COUR D’APPEL DE BORDEAUX
CHAMBRE SOCIALE – SECTION A
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ARRÊT DU : 26 OCTOBRE 2022
PRUD’HOMMES
N° RG 19/02734 – N° Portalis DBVJ-V-B7D-LAXK
Monsieur [K] [A]
c/
UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 3]
SCP Pascal PIMOUGUET – Nicolas LEURET – Sylvie DEVOS BOT, ès qualités de mandataires liquidateurs de la SARL JP3
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
à :
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 avril 2019 (R.G. n°F 18/00029) par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LIBOURNE, Section Activités Diverses, suivant déclaration d’appel du 15 mai 2019,
APPELANT :
Monsieur [K] [A]
né le 20 Juin 1973 à [Localité 5] de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Matthieu BARANDAS de la SELARL GALINAT BARANDAS, avocat au barreau de BORDEAUX, substituant Me Sylvie BOURDENS, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉES :
UNEDIC Délégation AGS CGEA de [Localité 3], prise en la personne de sa Directrice Nationale Madame [W] [F] domiciliée en cette qualité audit siège social [Adresse 4]
SCP Pascal Pimouguet – Nicolas Leuret – Sylvie Devos Bot, ès qualités de mandataires liquidateurs de la SARL JP3, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 1]
représentées par Me Axelle MOURGUES de la SELARL CAPSTAN SUD OUEST, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 12 septembre 2022 en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Sylvie Hylaire, présidente
Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente
Madame Sylvie Tronche, conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
En décembre 2012, Mme [L] divorcée [A] et veuve [I] créait avec ses fils, M. [K] [A] et M. [V] [I], ainsi qu’avec quatre autres personnes, Messieurs [T] et [N] [R], M. [X] et l’épouse de celui-ci, une SAS dénommée DTH Groupe Anaïs ayant notamment pour objet la réalisation de diagnostics immobiliers, dont elle était nommée présidente.
Selon jugement du tribunal de commerce de Saintes du 5 septembre 2013, la société a été placée en liquidation judiciaire et la SCP Pimouguet-Leuret-Devos Bot a été désignée en qualité de liquidateur.
M. [A], se prévalant d’un contrat de travail à durée indéterminée conclu le 11 janvier 2013 avec la société DTH Groupe Anaïs l’ayant engagé en qualité de diagnostiqueur immobilier, a fait l’objet le 7 octobre 2013 d’un licenciement pour motif économique prononcé par le liquidateur ; il a adhéré au contrat de sécurisation professionnelle et ses créances salariales ont été prises en charge par l’UNEDIC à hauteur de 12.099,94 euros selon relevé du 29 mars 2018.
Le 15 juin 2013, avait été créée, entre Mme [I], M. [X], M. [A] et sa compagne Mme [Y], une nouvelle société, la SARL JP3, ayant le même objet social que la société DTH Groupe Anaïs et exerçant sous la dénomination commerciale ‘DTHB Anaïs Expertises’, dont les statuts avaient été enregistrés le 2 juillet 2013, les 50 parts de la société étant ainsi réparties initialement : 19 pour Mme [I], désignée en qualité de gérante, 14 pour M. [X], 14 pour M. [A] et 3 pour Mme [Y].
Par actes du :
– 17 mars 2014, M. [X] a cédé ses 14 parts à Mme [I] ;
– 5 octobre 2015, M. [A] a cédé ses 14 parts à sa mère ;
– 11 avril 2016, Mme [I] a cédé 7 parts à Mme [Y] et la nue-propriété de 20 parts à son autre fils, M. [V] [I].
M. [A] produit un contrat de travail à durée indéterminée et à temps partiel portant la date du 20/06/2014, prenant effet au 2 mai 2014, par lequel la société JP3 l’a engagé en qualité de diagnostiqueur immobilier/opérateur de mesure, classification non cadre, moyennant une rémunération brute de 991,12 euros pour un horaire de 24 heures hebdomadaires.
Il produit également un avenant à ce contrat non daté, portant la durée du travail à un temps plein à compter du 1er décembre 2014, prévoyant une rémunération brute mensuelle de 1.445,42 euros.
Sont également versés aux débats les bulletins de salaire à compter du 1er décembre 2014.
M. [A] a été placé en arrêt de travail de façon continue à compter du 15 septembre 2015.
Le 19 décembre 2017, revendiquant notamment l’application de la convention collective nationale des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils (ci-après dénommée convention Syntec), M. [A] a saisi la formation de référé du conseil de prud’hommes de Libourne.
La procédure a été radiée suite à l’ouverture de la liquidation judiciaire de la société JP3 par jugement rendu le 29 janvier 2018 par le tribunal de commerce de Libourne qui a désigné la SCP Pimouguet-Leuret-Devos Bot en qualité de mandataire liquidateur.
Par lettre du 12 février 2018, le liquidateur a notifié à M. [A] son licenciement pour motif économique, tout en précisant que son courrier n’était établi que pour préserver ses droits sous réserve de la reconnaissance éventuelle de son statut de salarié et/ou de la réalité de son contrat de travail et que ce licenciement devait être considéré comme une cessation immédiate d’activité, sans bénéfice d’indemnités de rupture ni adhésion possible au contrat de sécurisation professionnelle.
