26 avril 2023
Cour d’appel de Nîmes
RG n°
21/01463
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 21/01463 – N° Portalis DBVH-V-B7F-IAJY
YRD/JL
CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE D’AUBENAS
24 mars 2021
RG :F20/00065
S.A.S. NUVIA SUPPORT
C/
[R]
Grosse délivrée le 26 AVRIL 2023 à :
– Me VAJOU
– Me DEMOLY
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 26 AVRIL 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’AUBENAS en date du 24 Mars 2021, N°F20/00065
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, a entendu les plaidoiries, en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président,
Madame Leila REMILI, Conseillère,
Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère.
GREFFIER :
Monsieur Julian LAUNAY-BESTOSO, Greffier à la 5ème chambre sociale, lors des débats et du prononcé de la décision.
DÉBATS :
A l’audience publique du 22 Mars 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 26 Avril 2023.
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.
APPELANTE :
S.A.S. NUVIA SUPPORT
[Adresse 8]
[Localité 3]
Représentée par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉ :
Monsieur [I] [R]
né le 10 Avril 1976 à [Localité 4]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représenté par Me Frédéric DEMOLY, avocat au barreau d’ARDECHE
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 26 Avril 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour.
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS
M. [I] [R] a été engagé par la société Essor devenue Nuvia Support, à compter du 21 juin 2010 suivant contrat de travail à durée indéterminée, en qualité d’agent de logistique nucléaire, niveau AE6, position 2.1, coefficient 275 de la convention collective des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils.
Après avoir proposé une rupture conventionnelle de son contrat de travail, refusée par son employeur le 4 janvier 2019, M. [R] a démissionné de ses fonctions par lettre du 12 juin 2019, dans les termes suivants :
‘ Par cette lettre, je vous informe de ma décision de quitter le poste d’Agent logistique que j’occupe depuis le 21 juin 2010 dans votre entreprise.
En effet, l’article l152-1 qui pose le principe de l’interdiction du harcèlement moral.
L’article L.1152-4, qui oblige l’employeur à prendre des dispositions pour prévenir les actes de Harcèlement moral.
Devant le non-respect de ces 2 articles vous m’obligez à démissionner et ne restera pas sans suite.
Comme l’indique la convention collective Syntec applicable à notre entreprise, je respecterai un préavis de départ d’une durée de 2 mois.
Dans ce préavis, il sera applicable les 6 jours ouvrés mensuel de recherche d’emploi.
La fin de mon contrat sera donc effective le 12 août 2019. (…)’.
Par requête en date du 17 août 2020, M. [R] a saisi le conseil de prud’hommes d’Aubenas aux fins de voir juger que sa démission est imputable à l’employeur de sorte qu’elle s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, qu’il lui reste des heures de travail non rémunérées en juillet 2019, et que sa mise à disposition de la SA EDF par la société Nuvia Support constitue un délit de marchandage justifiant l’octroi de dommages et intérêts.
Par jugement contradictoire du 24 mars 2021, le conseil de prud’hommes d’Aubenas a :
– rejeté la prescription soulevée par la défenderesse,
– dit et jugé recevable l’action engagée en application de l’ordonnance n°2020/306 du 25 mars 2020,
– dit et jugé que l’employeur n’apporte pas la preuve du comportement fautif de son salarié,
– requalifié en conséquence la lettre de démission du 12 juin 2019 de M. [I] [R] en une mesure de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– condamné la société Nuvia Support à payer à M. [I] [R] les sommes suivantes :
* 53,40 euros au titre d’une retenue pour absence,
* 5505 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,
* 13 012 euros au titre de dommages et intérêts pour un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– constaté que l’exécution provisoire est de droit concernant le rappel de salaire et l’indemnité légale de licenciement,
– débouté M. [I] [R] de ses autres demandes, fins et conclusions,
– concernant le problème du délit de marchandage, a renvoyé la question à l’appréciation du juge départiteur, a sursis à statuer sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile et sur les dépens,
– en conséquence, et application des articles L1454-2 et R1454-29 du code du travail, l’affaire a été renvoyée à une audience ultérieure, tenue sous la présidence du juge départiteur : le vendredi 18 juin 2021, afin de statuer sur la question du délit de marchandage.
Par acte du 13 avril 2021, la société Nuvia Support a régulièrement interjeté appel de cette décision, le dossier étant enrôlé sous le numéro RG 21/1463.
Suivant jugement de départage en date du 23 août 2021, le conseil de prud’hommes d’Aubenas a :
– débouté M. [I] [R] de sa demande de dommages et intérêts formulée au titre du délit de marchandage,
– condamné la SAS Nuvia Support à payer à M. [I] [R] la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la SAS Nuvia Support au paiement des dépens.
Par acte du 07 septembre 2021, M. [I] [R] a régulièrement interjeté appel de cette décision, le dossier étant enrôlé sous le numéro RG 21/3356.
