Convention collective SYNTEC : 25 novembre 2022 Cour d’appel de Douai RG n° 21/00089

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Convention collective SYNTEC : 25 novembre 2022 Cour d’appel de Douai RG n° 21/00089

ARRÊT DU

25 Novembre 2022

N° 1659/22

N° RG 21/00089 – N° Portalis DBVT-V-B7F-TMOY

PL/VM

Jugement du

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LILLE

en date du

17 Décembre 2020

(RG 20/00086 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 25 Novembre 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

– Prud’Hommes-

APPELANTES :

S.A.S. DATA IN MOTION

[Adresse 4]

représentée par Me Sylvain STRIDE, avocat au barreau de LILLE

S.E.L.A.R.L. R & D, es qualité de commissaire à l’exécution du plan de la société DATA IN MOTION

[Adresse 1]

n’ayant pas constitué avocat (assignée le 11 août 2022 à domicile, conclusions d’intimés pour le CGEA signifiées à personne morale le 31 aout 2022)

INTIMÉS :

M. [F] [M]

[Adresse 2]

représenté par Me Guy FOUTRY, avocat au barreau de DOUAI

Association UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA DE [Localité 7]

[Adresse 3]

représentée par Me Valérie BIERNACKI, avocat au barreau de DOUAI

S.E.L.A.R.L. YVON PERIN ET JEAN PHILIPPE BORKOWIAK es qualité de mandataire judiciaire de la SAS DATA IN MOTION [Adresse 5]

représentée par Me Manuel DE ABREU, avocat au barreau de VALENCIENNES

DÉBATS : à l’audience publique du 27 Septembre 2022

Tenue par Philippe LABREGERE

magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Valérie DOIZE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Philippe LABREGERE

: MAGISTRAT HONORAIRE

Pierre NOUBEL

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

ARRÊT : réputé contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 25 Novembre 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Philippe LABREGERE, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles et par Valérie DOIZE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 06 Septembre 2022

EXPOSE DES FAITS

 

[F] [M] a été embauché par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 11 juillet 2017 en qualité d’ingénieur d’études et de développement par la société DATA IN MOTION. A la date de son licenciement il occupait l’emploi de directeur associé en vertu d’un avenant en date du 28 décembre 2018 et était assujetti à la convention collective SYNTEC. L’entreprise employait de façon habituelle au moins onze salariés.

Par jugement en date du 13 août 2019, le tribunal de commerce de Douai a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de la société DATA IN MOTION et le 10 mars 2021 a adopté un plan de redressement de la société par apurement du passif et a désigné un commissaire à l’exécution du plan.

 

[F] [M] a été convoqué par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 17 février 2020 à un entretien le 26 février 2020 en vue d’une éventuelle mesure de licenciement pour faute, avec confirmation de sa mise à pied conservatoire notifiée le 14 février 2020 par SMS. A l’issue de cet entretien, son licenciement pour faute grave lui a été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 3 mars 2020.

 

Les motifs du licenciement tels qu’énoncés dans la lettre sont les suivants :

«De manière préalable nous vous rappelons que vous occupez le poste de directeur associé au sein de notre société.

Cette fonction vous amène donc à disposer de nombreuses prérogatives et fait de vous l’un des représentants principaux de la société.

Qu’à ce titre vous avez été investi de notre confiance.

Ce faisant, nous avons pris connaissance d’un mail daté du 2 janvier 2020 destiné à Mme [O] [W] : Consultante en Mobilités Professionnelles-Psychologue et prestataire de notre société.

Ce mail était envoyé par le biais du dispositif de mailing professionnel mis à votre disposition et par une adresse mail professionnelle : [Courriel 6].

Lors de cet échange vous dévoilez tout d’abord à Mme [W] des données confidentielles concernant notre société et ses sa1ariés.

Ainsi on y apprend :

-l’état financier de la société DATA IN MOTION,

-l’état des salaires de certains collaborateurs,

-les objectifs de recrutement

-«l’échec» de notre projet aux USA

-etc.