Soutenant avoir été salarié de la société JP3 à compter du 1er août 2013 et présentant de multiples demandes au titre tant de l’exécution de son contrat de travail que de la rupture de celui-ci, M. [A] a saisi le 22 mars 2018 le conseil de prud’hommes de Libourne qui, par jugement rendu le 10 avril 2019, a :
– débouté M. [A] de l’ensemble de ses demandes,
– condamné M. [A] à verser 500 euros au centre de gestion et d’étude AGS de [Localité 3] au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné M. [A] à verser 500 euros à la SCP Pimouguet-Leuret-Devos Bot en sa qualité de mandataire liquidateur de la SARL JP3 au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné M. [A] aux dépens et éventuels frais d’exécution.
Par déclaration du 15 mai 2019, M. [A] a relevé appel de cette décision, notifiée par lettre adressée par le greffe aux parties le 16 avril 2019.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 21 octobre 2021, M. [A] demande à la cour de déclarer recevable et bien fondé son appel, d’infirmer dans son intégralité le jugement rendu et, statuant à nouveau, de :
– dire qu’il a bien travaillé en qualité de salarié du 1er août 2013 au 30 avril 2014 sans être déclaré et payé par la société JP3,
– dire qu’il a bien été salarié de la société JP3 du 1er août 2013 au 12 février 2018, date de notification du licenciement économique,
– dire que la société JP3 s’est rendue coupable de l’infraction de travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié sur la période du 1er août 2013 au 30 novembre 2014,
– dire que la société JP3 était soumise aux dispositions de la convention collective Syntec,
– dire que l’emploi qu’il occupait relève de la classification ETAM, fonctions Conception ou Gestion élargie, position 3.1, coefficient 400,
– dire que la société n’a pas respecté le minimum conventionnel au titre du salaire dû,
– dire bien fondées ses demandes au titre du rappel de salaire sur la période du 1er décembre 2014 au 15 décembre 2017,
– dire que la société JP3 a manqué à son obligation de sécurité en raison de l’absence de visite médicale d’embauche et de visites périodiques,
– dire que la société JP3 a manqué à son obligation de formation et de maintien de l’employabilité de son salarié,
– dire qu’il a perdu ses certifications du fait du manquement de la société JP3,
– dire que c’est à tort que le mandataire liquidateur a dit que la cessation d’activité de M. [A] était sans bénéfice ni d’indemnités de rupture ni d’adhésion possible au contrat de sécurisation professionnelle,
– dire que M. [A] a été privé à tort du bénéfice du contrat de sécurisation professionnelle,
– dire qu’il a droit au paiement de l’indemnité compensatrice de préavis et congés payés y afférents, de l’indemnité de licenciement et de l’indemnité compensatrice de congés payés.
En conséquence,
– fixer la créance de M. [A] au passif de la société JP3 aux sommes suivantes :
* 4.516,34 euros bruts au titre du rappel de salaire sur la période du 1er décembre 2014 au 31 août 2015,
* 451,63 euros bruts au titre des congés payés y afférents,
* 1.317,80 euros bruts au titre du maintien de salaire à 100% du 16 septembre 2015 au 15 octobre 2015,
* 131,78 euros bruts au titre des congés payés y afférents,
* 959,12 euros bruts au titre du maintien de salaire à 80% sur la période du 16 octobre au 15 décembre 2015,
* 95,91 euros bruts au titre des congés payés y afférents,
* 26.872,93 euros nets de dommages et intérêts au titre de la perte de salaire éprouvée du fait de l’absence de souscription d’un contrat de prévoyance,
* 161.337,12 euros de dommages et intérêts au titre de la perte de salaire subie de son classement en invalidité 2ème catégorie jusqu’à son 60ème anniversaire,
* 7.900 euros au titre de la prise en charge des certifications,
* 1.500 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de visite médicale,
* 12.118,80 euros nets CSG-CRDS au titre de l’indemnité de travail dissimulé,
* 1.500 euros nets à titre de dommages et intérêts pour absence de proposition du contrat de sécurisation professionnelle,
* 4.039,60 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
* 403,96 euros bruts au titre des congés payés y afférents,
* 2.393,78 euros nets CSG/CRDS au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,
* 2.019,80 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés,
– débouter le CGEA et la SCP Pimouguet-Leuret-Devos Bot de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– y ajoutant, condamner la SCP Pimouguet-Leuret-Devos Bot au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– déclarer la décision à intervenir opposable au CGEA.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 7 décembre 2021, la SCP Pimouguet-Leuret-Devos Bot demande à la cour de :
A titre principal,
– dire mal fondé l’appel formé par M. [A] à l’encontre du jugement rendu,
– confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel,
– dire que M. [A] n’avait pas la qualité de salarié de la SARL JP3,
– débouter M. [A] de l’intégralité de ses demandes,
– condamner M. [A] à lui payer la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
A titre subsidiaire, en cas de reconnaissance de la qualité de salarié de M. [A] :
– débouter M. [A] de ses demandes au titre du travail dissimulé, pour absence de visite médicale, au titre de la prise en charge des certifications, pour perte financière subie du 16 décembre 2015 au 30 avril 2018, pour perte financière subie à compter du 1er mai 2018 et pour non-proposition du CSP,