Les deux dossiers ont été joints par ordonnance en date du 17 septembre 2021 et se poursuivent désormais sous le seul numéro RG 21/1463.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 06 décembre 2021, la SAS Nuvia Support demande à la cour de :
1. Concernant le jugement du conseil de prud’hommes d’Aubenas du 24 mars 2021 :
– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes d’Aubenas du 24 mars 2021 en ce qu’il a :
* dit et jugé qu’il n’apporte pas la preuve du comportement fautif de son salarié,
* requalifié la démission de M. [R] en un licenciement sans cause réelle et
sérieuse ;
* l’a condamné à verser à M. [R] :
° la somme de 53,40 euros au titre d’une retenue pour absence
° la somme de 5 505 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement ;
° la somme de 13 012 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Et, statuant à nouveau :
1. Sur la requalification de la démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse
– dire et juger que la rupture du contrat de travail de M. [R] produisait les effets d’une démission ;
En conséquence,
– débouter M. [R] de sa demande de paiement de l’indemnité légale de licenciement à hauteur de 5 505 euros bruts ;
– débouter M. [R] de sa demande de paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à hauteur de 22 020 euros bruts ;
2. Sur la demande de rappel de salaire
– dire et juger que la demande de M. [R] de rappel de salaire au titre du mois d’août 2019 est infondée,
En conséquence,
– débouter M. [R] de sa demande de versement d’un rappel de salaire de 53,40 euros bruts pour « abs injustifiée ».
– débouter M. [R] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
2. Concernant le jugement du conseil de prud’hommes d’Aubenas du 23 août 2021 :
– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes d’Aubenas du 23 août 2021 en ce qu’il a : débouté M. [R] de sa demandes de dommages et intérêts au titre du délit de marchandage
– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes d’Aubenas du 23 août 2021 en ce qu’il : l’a condamnée à verser à M. [R] la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Et, statuant à nouveau :
– débouter M. [R] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
Elle soutient que :
– la démission de M. [R] intervient après plusieurs demandes insistantes afin de contraindre son employeur à accepter une rupture conventionnelle,
– le prêt de main de d’oeuvre est intervenu dans le cadre d’un contrat de prestation avec EDF parfaitement régulier.
En l’état de ses dernières écritures en date du 01 octobre 2021, contenant appel incident, M. [I] [R] demande à la cour de :
– déclarer recevable, mais mal fondé l’appel régularisé par la SAS Nuvia Support à l’encontre du jugement rendu le 24 mars 2021 par le conseil des prud’hommes d’Aubenas.
– confirmer ce jugement en toutes ses dispositions.
– déclarer recevable, et fondé, son appel régularisé à l’encontre du jugement rendu le 23 août 2021,
– dire et juger que sa démission s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
– dire et juger qu’il a été victime du délit de marchandage institué par l’article L8231-1 du code du travail.
– condamner la SARL Nuvia Support à lui verser les sommes suivantes :
* 13.012 euros de dommages et intérêts,
* 5.505 euros bruts à titre d’indemnité de licenciement (0.25 mois de salaire par année de présence : 550.50 x 10),
* 53.40 euros de retenue de salaire pour « abs injustifiée »,
* 30.000 euros net à titre de dommages et intérêts au titre du délit de marchandage.
– ordonner la remise des documents afférents : bulletins de paie rectifiés, attestation Pôle Emploi rectifiée sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de l’arrêt à intervenir.
– condamner en outre la SARL Nuvia Support à lui verser une somme de 3.500 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu’aux éventuels dépens.
Il fait valoir que :
– il a démissionné en raison des nombreux manquements de l’employeur à son égard,
– il a travaillé dans le cadre d’un prêt de main d’oeuvre illicite pour le compte d’EDF bénéficiant d’une rémunération et d’avantages moindre que ceux dont bénéficiaient les salariés d’EDF.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.
Par ordonnance en date du 30 novembre 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 07 mars 2023. L’affaire a été fixée à l’audience du 22 mars 2023.
MOTIFS
Sur la rupture du contrat de travail de M. [R]
Par courrier du 7 juin 2019, M. [R] notifiait à la société sa décision de démissionner à compter du 12 août 2019 en ces termes :
« (‘) Objet : démission (‘)
Madame, Monsieur,
Par cette lettre, je vous informe de ma décision de quitter le poste d’Agent logistique que j’occupe depuis le 21 juin 2010 dans votre entreprise.
En effet, l’article L.1152-1 qui pose le principe de l’interdiction du harcèlement moral.
L’article L.1152-4, qui oblige l’employeur à prendre des dispositions pour prévenir les actes de harcèlement moral.
Devant le non-respect de ces 2 articles vous m’obligez à démissionner et ne restera pas sans suite.
Comme l’indique la convention collective Syntec applicable à notre entreprise, je respecterai un préavis de départ d’une durée de 2 mois.
Dans ce préavis, il sera applicable les 6 jours ouvrés mensuel de recherche d’emploi.
La fin de mon contrat sera donc effective le 12 août 2019…»
La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail. Lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l’annulation de sa démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur et lorsqu’il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu’à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, le juge doit l’analyser en une prise d’acte qui produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire d’une démission.
