui s’estime victime d’une discrimination directe ou indirecte de présenter des éléments de fait laissant supposer son existence. Il appartient au juge d’apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent présumer l’existence d’une telle discrimination et, dans l’affirmative, il incombe à l’employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination étant rappelé que l’existence d’une discrimination n’implique pas nécessairement une comparaison avec la situation d’autres salariés.
En l’espèce, la lettre de licenciement pour cause réelle et sérieuse du 20 janvier 2017 se trouvait libellée de la façon suivante : «Les motifs du licenciement sont : un comportement inadapté portant un préjudice à la société et nuisant à la bonne cohésion des équipes». Aucune autre précision n’était, en outre, apportée quant aux faits reprochés.
En premier lieu, si la société MAXXING se prévaut de l’absence de demande de précisions formulée par Mme [U] dans le délai de 15 jours suivant la
notification du licenciement conformément aux dispositions de l’article R1232-13 du code du travail, ce qui la priverait, selon l’employeur, de son droit de se prévaloir de cette imprécision, ces dispositions ne sont pas applicables au licenciement de la salariée survenu le 20 janvier 2017 soit avant leur entrée en vigueur le 17 décembre suivant.
Surtout, Mme [F] [U] soutient que son licenciement trouve son origine dans une discrimination liée à son état de santé.
A l’appui de ses allégations, l’intéressée produit notamment aux débats les éléments suivants :
– les bulletins de salaire et attestations de paiement des indemnités journalières démontrant qu’elle s’est trouvée en arrêt maladie à compter du 17 mars 2016 (suite à une fracture de la rotule) et jusqu’au 17 mai 2016, puis du 21 mai 2016 jusqu’au 27 novembre 2016 (suite à une nouvelle fracture ayant nécessité une intervention chirurgicale), avec une reprise du travail, après prise de ses congés payés, le 12 décembre 2016 puis un nouvel arrêt maladie, à compter du 13 décembre 2016. Seule une journée de travail a, ainsi, été accomplie le 12 décembre 2016 entre le 21 mai 2016 et le licenciement.
– la lettre de convocation à l’entretien préalable datée du 15 décembre 2016, avec mise à pied conservatoire, et une date d’entretien prévue le 23 décembre 2016, outre la lettre de licenciement du 20 janvier 2017.
– l’avis d’aptitude à la reprise par la médecine du travail daté du 12 décembre 2016.
– un certificat médical du Dr [N], médecin généraliste, du 26 octobre 2018 indiquant avoir suivi [F] [U] durant ses arrêts de travail des années 2016-2017, décrivant la salariée comme «plus que motivée à vouloir reprendre son travail qu’elle aimait. La succession des deux accidents du travail l’avait profondément affaiblie psychiquement mais restait très motivée dans la rééducation afin de reprendre le travail au plus vite».
– un certificat médical du Dr [N] du 30 septembre 2019 exposant les difficultés rencontrées par l’intimée, dans le cadre de sa réintégration dans l’entreprise, lesquelles ont «réveillé les difficultés d’avant procès et un syndrome anxieux sévère».
– une attestation de Mme [S] [G] qui relate les circonstances de la deuxième fracture de Mme [F] [U] alors qu’elle se trouvait au domicile du PDG de l’entreprise MAXXING pour y fêter l’anniversaire de son fils dont elle était l’amie.
– une attestation de Mme [S] [V], responsable juridique de la société MAXXING, laquelle expose que, le 13 décembre 2016, lors de l’annonce du nouvel arrêt de travail de [F] [U], Mme [C] [M], assistante de direction est passée devant son bureau en disant «ce n’est plus possible je vais aller voir [O] il faut que çà s’arrête !». Après être allée échanger avec M. [O] [T] (PDG de l’entreprise), ils se sont, ensuite, tous deux rendus auprès de Mme [I] [Z], responsable des ressources humaines, laquelle lui a, par la suite, confié que «[O] [T] lui avait dit de «se démerder» pour que [F] [U] ne revienne plus. Mme [Z] m’a dit que leur avocat devait trouver un motif car elle savait que licencier un salarié pour cause de maladie est illicite».
Il résulte, par suite, de ces éléments pris dans leur ensemble, que Mme [F] [U] rapporte la preuve de faits matériellement établis qui permettent de présumer ou laissent supposer l’existence d’une discrimination liée à l’état de santé au sens de l’article L. 1132-1 du code du travail.
De son côté, la société MAXXING à qui il incombe de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’une discrimination liée à l’état de santé et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à toute discrimination, se prévaut de ce que la salariée a été licenciée en raison de discussions intempestives et de propos tenus à l’égard de la direction ayant rendu impossible la continuation du travail dans l’entreprise.