– limiter le montant de l’indemnité compensatrice de congés payés à la somme de 1.480,30 euros bruts,
– ramener le montant de l’indemnité compensatrice de préavis à la somme de 2.960,60 euros bruts outre 296,06 euros bruts au titre des congés payés sur préavis,
– ramener le montant de l’indemnité de licenciement à la somme de 1.387,78 euros pour une ancienneté remontant au 2 mai 2014, à la somme de 1.727,02 euros pour une ancienneté remontant à août 2013.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 7 décembre 2021, l’UNEDIC Délégation AGS CGEA de [Localité 3] demande à la cour de’:
A titre principal,
– dire mal fondé l’appel formé par M. [A] à l’encontre du jugement rendu,
– confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel,
– dire que M. [A] n’avait pas la qualité de salarié de la SARL JP3,
– débouter M. [A] de l’intégralité de ses demandes,
– le condamner reconventionnellement à payer au CGEA de [Localité 3] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
A titre subsidiaire, en cas de reconnaissance de la qualité de salarié de M. [A],
– débouter M. [A] de ses demandes au titre du travail dissimulé, pour absence de visite médicale, au titre de la prise en charge des certifications, pour perte financière subie du 16 décembre 2015 au 30 avril 2018, pour perte financière subie à compter du 1er mai 2018 et pour non-proposition du CSP,
– en tout état de cause, dire qu’aucune somme portant sur une période postérieure à la liquidation judiciaire de la société JP3 (29 janvier 2018) ne saurait être garantie par l’AGS,
– limiter le montant de l’indemnité compensatrice de congés payés à la somme de 1.480,30 euros bruts,
– ramener le montant de l’indemnité compensatrice de préavis à la somme de 2.960,60 euros bruts outre 296,06 euros bruts au titre des congés payés sur préavis,
– ramener le montant de l’indemnité de licenciement à la somme de 1.387,78 euros pour une ancienneté remontant au 2 mai 2014, à la somme de 1.727,02 euros pour une ancienneté remontant à août 2013,
En tout état de cause,
– dire que la demande au titre de la prise en charge des certifications est exclue de la garantie légale de l’AGS,
– dire que les dépens ne pourront en aucun cas être laissés à la charge de l’AGS,
– dire que l’arrêt à intervenir ne sera opposable à l’AGS que dans la limite légale de sa garantie, en l’espèce le plafond 6, laquelle exclut l’indemnité allouée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 24 août 2022 et l’affaire a été fixée à l’audience du 12 septembre 2022.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile ainsi qu’au jugement déféré.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l’existence d’une relation salariale
M. [A], contestant avoir été le gérant de fait des deux sociétés successivement dirigées par sa mère, soutient qu’il a été salarié de la société JP3 dès le 1er août 2013, sans être déclaré ni payé.
Les intimées contestent sa qualité de salarié que ce soit avant le 2 mai 2014 ou après, invoquant sa qualité d’associé fondateur des deux sociétés « familiales » successivement créées, oeuvrant dans le même secteur d’activité, dans lequel Mme [I], infirmière retraitée, n’avait aucune formation, ce qu’elle a confirmé par écrit dans un mail du 4 mai 2018 (pièce 6).
– Sur la période antérieure au 2 mai 2014
En l’absence de contrat apparent, il appartient à M. [A] de démontrer qu’il a exécuté pour le compte de la société une prestation de travail moyennant rémunération dans le cadre d’un lien de subordination juridique.
D’une part, il déclare lui même ne pas avoir été rémunéré, les intimées indiquant, sans être contestées sur ce point, que, jusqu’au mois de mai 2014, M. [A] a perçu l’allocation de retour à l’emploi, suite à son licenciement par le liquidateur de la société DTH Groupe Anaïs.
D’autre part, s’il produit des documents à entête de la société intitulés ‘ordres de mission’ (pièce 50), ceux-ci ne portent le plus souvent que sa seule signature en qualité ‘d’opérateur’ et celle du propriétaire du bien expertisé mais en aucun cas, ne font apparaître une intervention quelconque de la gérante de la société, ni des instructions de sa part.
La liste des rapports réalisés (pièce 51) n’est pas plus probante de l’accomplissement des prestations y figurant dans le cadre d’une relation salariale avec la société et d’un lien de subordination durant la période antérieure au 2 mai 2014.
M. [A] sera donc débouté de sa demande tendant à se voir reconnaître la qualité de salarié pour cette période et débouté de l’ensemble des demandes subséquentes.
– Sur la période postérieure au 2 mai 2014
Pour cette période, sont produits un contrat de travail, à temps partiel, à effet au 2 mai 2014 et un avenant portant la durée du travail à temps plein à compter du 1er décembre 2014 ainsi que des bulletins de paie à compter de décembre 2014.
Il appartient donc aux intimées de démontrer le caractère fictif du contrat de travail.
Or, cette preuve ne résulte ni de l’extrait du site ‘Viadeo’ produit (pièce 8) imprimé le 20 juin 2018 sur lequel il est mentionné que M. [K] [A], né en 1979, est ‘chef d’entreprise 40 ans, titulaires des certifications de compétences en diagnostics immobilier, conseil énergétique, thermographie afin de faire réaliser des économies d’énergie, je vient de créer mon entreprise dans ces domaines’. En effet, il n’est pas possible au vu de ce document de dater cette mention à une période concomitante à la signature du contrat de travail litigieux pas plus qu’il n’est possible de déduire que le contrat de travail aurait été établi pour les besoins de la cause.