En l’espèce, M. [R] expose que depuis l’arrivée en poste de M. [V] [J] en décembre 2018, en qualité de nouveau Directeur des Ressources Humaines, il a subi des reproches et remontrances récurrents de la part de celui-ci, qu’il a sollicité en décembre 2018 une rupture conventionnelle de son contrat, qu’après le refus de son employeur en date du 4 janvier 2019, ce dernier a ensuite multiplié les courriers comminatoires relatifs à des griefs injustifiés en lui adressant :
-le 8 mars 2019 une LRAR lui reprochant un abandon de poste non justifié : or, dès le 12 mars 2019, il a justifié de sa position, à savoir que sa prétendue absence des 13 et 19 février était liée aux élections professionnelles et à sa présence continue sur le bureau de vote légitimement rémunérée comme jour de travail, puisque indispensable à la régularité des élections pour ces 2 journées rémunérées comme jour travaillé, si la SAS Nuvia Support prétend que sa présence au bureau de vote n’était nécessaire que quelques heures du fait du recours majoritaire au vote à distance par voie électronique, cet argument n’est pas pertinent dès lors que le bon déroulement du vote impose une présence continue, outre le fait que le vote a été organisé par l’employeur à 1 km du lieu de travail dans un bungalow en zone contrôlée, ce grief doit s’analyser en une démarche pernicieuse dont la finalité est de fragiliser le statut de ce salarié au sein de l’entreprise,
– le 3 avril 2019 une LRAR rejetant ses arguments et lui notifiant un avertissement, or, dès le 13 mai 2019, il justifiait à nouveau de sa position, et du grief erroné de son absence,
– le 13 mai 2019, une nouvelle LRAR rejetant ses arguments et justificatif et invoquant des « demandes incessantes et non fondées », dès le 20 mai 2019, il répondait à ces critiques.
M. [R] soutient que depuis mars 2019 ces multiples griefs notifiés sur une courte période et nécessitant des réponses circonstanciées l’ont placé dans une position insécure au sein de l’entreprise ce qui l’a fragilisé psychologiquement et a nécessité la consultation de son médecin dès le 20 mars 2019 lequel lui a prescrit des anxiolytiques (Xanax, [F]), ainsi la dégradation de son état de santé a bien été constatée par son médecin traitant.
Il rappelle avoir adressé un courrier au directeur pour des faits de harcèlement dont il considérait être victime, ledit courrier n’ayant pas été suivi d’effet.
– Sur le harcèlement moral :
Aux termes de l’article L. 1152-1 du Code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. En vertu de l’article L. 1154-1 du Code du travail, lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits laissant supposer l’existence d’un harcèlement.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du Code du travail. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Sous réserve d’exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et si l’employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.
Les pièces produites par M. [R], à savoir essentiellement des échanges de courriers entre lui et son employeur, confirment la réalité des griefs qui lui étaient notifiés et ces éléments pris dans leur ensemble laissent supposer l’existence d’un harcèlement.
L’employeur fait observer que :
– par courrier en date du 16 octobre 2017, M. [R] informait la société qu’il souhaitait quitter ses fonctions et par conséquent sollicitait l’ouverture d’une procédure de rupture conventionnelle en ces termes : « Salarié de votre entreprise au poste d’Agent logistique depuis le 21 juin 2010, je vous informe que j’envisage de quitter les fonctions que j’exerce actuellement, Je souhaite en effet me consacrer à de nouveaux projets professionnels.
Afin de mettre fin à mon contrat de Travail de façon amiable je vous propose d’entamer la
procédure de rupture conventionnelle (‘) » ; or à cette époque M. [J] n’avait pas pris ses fonctions,
– par courrier en date 15 janvier 2018, M. [R] sollicitait de nouveau un entretien afin de «discuter de préoccupations quotidiennes », à cette époque M. [J] n’avait toujours pas pris ses fonctions, la société répondait par courriers en date des 22 janvier et 14 février 2018 et proposait un entretien au salarié le 26 février 2018 à l’occasion duquel il sollicitait de nouveau l’engagement d’une procédure de rupture conventionnelle, souhaitant poursuivre son projet de création d’entreprise, la société refusait de nouveau l’engagement d’une telle procédure,
– par courrier en date du 14 décembre 2018, M. [R] réitérait sa demande de quitter l’entreprise dans le cadre d’une rupture conventionnelle, en ces termes : « Monsieur le directeur, Occupant le poste d’Agent logistique dans votre entreprise depuis le 21 juin 2010, je souhaite
désormais me consacrer à d’autre projets professionnels. Pour cela, J’aimerais mettre fin à mon CDI dès le 01/07/19. Par la présente, je me permets de vous suggérer le recours à une rupture conventionnelle du contrat de travail, conformément à l’article L.1237-11 du Code du Travail. (‘) », M. [J] n’avait pris ses fonctions que depuis 15 jours, la société répondait par courrier en date du 4 janvier 2019 et refusait la demande du salarié au motif qu’elle ne souhaitait pas rompre le contrat du salarié : « Par courrier en date du 14 décembre 2018, vous avez sollicité l’ouverture de pourparlers relatifs à une éventuelle rupture conventionnelle de votre contrat de travail. Nous sommes très étonnés par votre demande et n’avons quant à nous pas l’intention de nous séparer de vous. Nous ne sommes donc pas disposés à conclure une rupture conventionnelle de votre contrat de travail. Nous sommes en revanche prêts à vous rencontrer pour cous expliquer de manière plus approfondie les raisons de notre refus. »
– M. [R] ne se présentait pas à son poste en date des 7, 8, 13, 14, 19 février 2019 et ce, sans aucune justification, ce qui a justifié l’envoi du courrier du 8 mars 2019, mettant en demeure M. [R] de présenter des justificatifs afférents à ces différentes absences et ce n’est que par courrier en date du 12 mars 2019 que le salarié tentait de justifier ses absences en ces termes : « Pour faire suite à votre courrier, je vous écrit pour vous dire ma stupéfaction de votre courrier.