Ces informations résultant d’échanges entre associés, n’auraient jamais dû être communiquées auprès d’un prestataire.

Ces informations nuisent à la relation de confiance nécessaires entre la société DATA IN MOTION et son Partenaire Mme [W].

Bien plus, dans cet échange de mail vous tenez des propos dénigrant à mon encontre ainsi qu’à l’encontre de mon épouse.

Nous les reprenons ci-après :

«Pour moi, il est irrécupérable et fantasme sur les succès passés d’il y a plus de 15 ans. 0n ne peut plus rien taire car c’est madame qui décide de tout.»

Je vous rappelle qu’en tant que Président de la société je demeure le premier représentant de cette dernière.

Qu’ainsi en me dénigrant vous remettez également en cause la notoriété de la société DATA IN MOTION quant à la direction de celle-ci

Ces propos dénigrants et diffamants constituent un manquement à votre obligation de loyauté.

Vous n’avez pas contesté avoir tenu ces propos.

Pour seule explication vous avez prétendu que c’était « parce que je manquais de motivation depuis juin 2019 ».

Il s’avère que vos agissements déloyaux ne se sont pas cantonnés à ce seul mail,

En effet, lors de la réalisation du bilan comptable de la société, le comptable nous a alerté par mail daté du 25 février 2020, sur des frais et des éléments repris sur vos fiches de paie qui semblaient injustifiés.

Ainsi, depuis janvier 2019 vous avez saisi des frais kilométriques au travers du logiciel de déclaration des éléments de réalisation de paie,

Pourtant depuis votre changement de poste (janvier 2019) vous disposiez d’un véhicule de société mis à disposition et vous avez constamment utilisé celui-ci dans le cadre de vos déplacements professionnels.

Pour exemple sur le mois de décembre 2019 vous avez déclaré la somme de 216,49 euros de remboursement kilométriques.

Bien plus, une note de carburant en date du 2 mars 2019 au Luxembourg a été déclarée alors même que nous n’avions aucun client à l’étranger,

Vous avez alors rétorqué que vous aviez décidé de travailler une semaine de là-bas.

Une note de frais de repas en date du 16/08/2019 au nom de monsieur [M], sur lequel vous avez notifié le nom de votre concubine : Mme [E] [B] avec une adresse de livraison à votre domicile.

Pour seule défense vous avez alors proposé de « déduire ces sommes du solde de tout compte ».

La société traversant de grandes difficultés financières ayant notamment engendrées la mise en redressement de cette dernière, toutes dépenses injustifiées fragilisent cette dernière et font porter un risque avéré de redressement fiscal et/ou social en cas de contrôle des services d’État.

Bien plus, cette attitude et ces faits sont déloyaux et malhonnêtes, Ils sont constitutifs de faits pénalement répréhensibles.

Ainsi, chaque fait évoqué et reproché constitue une faute grave empêchant votre maintien dans l’entreprise.

C’est pourquoi nous vous notifions votre licenciement pour faute grave en date du mardi 3 mars 2020, sans indemnité de préavis ni de licenciement.»

Par requête reçue le 19 juin 2020, [F] [M] a saisi le conseil de prud’hommes de Douai afin de faire constater la nullité de son licenciement, d’obtenir des rappels de salaire et de frais professionnels ainsi que le versement d’indemnités de rupture et de dommages et intérêts.

 

Par jugement en date du 17 décembre 2020, le conseil de prud’hommes a prononcé la nullité du licenciement, fixé la créance de [F] [M] dans la procédure collective de la société DATA IN MOTION à la somme de

– 115443,30 euros bruts à titre d’indemnité forfaitaire en raison de la nullité de son licenciement

– 11544,33 euros bruts à titre d’indemnité conventionnelle de préavis

– 1154,43 euros bruts à titre de congés payés sur préavis

– 1924,06 euros bruts au titre du paiement de la mise à pied à titre conservatoire sans rémunération

– 1615,29 euros bruts à titre d’indemnité de licenciement

– 1194,66 euros nets au titre du mois de février 2020

– 873,02 euros nets au titre des absences injustifiées déduites

– 3469,02 euros au titre de frais kilométriques déduits

– 61,30 euros nets au titre des frais professionnels retranchés

– 336,09 euros au titre de congés déduits non pris,

a débouté le salarié du surplus de ses demandes,

déclaré le jugement opposable à l’AGS,

ordonné au mandataire judiciaire de remettre au salarié les documents de travail conformes dans les quinze jours suivant la notification du jugement sous peine d’astreinte de 30 euros par jour de retard

et ordonné l’emploi des dépens en frais privilégiés de procédure collective.