L’inscription de M. [A] sur le fichier de la Fédération Française du Bâtiment comme prestataire en proposant les produits n’est pas plus probante des conditions d’exécution de son contrat de travail, la mention Anaïs Expertise (dénomination commerciale de la société) figurant également sur ce document (pièce 10 intimées).
Le courriel daté du 4 mai 2018 émanant de Mme [I] (pièce 6 intimées) établit que M. [A] s’était accordé une large autonomie dans l’exécution de ses missions de diagnostiqueur immobilier et qu’il avait un rôle important dans la gestion de la société.
Cependant, plusieurs écrits versés aux débats par M. [A] démontrent que Mme [I] exerçait un contrôle sur son activité et lui adressait même des injonctions précises :
– son courriel du 4 mai 2018 dans lequel elle indique elle-même que des difficultés sont survenues lorsqu’elle lui a demandé de fournir des justificatifs de ces frais ;
– le refus opposé par Mme [I] à la prise en charge du coût du contrôle du Bureau de contrôle des certifications (lettre du mois d’août 2016 – pièce 34 M. [A]) ;
– le refus de paiement des congés payés et l’invitation à les reporter, compte tenu de son arrêt de travail pour maladie (lettre de Mme [I] du 17 mai 2016 – pièce 37 M. [A]) ;
– le courriel adressé le 3 juillet 2017 par Mme [I] dans lequel elle avise M. [A] qu’elle va venir récupérer le matériel dont il dispose, indiquant qu’il pourra en reprendre possession lors de sa reprise du travail (pièce 66 M. [A]) ;
– la lettre adressée par Mme [I] le 8 mars 2017 où elle menace M. [A] d’un licenciement pour faute grave s’il ne lui permet pas d’accéder à la boîte mail de la société.
Ces différents écrits émanant de la gérante traduisent l’exercice d’un contrôle sur l’activité du salarié, statut que Mme [I] n’a au demeurant jamais contesté pour la période litigieuse, et qui est attesté par la compagne de M. [A] dont les déclarations sont confortées par un tiers, Mme [P] [C] (pièces 93 et 94 M. [A]).
Il sera en conséquence retenu que la preuve du caractère fictif du contrat de travail de M. [A] n’est pas rapportée et que celui-ci a eu la qualité de salarié de la société JP3 à compter du 2 mai 2014 et jusqu’à la date de son licenciement, soit le 12 février 2018.
Sur la demande de rappel de salaire
M. [A] sollicite le paiement d’un rappel de salaires à hauteur de 4.516,34 euros outre les congés payés afférents pour la période de décembre 2014 à août 2015, revendiquant la classification ETAM, position 3.1, coefficient 400 de la convention Syntec et le salaire minimum correspondant s’élevant pour la période considérée à 1.979 euros, en vertu de l’avenant n° 42 du 21 mai 2013, applicable à compter du 1er août 2013.
Les intimées concluent au rejet de cette demande, soutenant que M. [A] ne justifie pas avoir exercé les fonctions correspondant à la classification qu’il revendique, se limitant à lister ses prétendues fonctions au sein de la société.
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Ni le contrat ni les bulletins de salaire ne portent mention de la convention collective applicable et de la classification de M. [A].
En l’état des explications des parties et, compte tenu de l’objet social de la société – ingénierie et études techniques – et de son code APE -7112B -, expressément répertorié à l’article 1er de la convention Syntec, il sera retenu que celle-ci doit s’appliquer à la relation contractuelle.
Si effectivement M. [A] liste les fonctions qu’il exerçait dans ses écritures, celles-ci sont néanmoins corroborées à la fois par les pièces qu’il produit et notamment les ordres de mission ainsi que la liste des rapports effectués (pièces 50 et 51 déjà citées et 76 à 84).
Or, de l’aveu même de la gérante et d’ailleurs aux termes des écritures des intimées, celle-ci n’avait aucune compétence technique et M. [A] indique, sans être contesté sur ce point, qu’il a été le seul salarié de la société jusqu’au début de l’année 2015, son demi-frère étant ensuite engagé après avoir passé les certifications requises.
Il peut donc être retenu que M. [A] travaillait en toute autonomie et menait seul les missions de diagnostics, en réalisant les prélèvements, mesures et calculs nécessaires ainsi qu’il le soutient.
Il justifie par ailleurs qu’il avait obtenu en 2012 et 2013 les certifications nécessaires pour le repérage et diagnostic de l’état de conservation des matériaux contenant de l’amiante, l’état relatif à la présente de termites celui de l’installation de gaz et d’électricité, les risques d’exposition au plomb et le diagnostic de performance individuelle ainsi qu’un certificat de compétence en radioprotection et aux mesures de perméabilité à l’air (ses pièces 28, 91 et 92).
La position 3.1 qu’il revendique, qui correspond au 1er niveau de classement des ‘fonctions de conception ou de gestion élargie’ de la catégorie des techniciens, telle qu’elle est définie en page 44 de l’annexe 1 relative à la grille de classification des emplois ETAM (pièce 41 M. [A]), doit en conséquence être considérée comme fondée au regard à la fois des compétences détenues et des conditions d’exercice de ses missions.