Je vais donc par écrit répondre date par date à vos affirmations.
07 février 2019 : envoi SMS à Mr [Z] pour CP
08 février 2019 : envoi SMS à Mr [Z] pour CP
14 février 2019 : envoi SMS à Mr [Z] à 1h48
13 février 2019 : réunion de scellement du Bureau de vote à 9h00
Fin de réunion 9h45
[Adresse 7]
Présence sur site 10h30
Mr [Z] est donc assermenté ‘
Je suis donc dans une entreprise formidable ou rien ne justifie ma présence que par la seule
affirmation de mon supérieur hiérarchique. Non assermenté. Par contre comment fait-il avec
la moitié du personnel qui arrive entre 8H00 et 8H15 »
(‘) 19 février 2019 : Présence au Bureau de vote (‘)
Le 14 février 2019 a été envoyé à Mr [Z] un SMS à 1H48. Raison est simple insomnie.
Donc par votre courrier vous m’incité à prendre la route sans dormir et pendant 140 Km, vous
trouvez ca prudent ‘ (‘) » , M. [R] ne justifie pas pour autant avoir informé préalablement son employeur de ces absences et ne justifiait au demeurant que son absence liée à sa présence au bureau de vote, il ne justifie pas en effet avoir posé régulièrement ses congés payés, M. [R] a informé son supérieur le 7 février de la prise de congé le jour même après l’heure de prise de poste, ce n’est donc pas parce que M. [R] informe son entreprise de ses absences que celles-ci sont justifiées,
– par courrier en date du 3 avril 2019, la société répondait à M. [R] et lui notifiait un avertissement pour les absences des 7, 8 et 14 février 2019, lesquelles demeuraient injustifiées en dépit de la mise en demeure notifiée au salarié toutefois, compte tenu de l’activité du salarié au bureau de vote dans le cadre des élections professionnelles, la société ne retenait aucune absence les 13 et 19 février 2019 : « Par retour de courrier, vous avez tenté de justifier vos absences par l’envoi de SMS auprès de votre responsable. Nous vous rappelons que l’envoi d’un SMS afin de prévenir votre hiérarchie résulte d’une obligation du Règlement Intérieur mais ne justifie en rien votre absence. Les congés payés doivent être posés préalablement à la date de départ souhaitée et validés par votre responsable. Ces absences restent donc injustifiées. (‘) nous acceptons de ne pas retenir d’absence injustifiée pour les journées liées aux élections professionnelles.
Cependant, et sans prendre en compte le problème lié à la tenue du bureau de vote, nous ne
pouvons accepter votre attitude dilettante. En effet, vos absences imprévisibles et répétées
désorganisent le bon accomplissement de nos prestations au sein du site de notre client et votre
comportement est totalement inapproprié. Bien plus, ces absences démontrent un manque de
sérieux et de professionnalisme de votre part que nous ne saurions accepter.
Ainsi, nous vous notifions un avertissement qui sera joint à votre dossier personnel (‘) », dans le cadre du présent débat M. [R] ne justifie pas davantage de ses absences et ne demande au demeurant pas l’annulation de cet avertissement au dispositif de ses conclusions lequel est en conséquence parfaitement justifié,
– par courrier en date du 13 mai 2019 M. [R] écrivait « Pour conclure, Force est de constater qu’au travers de vos réponses agressives et des pressions exercées, vous cherchez à entraver mon droit de demander une rupture conventionnelle me permettant la création de ma société », alors qu’aucun terme agressif n’avait été utilisé,
– par courrier en date du 29 avril 2019 M. [R] sollicitait :
– La remise des plannings des mois de janvier, février, mars 2019 ;
– La régularisation de paie de la journée du 18 février 2019 ;
– Le versement de la prime de performance ;
l’employeur lui répondait le 13 mai 2019 apportant ses explications et lui faisant part de la plainte de ses collaborateurs en raison de son ton menaçant, le salarié répliquant le 20 mai 219 en ces termes « Suite à votre courrier du 13 mai 2019, J’AFFIRME SUR L’HONNEUR qu’aucun harcèlement n’a été émis envers mes collaborateurs et que si vous maintenez vos accusations sans apporter de preuves, je porterai plainte pour diffamation. Ce courrier n’a qu’un But L’INTIMIDATION. Vos propos sont une volonté de me conduire à la faute ou à la démission. Sachez que toutes vos tentatives sont vouées à l’échec. Aucun sujet ne sera clos tant que mes demandes ne seront levées. Je vous réclame mon dossier personnel ainsi que les PLANNINGS de JANVIER/FEVRIER/MARS 2019 inclus. (‘). Vous le comprendrez bien qu’après ma deuxième relance si je n’obtiens pas ces plannings je saisirai la Commission Nationale de l’Informatique et des libertés pour obtenir ce qui me revient (‘) », ce courrier étant particulièrement révélateur de l’état d’esprit du salarié qui ne mentionnait plus sa demande de
régularisation du salaire du 18 février 2019 et de versement de la prime de performance.