Néanmoins, devant la cour, l’employeur ne précise toujours pas la nature des propos tenus à l’égard de la direction ni les discussions intempestives reprochées. Il ne verse surtout aucune pièce de nature à démontrer une quelconque faute commise par Mme [F] [U] justifiant de son licenciement.
Ainsi, l’attestation de M. [X] [M], directeur des opérations et responsable hiérarchique direct de la salariée n’évoque nullement les raisons ayant motivé le licenciement et ne décrit que les conditions de la réintégration de celle-ci au sein de l’entreprise après le jugement rendu par la juridiction prud’homale.
Tel est également le cas du témoignage de Mme [I] [Z], responsable des ressources humaines, qui évoque principalement les conditions du retour de Mme [U] dans l’entreprise, mentionne ne pas avoir été chargée du licenciement de cette dernière et avoir uniquement assisté à l’entretien préalable au cours duquel M. [T] «n’a jamais abordé une quelconque question de maladie», sans pour autant que celle-ci ne décrive ou n’explique, dans son témoignage, le comportement inadapté reproché à la salariée à l’égard des équipes au cours de l’unique journée du 12 décembre 2016.
A cet égard, il n’est produit aucune attestation des membres de l’équipe auprès desquels Mme [F] [U] aurait tenu lesdits propos ayant motivé son licenciement.
Par ailleurs, si la société MAXXING conteste l’attestation établie par Mme [V] plus d’une année après le licenciement de Mme [U] et alors qu’elle se trouvait elle-même convoquée à un entretien préalable au licenciement pour faute grave finalement transformé en mise à pied disciplinaire, celle-ci, établie conformément aux dispositions des articles 200 et suivants du code de procédure civile, ne constitue qu’un élément de preuve parmi d’autres.
En outre et surtout, cette attestation se trouve partiellement confortée par les propres déclarations de Mme [Z] qui indique, dans son attestation, s’être elle-même «inquiétée du rapprochement de date et du licenciement après un seul jour de travail».
Par conséquent, au regard des éléments produits pris dans leur ensemble, l’employeur ne prouve pas que le licenciement de Mme [F] [U], survenu après plusieurs arrêts-maladie successifs et une unique journée de travail et sans justification d’aucun motif personnel, n’est pas constitutif de discrimination liée à l’état de santé. Il ne démontre pas non plus que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Le licenciement de Mme [F] [U] est, par conséquent, fondé sur une discrimination liée à l’état de santé et est entaché de nullité.
Le jugement entrepris est confirmé sur ce point.
Sur les conséquences de la nullité, la demande de réintégration et d’indemnité d’éviction :
La nullité du licenciement ouvre droit au profit de Mme [U] à sa réintégration dans son emploi, laquelle est de droit, se trouve sollicitée en l’espèce et a été ordonnée par la juridiction prud’homale.
Par ailleurs, la salariée réintégrée a droit au paiement des salaires non versés entre la date de son éviction pour violation du droit à la santé garanti par la Constitution et sa réintégration, soit la somme de 62 276,96 euros dont le montant n’est pas contesté par la société MAXXING.
Le jugement entrepris est, par conséquent, confirmé en ce qu’il a ordonné la réintégration de Mme [F] [U] au sein de la SASU MAXXING et en ce qu’il a condamné cette dernière à payer à la salariée 62 276,96 euros à titre d’indemnité d’éviction.
Sur la demande de mise hors de cause de la SELAS BMA ADMINISTRATEURS JUDICIAIRES, en sa qualité de commissaire à l’exécution du plan :
Conformément à l’article 331 du code de procédure civile, un tiers peut être mis en cause par la partie qui y a intérêt afin de lui rendre commun le jugement.
Il résulte, en outre, des dispositions de l’article 56 du code de procédure civile que l’assignation contient à peine de nullité, outre les mentions prescrites pour les actes d’huissier de justice et celles énoncées à l’article 54 un exposé des moyens en fait et en droit.
L’article 114 du code de procédure civile prévoit, par ailleurs que la nullité ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité, même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public.
Or, s’il résulte de l’examen de l’assignation de mise en cause devant la cour d’appel de Douai délivrée le 28 octobre 2021 à la SELAS BMA ADMINISTRATEURS JUDICIAIRES qu’aucune prétention ne se trouve formulée à l’encontre dudit commissaire à l’exécution du plan, le commissaire à l’exécution du plan ne justifie d’aucun grief, ce d’autant que le seul intitulé de l’assignation lui permettait d’avoir connaissance de l’objet de la procédure et que, dans ses conclusions signifiées postérieurement, Mme [U] a sollicité que la décision soit déclarée opposable audit commissaire à l’exécution du plan.