Il peut donc prétendre au paiement du salaire au coefficient 400 (page 49 de l’annexe) et, compte tenu du salaire minimum de 1.979 euros applicable (pièce 7 M. [A]) et de la rémunération qu’il a effectivement perçue, il sera fait droit à sa demande de rappel de salaire à hauteur des sommes sollicitées.
Sur la demande en paiement au titre du maintien du salaire
M. [A] a été placé en arrêt de travail pour maladie à compter du 15 septembre 2015 et jusqu’à la rupture du contrat.
Il sollicite un rappel de salaire entre cette date et le 15 décembre 2015 en application des articles 41 et 43 de la convention Syntec.
Les intimées n’ont pas présenté d’observation sur cette demande.
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Les articles 41 et 43 de la convention Syntec prévoient le maintien du salaire à 100% durant un mois et à 80% les deux mois suivants pour les ETAM ayant plus d’un an d’ancienneté et moins de 5 ans.
Au vu des bulletins de paie et des relevés des indemnités journalières versées (IJSS) , sa créance à ce titre sera fixée à la somme de 2.279,62 euros bruts outre 227,96 euros bruts pour les congés payés afférents, somme se décomposant comme suit :
– 1.317,50 euros bruts du 15 septembre au 15 octobre 2015,
– 959,12 euros bruts du 16 octobre au 15 décembre 2015.
Sur la demande de dommages et intérêts pour défaut de visite médicale
M. [A] sollicite la somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, caractérisé par l’absence de visite médicale d’embauche et de visite périodique alors qu’il bénéficiait du statut de travailleur handicapé et qu’il était exposé, à des risques particuliers ‘rayonnements optiques, plomb’ et divers autres risques liés à ses missions de diagnostiqueur immobilier.
Les intimées concluent au rejet de cette demande, exposant ne détenir aucune information quant aux visites médicales effectuées et invoquant les dispositions de l’article R. 4624-15 du code du travail dispensant l’employeur d’une nouvelle visite sous réserve notamment d’une visite médicale réalisée pour des fonctions identiques.
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Il appartient à l’employeur de justifier du respect de son obligation de sécurité et la connaissance de la qualité de travailleur handicapé de M. [A] n’est par ailleurs pas contestée.
Dans la mesure où il n’est pas justifié qu suivi médical renforcé dont il aurait dû bénéficier, le manquement de l’employeur à ses obligations est avéré et il sera alloué à M. [A] la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de visite médicale.
Sur la demande à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de prendre en charge le coût du maintien des certifications
M. [A] sollicite la somme de 7.900 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du refus de prise en charge du coût de la révision de ses certifications de diagnostiqueur immobilier.
Les intimées concluent au débouté de M. [A], soutenant que la société n’a pas refusé de prendre en charge le coût du contrôle, Mme [I] expliquant en effet dans un courrier du mois d’août 2016 (pièce 34 M. [A]) que le non-règlement était dû à une absence d’échange préalable sur le bureau retenu pour procéder au contrôle sur ouvrage mais aussi à l’arrêt de travail du salarié qui rendait a priori impossible l’organisation d’un contrôle sur ouvrage. Elles en déduisent qu’il ne s’agissait pas pour la société de nuire à M. [A].
L’UNEDIC ajoute que M. [A] ne produit pas de facture et qu’en tout état de cause, elle ne garantit pas cette créance.
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Si, en vertu des dispositions de l’article L. 6321-1 du code du travail, l’employeur doit assurer l’adaptation des salariés à leur poste de travail, cette obligation n’emporte pas, sauf dispositions contractuelles spécifiques, celle de financer les contrôles nécessaires au maintien des certifications requises pour l’exercice de cet emploi.
Dès lors, en l’absence d’engagement contractuel de la société prévoyant qu’elle financera les contrôles nécessaires au maintien des certifications obtenues par le salarié avant la signature du contrat de travail, M. [A] sera débouté de sa demande à ce titre.
Sur les demandes au titre de la rupture du contrat
– Sur les indemnités de rupture
M. [A] sollicite le paiement de la somme de 4.039,60 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents ainsi que la somme de 2.393,78 euros nets de CSG et CRDS au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement.
Les intimées font valoir que M. [A] ne peut solliciter le paiement des indemnités de rupture que sur la base du salaire contractuel soit 1.480,30 euros bruts par mois et d’une ancienneté remontant au 2 mai 2014.
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Il a été précédemment retenu que le salaire minimum conventionnel applicable à M. [A] s’élevait à 2.019,80 euros bruts en vertu de l’avenant à la convention collective n° 44 du 30 mars 1997 applicable à compter du 1er juillet 1997.
Aux termes des dispositions de l’article 12 de la convention Syntec, les périodes de maladie sont incluses dans le calcul de l’ancienneté à l’exclusion des périodes d’incapacité de travail ininterrompue supérieure ou égale à 6 mois pendant lesquelles le contrat de travail est suspendu.
A la date du liceniement, M. [A], qui était placé en arrêt de travail pour maladie ininterrompu depuis le 15 septembre 2015 avait donc une ancienneté d’un an, 10 mois et 13 jours (2 mai 2014 au 15 mars 2016).
En application des dispositions des articles 15 et 17 de la convention Syntec et compte tenu de l’ancienneté retenue, M. [A] ne peut prétendre qu’à un préavis d’une durée d’un mois, du 12 février au 12 mars 2018 soit 2.019,80 euros bruts dont il convient de déduire les IJSS perçues (pièce 59 M. [A]) soit un solde dû de 1.325,25 euros.