Il résulte de ce qui précède que l’employeur démontre que son comportement est justifié par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En tout état de cause la non communication des plannings, à la supposer établie, n’est pas un grief suffisamment grave pour considérer que la démission produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
– Sur les rappels de salaires :
M. [R] soutient qu’il n’a pas été intégralement réglé de son salaire de juillet 2019.
Or, ayant démissionné par courrier du 7 juin 2019, ce grief ne peut justifier que sa démission soit requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il indique dans ses écritures qu’il «entend accepté le jugement dont appel et renoncer aux demandes rejetées, entendant simplement voir confirmer le Jugement dont appel sur sa demande de 53.40 € de retenue de salaire pour « abs injustifiée ». Ainsi le Jugement dont appel sera confirmé.»
La société intimée formulant un appel incident demande l’infirmation du jugement ayant alloué au salarié a somme de 53,40 euros au titre d’une retenue pour absence.
Elle fait observer que la retenue pour « abs injustifiée » correspond à l’absence injustifiée de M. [R] le 15 juillet 2019 tel qu’en atteste le bulletin de paie d’août 2019 ce qui n’est pas discuté.
Le jugement sera donc infirmé de ce chef.
Sur la mise à disposition de M. [R] par la société Nuvia Support à EDF
Par jugement de départage du 23 août 2021, la demande de dommages et intérêt a été rejetée
et il a été alloué à M. [R] 1.500 euros au titre des frais irrépétibles.
M. [R] sollicite qu’il soit jugé que cette mise à disposition constitue le délit de marchandage institué par l’article L8231-1 du Code du travail et justifie l’octroi à son profit de dommages et intérêts du fait des différences de statut et de salaire existant entre les salariés d’EDF et de la SAS NUVIA (environ 1.000 euros de différentiel salarial, hors avantages divers des personnels d’EDF) l’octroi d’une indemnité de 30.000 euros net.
Selon l’article L.8231-1 du code du travail : « Le marchandage, défini comme toute opération à but lucratif de fourniture de main-d »uvre qui a pour effet de causer un préjudice au salarié qu’elle concerne ou d’éluder l’application de dispositions légales ou de stipulations d’une convention ou d’un accord collectif de travail, est interdit. »
Les critères permettant habituellement de distinguer les opérations licites des opérations illicites sont le maintien ou non du lien de subordination avec l’entreprise d’origine du salarié, le fait que la mise à disposition du salarié soit ou non à prix coûtant ou encore qu’elle soit forfaitaire ou au temps passé par le salarié mis à disposition, le fait que le salarié mis à disposition exerce ou non une activité spécifique distincte de celle de l’entreprise bénéficiaire de son travail et qu’il lui apporte ou non un savoir-faire particulier.
Les critères d’absence de transfert du lien de subordination et, en particulier, du pouvoir de direction sur le salarié mis à disposition, et d’apport d’un savoir-faire particulier sont privilégiés par rapport aux conditions financières pour que soit écarté le caractère illicite d’une mise à disposition et l’absence de transfert du lien de subordination est le critère primordial.
L’article L.8241-1 du code du travail issu de la loi n°2011-893 du 28 juillet 2011 prévoit par ailleurs : « Une opération de prêt de main-d »uvre ne poursuit pas de but lucratif lorsque l’entreprise prêteuse ne facture à l’entreprise utilisatrice, pendant la mise à disposition, que les salaires versés au salarié, les charges sociales afférentes et les frais professionnels remboursés à l’intéressé au titre de la mise à disposition. ».
Pour qu’il y ait prêt de main d’oeuvre illicite au sens de l’article L 8241-1, il faut qu’il y ait une
opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d’oeuvre, sous réserve de certaines exceptions énumérées à l’alinéa 2 de cet article, relatives, notamment, au travail temporaire.
Le caractère lucratif ou non de ces deux opérations, marchandage et prêt de main d’oeuvre illicite, s’apprécie avant tout par rapport à la nature de la tâche à accomplir. Ainsi, le prêt de main d’oeuvre n’est pas prohibé lorsqu’il n’est que la conséquence nécessaire de la transmission d’un savoir-faire ou de la mise en oeuvre d’une technicité qui relève de la spécificité propre de l’entreprise prêteuse que l’entreprise utilisatrice n’a pas les moyens d’accomplir.
C’est notamment le cas lorsque le salarié d’une entreprise prestataire effectue une mission de surveillance et de protection exigeant une compétence et une formation particulière qui ne peut être confiée à un salarié de l’entreprise utilisatrice. Mais il est également nécessaire que le salarié qui fait l’objet d’un prêt ou d’une opération de fourniture de main d’oeuvre, demeure sous la subordination juridique de l’entreprise prestataire et ne passe pas sous celle de l’entreprise utilisatrice.
