Convention collective Syntec : 25 mai 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/01054

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Convention collective Syntec : 25 mai 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/01054

25 mai 2023
Cour d’appel de Versailles
RG
21/01054

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

21e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 25 MAI 2023

N° RG 21/01054 – N° Portalis DBV3-V-B7F-UNZF

AFFAIRE :

[A] [J]

C/

Société DASSAULT SYSTEMES Société Européenne, venant aux droits de la SARL EUROXA,

Décision déférée à la cour : Jugement rendu

le 15 Février 2021 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de SAINT GERMAIN EN LAYE

N° Chambre :

N° Section : E

N° RG : 20/00170

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Michel VERNIER

Me Julie GOURION

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT CINQ MAI DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur [A] [J]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par : Me Michel VERNIER, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 192

APPELANT

****************

Société DASSAULT SYSTEMES Société Européenne, venant aux droits de la SARL EUROXA,

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par : Me Julie GOURION, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 51 – substitué par Me NACCAH Raphaël avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 28 Mars 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Véronique PITE, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président,,

Madame Véronique PITE, Conseiller,

Mme Florence SCHARRE, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Isabelle FIORE,

FAITS ET PROCÉDURE

M. [A] [J] a été engagé à compter du 4 février 2013, en qualité de Senior Sales Executive, statut cadre, par contrat de travail à durée indéterminée, par la société à responsabilité limitée EuroXa (aux droits de laquelle vient désormais la société européenne Dassault Systèmes), qui avait pour activité l’édition de simulation et de virtualisation permettant de prédire les performances réelles des produits, employait plus de dix salariés et relevait de la convention collective nationale des bureaux d’études techniques (Syntec).

Il exerçait la fonction de responsable des ventes pour l’Europe de l’ouest.

Convoqué le 8 juin 2017 à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 22 juin suivant, et mis à pied à titre conservatoire, M. [J] a été licencié par lettre datée du 28 juin 2017 énonçant une faute grave.

Contestant son licenciement, M. [J] a saisi, le 11 septembre 2017, le conseil de prud’hommes de Nanterre. Par ordonnance du 3 juillet 2020, le premier président de la cour d’appel de Versailles a transféré la procédure introduite par M. [J] vers le conseil des prud’hommes de Saint-Germain-en-Laye. M. [J] sollicitait, à titre principal, la nullité de son licenciement au motif qu’il aurait subi un harcèlement moral, à titre subsidiaire, il soulevait l’absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement. Il demandait également la condamnation de la société au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.

La société s’est opposée aux demandes du requérant a et sollicité sa condamnation au paiement d’une somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement rendu le 15 février 2021, notifié le 10 mars suivant, le conseil a statué comme suit :

Dit que le licenciement de M. [J] est fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société Dassault Systèmes venant aux droits de la société EroXa à payer à M. [J] les sommes suivantes :

– 32 723,79 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de préavis

– 3 272,37 euros au titre des congés payés afférents

– 16 300,95 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement

– 3 930,39 euros à titre de salaire pendant la mise à pied du 9 juin 2017 au 28 juin 2017

– 393,03 euros au titre des congés payés afférents

– 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Dassault Systèmes venant aux droits de la société EroXa à payer les intérêts de droit sur les salaires et éléments de salaire à compter du 13 Septembre 2017, date de réception par le défendeur de la convocation à l’audience du bureau de conciliation et d’orientation et du prononcé pour le surplus ;

Rappelle que par application de l’article R.1454-28 du code du travail, l’exécution provisoire est de droit pour la remise des documents et pour les indemnités énoncées à l’article R.1454-14 dans la limite de neuf mois de salaires et fixe pour ce faire la moyenne des trois derniers mois à la somme de 10 518,82 euros ;

Déboute M. [J] du surplus de ses demandes ;

Déboute la société Dassault Systèmes venant aux droits de la société EroXa de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Dassault Systèmes venant aux droits de la société EroXa aux éventuels dépens comprenant les frais d’exécution du présent jugement.

Le 8 avril 2021, M. [J] a relevé appel de cette décision par voie électronique.

Aux termes de ses dernières conclusions, remises au greffe le 13 février 2023, M. [J] demande à la cour d’infirmer le jugement déféré et, statuant à nouveau :

1 ‘ Au titre de l’exécution du contrat de travail :

Juger que le comportement qu’il a subi caractérise un harcèlement moral au sens des articles L 1152-1 et suivants du code du travail et condamner la société Dassault Systèmes, venant aux droits de la société EuroXA, au paiement de la somme de 42 075,28 Euros (soit 4 x 10 518,82 euros) à titre de dommages et intérêts sur le même fondement ;

Juger que le comportement qu’il a subi caractérise une exécution déloyale du contrat de travail par l’employeur, ainsi qu’une violation de l’obligation de sécurité, sur le fondement des articles L.1222-1 du code du travail, 1231-1 du code civil et L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail et condamner la société Dassault Systèmes, venant aux droits de la société EuroXA, au paiement de la somme de 42 075,28 euros (soit 4 x 10 518,82 euros) à titre de dommages et intérêts, sur le même fondement.