La SELAS BMA ADMINISTRATEURS JUDICIAIRES est, par conséquent, déboutée de sa demande de nullité de l’assignation et, par voie de conséquence, de sa demande de mise hors de cause, étant précisé que l’intervention à la procédure du commissaire à l’exécution du plan a pour unique objectif de lui voir déclarer la décision opposable, tout comme au mandataire judiciaire, et, en aucun cas, de lui faire conduire l’instance dirigée contre la société MAXXING.
Sur la garantie de l’AGS et la fixation au passif de la procédure collective :
L’UNEDIC DELEGATION AGS, CGEA de [Localité 6], se prévaut de ce que l’organisme ne sera tenu à garantie qu’en cas d’absence de fonds disponibles pour effectuer l’avance des sommes à caractère privilégié ou chirographaires.
Il résulte de la combinaison des articles L622-22 et L631-14 du code de commerce ainsi que des articles L3253-6 et et L 3253-20 du code du travail que les sommes dues par l’employeur en exécution du contrat de travail antérieurement au jugement d’ouverture de la procédure collective restent soumises, même après l’adoption d’un plan de redressement au régime de la procédure collective, même si la garantie de l’AGS n’a qu’un caractère subsidiaire.
L’entreprise étant redevenue in bonis et compte tenu du plan de continuation dont elle bénéficie, l’AGS CGEA de [Localité 6] ne devra garantie qu’à défaut de fonds disponibles permettant le règlement des créances du salarié et dans les limites et plafonds définis aux articles L. 3253-8 à L. 3253-17, D. 3253-2 et D. 3253-5 du code du travail.
Par ailleurs, compte tenu du redressement judiciaire de l’employeur et de l’adoption d’un plan de continuation d’activité, il y a lieu de dire que les créances du salarié dues par l’employeur en exécution du contrat de travail antérieurement au jugement d’ouverture de la procédure collective seront inscrites au passif de ce redressement judiciaire.
Sur l’application de l’article L1235-4 du code du travail :
Le licenciement de Mme [F] [U] ayant été jugé nul, il y a lieu de faire application des dispositions de l’article L1235-4 du code du travail.
En conséquence, la cour ordonne le remboursement par la SASU MAXXING aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées à Mme [F] [U], du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé dans la limite de six mois d’indemnités de chômage.
Le jugement entrepris est confirmé sur ce point.
Sur les intérêts et la capitalisation :
Les créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la convocation à comparaître à l’audience de conciliation.
Les créances de nature indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt.
Il y a, en outre, lieu d’ordonner la capitalisation des intérêts, dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil.
Le jugement entrepris est, là encore, confirmé à cet égard.
Sur les autres demandes :
Les dispositions afférentes aux dépens et aux frais irrépétibles de première instance sont confirmées.
Succombant à l’instance, la SASU MAXXING est condamnée aux dépens d’appel ainsi qu’à payer à Mme [F] [U] 1500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire,
REJETTE la demande de nullité de l’assignation en intervention délivrée le 28 octobre 2021 à l’encontre de la SELAS BMA ADMINISTRATEURS JUDICIAIRES ;
REJETTE la demande de mise hors de cause de la SELAS BMA ADMINISTRATEURS JUDICIAIRES ;
CONFIRME le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Tourcoing le 2 mai 2019 dans l’ensemble de ses dispositions, sauf à préciser, compte tenu de la procédure collective ouverte en cours d’instance, qu’il y a lieu de fixer les créances de Mme [F] [U] au passif du redressement judiciaire de la SASU MAXXING ;
ET Y AJOUTANT,
DIT le présent arrêt opposable à la SELAS BMA ADMINISTRATEURS JUDICIAIRES, en qualité de commissaire à l’exécution du plan, à la SELARL [H] [D] BORKOWIAK JEAN PHILIPPE, en qualité de mandataire judiciaire, et à l’UNEDIC DELEGATION AGS CGEA de [Localité 6] ;
DIT que, compte tenu du plan de continuation dont la SASU MAXXING, bénéficie, l’UNEDIC DELEGATION AGS CGEA de [Localité 6] ne devra garantie qu’à défaut de fonds disponibles permettant le règlement des créances du salarié et dans les limites et plafonds définis aux articles L. 3253-8 à L. 3253-17, D. 3253-2 et D. 3253-5 du code du travail ;
CONDAMNE la SASU MAXXING aux dépens d’appel ainsi qu’à payer à Mme [F] [U] 1500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples et contraires.
LE GREFFIER
Annie LESIEUR
LE PRESIDENT
Pierre NOUBEL