Le 15 janvier 2021, la société DATA IN MOTION a interjeté appel de ce jugement.

Par jugement en date du 10 mars 2021, le tribunal de commerce de Douai a arrêté le plan de redressement et d’apurement du passif par voie de continuation de la société DATA IN MOTION et a désigné un commissaire à l’exécution du plan.

Par ordonnance en date du 24 mai 2022, la procédure a été clôturée et l’audience des plaidoiries a été fixée au 29 juin 2022 puis, après révocation de l’ordonnance en vue de l’assignation en intervention forcée du commissaire à l’exécution du plan et fixation d’une nouvelle date de clôture, au 27 septembre 2022.

Selon ses écritures récapitulatives reçues au greffe de la cour le 17 mai 2022 la société DATA IN MOTION sollicite de la Cour la réformation du jugement entrepris, conclut à l’irrecevabilité des demandes nouvelles présentées en cause d’appel par [F] [M] au titre de l’absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement, au débouté de ses demandes, à l’opposabilité de l’arrêt à l’AGS et à la condamnation de l’intimé à lui verser 4000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’appelante expose que l’intimé n’a pas été élu membre titulaire au sein du comité social économique, que le contrôle de la DIRECCTE du 9 janvier 2020 a fait apparaître que les élections étaient inexistantes, que la société a été invitée à organiser de nouvelles élections professionnelles, que la société a établi un procès-verbal de carence, que la procédure de licenciement n’a été engagée qu’en février 2020, qu’étant directeur associé, l’intimé n’était pas éligible, qu’il était devenu le «bras droit» d'[I] [S], président de la société, qu’il le représentait tant à l’égard des tiers que des salariés de l’entreprise, qu’il ne pouvait donc être investi d’un mandat de représentation des salariés, qu’aucun rappel de salaire n’est dû sur le mois de février 2020, que l’intimé s’est trouvé en absence injustifiée du 4 au 8 mars 2020, que bénéficiant d’un véhicule de société, il ne pouvait obtenir le remboursement de frais kilométriques, qu’il n’a pas travaillé les 31 mai et 16 août 2019, que la demande subsidiaire du chef de licenciement sans cause réelle et sérieuse est irrecevable en application de l’article 564 du code de procédure civile, qu’elle est dépourvue de fondement, que les faits qui lui sont reprochés, à savoir la communication de données confidentielles concernant la société, la tenue de propos dénigrant son président, des agissements déloyaux, sont constitutifs d’une faute grave, que l’intimé a fait preuve d’une particulière mauvaise foi.

Selon ses écritures récapitulatives reçues au greffe de la cour le 23 mai 2022 et l’assignation en intervention forcée du commissaire à l’exécution du plan en date du 11 août 2022, [F] [M] intimé conclut à l’irrecevabilité des pièces 23, 24, et 35 à 37 communiquées par la société, à la confirmation du jugement entrepris, à titre subsidiaire, si le licenciement était déclaré dépourvu de cause réelle et sérieuse, à la condamnation de la société ou de son mandataire aux sommes suivantes

– 115443,30 euros bruts à titre d’indemnité forfaitaire en raison des conditions vexatoires et injustifiées de son licenciement

– 11544,33 euros bruts à titre d’indemnité conventionnelle de préavis

– 1154,43 euros bruts à titre de congés payés sur préavis

– 1924,06 euros bruts au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement par correction de l’erreur matérielle contenue dans le jugement

– 1615,29 euros bruts à titre de la mise à pied conservatoire par correction de l’erreur matérielle contenue dans le jugement

– 1194,66 euros nets au titre du mois de février 2020

– 873,02 euros nets au titre des absences injustifiées déduites

– 3469,02 euros au titre de frais kilométriques déduits

– 61,30 euros nets au titre des frais professionnels retranchés

– 336,09 euros au titre de congés déduits non pris,

– 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

ainsi que la remise des documents de travail conformes dans les quinze jours suivant la notification du jugement sous peine d’astreinte de 30 euros par jour de retard,

l’arrêt devant être déclaré opposable à l’AGS.

L’intimé soutient qu’il était membre élu à la délégation du personnel du comité social et économique, que disposant du mandat de titulaire, il était un salarié protégé, que l’inspection du travail n’a été saisie d’aucune demande d’autorisation de licenciement, que son licenciement est donc nul, que si les élections professionnelles ont été déclarées irrégulières, elles se sont bien déroulées, que leurs résultats n’ont jamais été remis en cause, que les trois attestations produites par la société, selon lesquelles l’intimé serait le bras droit de son dirigeant, ne sont pas conformes aux dispositions de l’article 202 du code de procédure civile, qu’en sa qualité de salarié, il ne disposait d’aucune délégation, qu’il n’était donc dirigeant ni en droit ni dans les faits, que s’agissant du défaut de cause réelle et sérieuse du licenciement, il ne s’agit pas d’une demande nouvelle puisqu’elle tend aux mêmes fins que celle présentée devant la juridiction prud’homale, qu’il a bien formé un appel incident en présentant des conclusions subsidiaires, que la société n’apporte pas la preuve de la réalité des griefs reprochés, que le déplacement d'[I] [S] aux Etats-Unis s’est déroulé au détriment de la société, qu’elle n’en a retiré aucun gain, que l’intimé n’a diffusé aucune donnée confidentielle, qu’il disposait d’une carte à débit différé avant d’être promu directeur, qu’il ne bénéficiait pas d’un véhicule de fonction, que le paiement de carburant et des frais de restaurant à l’occasion de son voyage dans les Vosges au moyen de la carte de crédit devaient être défalqués de son bulletin de paye en accord avec la société, qu’il a retrouvé un emploi peu de temps après son licenciement, que des sommes ont été retenues arbitrairement par son employeur lors de l’établissement du reçu pour solde de tout compte.

Selon ses conclusions récapitulatives reçues au greffe de la cour le 2 juillet 2021, le mandataire judiciaire de la société DATA IN MOTION intimé sollicite de la cour qu’il lui soit donné acte de ce qu’il s’associait aux moyens développés par la société de nouveau in bonis, qu’elle dise que [F] [M] ne bénéficiait pas du statut de salarié protégé au moment de son licenciement, n’étant pas élu membre titulaire du comité social et économique de la société DATA IN MOTION et qu’il ne pouvait pas y être élu membre, n’étant pas éligible, conclut à la confirmation du jugement entrepris en ce qu’il a débouté [F] [M] de ses demandes, à l’infirmation pour le surplus, à l’opposabilité de la décision à au CGEA délégation AGS de [Localité 7] en application de l’article L.3253-14 du code du travail dans les limites et plafonds prévus par les dispositions dudit code et à la condamnation de l’intimé à lui verser 4000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

L’intimé souligne que la société DATA IN MOTION étant de nouveau in bonis, il lui appartient de supporter et défendre contre l’ensemble des demandes de [F] [M], entend dès lors s’associer à l’argumentaire développé par la société, et rappelle qu’il n’a pas vocation à remettre de documents de travail dès lors que la société DATA IN MOTION est à ce jour in bonis.

 

Selon ses conclusions récapitulatives et en réplique reçues au greffe de la cour le 24 août 2022, l’UNEDIC délégation AGS, CGEA de [Localité 7], appelant incident, conclut au débouté de la demande du salarié, à l’irrecevabilité de la demande présentée pour la première fois en cause d’appel du chef de licenciement sans cause réelle et sérieuse, à titre subsidiaire, à la fixation à trois mois de salaire le montant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, au débouté du surplus de la demande et sollicite qu’il soit déclaré que la garantie du CGEA ne sera que subsidiaire, que l’arrêt à intervenir sera opposable au Centre de Gestion et d’Etude AGS de [Localité 7], en qualité de mandataire de l’AGS, par application de l’article L3253-14 du code du travail, et à l’AGS, dans les limites prévues aux articles L3253-8 et suivants et des plafonds prévus aux articles L3253-17 et D3253-2 dudit code.

Le Centre de Gestion et d’Étude AGS fait valoir, sur la nullité du licenciement, que dans le cadre de la procédure d’appel, la société DATA IN MOTION a produit des documents tendant à démontrer que l’élection dont se prévaut l’intimé n’était pas valable, qu’elle a procédé à de nouvelles élections et un procès-verbal de carence a été établi à la suite à de celles-ci conformes au processus électoral, que l’intimé qui était toujours salarié au moment de la mise en place des nouvelles élections ne bénéficiait donc pas du statut protecteur, qu’en outre il jouissait de la qualité d’associé depuis le 6 avril 2018 et ne pouvait bénéficier d’un mandat de représentation des salariés, que sa révocation en sa qualité d’associé est survenue postérieurement à son licenciement, sur le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, qu’en application des articles 562 et 564 du code de procédure civile, la demande de ce chef est irrecevable car formulée pour la première fois en cause d’appel, qui si cette prétention était déclarée recevable, il s’en rapporte aux observations des organes de la procédure sur le bien-fondé du licenciement, que disposant de deux ans d’ancienneté, l’intimé ne pourrait prétendre qu’à une indemnité correspondant à un minimum de trois mois et un maximum de trois mois et demi, que dans le cas où une condamnation pécuniaire serait prononcée au profit de l’intimé, eu égard au plan de continuation prononcé au bénéfice de la société le 10 mars 2021, la garantie du CGEA n’est que subsidiaire, l’employeur devant être condamné à titre principal.

Le commissaire à l’exécution du plan, dont l’assignation en intervention forcée a été signifiée à sa personne n’a ni constitué avocat ni conclu.

MOTIFS DE L’ARRÊT

Attendu que selon l’article 565 du code de procédure civile, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent ; qu’aux termes de l’article 566 dudit code, les parties ne peuvent soumettre à la cour d’appel de nouvelles prétentions sauf à ce que celles-ci soient l’accessoire, la conséquence ou le complément de celles soumises au premier juge ;

Attendu que la demande du chef de licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse présentée pour la première fois en appel par le salarié n’est pas nouvelle puisqu’elle se rattache au même fait originaire, à savoir le licenciement ; qu’au demeurant à supposer qu’elle soit nouvelle, elle est nécessairement accessoire à la demande initiale fondée sur la nullité du licenciement ;

Attendu en application de l’article 202 du code de procédure civile que la non-conformité des attestations produites par la société DATA IN MOTION, alléguée par l’intimé, n’est pas une cause d’irrecevabilité ; que ce dernier n’indique pas dans ses écritures les motifs pour lesquels elles devraient être écartées des débats ;

Attendu en application des articles L2411-1, L2314-11, L2314-32, L2314-33, R2314-23 et R2314-24 du code du travail qu’il résulte des pièces versées aux débats qu’à la suite du contrôle opéré le 9 janvier 2019 sur les élections destinées à la mise en place d’un comité social et économique, les services de l’inspection du travail ont constaté de multiples anomalies consignées dans une note du 22 janvier 2020 adressée à la société ; qu’ils concluaient à la non-conformité de ces élections aux prescriptions du code électoral et invitaient son dirigeant à mettre en ‘uvre le processus électoral, signifiant par là même que ces élections devaient être considérées comme non avenues ; que toutefois ces élections se sont bien déroulées ; que selon la note d’information de la société du 10 décembre 2019 proclamant les résultats des élections qui se sont tenues le 5 décembre 2019, l’intimé, directeur associé, a été déclaré élu en qualité de membre titulaire du comité social et économique ; qu’en l’absence de contestation des élections devant le juge judiciaire, l’employeur ne pouvant se faire juge de leur validité, le mandat de l’intimé est resté valable jusqu’au 27 juillet 2020, date du procès-verbal de carence dressé à la suite de la tenue le 24 juillet 2020 des élections professionnelles ; que si, comme le soutient la société, l’intimé ne pouvait bénéficier d’un mandat de représentation des salariés, du fait des missions de dirigeant qui lui avaient été conférées au sein de l’entreprise, une telle contestation devait être soumise à l’appréciation du juge judiciaire dans les trois jours de la publication de la liste électorale ; qu’il s’ensuit qu’à la date de mise en ‘uvre de la procédure de licenciement, l’intimé bénéficiait toujours de la protection contre le licenciement prévue à l’article L2411-1 du code du travail, nécessitant l’autorisation de l’inspection du travail conformément à l’article L2421-3 dudit code ; qu’en l’absence de celle-ci, le licenciement de l’intimé est bien nul ;

Attendu qu’il n’est pas contesté que la rémunération mensuelle brute moyenne de l’intimé s’élevait à la somme de 3848,11 euros ;

Attendu que la société ne conteste pas dans ses écritures les sommes sollicitées au titre du rappel de salaire dû par suite de la mise à pied conservatoire devenue sans objet, de l’indemnité compensatrice de préavis, des congés payés y afférents et de l’indemnité conventionnelle de licenciement, l’appelante n’en discutant que le principe ;

Attendu en application de l’article L1235-3-1 que l’intimé ne demande pas sa réintégration ; qu’il est en droit de prétendre à une indemnité correspondant au moins au salaire de ses six derniers mois ; qu’en outre, il peut solliciter une indemnité égale au salaire qu’il aurait perçu depuis la date de son éviction jusqu’à l’expiration de la période de protection dans la limite dans la limite de deux ans, durée minimale légale de son mandat, augmentée de six mois  ; que l’intimé conclut à la confirmation du jugement qui lui a accordé 115443,30 euros bruts à titre d’indemnité forfaitaire consécutive la nullité de son licenciement, correspondant à la limite mentionnée précédemment mais qui ne vise en réalité que la seule violation du statut protecteur ;

Attendu sur le rappel de salaire sollicité consécutif à la retenue opérée par l’employeur pour la période du 4 au 8 mars 2019, que la société ne démontre par aucune pièce que cette période devait être assimilée à une absence injustifiée ; que le courriel du 31 décembre 2019 sur lequel la société se fonde, émanant de la société d’expertise comptable, ne fait référence qu’à une note de carburant réglée au Luxembourg, interpellant cette dernière puisque la société lui avait indiqué qu’elle ne détenait pas de client à l’étranger ; que la déduction de la somme de 873,02 euros effectuée lors de l’établissement du solde de tout compte est donc dépourvue de fondement ;

Attendu sur la retenue opérée au titre d’une indemnité de congés payés de deux jours, que ceux-ci correspondraient aux vendredis 31 mai et 16 août 2019 ; que s’agissant du premier jour, la facturette produite est relative à une commande pour deux personnes passée auprès de la société Just Eat ; qu’elle fait apparaître que l’intimé se trouvait à son domicile puisque les repas ont été livrés à l’adresse de celui-ci ; qu’il ne peut donc prétendre qu’il travaillait ; qu’en revanche la seconde facturette est consécutive au règlement d’un repas pour deux personnes dans un restaurant situé à [Localité 8] ; que cette seule pièce ne permet pas de démontrer que l’intimé ne travaillait pas et que la retenue pour cette jour était également justifiée ; que la société est donc redevable de la somme de 168,05 euros ;

Attendu sur la retenue sur le salaire au titre des frais kilométriques qu’il résulte de l’échange de courriels effectué le 26 mars 2019 que l’intimé avait bien à sa disposition un véhicule VW Polo immatriculé EJ 655 XD ; que toutefois la société ne produit aucun élément de preuve portant sur la date à laquelle l’intimé a pu en avoir l’usage, les conditions dans lesquelles le véhicule était utilisé, susceptibles d’exclure le recours à un véhicule personnel pour des déplacements professionnels et les modalités de contrôle du nombre de kilomètre parcourus ; qu’elle ne produit pas non plus le moindre décompte susceptible de justifier le calcul effectué par la société d’expertise comptable ayant conduit à une retenue totale d’un montant de 3469,02 euros, opérée sur une base de 9663 euros, selon le bulletin de paye du mois de mars 2020 ; que la société est donc redevable du montant de la retenue effectuée ;

Attendu sur la retenue au titre des frais professionnels d’un montant de 61,30 euros, que l’appelante ne produit également aucune pièce de nature à justifier la retenue opérée lors de l’établissement du solde de tout compte ;

Attendu sur le rappel de salaire du mois de février 2020 qu’il résulte du bulletin de paye que, sur la rémunération brute de 3500 euros, la société a déduit le montant de la mise à pied conservatoire jusqu’au 29 février 2020 correspondant à 1615,39 euros et un rappel de salaire de juillet 2019 d’un montant de 283,10 euros ; que le solde net après prélèvement de l’impôt à la source s’élevait donc à 1194,66 euros qui aurait été payé par virement le 29 février 2020 ; que toutefois, dans ses écritures, l’appelante rapporte avoir déduit de cette somme le solde négatif du reçu pour solde de tout compte d’un montant de 894,24 euros et n’avoir versé que le reliquat, soit 300,42 euros ; que cette déduction étant injustifiée à l’exception de la retenue au titre du 31 mai 2019 , la société reste donc redevable de la somme de 726,19 euros à titre de rappel de salaire du mois de février 2020 ;

Attendu qu’il convient de déclarer le présent arrêt opposable à l’AGS dans les limites de sa garantie ;

Attendu qu’il ne serait pas équitable de laisser à la charge de l’intimé les frais qu’elle a dû exposer tant devant le Conseil de Prud’hommes qu’en cause d’appel et qui ne sont pas compris dans les dépens ; qu’il convient de lui allouer une somme de 3500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

 

La Cour, statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire,

DÉCLARE recevable la demande de [F] [M] du chef de licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

AU FOND,

REFORME le jugement déféré,

INSCRIT la créance de [F] [M] à l’état des créances de la société DATA IN MOTION à la somme de

– 1615,29 euros bruts à titre de la mise à pied conservatoire

– 11544,33 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis

– 1154,43 euros bruts au titre des congés payés y afférents

– 1924,06 euros bruts au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement

– 115443,30 euros bruts à titre d’indemnité pour violation du statut protecteur

– 873,02 euros à titre de rappel de salaire du 4 au 8 mars 2019

– 3469,02 euros au titre de frais kilométriques déduits

– 726,19 euros à titre de rappel de salaire du mois de février 2020 

– 61,30 euros au titre des frais professionnels retranchés

– 168,05 euros au titre des congés déduits pour la journée du 16 août 2019,

DÉCLARE l’arrêt opposable à l’UNEDIC délégation AGS, CGEA de [Localité 7],

 

DIT que l’AGS ne devra procéder à l’avance des créances visées aux articles L3253-8 et suivants du code du travail que dans les conditions résultant des dispositions des articles L 3253-15 à L3253-17, L3253-19 à L3253-21 et D3253-2 dudit code,

Déboute l’AGS de sa demande tendant à subordonner ses avances à la justification par le mandataire de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder au paiement des sommes garanties mais rappelle que l’obligation au paiement de l’AGS-CGEA ne pourra s’effectuer que sur présentation par le mandataire d’un relevé de créance,

CONDAMNE la société DATA IN MOTION à verser à [F] [M] 3500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société DATA IN MOTION aux dépens

LE GREFFIER

Valérie DOIZE

LE PRÉSIDENT

P. LABREGERE

 


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