La créance de M. [A] au titre de l’indemnité compensatrice de préavis sera fixée à la somme de 1.325,25 euros bruts outre 132,52 euros bruts pour les congés payés afférents.
En vertu de l’article 18 de la convention, M. [A] n’est pas fondé à prétendre au paiement de l’indemnité conventionnelle de licenciement au regard de son ancienneté.
Il a en revanche droit à l’indemnité légale et sa créance à ce titre sera fixée à la somme de 943,72 euros étant rappelé que cette indemnité, compte tenu de son montant, est exonérée des cotisations sociales et de CSG et CRDS.
– Sur la demande au titre des congés payés
M. [A] sollicite la somme de 2.019,80 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés, exposant qu’il lui restait un solde de congés de 31 jours à la fin du mois de décembre 2015.
Les intimées demandent à la cour de réduire la demande en considération du salaire contractuel.
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Compte tenu notamment de la proposition de Mme [I] d’un report des congés (lettre du 17 mai 2016), des mentions portées sur les bulletins de paie quant aux congés acquis mais non pris au 31 décembre 2015 et du salaire de référence retenu, il sera fait droit à la demande de M. [A] à ce titre.
– Sur la demande à titre de dommages et intérêts pour absence de proposition du contrat de sécurisation professionnelle
M. [A] sollicite la somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du manquement du liquidateur qui aurait dû lui proposer le bénéfice du contrat de sécurisation professionnelle.
Les intimées concluent au rejet de cette demande, l’UNEDIC ajoutant que M. [A] a très rapidement créé sa propre entreprise au vu de l’extrait du site Viadeo.
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M. [A] ne justifiant ni ne précisant quelle a été sa situation après son licenciement ainsi qu’à l’issue de son arrêt de travail pour maladie en mars 2018 et suite à l’octroi de sa pension d’invalidité, n’établit ni la réalité ni l’étendue du préjudice dont il sollicite réparation.
Il sera donc débouté de sa demande à ce titre.
Sur la demande indemnitaire au titre de l’absence de contrat de prévoyance
M. [A] fait valoir qu’en vertu de l’annexe 8 de la convention Syntec, instaurant un régime minimum obligatoire de prévoyance, il aurait dû bénéficier de la garantie incapacité temporaire de travail du 15 décembre 2015 au 30 avril 2018 puis de la garantie invalidité dès lors qu’il avait le statut de travailleur handicapé depuis mai 2006 et qu’il s’est vu reconnaître un classement en catégorie 2 par le médecin conseil de la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de la Gironde et octroyé, compte tenu de cette décision, un titre de pension d’invalidité daté du 29 mars 2018 à effet à compter du 1er mai 2018.
Les intimées concluent au rejet de ces prétentions soutenant que la demande d’application des dispositions conventionnelles Syntec à la situation du salarié n’est pas justifiée.
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Il a été ci-avant jugé que la convention Syntec était applicable à la relation contractuelle.
Par conséquent, en vertu de de l’annexe 8 de celle-ci, qui reprend les termes d’un accord sur la prévoyance du 27 mars 1997, étendu par arrêté du 31 mars 1999 publié au Journal Officiel du 10 avril 1999, instaurant un régime minimum obligatoire de prévoyance, la société JP3 aurait dû souscrire au bénéfice de ses salariés un contrat de prévoyance garantissant les risques d’incapacité temporaire de travail et d’invalidité.
Les intimées ne contestent pas que la société n’avait pas souscrit de régime de prévoyance mais invoquent l’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire le 29 janvier 2018, pour soutenir que les demandes de M. [A] ne peuvent porter sur la période postérieure.
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L’article L. 911-8 du code de la sécurité sociale, créé par la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi, permet aux salariés garantis collectivement (…) notamment contre les risques d’incapacité de travail ou d’invalidité, de bénéficier du maintien à titre gratuit de cette couverture en cas de cessation du contrat de travail, non consécutive à une faute lourde, ouvrant droit à prise en charge par l’assurance chômage, selon des conditions qu’il détermine, dans la limite d’une durée de un an.
Ces dispositions, qui revêtent un caractère d’ordre public en application de l’article L. 911-14 du code de la sécurité sociale, n’opèrent aucune distinction entre les salariés des entreprises in bonis et les salariés dont l’employeur a fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire et ne prévoient aucune condition relative à l’existence d’un dispositif assurant le financement du maintien des couvertures santé et prévoyance.
Par conséquent, M. [A] est fondé à solliciter la réparation du préjudice résultant du manquement de la société à son obligation de souscrire un contrat de prévoyance garantissant les risques d’incapacité de travail et d’invalidité dès lors qu’il aurait dû lui être proposé durant la relation contractuelle, d’adhérer à une assurance à ce titre et, lors de la rupture, de bénéficier le cas échéant de la portabilité de la prévoyance.
Cependant, ainsi que l’invoquent les intimées, comme d’ailleurs M. [A], le préjudice résultant du manquement de l’employeur à son obligation de souscrire un contrat de prévoyance au bénéfice de ses salariés s’analyse en une perte de chance et doit être indemnisé comme tel par l’allocation de dommages et intérêts, étant relevé que M. [A] avait refusé de bénéficier du régime complémentaire santé souscrit par l’entreprise par lettre du 30 décembre 2015 (pièce 40 M. [A]).
– Sur la demande au titre de la garantie incapacité temporaire de travail
M. [A] sollicite à ce titre la somme de 26.872,93 euros sur la période du 16 décembre 2015 au 30 avril 2018 représentant la différence entre le montant des IJSS qui lui ont été servies et 80% du salaire minimum conventionnel qu’il aurait dû percevoir, porté à 2.019,80 euros bruts en vertu de l’avenant à la convention collective n° 44 du 30 mars 1997 applicable à compter du 1er juillet 1997.
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En vertu de l’article 6 de l’accord susvisé, passé un délai de carence de 90 jours consécutifs, la garantie consiste à assurer à un salarié ayant plus d’un an d’ancienneté un complément d’indemnité destiné à compléter les versements de la sécurité sociale à hauteur de 80 % du salaire brut jusqu’au classement en invalidité par la sécurité sociale sans pour autant excéder le salaire net qu’aurait perçu le salarié en activité.
Cependant, dans la mesure où il a été précédemment fait droit à la demande en paiement au titre du préavis, la période du 12 février au 12 mars doit être exclue.
D’autre part, la situation d’arrête de travail pour maladie n’est justifiée que jusqu’au 23 mars 2018, seul étant produit le relevé des IJSS versées jusqu’à cette date, les arrêts de travail prescrits à M. [A] n’étant pas produits.
Au vu des bulletins de salaire de M. [A] et du montant des IJSS qui lui ont été versées, le préjudice résultant de la perte de chance de bénéficier de la garantie incapacité temporaire de travail pour la période du 16 décembre 2015 au 23 mars 2018, sera évalué à la somme de 8.000 euros.
– Sur la demande au titre de la garantie invalidité
M. [A] sollicite la somme de 161.337,12 euros représentant le différentiel entre la garantie invalidité prévue par l’accord du 27 mars 1997 prévoyant le maintien de 80% du salaire et la pension octroyée par la CPAM, et ce, jusqu’à son 60ème anniversaire.
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Si un contrat de prévoyance avait été souscrit par la société JP3, M. [A] aurait pu en solliciter la portabililité à la suite de la rupture de son contrat et, compte tenu de date de reconnaissance de son statut d’invalide de 2ème catégorie réduisant sa capacité de travail des 2/3, bénéficier de la garantie prévue par l’article 7.1.2. de l’accord sur la prévoyance du 27 mars 1997 relatif à l’invalidité résultant d’une maladie et dans la limite temporelle du bénéfice de cette garantie.
Il aurait ainsi eu droit au maintien de son salaire à hauteur de 80%, déduction faite de la rente versée par la sécurité sociale sans que pour autant le total des sommes ne puisse excéder le salaire net qu’il aurait perçu en activité, jusqu’à son 60ème anniversaire, soit le 20 juin 2033.
Le montant de la pension d’invalidité que perçoit M. [A] n’est pas justifié, le titre de pension d’invalidité qu’il produit mentionnant qu’est jointe la notification du montant de la pension mais la pièce jointe n’est pas versée aux débats alors que cette pension, n’est pas, contrairement à ce qu’il soutient sans en justifier, plafonnée à 655,50 euros mais calculée sur la base de 50% du salaire annuel moyen, soit même en se référant à la rémunération qui lui était servie, une somme de l’ordre de 728 euros.
Le préjudice résultant de la perte de chance de bénéficier de la garantie invalidité sera évalué à la somme de 30.000 euros.
– Sur la garantie de ces créances
L’UNEDIC demande à la cour de dire que les créances de M. [A] au titre de la perte de chance subie du fait de l’absence de souscription à un contrat de prévoyance ne sont pas garanties.
M. [A] n’a pas présenté d’observations sur ce point.
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Aux termes des dispositions de l’article . 3253-8 du code du travail, l’assurance de garantie des salaires couvre :
1° Les sommes dues aux salariés à la date du jugement d’ouverture de toute procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, ainsi que les contributions dues par l’employeur dans le cadre du contrat de sécurisation professionnelle ;
2° Les créances résultant de la rupture des contrats de travail intervenant :
a) Pendant la période d’observation ;
b) Dans le mois suivant le jugement qui arrête le plan de sauvegarde, de redressement ou de cession ;
c) Dans les quinze jours, ou vingt et un jours lorsqu’un plan de sauvegarde de l’emploi est élaboré, suivant le jugement de liquidation ;
d) Pendant le maintien provisoire de l’activité autorisé par le jugement de liquidation judiciaire et dans les quinze jours, ou vingt et un jours lorsqu’un plan de sauvegarde de l’emploi est élaboré, suivant la fin de ce maintien de l’activité ;
3° Les créances résultant de la rupture du contrat de travail des salariés auxquels a été proposé le contrat de sécurisation professionnelle, sous réserve que l’administrateur, l’employeur ou le liquidateur, selon le cas, ait proposé ce contrat aux intéressés au cours de l’une des périodes indiquées au 2°, y compris les contributions dues par l’employeur dans le cadre de ce contrat et les salaires dus pendant le délai de réponse du salarié ;
4° Les mesures d’accompagnement résultant d’un plan de sauvegarde de l’emploi déterminé par un accord collectif majoritaire ou par un document élaboré par l’employeur, conformément aux articles L. 1233-24-1 à L. 1233-24-4, dès lors qu’il a été validé ou homologué dans les conditions prévues à l’article L. 1233-58 avant ou après l’ouverture de la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire ;
5° Lorsque le tribunal prononce la liquidation judiciaire, dans la limite d’un montant maximal correspondant à un mois et demi de travail, les sommes dues :
a) Au cours de la période d’observation ;
b) Au cours des quinze jours, ou vingt et un jours lorsqu’un plan de sauvegarde de l’emploi est élaboré, suivant le jugement de liquidation ;
c) Au cours du mois suivant le jugement de liquidation pour les représentants des salariés prévus par les articles L. 621-4 et L. 631-9 du code de commerce ;
d) Pendant le maintien provisoire de l’activité autorisé par le jugement de liquidation et au cours des quinze jours, ou vingt et un jours lorsqu’un plan de sauvegarde de l’emploi est élaboré, suivant la fin de ce maintien de l’activité.