L’existence d’un but lucratif ne suffit pas à établir l’existence du marchandage au sens de l’article L 8231-1 du code du travail. Encore faut-il que cette opération porte préjudice au salarié qu’elle concerne ou aboutisse à éluder l’application de dispositions légales ou de stipulations d’un accord collectif. Il en va ainsi, notamment, lorsque l’opération de mise à disposition d’un salarié auprès d’une entreprise utilisatrice permet à celle-ci de ne supporter aucun frais de gestion de personnel, hormis le strict remboursement du salaire et des charges sociales, et de faire application au salarié d’une convention de forfait-jours illicite. Il en est également ainsi lorsque la fourniture de main d’oeuvre a eu pour effet de maintenir abusivement les salariés mis à disposition de l’entreprise utilisatrice dans un statut de précarité, moins rémunéré que des emplois permanents.
Il importe, enfin, qu’il y ait transfert du lien de subordination du salarié mis à la disposition de l’entreprise utilisatrice au profit de cette dernière. Le prestataire doit donc, pour qu’il n’y ait pas délit de marchandage, conserver l’autorité sur le personnel qu’il fait travailler auprès de l’entreprise bénéficiaire et exercer un contrôle sur la réalisation du travail effectué par ce personnel. L’entreprise bénéficiaire ne doit pas, à cet égard, intervenir comme elle le ferait à l’égard de son propre personnel en plaçant les salariés de l’entreprise prestataire sous les ordres de son personnel d’encadrement.
M. [R] prétend que les conditions dans lesquelles il a été mis à disposition de la SA EDF par la SAS Nuvia Support au sein de la Centrale nucléaire de [Localité 5] sont constitutives du délit de marchandage.
Il expose qu’il y exerçait la fonction initiale d’« agent logistique nucléaire », puis, in fine de « technicien AE7 », qu’à ce titre et tout au long de l’exécution de son contrat de travail il assurait
des fonctions équivalentes à celles des autres salariés de la Centrale de [Localité 5]-[Localité 6], et a, très régulièrement pris en charge des expéditions et réception de matières radioactives pour le compte d’EDF, signant différents bordereaux au lieu et place d’agent EDF, qu’ainsi, via la SAS Nuvia Support, il a bien été utilisé par la SA EDF au lieu et place de ses propres agents.
Il ajoute que le Cahier des Clauses Techniques Particulières de la Centrale de [Localité 5]-[Localité 6] impose des obligations particulières pour le « déplacements de matériels », notamment « les contrôles et réception du convoi du combustible neuf au BCT, les contrôles radiologiques à l’ouvertures des conteneurs » qui doivent être assurées par « le Titulaire » du marché, à savoir EDF et non un sous-traitant, qu’aux termes de l’article 4 du décret N°46-1541 du 22 juin 1946 « approuvant le statut national du personnel des industries électriques et gazières », « les emplois, fonctions ou postes de services et exploitations doivent être intégralement assurés par des agents statutaires ».
Pour démontrer qu’en définitive il faisait le même travail qu’un employé d’EDF il produit :
-le CCTP Standard DPN Logistique de Chantier d’EDF dont la page 59/67 dispose :
« Pour les matériels, équipements ou outillage nécessaires aux évacuations combustible
restant sur site et des matériels, équipements ou outillages nécessaires aux réceptions de combustible neufs restant sur site : la décontamination, selon les procédés inscrits dans le guide de la décontamination en Centrale ou actuellement mis en oeuvre sur le site, de tous les matériels, équipements et outillages nécessaires aux évacuations combustibles, y compris le LORRY et le chariot DMK, lors des opérations d’évacuation combustible, jusqu’à obtention des critères préalablement définis, la décontamination du compartiment transfert, la décontamination des parois et du fond de la piscine d’évacuation combustible BK.
*Pour les emballages de transport de marchandises radioactives, la fosse de préparation, la
remorque routière et le wagon : la décontamination, selon les procédés décrits dans le guide de
la décontamination en Centrale ou actuellement mis en oeuvre sur le site des matériels pré-cités
et conformément aux critères préalablement définis.
*Réaliser les cartographies afin de s’assurer du respect des critères définis par le référentiel. »
-le CCTP Déplacement de Matériels Cnpe de [Localité 5]-[Localité 6] dont les pages 12, 32, 42 et 48 stipulent :
« POSTE AMN 2 : Préparer les expéditions et les réceptions transport classe 7 » :
« 2.2.3. Spécifications
Cette fonction couvre une partie des besoins techniques et réglementaires liés au transnuc en provenance ou en partance d’un site externe au CNPE. Le Titulaire met en place l’organisation et les moyens nécessaires pour répondre aux exigences réglementaires et à celles du site.
Le Titulaire réalise les contrôles lors de la réception des transports ADR classe 7 transitant par le site durant les VP et VD.Il réalise également l’ensemble des contrôles concernant les réceptions du combustible neuf, que celles-ci aient lieu en ou hors arrêt de tranche.
Sur le CNPE de [Localité 5], la totalité des contrôles radiologiques concernant les expéditions ainsi que la rédaction des DEMR restent à la charge de l’Entreprise.
Le Titulaire a en charge les fonctions de gestion, de contrôle, et d’accompagnement décrites ci-dessous.
Les limites de prestation sont spécifiées au § 5.11.