2 ‘ Au titre de la rupture du contrat de travail

À titre principal :

Juger que son licenciement est nul en application de l’article L.1152-3 du code du travail et condamner la société Dassault Systèmes, venant aux droits de la société EuroXA, au paiement de la somme de 157 782 euros (15 x 10 518,82 euros), sur le même fondement ;

À titre subsidiaire :

Juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l’article L.1235-3 du code du travail et condamner la société Dassault Systèmes, venant aux droits de la société EuroXA, au paiement de la somme de 157 782 euros (15 x 10 518,82 euros), sur le même fondement ;

En tout état de cause :

Confirmer le jugement déféré en ce qu’il condamne la société Dassault Systèmes, venant aux droits de la société EuroXA, au paiement des sommes suivantes :

3 930,39 euros à titre de rappel de mise à pied du 9 juin 2017 au 28 juin 2017 et 393,03 euros au titre des congés payés afférents ;

32 723,79 euros à titre d’indemnité conventionnelle de préavis et 3 272,37 euros au titre des congés payés afférents ;

16 300,95 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement ;

1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la société Dassault Systèmes, venant aux droits de la société EuroXA, au paiement de la somme de 31 556 euros (3 mois) à titre de dommages et intérêts en raison des circonstances vexatoires de la rupture sur le fondement de l’article L.1231-1 du code civil ;

3 ‘ Autres demandes

Débouter la société Dassault Systèmes de son appel incident et de l’ensemble de ses demandes, y compris celle formulée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la société Dassault Systèmes, venant aux droits de la société EuroXA au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la société Dassault Systèmes, venant aux droits de la société EuroXA aux dépens qui comprendront les éventuels frais d’exécution forcée du jugement, ainsi que les frais d’huissier déjà engagés.

Aux termes de ses dernières conclusions, remises au greffe le 8 mars 2023, la société Dassault Systèmes, venant aux droits de la société EuroXA, demande à la cour de déclarer recevable mais mal fondé l’appel de M. [J] et l’en débouter, en conséquence :

Débouter M. [J] de l’ensemble de toutes ses demandes, fins et conclusions.

Confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a déclaré qu’elle n’avait commis aucun harcèlement moral,

Confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a déclaré que le licenciement M. [J] était fondé sur une cause réelle et sérieuse.

La déclarer recevable et fondée en son appel incident.

Y faisant droit,

Réformer le jugement dont appel en ce qu’il :

L’a condamnée à payer à M. [J] les sommes suivantes :

‘ 32.723,79 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de préavis et 3.272,37 euros au titre des congés payés afférents,

‘ 16.300,95 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,

‘ 3.930,39 euros à titre de salaire pendant la mise à pied du 9 juin 2017 au 28 juin 2017 et 393,03 euros au titre des congés payés afférents,

‘ 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’a condamnée à payer à M. [J] les intérêts de droit sur les salaires et éléments de salaire à compter du 13 septembre 2017, date de réception par le défendeur de la convocation à l’audience du bureau de conciliation et d’orientation et du prononcé pour le surplus,

A rappelé que par application de l’article R. 1454-28 du code du travail, l’exécution provisoire est de droit pour la remise des documents et pour les indemnités énoncées à l’article R.1454-14 dans la limite de neuf mois de salaires et fixé pour ce faire la moyenne des trois derniers mois à la somme de 10.518,82 EUR,

L’a déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

L’a condamnée aux éventuels dépens comprenant les frais d’exécution du jugement.

En conséquence,

Déclarer que le licenciement de M. [J] est justifié par une faute grave privative d’indemnité conventionnelle de licenciement et de préavis.

En conséquence,

Débouter M. [J] en toutes ses demandes, fins et conclusions.

Condamner par conséquent M. [J] à lui rembourser la somme nette de 42.445,88 euros qu’a reçue l’appelant en exécution provisoire du jugement de première instance rendu le 15 février 2021 par le conseil de prud’hommes de Saint Germain en Laye, en principal, frais, intérêts et accessoires.

Y ajoutant,

Condamner M. [J] à lui payer la somme de 5.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamner M. [J] aux entiers dépens.

Dire qu’ils pourront être directement recouvrés par Maître Julie Gourion, Avocat au Barreau de Versailles, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.

Par ordonnance rendue le 15 mars 2023, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 28 mars 2023.

MOTIFS

I ‘ le harcèlement moral

M. [J] fait état des pratiques managériales toxiques de son supérieur direct, M. [M], dont il fit aveu public à la radio, par ailleurs corroborées par témoignage. Il dément le postulat adverse de n’avoir pas été évincé des grands comptes dont il eut d’emblée la responsabilité que reprit M. [M]. Il souligne avoir alerté à plusieurs reprises dès novembre 2016 son supérieur en second, sans réaction de sa part, ce dont s’ensuivit la dégradation de son état de santé.

Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En vertu de l’article L. 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement, et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

L’éviction des comptes à fort potentiel

M. [J] prétend que M. [M] s’immisça dans la relation commerciale pour finalement, au moyen d’une communication devenue partielle, prendre sa place, et le réduire au poste d’assistant.

Il est constant que M. [M], vice-président Western Europe, par ailleurs directeur commercial et directeur général de la société EuroXa dite Exa, devint le supérieur direct du salarié en novembre 2016.

Il est acquis aux débats que M. [J] gérait les comptes PSA et OnRoak, dont la marche avait une incidence, selon lui à raison de 95%, sur sa rémunération variable.

Il produit divers mails, au printemps 2017, laissant voir, pour le client PSA, que M. [M] lui demandait de participer lui-même à des réunions, d’être mis en copie des communications officielles, de valider les propositions financières qu’il souhaitait personnellement présenter à la société PSA, et pour le client OnRoak, demandait à ses collaborateurs le renvoi vers lui de toute communication. Pour autant, M . [J] n’établit pas avoir été évincé, au demeurant d’une seule réunion, par le mail du 16 mai 2017, affirmant à ses interlocuteurs de la société PSA qu’il n’y participerait pas, ou de la relation commerciale, par ses correspondances confidentielles des 28 mars et 7 juin 2017 adressées à ses interlocuteurs de la société OnRoak les prévenant que M. [M] s’en occupait directement tout en affirmant participer à ces travaux. On voit au reste, comme l’observe la société Dassault qui plaide le fonctionnement normal du service, que la présence de M. [M], d’ailleurs initialement prévue à la réunion du 17 mai 2017, n’empêchait pas M. [J] d’assister aux réunions des 12 avril, 2 mai et 9 juin de cette année, tenues avec ce client.

Par ailleurs, s’agissant d’une entreprise industrielle, elle ne saurait être sérieusement contredite dans son assertion du nécessaire travail collaboratif qu’induisait la technicité des produits vendus dont témoignent les comptes-rendus versés aux débats, de sorte que le salarié n’eut jamais une relation exclusive, ici non démontrée, avec les clients, les correspondances précédant l’arrivée de M. [M] montrant à l’inverse les interventions croisées des collaborateurs de l’entreprise ou ses propres sollicitations de sa hiérarchie pour validation des correspondances destinées aux clients.

De même, la société Dassault n’est pas contredite dans son affirmation d’une spécificité du compte OnRoak qui assurait le sponsoring de la société Exa, obligeant à l’intercession de décideurs.

Ainsi, le salarié n’établit pas avoir été évincé de la relation commerciale avec ses clients, par l’employeur.

La mise sous pression

M. [J] fait état de travail confié durant ses congés, d’empressement désobligeant sur les comptes-rendus de réunions, d’une impulsion pour « tout faire tout de suite » sous menaces et chantage à l’emploi, en fragilisant les relations inter-collègues, par ailleurs dévalorisés.

Cependant, il ne justifie pas avoir été sollicité sciemment durant ses congés car les échanges de travaux urgents dont il se prévaut en février 2017 ne lui étaient pas spécifiquement adressés, même s’il y participa sous la remarque d’être en congé, et ceux sollicités dans l’après-midi du 19 mai précédaient ses congés alloués, selon les termes de sa communication en retour, dès le 22.

Ensuite, M. [J] ne démontre pas par ces échanges, comme il le prétend, que son employeur aurait constitué un dossier à son encontre, faute pour son manager de solliciter des explications orales sur ses visites commerciales.

Les faits que le salarié expose distinctement en les qualifiant dans ses écritures de menaces, de chantage à l’emploi, de propos déplacés ou injurieux, ayant conduit, selon lui, à « l’instauration d’une ambiance lourde » ne sont étayés d’aucune pièce.

Ainsi, l’extrait d’une émission diffusée à la radio où un ancien directeur commercial, dans lequel l’appelant et M. [X], ancien salarié, reconnaissent « avec certitude » M. [M], parle de ses méthodes managériales agressives, ne peut venir soutenir ces dires, l’entretien étant anonyme et l’intéressé parlant de l’année 2007, et non 2017, si bien que la société Dassault contestant qu’il s’agît de lui, aucun recoupement ne peut être raisonnablement fait. Au reste, il n’y aurait d’indice d’éléments précis concernant M. [J] car le discours de l’invité, centré sur lui, est trop général.

Le salarié ne donne rien de significatif non plus, à son niveau de responsabilité, sur les exigences de ses supérieurs dans les directives données à deux reprises, sans terme, qu’il détaille et produit aux débats.

Par ailleurs, il établit par les mails du 26 janvier 2017 que M. [B], président des opérations européennes, regretta n’avoir reçu le compte-rendu d’une réunion « concernant une ligne clef » tenue le 24 janvier que le 26 en ces termes : « nous attendions tous ton debrief, je me vois obligé de te dire que ce mail arrive bien tardivement. Saches que vu l’importance du deal pour le uns et les autres, nous avons déjà eu toutes les informations » etc. « certaines situations commerciales appellent à beaucoup plus de réactivité que ce qui est démontré ici », par ceux du 27 janvier, que M. [M] lui fit doléance de n’avoir pas reçu le compte-rendu de la réunion tenue la veille, comme il le réitéra le 4 mai pour une réunion tenue deux jours auparavant, en ces termes : « je ne peux cacher ma surprise de ne pas avoir vu de compte-rendu suite à la réunion de mardi (‘) je n’ose à peine imaginer que tu ne sois pas conscient des enjeux de ce dossier et de la gestion des priorités à y associer. Aussi, je te demande une gestion particulièrement rigoureuse de ce client » etc.

Il justifie d’un échange où M. [M], le 31 mai 2017, conteste sa précipitation dans une proposition commerciale en ces termes : « je suis particulièrement surpris de constater que tu souhaites envoyer une offre tarifaire 1. Sans avoir eu de rendez-vous physique avec ce prospect, 2. Sans avoir évalu[é] précisément les besoins de ce prospect, 3. sans avoir évalu[é] son attrait pour nos outils, 4. Sans avoir apporté la preuve technique quant à la cohérence de notre solution/ par rapport aux besoins », qu’il appréhende comme la volonté de « le casser ».

Il produit divers échanges issus de M. [M], ainsi libellés, parmi d’autres : « je pensais avoir été clair lors de différents échanges concernant Onroak » (mail du 29 mai 2017) « merci pour cette demande surprenante qui appelle une réponse évidente et redondante. J’ai déjà indiqué à plusieurs reprises » etc. (mail du 31 mai 2017).

Cela étant, ces mails, parfois impatients et que la société Dassault explique par la particularité du contexte stratégique pour le mail du 4 mai 2017 ou par les complications avancées par le salarié pour des actes habituels à propos du compte-rendu de la réunion du 2 mai, manifestent le pouvoir de direction de l’employeur.

Ensuite, M. [J] produit la note de M. [S], senior director technical & business, du 30 juin 2017, qui parle de sa réaffectation dans des termes contestés par la société Dassault, mais décrit le management de M. [M], directeur général de l’entreprise, comme étant sans axe ni aide « à la limite de l’humiliation », étant précisé que l’on voit, par les pièces versées au dossier, qu’il travaillait de concert avec M. [J] et M. [M], participant aux mêmes réunions. Elle n’a en revanche pas de valeur probante suffisante dans son affirmation que le salarié a subi « cette humiliation ; retrait de compte clients sans explication, communication partielle’ », du moment que la société Dassault exprime qu’il ne pouvait pas en être témoin car placé dans un autre service, ce dont elle justifie par l’attestation de M. [I], son supérieur, et qu’en plus, il ne décrit aucun fait dont il aurait été le témoin.

L’altération de la santé

M. [J] exprime son trouble psychologique, confirmé par son collègue.

Il justifie par production du certificat établi par son médecin de ville le 22 juin 2017 de son mal-être psychologique. Par ailleurs, M. [S] corrobore la baisse de moral de son collègue dans les suites de l’arrivée de M. [M], que la société Dassault querelle inutilement.

Le défaut de réaction de l’employeur

M. [J] fait valoir le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, puisque avisé du harcèlement moral dont il était l’objet, il ne réagit pas, ne fit aucune enquête, se plaint de cette dénonciation, et finalement, lors de sa dernière alerte le 30 mai 2017, le mit à pied et le licencia.

L’article L.1222-1 du code du travail dit que « le contrat de travail est exécuté de bonne foi. »

Selon l’article L. 4121-1 du même code, l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent : 1° des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ; 2° des actions d’information et de formation ; 3° la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés. L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.

Ces mesures sont mises en ‘uvre selon les principes définis aux articles L. 4121-2 et suivants du même code.

Par ailleurs, l’article L.1152-4 du même code prescrit : « L’employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral. »

Il est constant que M. [J] a provoqué le 25 novembre 2016 un entretien avec son supérieur en second M. [B], pour expliquer ses difficultés à travailler avec M. [M].

Par mail du 30 mai 2017, il alertait de nouveau le même et M. [M] en ces termes, à propos de son éviction des échanges stratégiques sur ces comptes client : « permets-moi de t’alerter sur l’incidence que peut avoir sur moi de tels agissements de ta part. » (‘) « depuis plusieurs mois maintenant, je porte en moi un sentiment mêlé de rejet, de découragement, de défaitisme, d’anxiété, de manque de confiance, induisant un mal-être dans mon travail tous les jours (‘) à ce sentiment issu de tes choix managériaux, s’ajoutent un mal-être issu de ton comportement » suivi de reproches d’une attitude agressive, hautaine, sans maîtrise et la correspondance s’achevant par : « j’espère sincèrement que ce message sera entendu et que nous repartirons sur des bases plus saines » etc.

Il adressait le 2 juin suivant un commentaire de leurs divergences, sur un sujet commercial, à M [B] ainsi terminé : « permets-moi à mon tour de ne pas comprendre la teneur de ton email, très critique vis-à-vis de mon travail (‘) je constate (‘) que l’acharnement à mon égard se poursuit. »

La société Dassault exprime que la société Exa convoqua immédiatement l’intéressé le 25 novembre 2016 quand il se plaint de son supérieur. Elle se prévaut de la retranscription de l’enregistrement clandestin fait par M. [J], marquant ses propos mensongers, puisqu’il faisait égard d’emblée à une incompatibilité de caractère non étayée, et refusait fermement de travailler avec M. [M], ce que corrobore en partie cet enregistrement.

Cela étant, l’intéressé ne qualifia jamais les faits dénoncés de harcèlement moral, de sorte que l’employeur n’avait nullement l’obligation de le prévenir.

N’ayant d’autres moyens en la cause, force est de constater qu’il n’a pas défailli à son obligation préventive de sécurité, et il convient de rejeter les demandes financières de M. [J] fondées sur ce manquement par confirmation du jugement.

Par ailleurs, il ne résulte pas des faits objectifs établis par le salarié, pris dans leur ensemble, la présomption d’un harcèlement, et ses demandes afférentes doivent être rejetées par confirmation du jugement.

II ‘ le licenciement

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est ainsi libellée :

« Vos observations ne m’ont pas permis de modifier mon appréciation sur les faits qui vous sont reprochés et leurs conséquences sur le bon fonctionnement de l’entreprise puisque, de dénis en défis, vous les avez au contraire reproduits jusqu’à la caricature.

Par conséquent, je vous notifie la rupture de votre contrat de travail pour faute grave, laquelle sera effective au jour de l’envoi de la présente lettre, cette date marquant également la fin de votre contrat de travail puisque les circonstances de la rupture de votre contrat vous privent du droit à un préavis.

Les motifs de cette décision sont les suivants : depuis l’arrivée du nouveau Directeur Général de la société, Mr [P] [M], nommé en remplacement de Mr [G], votre précédant supérieur hiérarchique, vous n’avez eu de cesse de contester ses instructions, le plus souvent en les ignorant, de sorte que, vous dérobant aux devoirs et responsabilités qui s’attachent à vos fonctions, votre négligence désinvolte s’est muée en insubordination.

Au lieu de corriger votre comportement vous en avez amplifié les dérives jusqu’à menacer la qualité des relations de la société avec deux clients importants, PSA d’une part et ONROAK d’autre part.

Agissant clairement comme si vous n’aviez d’autre objectif que de provoquer l’envoi de cette lettre, votre comportement est devenu incompatible avec les intérêts de l’entreprise pour perdurer.

De cette dérive, je puis donner quelques jalons significatifs servant à illustrer mon propos.

I. La mise en cause de votre hiérarchie et de ses choix :

– Le 25 novembre 2016, [P] [M] étant dans la société depuis à peine 2 semaines, vous avez provoqué une réunion avec moi et lui pour me dire que vous ne continueriez pas à travailler sous ses ordres, sur le mode « c’est lui ou moi ». Lorsque je vous ai demandé les raisons de cette hostilité incompréhensible, manifestée envers une personne que vous ne pouviez même pas avoir encore eu le temps de connaitre, vous avez été incapable de me dire vos raisons, si ce n’est évoquer une « Incompatibilité de caractères » passe-partout. Je vous ai alors dit que votre fonction autant que vos responsabilités d’encadrement vous obligeaient à fréquenter et collaborer avec toutes sortes de caractères qu’il ne vous appartenait pas de choisir selon votre propre subjectivité, lesquelles vous obligeaient, le cas échéant, à surmonter ce genre d’impression si tant est qu’elle puisse avoir quelque réalité.

Je vous invitais par conséquent à plus de souplesse et de courtoisie en vous demandant de vous concentrer sur vos objectifs. Je voulais ainsi vous donner le temps et la chance de mieux connaître votre collègue qui était aussi votre supérieur hiérarchique, en lui laissant celui d’exprimer pour vous en convaincre, les qualités humaines et professionnelles qui avaient justement motivé son embauche.

Ce qui donc aurait dû n’être qu’un incident de parcours isolé, circonscrit et vite oublié, s’est rétrospectivement avéré être le moment inaugural d’une escalade qui a atteint un point qui n’est plus tolérable. De ma patience vous avez fait le prétexte à l’exagération au lieu de modération.

– A preuve, l’email du 30 mai 2017 que vous lui avez adressé et dont vous avez cru utile de me rendre destinataire alors que j’étais en déplacement au Japon.

Je vous cite car, pour le coup, je ne saurais mieux décrire vos excès qu’en reproduisant votre façon d’illustrer la période de quelques 6 mois qui vient de s’écouler, sachant que les passages en gras sont soulignés par moi :

« Depuis plusieurs mois maintenant, je porte en moi un sentiment mêlé de rejet, de découragement, de défaitisme, d’anxiété, de manque de confiance, Induisant un mal être dans mon travail de tous les jours, et dans ma vie personnelle. 

A ce sentiment issu de tes choix managériaux, s’ajoutent un mal être issu de ton comportement. Nous en avons déjà parlé : ton attitude parfois agressive, parfois hautaine, parfois renfermée a une incidence sur notre moral à tous, et donc forcément sur nos résultats. Tu m’avais avoué parfois être trop investi dans ton rôle, et m’avais promis de faire des efforts pour mieux maîtriser tes « élans ». Je ne peux malheureusement que constater que ces efforts ne tiennent pas sur la durée. Je te demande donc de bien vouloir revoir ta position à la fois à l’égard de mon rôle dans la gestion de mes comptes, mais aussi à l’égard de ton attitude à l’égard des équipes en général, et de moi-même en particulier. J’espère sincèrement que ce message sera entendu et que nous repartirons sur des bases plus saines et profitables pour tous ».

Un « sentiment » n’est pas une raison et poser en victime imaginaire ne vous autorise pas à des procès d’intention contre votre hiérarchie dont les « choix managériaux » sont ceux qu’exige une méthode de travail collaborative qu’il vous est seulement demandé de respecter et non pas de contester.

Or, non content de cette mise en cause qui vous est strictement personnelle, vous avez cru utile d’en rajouter en vous autoproclamant porte-parole « des équipes en général » pour laisser croire qu’elle le partagerait, en donnant ainsi quelque substance a une critique dépourvue de pertinence.

De cette façon, vous avez seulement mis en exergue la gravité de la situation que nous vous reprochons en rappelant qu’elle durait effectivement « depuis plusieurs mois » et en laissant clairement apparaître votre intention d’entraîner dans votre croisade d’autres qui ne sont, contrairement à vos déclarations, ni découragés, ni défaitistes, ni anxieux, ni malheureux dans leur travail. Travailler au sein d’une équipe n’implique en aucune façon d’y semer le vent de la discorde.

Au lieu donc de corriger votre attitude comme je vous l’avais demandé, vous avez pris le parti d’administrer des leçons et des sermons au point de vous croire autorisé à susciter des « aveux » ou à juger des « efforts » de ceux dont c’est le rôle d’apprécier les vôtres.

Dans le fond comme dans la forme, cette manière de faire est inacceptable. Votre vision de l’entreprise est regrettable d’abord et surtout parce qu’elle est fausse et que, vous accordant le crédit d’un peu de sincérité, vous vous trompez sur les causes de votre soi-disant « mal-être » en inversant les rôles.

Jetant, en m’écrivant, le discrédit sur [P] [M], c’est à moi aussi que vous faîtes, à nouveau, le reproche du « choix managérial » de l’avoir embauché. C’est une fois de trop.

II. Des instructions ignorées.

A. A propos d’ONROAK

Or la vérité est celle-ci : à l’origine de ce débordement, il y avait simplement le rappel de [P] [M] de recevoir et valider préalablement toute communication de quelque importance avec le client ONROAK.

Il tirait alors les leçons d’une réunion en date du 18.01.2017, particulièrement houleuse à cause du mécontentement qu’avait exprimé ce client sur l’approche court-termiste de vos propositions commerciales. Or, ce nonobstant, vous aviez poursuivi selon cette même approche pourtant récusée, lors d’un échange avec [E] [C] (ONROAK) survenu le 09.05.2017.

Certes le 11.05.2017, après une mise au point de [P] [M], vous rectifiez le tir auprès de votre interlocuteur mais en évoquant alors une réunion ONROAK/MACLAREN dont l’information était strictement confidentielle et ne devait être évoquée avec personne.

Au point que [P] [M], pour rattraper le coup, avait dû ensuite invoquer un « erreur de frappe ».

Ces ratages récents justifiaient donc totalement qu’il rappelle ses instructions car c’est sa responsabilité de veiller à ce qu’elles soient respectées. Aussi sa demande n’exigeait rien d’autre de votre part qu’un peu de discipline et d’écoute, je n’ose dire aussi d’humilité.

B. A propos de PSA

Votre réponse est intéressante aussi en raison du fait que vous évoquiez le client PSA dont je ne vous reprocherai pas d’avoir souligné le caractère stratégique pour EXA.

Ce qui vaut donc pour ONROAK vaut pour PSA pour lequel [P] [M] avait du reste fait un rappel du même genre le 03.05.2017.

Or le 8 juin vous avez participé à une réunion avec ce client. Pendant le cours de cette réunion votre supérieur hiérarchique a découvert l’existence d’un email de votre part à [P] [T] (PSA) dont vos collègues [V] [K] et [P] [S] étaient en copie et lui non, alors que sa participation à la réunion du 08.06.2017 vous était évidemment connue.

Ce premier manquement, grave en soi, n’est cependant rien rapporté au fait que le contenu de cet email clandestin était à rebours exactement des instructions que vous aviez reçues quant au discours à tenir à ce client.

Le RDV du 08.06.2017 avait en effet donné lieu à une réunion préparatoire la veille, exigée par [P] [M], puisque la position de EXA était de revenir sur l’engagement inconsidéré que vous avez pris envers ce client de lui offrir une session de formation alors que la société n’y était pas prête (absences de ressources humaines et matérielles disponibles sur un délai aussi proche que vous l’aviez envisagé – début juillet) et qu’elle aurait inévitablement abouti à une prestation de piètre qualité, générant de la frustration et de la non-satisfaction pour notre client PSA, ce que nous voulons éviter à tout prix.

A cette réunion préparatoire, deux autres collègues participaient qui ont été destinataires de votre envoi. C’était donc la moindre des choses que [P] [M] puisse l’être aussi afin, le cas échéant, de juger de la retranscription de ses directives et ce, bien entendu, avant toute transmission au client.

Or, non seulement vous ne l’avez pas fait, mais écrivant au client, vous l’avez entretenu dans l’illusion qu’une formation lui serait proposée en lui demandant ses desiderata (« la liste des personnes intéressées par cette formation, leur fonction, leur connaissance des outils, et les centres d’intérêts de chacun ») afin de « construire le planning de la formation et proposer des dates ».

Ce qui aurait pu n’être qu’un oubli fautif devenait donc une provocation inadmissible.

Le problème n’est donc pas seulement que vous ne faites pas ce qui est attendu de vous mais vous faites exprès de ne pas le faire pour défier l’autorité de votre supérieur hiérarchique.

Je terminerai cette démonstration par un autre exemple tout aussi éloquent de votre état d’esprit qui est la seule cause de ce que vous nommez votre « mal être » même si la mise en scène et en mots de votre prétendu malheur n’impressionne que vous.

Le 02 mai 2017 a eu lieu avec PSA une réunion particulièrement éprouvante pour EXA. A sa suite, [P] [M] s’est étonné qu’elle n’ait pas donné lieu à un CR qui était d’autant plus nécessaire qu’il fallait définitivement y gommer la mauvaise impression qui avait pu y être laissé.

La succession de vos réponses pour satisfaire sa demande est particulièrement significative de votre réticence à faire votre travail pour le seul plaisir – le vôtre assurément’ de défier l’autorité de votre supérieur hiérarchique.

Ainsi d’abord vous avez feint une surprise faussement candide : « Comme nous y étions tous les 4 ([V], [P] G. toi et moi-même), j’avais supposé que ce n’était pas utile ».

Puis demandé si ce CR serait à « usage interne Exa ou pour partager avec le client ‘ Le format ne sera pas le même évidemment ».

Ce genre de réflexions qui poussent à des échanges dont tout le monde devrait pourtant faire l’économie, était inutile. J’en veux pour preuve un épisode vieux d’à peine un mois [plus tôt] où sans que [P] [M] ne doit vous demander rien ni vous non plus en retour, vous aviez normalement fait et adressé le 13.04.2017 un CR à tous les participants d’une réunion survenue (‘) la veille ([O] [Y] et [R] [Z] pour PSA, [P] [M] et vous-même pour EXA).

Cela pour dire qu’un mois plus tard vous auriez pu faire l’économie de vos provocations stériles pour ne pas dire infantiles.

Ces exemples enfin ont une dernière utilité : prouver que vous n’avez jamais été « évincés » du cycle des relations avec vos clients « stratégiques » comme vous avez osé l’écrire pour justifier votre attitude.

[‘] ».

Sur la cause

Selon l’article L.1235-1 du code du travail, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du code du travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. L’employeur doit rapporter la preuve de l’existence d’une telle faute, et le doute profite au salarié.

L’article L.1152-2 du même code, dans sa version issue de la loi du 6 août 2012, énonce : « Aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés. », l’article L.1152-3 ajoutant que le licenciement intervenu en méconnaissance de cette disposition est nul.

M. [J] poursuit la nullité du licenciement ayant subi et dénoncé les 25 novembre 2016, 30 mai 2017 et 2 juin 2017 des faits de harcèlement moral, que lui reproche la lettre de licenciement, pour le mail du 30 mai 2017.

Du moment que l’appelant a été licencié notamment parce qu’il dénonçait le harcèlement moral qu’il disait subir ne l’aurait-il pas nommément qualifié, et dont se fait écho la lettre de licenciement qui le lui impute à faute en ces termes « remise en cause de votre hiérarchie », sans que sa mauvaise foi ne soit alléguée et a fortiori établie, le licenciement est nécessairement nul et le jugement, qui l’a estimé sans cause, sera réformé à cet égard.

Sur les conséquences

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a alloué à M. [J] diverses sommes au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, du rappel de salaire durant la mise à pied conservatoire, des congés payés afférents, de l’indemnité conventionnelle de licenciement, que l’employeur ne querelle pas en leur quantum.

Il sera par ailleurs alloué à l’intéressé la somme de 80.000 euros, en réparation du préjudice né du licenciement nul, en application de l’article L.1235-3-1 du code du travail. Le jugement sera infirmé à cet égard.

Sur les conditions

M. [J] fait valoir sa mise à pied conservatoire d’une durée d’un mois sans l’autorisation de reprendre ses affaires personnelles, ni parler à quiconque, et la récupération humiliante de ses fichiers personnels sur son ordinateur portable professionnel, détaillés par un huissier et un avocat, en dépit de leur désignation et de son refus.

La société Dassault réplique que la société Exa agit ainsi pour se prémunir des dérives de son salarié, qui compromit, lors de la restitution des fichiers personnels dont il demanda plus tard la destruction, l’ouverture de son ordinateur, laquelle permit la découverte, parmi d’autres fichiers très personnels, l’enregistrement clandestin de conversations professionnelles. Au rappel de l’autorité de la chose jugée, elle se prévaut de la relaxe de son auteur au pénal pour violation des correspondances. Elle estime n’avoir pas commis de faute sur la durée de la mise à pied conservatoire, justifiée par l’étroitesse des structures de son auteur.

L’article 1147 du code civil, dans sa version applicable à la cause, dispose que le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.

Le créancier doit alors établir le manquement, le dommage et leur lien.

La mise à pied conservatoire ayant été prononcée à mauvais escient et avec légèreté, est fautive. Par ailleurs, les conditions, non disputées, de récupération par M. [J] de ses affaires personnelles dans son ordinateur professionnel, où il détenait des fichiers intimes qui furent exposés sans son assentiment, sont inutilement vexatoires. Or, il ne ressort nulle autorité de la chose jugée de la décision du tribunal correctionnel du 11 février 2019 déniant à ces documents la valeur de « correspondance » et, estimant l’infraction non constituée, qui relaxa l’employeur, sur les conditions éventuellement vexatoires du licenciement par cette exposition, dans les termes de la responsabilité civile.

Le dommage de M. [J] sera justement évalué à la somme de 1.500 euros, et la société Dassault sera condamnée à ce paiement, le jugement étant infirmé dans son expression contraire.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement en ce qu’il a alloué à M. [A] [J] diverses sommes au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, du rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire, des congés payés afférents, de l’indemnité conventionnelle de licenciement, des intérêts au taux légal, des frais de justice, et en ce qu’il a rejeté les prétentions de M. [A] [J] en indemnisation d’un harcèlement moral et d’un manquement de l’employeur à son obligation préventive de sécurité ;

Le réforme pour le surplus ;

Statuant de nouveau sur les chefs infirmés ;

Dit le licenciement nul ;

Condamne la société européenne Dassault Systèmes à payer à M. [A] [J] :

80.000 euros de dommages-intérêts en réparation du licenciement nul ;

1.500 euros de dommages-intérêts en réparation des conditions vexatoires du licenciement ;

3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;

Rejette le surplus des prétentions ;

Condamne la société européenne Dassault Systèmes aux dépens, qui ne comprennent pas les frais d’exécution régis par le code ad hoc.

– Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– Signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président, et par Madame Isabelle FIORE greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

 


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