La garantie des sommes et créances mentionnées aux 1°, 2° et 5° inclut les cotisations et contributions sociales et salariales d’origine légale, ou d’origine conventionnelle imposée par la loi, ainsi que la retenue à la source prévue à l’article 204 A du code général des impôts.
En considération des délais prévus par ce texte, la garantie de l’UNEDIC est due pour la créance reconnue à M. [A] au titre de l’incapacité temporaire de travail.
En revanche, le droit à indemnisation de M. [A] au titre de l’invalidité n’est né que par la reconnaissance de son statut d’invalidité de 2ème catégorie, résultant d’un titre émis par la CPAM le 29 mars 2018, soit après l’expiration du délai de 15 jours suivant la liquidation judiciaire.
Cette créance n’est donc pas garantie.
Sur la demande au titre de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé
M. [A] sollicite la somme de 12.118,80 euros au titre de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé au motif d’une part, qu’il aurait eu la qualité de salarié depuis le mois d’août 2013 et, d’autre part, qu’il aurait travaillé à temps plein pour la société dès cette date.
Les intimées concluent au rejet de cette demande.
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Il a été ci-avant jugé que M. [A] ne rapportait pas la preuve de sa qualité de salarié antérieurement au 2 mai 2014. Par ailleurs, l’affirmation selon laquelle il aurait travaillé à temps plein du 2 mai au 31 novembre 2014 n’est étayée par aucune pièce et l’appelant ne précise pas quel horaire de travail il aurait réalisé durant cette période.
Il sera en conséquence débouté de sa demande à ce titre.
Sur les autres demandes
Le présent arrêt sera déclaré opposable à l’UNEDIC dans les limites légales et réglementaires et du plafond applicable, soit, compte tenu de l’ancienneté du salarié le plafond 6, ainsi qu’elle s’y réfère en page 19 de ses conclusions, étant rappelé que la garantie n’est pas due pour les dépens ni pour la créance au titre du préjudice résultant de la perte de chance de bénéficier de la garantie invalidité.
Les dépens seront mis à la charge de la liquidation judiciaire de la société mais, compte tenu de la situation de celle-ci, il ne sera pas fait droit à la demande de M. [A] au titre des frais irrépétibles qu’il a exposés.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Confirme le jugement déféré en ce qu’il a débouté M. [K] [A] de sa demande tendant à se voir reconnaître la qualité de salarié de la société JP3 avant le 2 mai 2014, de ses demandes indemnitaires au titre du travail dissimulé, de la perte de ses certifications et du défaut de proposition du contrat de sécurisation professionnelle,
Infirme le jugement pour le surplus,
Statuant à nouveau,
Dit que M. [K] [A] a eu la qualité de salarié de la société JP3 du 2 mai 2014 au 12 février 2018,
Fixe les créances de M. [K] [A] au passif de la liquidation judiciaire de la société JP3, représentée par son liquidateur, la SCP Pimouguet – Leuret – Devos Bot, aux sommes suivantes :
– 4.516,34 euros bruts à titre de rappel de salaire pour la période du 1er décembre 2014 au 31 août 2014 outre 451,16 euros bruts pour les congés payés afférents,
– 2.279,62 euros bruts au titre du maintien du salaire pour la période du 15 septembre au 15 décembre 2015 outre 227,96 euros bruts pour les congés payés afférents,
– 8.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la perte de chance de bénéficier de la garantie incapacité temporaire de travail pour la période du 16 décembre 1995 au 23 mars 2018,
– 30.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la perte de chance de bénéficier de la garantie invalidité,
– 500 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de visite médicale,
– 2.019,80 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés,
– 1.325,25 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre 132,52 euros bruts pour les congés payés afférents,
– 943,72 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,
Déclare le présent arrêt opposable à l’UNEDIC Délégation AGS CGEA de [Localité 3] dans les limites légales et réglementaires de sa garantie et du plafond applicable (plafond 6), à l’exclusion des dépens et de la créance fixée en réparation du préjudice résultant de la perte de chance de bénéficier de la garantie invalidité,
Déboute les parties du surplus de leurs prétentions,
Dit n’y avoir lieu à l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Dit que les dépens seront supportés par la liquidation judiciaire de la société JP3.
Signé par Sylvie Hylaire, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
A.-Marie Lacour-Rivière Sylvie Hylaire