2.2.3.1. Gestion
Le Titulaire assure la planification des départs et arrivées des convois routiers en fonction des demandes produites par les demandeurs. Il coordonne les différents acteurs du transport (site expéditeur ou destinataire, transporteur, manutention). Il choisit le colis optimal pour le transport. Par type de colis optimal on entend le type de colis prévu par la réglementation pour garantir les performances minimales requises sans performances supplémentaires.
Il assure la réception et la gestion des préavis de transport »
*en page 32/62 à la rubrique « transport soumis à l’ADR de la classe 7 » :
« Les activités techniques liées au combustible usé et neuf ainsi qu’aux déchets dangereux (étiquetage, marquage, pose des scellés) sont à la charge de l’Entreprise.
Les contrôles réalisés par le Titulaire lors des réceptions des transports ADR classe 7 (sur les VP et les VD) et pour l’ensemble des réceptions combustible se font en cas 2, conformément au référentiel « Management de la RP ».
*en page 42/62 un tableau fixe les différentes :
« Transport ADR : Pas d’écart aux prescriptions de la réglementation transport.
Sur action de contrôle 1 : Sur Evènement Intéressant Transports (E.I.T) où la responsabilité du Titulaire est validée.
Sur Evènement Significatif Transport (E.S.T) où la responsabilité du Titulaire est validée. »
-en page 48/62 l’annexe 4 organisation de la MOA décrit :
Le service Technique est le donneur d’ordre du Titulaire. Le contrat « Déplacement du Matériel » sera suivi par la section « Logistique ». L’organisation du CNPE est la suivante : Service technique : Section logistique : Transport, Manutention, Di 82, Colisage, Déneigement, Maîtrise des zones, Laverie, Décontamination, Servitudes, Echafaudages, Calorifugage. »
L’organisation du service technique allant de Chef de Service à Techniciens.
-un Document issue de la GED BUGEY du 19/11/2007 qui indique clairement dans les « prestations à charge d’EDF les « contrôles finaux des matériels en sortie de site et en provenance d’une Zone Contrôlée sont de la responsabilité d’EDF »
Il en conclut qu’il lui était demandé d’exécuter directement une tâche au lieu et place d’agents statutaires d’EDF, que le délit de marchandages est bien constitué, qu’il a donc bien effectué, de manière régulière et au lieu et place d’agents EDF des missions incombant uniquement à EDF de sorte que le premier élément du délit de marchandage est bien constitué.
La société Nuvia Support réplique qu’un contrat pluriannuel de prestations globales d’assistance chantier a été ainsi conclu avec EDF, exploitant de la CNPE de [Localité 5] Messe, que « la gestion de déchets radioactifs » relève expressément de la prestation effectuée par la SAS Nuvia Support pour le compte d’EDF, tel qu’en atteste le descriptif de la prestation de la SAS Nuvia Support sur le site de la CNPE de [Localité 5] exploitée par EDF.
Plus précisément, dans le cadre de la gestion de déchets radioactifs, il appartient expressément :
– aux agents de la société Nuvia Support affectés sur le site de la CNPE de réceptionner les déchets radioactifs en provenance d’autres sites, et d’effectuer les mesures de contrôle sur ces marchandises, telles qu’en attestent les mentions sur les « Déclarations d’expédition de matières radioactives » signées par M. [R] en tant que réceptionneur ;
– aux agents EDF de gérer l’expédition de ces déchets sur la voie publique tel qu’en attestent
les mentions sur les « Déclarations d’expédition de matières radioactives » qui mentionnent systématiquement l’expédition par un agent EDF.
La société Nuvia Support relève que M. [R] produit plusieurs extraits du Cahier des Clauses Techniques Particulières de la CNPE de [Localité 5]-[Localité 6] intitulé « Déplacement de matériel » qui fait au contraire apparaître l’absence de traitement par EDF de la réception et du contrôle des déchets de matières radioactives :
o S’agissant de la page 13, il est indiqué que « Le Titulaire [EDF] assure les contrôles de réception du convoi du combustible neuf au BCT, les contrôles radiologiques à l’ouverture des « conteneurs » ainsi que les contrôles radiologique de l’ensemble de locaux du BK concerné par la réception ». Or, « cette clause ne concerne que la réception du combustible neuf » et ne saurait s’appliquer généralement à la réception des déchets radioactifs.
o S’agissant de la page 12, il est indiqué que : « Le Titulaire [EDF] réalise les contrôles lors de la réception des transports ADR classe 7 [matières rétroactives] transitant par le site durant les VP [visites partielles] et VD [visites décennales]. » : cas spécifiques d’arrêt de la production d’un réacteur nucléaire dans une centrale pour procéder à des contrôles ou des opérations de maintenance dans des zones non accessibles en cas de fonctionnement normale ; « Le Titulaire réalise également l’ensemble des contrôles concernant les réceptions du combustible neuf, que celles-ci aient lieu en ou hors arrêt de tranche », c’est à dire pendant ou en dehors des visites partielles et décennales ; « Sur le CNPE de [Localité 5], la totalité des contrôles radiologiques concernant les expéditions ainsi que la rédaction des DEMR [demandes d’expédition de matières radioactives] restent à la charge de l’Entreprise ».
Pour la société intimée aucune disposition citée ci-dessus exclut la possibilité pour EDF de sous-traiter la réception des matières rétroactives à un prestataire en dehors des cas spécifiques des visites partielles et décennales. Par ailleurs, ces dispositions confirment que l’expédition des matières radioactives sur la voie publique et la réception des combustibles neufs relèvent expressément des missions des agents EDF.
o S’agissant de la page 32, les opérations réalisées par EDF dans le cadre des transports de marchandises sont limitativement énumérées et visent :
– Les « activités de gestion »
– Les « activités techniques » à savoir « Les activités liées au combustible usé et neuf ainsi qu’aux déchets dangereux (étiquetage, marquage, pose des scellés)» et « les contrôles (‘) lors de la réception des transports ADR classe 7 [matières rétroactives] (sur les VP [visites partielles] et VD [visites décennales] » ;
– « L’accompagnement des transporteurs ».
Par conséquent, la réception et le contrôle des déchets radioactifs sur le site de la CNPE ne sont pas gérés par EDF et aucune de ces dispositions n’interdit la sous-traitance de ces activités.
o La page 42 traite expressément des cas d’incidents dans le cadre du transport de matières radioactives, engageant la responsabilité du titulaire.
o La page 48 prévoit expressément la sous-traitance des services techniques dont le transport, la décontamination etc.
Le premier juge a justement relevé que l’annexe au décret n°46-1541 du 22 juin 1946 selon lequel « les emplois, fonctions ou postes de services et exploitations, doivent être intégralement assurés par les agents statutaires » concerne «un décret intitulé « décret approuvant le statut national du personnel des industries électriques et gazières » ayant vocation à règlementer, lors de sa signature en 1946, le statut du personnel de nouvelles entreprises créées suite à la nationalisation de la production et de la distribution d’électricité. (‘) le décret est en ce sens entièrement consacré à la règlementation du recrutement, de l’avancement, de la discipline et autres problèmes statutaires intéressant le personnel », personnel dont ne fait pas partie M. [R].
Par ailleurs la société intimée fait observer que M. [R] se réfère à un Cahier des Clauses Techniques Particulières de la CNPE de Bugey du 19 novembre 2007 inapplicable en l’espèce dans la mesure où il intervenait exclusivement sur la CNPE de [Localité 5]-[Localité 6].
La société intimée ajoute que pour la réalisation de ces prestations globales d’assistance chantier, la société Nuvia Support affecte, sur le site de [Localité 5]-[Localité 6], des agents logistiques nucléaires, tels que M. [R], pour la réalisation de missions spécifiques requérant une compétence particulière dans le domaine du nucléaire et de la radioprotection et correspondant à des « savoir-faire spécifiques ».
La société intimée relève que les « Déclarations d’expédition de matières radioactives » produites par l’appelant sont signées par lui mais en tant que « Réceptionneur », ce qui démontre bien que seuls les salariés de la société Nuvia Support sont en charge de la réception des déchets de matières radioactives en provenance d’autres sites et si M. [R] réceptionne les matériaux radioactifs sur le site de la centrale, EDF demeure le seul responsable de la sortie du matériel en dehors de la centrale, telles qu’en attestent les mentions sur les « Déclarations d’expédition de matières radioactives » qui mentionnent systématiquement l’expédition par un agent EDF.
Il n’est pas discuté que l’intégralité du matériel nécessaire à la réalisation de la prestation par les agents Nuvia sur les sites clients est mis à disposition par la société Nuvia Support.
Il résulte de tout ce qui précède que M. [R] échoue à établir qu’il serait passé sous le lien de subordination de l’entreprise EDF alors que la société Nuvia Support démontre que c’est d’elle dont émane la sanction disciplinaire notifiée à M. [R], qu’elle a réalisé les entretiens annuels d’évaluation du salarié, que les courriers de demandes de rupture conventionnelle, de démission et de contestation lui étaient adressés et qu’elle seule a adressé au salarié les courriers relatifs à ses absences.
Enfin, la société Nuvia Support démontre que le contrat de prestation passé avec EDF portait sur des missions spécifiques requérant un niveau d’expertise et de technicité dont ne disposaient pas les agents d’EDF justifiant que du personnel particulièrement formé soit mis à sa disposition pour effectuer des tâches exigeant un certain niveau de qualification.
Il découle de ce qui précède que la sous-traitance de la réception et du contrôle des déchets par EDF à Nuvia Support est parfaitement licite.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
L’équité commande de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et de condamner M. [R] à payer à la société Nuvia Support la somme de 1.500,00 euros à ce titre.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort
– Infirme le jugement du conseil de prud’hommes d’Aubenas du 24 mars 2021 sauf en ce qu’il rejette la prescription soulevée par la défenderesse,
– Et statuant à nouveau, déboute M. [R] de l’ensemble de ses prétentions,
– Confirme le jugement du conseil de prud’hommes d’Aubenas du 23 août 2021 sauf en ce qu’il condamne la SAS Nuvia Support à payer à M. [R] la somme de 1.500,00 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– Statuant à nouveau de ce chef réformé, déboute M. [R] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– y ajoutant,
– Condamne M. [R] à payer à la SAS Nuvia Support la somme de 1.500,00 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamne M. [R] aux dépens d’appel.
Arrêt signé par le président et par le greffier.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT