Convention collective Syntec : 25 mai 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/01670

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Convention collective Syntec : 25 mai 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/01670

25 mai 2023
Cour d’appel de Paris
RG
20/01670

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 10

ARRET DU 25 MAI 2023

(n° , 1 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/01670 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBQND

Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Juin 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 19/000965

APPELANTE

Madame [X] [T]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Christine ESPIE, avocat au barreau de PARIS, toque : G0251

INTIMEE

SAS PROXIT Société par actions simplifiée, prise en la personne de son représentant légal inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 502 256 456

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Sarra JOUGLA, avocat au barreau de PARIS, toque : A0200

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Gwenaelle LEDOIGT, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Nicolas TRUC, Président de la chambre

Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente de la chambre

Madame Carine SONNOIS Présidente de la chambre

Greffier, lors des débats : Mme Sonia BERKANE

ARRET :

– contradictoire

– mis à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente et par Sonia BERKANE, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

Mme [X] [T] a été engagée par la société par actions simplifiée (SAS) Proxit, suivant contrat à durée indéterminée en date du 24 février 2016, en qualité de Chargée de Ressources Humaines.

La salariée a été placée en arrêt de travail du 29 septembre 2017 au 2 octobre 2017, puis de nouveau du 29 novembre 2017 au 3 janvier 2018.

Du 8 février 2018 au 30 mai 2018, Mme [X] [T] a bénéficié d’un congé maternité, suivi d’un arrêt de travail du 31 mai 2018 au 30 juin 2018. À l’issue de cet arrêt travail, la salariée a pris ses congés payés du 1er au 24 juillet 2018, puis un congé parental d’éducation du 25 juillet 2018 au 27 septembre 2018.

Par courrier en date du 27 août 2018, Mme [X] [T] a sollicité un aménagement de ses horaires de travail à compter de sa reprise prévue le 1er octobre 2018.

Par lettre recommandée avec accusé réception en date du 5 septembre 2018, l’employeur a refusé sa demande de changement d’horaires de travail.

Le 11 septembre 2018, la salariée a réitéré sa demande et s’est vu opposer un nouveau refus.

Dans le dernier état des relations contractuelles régies par la convention collective  nationale des bureaux d’étude technique, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils (dite Syntec), la salariée percevait une rémunération mensuelle brute de 2 400 euros.

Dans un courrier recommandé avec accusé réception du 28 septembre 2018, adressé à l’employeur, la salariée a dénoncé le harcèlement moral et sexuel dont elle estimait avoir été victime de la part de M. [V] [R]. Parallèlement, elle a adressé un nouvel arrêt travail pour la période du 28 septembre 2018 au 19 octobre 2018, qui a été renouvelé jusqu’au 14 décembre 2018.

Le 10 octobre 2018, l’employeur lui a répondu que son signalement était pris très au sérieux et qu’une enquête était diligentée.

Dans un courriel en date du 27 novembre 2018, l’employeur l’a informée qu’il avait rencontré le salarié mis en cause mais que, les versions divergeant, il était « compliqué d’arriver à une vision claire de la situation » et que si elle avait déjà transmis l’intégralité des preuves en sa possession « celles-ci seront insuffisantes pour sanctionner un cas de harcèlement sexuel et moral ». Il lui était, par ailleurs, indiqué qu’il était envisagé de répondre « partiellement positivement » à sa demande d’aménagement d’horaires.

Le 3 décembre 2018, Mme [X] [T] a pris acte de la rupture de la relation de travail aux torts de l’employeur dans les termes suivants :

« Je me permets de revenir vers vous suite au dernier mail que vous m’avez envoyé le 27 novembre 2018 concernant l’enquête pour harcèlement moral et sexuel exercé par Monsieur [R]. En effet, suite à l’entretien que vous indiquez avoir eu avec lui le 9 novembre (en me laissant sans aucune nouvelle jusqu’au 27 ‘!), vous m’écrivez, suite à ma relance du 19 novembre, « nous ne pouvons pas statuer juridiquement sur l’accusation de harcèlement ».

Je suis consternée par vos propos vu les preuves et les 6 attestations de témoignage de mes anciennes collègues qui vont toutes dans le même sens, que je vous ai fournis (…)

Etant donné que j’ai travaillé pendant 2 ans avec Monsieur [R], je connais très bien la vérité et je sais très bien de quoi je parle. Je vous ai apporté une centaine de pages avec des preuves irréfutables (sms, 6 témoignages des anciennes collègues, mails, arrêts de travail etc…) et je ne vois pas ce que je peux apporter de plus pour prouver l’évidence.

Depuis le début de l’enquête, soit le 19 octobre lors de notre entretien, vous maintenez en réalité la même position, et ce après les 2 entretiens, soit : « nous étudions votre demande aménagement d’horaires. Nous envisageons de répondre partiellement positivement, sous réserve du respect des 39h hebdomadaires prévues à votre contrat ».

Cette décision a donc été prise depuis même avant le début de l’enquête puisque vous m’en aviez déjà parlé lors de notre entretien du 19 octobre.

Cela signifie un refus de votre part de traiter le dossier d’une personne harcelée dans votre société par un de vos employés, ce qui démontre l’inutilité de l’enquête qui n’a été qu’un simulacre, qui engage tout de même votre responsabilité.

Cette situation me pèse chaque jour un peu plus et m’empêche d’avoir une vie normale et de me reconstruire. Je suis de plus en plus angoissée car votre indifférence maintient dans l’isolement et l’abandon et me plonge encore plus dans la dépression puisque je ne vois plus de recours pour la faire cesser. Revenir c’est être assurée de vivre à nouveau ce harcèlement et j’en suis désormais incapable.

C’est pourquoi, les faits cités ainsi que mon état de santé, dont la responsabilité incombe entièrement à Néo-Soft me contraignent donc, à vous notifier la présente prise d’acte de la rupture de mon contrat de travail. »

Le 4 février 2019, la salariée a saisi le conseil de prud’hommes de Paris pour voir dire que sa prise d’acte de rupture du contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et solliciter un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, un rappel de prime de vacances, un maintien de salaire en application de la convention collective applicable et des dommages intérêts pour harcèlement moral et sexuel ainsi que pour non-respect de la procédure de licenciement.

Le 3 juin 2019, le conseil de prud’hommes de Paris, dans sa section Encadrement, a statué comme suit :

– déboute Mme [X] [T] de l’ensemble de ses demandes

– déboute la SAS Proxit de sa demande reconventionnelle

– condamne Mme [X] [T] au paiement des entiers dépens.

Par déclaration du 24 février 2020, Mme [X] [T] a relevé appel du jugement de première instance dont elle a reçu notification le 31 janvier 2020.

Vu les dernières conclusions remises et notifiées le 22 juin 2022, aux termes desquelles

Mme [X] [T] demande à la cour d’appel de :

– infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions

– constater les manquements graves de l’employeur

– dire que la prise d’acte du 3 décembre 2018 s’analyse comme un licenciement sans cause réelle ni sérieuse et condamner la société au paiement des sommes suivantes sur la base d’un salaire moyen de 2 600 euros (2 400 x 13/12)

* indemnité de licenciement sans cause réelle ni sérieuse (2,5 mois) : 6 500 euros

* préavis 3 mois : 7 800 euros

* congés payés sur préavis : 780 euros

* indemnité contractuelle de licenciement : 2 455, 56 euros

– constater l’existence d’un harcèlement sexuel puis moral

– condamner la société à payer à Mme [T] la somme de 7 800 euros au titre de dommages et intérêts pour harcèlement sexuel et moral 3 mois

– constater l’existence d’heures supplémentaires

– condamner la société à payer à Mme [T] la somme correspondante de 46 315,71 euros et les congés payés y afférents 4 631,57 euros

– constater l’existence d’un travail dissimulé

– condamner la société à payer à Mme [T] l’indemnité pour travail dissimulé d’un montant de 15 600 euros

– constater le retrait injustifié du solde de tout compte de la somme de 1 142,90 euros (10 jours), au titre des congés payés

– condamner la société à payer à Mme [T] la somme de 1 142,90 euros

– constater l’absence du règlement de la prime de vacances prorata temporis de juillet à décembre 2018, soit 158 jours pour la somme de 1 030, 43 euros

– condamner la société à payer à Mme [T] la prime de vacances de 1 030,43 euros

– constater le non maintien du salaire pendant la maladie pour un montant de 2 104,94 euros et les congés payés y afférents de 210,49 euros

– condamner la société à payer à Mme [T] la somme de 2 104,94 euros et les congés payés y afférents de 210,49 euros

– condamner la société à payer à Mme [T] la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Vu les dernières conclusions remises et notifiées le 6 novembre 2020, aux termes desquelles la SAS Proxit demande à la cour d’appel de :

– confirmer le jugement entrepris

– débouter Mme [X] [T] de toutes ses demandes, fins et conclusions

– condamner Mme [X] [T] à verser à la société Proxit la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

– condamner Mme [X] [T] aux dépens et ce compris ceux éventuels d’exécution.

Conclusions auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé des faits de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties.

L’instruction a été clôturée par ordonnance du 14 décembre 2022.

MOTIFS DE LA DECISION :

1/ Sur les heures supplémentaires

Selon l’article L. 3174- 1 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci.

La salariée affirme avoir systématiquement travaillé au-delà de l’horaire hebdomadaire de 35 heures mentionné sur ses fiches de paye, en accomplissant, bien souvent, des journées comprenant une amplitude horaire comprise entre 8 h00 et 20 h00 et en travaillant les week-ends. En conséquence, elle sollicite, au titre des années 2016, 2017 et 2018, une somme de 46 315,71 euros à titre de rappel de salaires, outre 4 631,56 euros au titre des congés payés afférents.

Au soutien de ses allégations, elle verse aux débats :

– un décompte des heures accomplies et des pièces justificatives (pièces 17, 17-2, 17-3, 17-4)

– les attestations de quatre collègues qui affirment qu’elle commençait la plupart du temps ses journées à 8 heures pour les finir à 20 heures (pièces 8-3, 32, 33, 34)

– des sms et des courriels témoignant des demandes qui lui étaient faites par sa hiérarchie de travailler les soirs et les week-ends (pièces 8-3 n°2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 14).

L’employeur répond que l’article 6 du contrat de travail de la salariée prévoyait que sa rémunération de 2 050 euros correspondait à un horaire hebdomadaire de 39 heures, intégrant les majorations au titre des quatre heures supplémentaires effectuées au-delà de la durée légale de travail de 35 heures. D’ailleurs, l’ensemble des correspondances rédigées par Mme [X] [T], notamment celles relatives à l’aménagement de ses horaires, témoigne que la salariée savait parfaitement que sa rémunération mensuelle correspondait à 39 heures de travail hebdomadaires. L’appelante ne peut donc se prévaloir d’une erreur figurant sur ses fiches de paye, concernant l’horaire hebdomadaire, pour réclamer le paiement des ‘heures supplémentaires’ accomplies entre 35 et 39 heures puisqu’elles étaient bien comprises, de manière majorées, dans sa rémunération, ainsi que le prévoyait le contrat de travail.

Concernant les heures supplémentaires que la salariée prétend avoir effectuées au-delà des 39 heures hebdomadaires, la société intimée rapporte qu’il était prévu que les salariés enregistrent « loyalement et fidèlement » leur temps de travail au moyen d’un système

auto-déclaratif. Or, la société intimée soutient que les feuilles de temps établies par l’appelante ne laissent apparaître aucune heure accomplie au-delà des 39 heures.

Mais, à défaut pour l’employeur de produire les feuilles de temps rédigées par la salariée et alors qu’il ne verse aux débats aucun élément permettant d’établir de manière objective et fiable le nombre d’heures de travail effectuées par l’appelante, il sera jugé qu’il ne remplit pas la charge de la preuve qui lui revient alors que Mme [X] [T] a, de son côté, étayé sa demande en apportant à la cour des éléments précis.

Le contrat de travail de Mme [X] [T] prévoyant que sa rémunération mensuelle correspondait à un horaire de 39 heures, intégrant la majoration des quatre heures effectuées au-delà de l’horaire légal, il lui sera alloué un rappel de salaire pour les heures effectuées à partir de la 40ème heure.

Soit, selon les calculs de l’employeur :

– pour l’année 2016 : 1 903,63

– pour l’année 2017 : 1 333,02

autrement dit un total de 3 236,65 euros, outre 323,66 euros au titre des congés payés afférents.

Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu’il a débouté la salariée de sa demande de ce chef.

2/ Sur l’indemnité pour travail dissimulé

Mme [X] [T] prétend que c’est, délibérément, que l’employeur l’a faite travailler 12 heures par jour, ainsi que les week-ends sans la payer, y compris quand elle était enceinte. Elle ajoute qu’il lui était, aussi, ordonné de ne pas noter ses heures supplémentaires dans sa fiche d’activité. Elle demande, donc, à ce que la société intimée soit condamnée à lui payer une somme de 15 600 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé.

Cependant, à défaut pour la salariée de démontrer cette dernière accusation autrement que par ses propres allégations, il sera considéré que l’appelante ne justifie pas du caractère intentionnel du défaut de mention de certaines heures supplémentaires sur ses bulletins de salaire, cette intention ne pouvant résulter de la seule existence d’heures supplémentaires non rémunérées.

C’est donc à bon escient que les premiers juges ont débouté la salariée de sa demande de ce chef.

3/ Sur le complément de salaire en arrêt maladie

Mme [X] [T] soutient que la société intimée a conservé, par-devers elle, les sommes qui lui ont été versées par la sécurité sociale du 1er au 13 octobre 2018, au titre de sa subrogation, pour un montant de 534,04 euros (pièces 14, 15, 16). Elle reproche, également, à l’employeur de ne pas lui avoir servi le complément de salaire de droit, pour un montant de 2 104,94 euros et d’avoir tardé à transmettre à la CPAM l’attestation de salaire, ce qui a retardé le versement des Indemnités Journalières de Sécurité Sociale (pièce 15).

En l’absence d’explication de l’employeur sur les demandes de la salariée étayées par la production de pièces, il sera fait droit aux demandes de l’appelante.

4/ Sur le harcèlement sexuel et moral

Aux termes de l’article L. 1153-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des faits de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit crèent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante.

Est assimilée au harcèlement sexuel, toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits au profit d’un tiers.

Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En application de l’article L. 1154-1, dans sa version applicable au litige, lorsque survient un litige relatif à l’application de ces textes, le salarié présente des faits laissant supposer l’existence d’un harcèlement et il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Mme [X] [T] rapporte, qu’à compter de mai 2016, elle a été victime d’avances de la part du dirigeant de la société, M. [R], qui l’a invitée, à plusieurs reprises, à dîner, a voulu lui offrir des cadeaux coûteux (un portefeuille Louis Vuitton, un I-phone et une montre connectée) et s’est ensuite offusqué qu’elle repousse ses présents. Après son refus d’une invitation à dîner, il lui a, notamment écrit le sms suivant : « [X], j’ai fait le choix de la transparence et de l’honnêteté. Tu y réponds par le biais de travers pitoyables, indignes de ce que tu es…La nature humaine serait-elle naturellement vile et pernicieuse » (pièce 8-3). Ces agissements répétés de l’employeur et les pressions qu’elle a subies à la suite de ses refus ont contribué à dégrader son moral et ses conditions de travail, ainsi qu’en témoignent deux de ses anciennes collègues (pièces 8-3, 30, 32). Deux autres salariés attestent que les refus de l’appelante de céder aux invites de son supérieur hiérarchique ont entraîné de la part de ce dernier des dénigrements répétés de la salariée ainsi qu’un comportement inadapté à son égard ( pièces 8-3 n°31 et 34). Plusieurs salariés ont, également, indiqué que Mme [X] [T], leur avait confié qu’elle subissait des faits de harcèlement sexuel et moral de la part de M. [R].

La salariée affirme que ces agissements ont été à l’origine de plusieurs arrêts de travail. Pour autant, le comportement de M. [R] ne s’est pas amélioré puisque, au contraire, il a profité de ses absences ou de ses arrêts pour entrer dans son ordinateur et qu’il a même envoyé un mail en son nom et avec sa signature (pièces 8-3 n°27). Au retour de son congé parental, lorsqu’elle a demandé à pouvoir bénéficier, certains jours, d’horaires finissant à 17 heures, de manière à pouvoir aller chercher sa fille à la crèche, tout en proposant de rattraper les heures perdues d’autres jours, pour effectuer ses 39 heures hebdomadaires (pièces 2, 4, 8-3 n°36), cela lui a été refusé à deux reprises sans motif valable alors que cela avait été accepté pour une autre salariée.

Mme [X] [T] indique que le harcèlement subi par M. [R] s’est poursuivi lorsqu’elle a repris son activité après son congé parental ce qui l’a poussée à dénoncer ces faits, dans un long courrier du 28 septembre 2018 (pièce 6), adressé à la société Néo-Soft Participation, qui avait pris le contrôle de la SAS Proxit à la suite de son rachat.

Après avoir été reçue en entretien, le 19 octobre 2018, à l’occasion duquel elle s’est ouverte sur le harcèlement sexuel et moral subi, la salariée est restée dans l’attente d’une réponse de la société. Après une relance, celle-ci l’a finalement informée, dans un mail du 27 novembre, qu’elle ne pouvait statuer sur ces accusations, tout en lui proposant de reprendre son travail dans les mêmes conditions, autrement dit sous la subordination hiérarchique de M. [R], qui bien qu’ayant perdu la qualité de dirigeant continuait à travailler pour le compte de la société (pièce 9). C’est dans ces circonstances que Mme [X] [T] rapporte n’avoir eu d’autre choix que de prendre acte de la rupture de son contrat de travail. En réparation du préjudice subi pour les faits de harcèlement sexuel et moral qu’elle dénonce la salariée revendique une somme de 7 800 euros.

La cour retient au vu de ses éléments, qui pris dans leur ensemble, relatent de manière concordante un syndrome dépressif avéré ainsi que l’imputation par la salariée de ce dernier à ses conditions de travail, que cette dernière présente des éléments de fait qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et qu’il appartient dès lors à l’employeur de prouver que les agissements précis qui lui sont reprochés n’étaient pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

L’employeur répond que, c’est uniquement en raison du refus qui lui a été opposé de prendre en compte ses demandes d’aménagements d’horaires, compte tenu de leur incompatibilité avec les contraintes opérationnelles du service et de l’organisation de la société, que Mme [X] [T] s’est plainte d’être victime d’un harcèlement sexuel et moral qu’elle n’avait jamais signalé auparavant. La société intimée observe, encore, que la salariée ne démontre en aucune manière les faits qu’elle impute à M. [R].

L’employeur ajoute que, lorsqu’il a reçu le courrier de dénonciation de la salariée, il y a répondu de manière adaptée en faisant diligenter une enquête interne à l’occasion de laquelle les deux employés concernés ont été entendus. Au terme de cette procédure, il a été jugé que les éléments et pièces produites par l’appelante étaient insuffisants pour caractériser un harcèlement moral et/ou sexuel de la part de M. [R]. D’ailleurs, l’employeur relève que les collègues de la salariée qui ont témoigné en sa faveur ne prétendent pas avoir assisté à un quelconque comportement inadapté de M. [R] et que même si ce dernier avait pu faire état à l’intéressée de ses sentiments amoureux, ce qu’il conteste, ces faits ne seraient aucunement constitutifs, en toute hypothèse, d’un harcèlement sexuel.

Cependant, il ressort des pièces et des attestations produites par la salariée que l’ancien dirigeant de la société a réitéré des invitations et des cadeaux à son égard, et ce en dépit de ses refus répétés, dont il s’est montré offensé. Son attitude insistante puis les dénigrements dont l’appelante a été victime après qu’elle eut décliné les invites de son supérieur hiérarchique ont entraîné une dégradation de ses conditions de travail, ainsi qu’en ont témoigné six de ses collègues, jusqu’à porter atteinte à sa santé, comme en attestent les certificats médicaux versés au dossier (pièce 38).

La qualité de dirigeant de la société de l’homme à l’origine des harcèlements subis par la salariée ne permettait pas à cette dernière de signaler ces faits à sa hiérarchie. Après s’être vu refuser, à deux reprises, un changement de ses horaires, dont l’employeur ne justifie en aucune manière le motif, et ce d’autant, qu’il l’a finalement accepté, Mme [X] [T] a profité du rachat de la SAS Proxit pour signaler les harcèlements subis à la nouvelle direction. Alors que l’employeur se loue d’avoir réagi immédiatement en diligentant une enquête interne, il appert que celle-ci a uniquement consisté à entendre les deux parties avant de considérer, qu’en raison du désaccord entre leurs deux versions, elle ne pouvait conclure à l’existence des faits et de maintenir la salariée sous un lien de subordination hiérarchique avec l’homme dont elle avait dénoncé le comportement. Il ne peut être considéré, dans ces circonstances, que l’employeur a traité avec sérieux la dénonciation de la salariée et qu’il a apporté une réponse propre à assurer la protection de sa santé. En conséquence, les faits de harcèlement sexuel et moral seront jugés caractérisés et le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a débouté la salariée de sa demande indemnitaire de ce chef. En réparation du préjudice moral subi, il lui sera alloué une somme de 3 000 euros.

5/ Sur la prise d’acte

Lorsqu’un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués le justifient, soit, dans le cas contraire, d’une démission.

Pour que la prise d’acte produise les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, les faits invoqués par le salarié doivent non seulement être établis mais constituer des manquements suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail. La charge de la preuve des faits qu’il allègue à l’encontre de l’employeur à l’appui de sa prise d’acte pèse sur le salarié.

Il est rappelé que le courrier par lequel le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail ne fixe pas les limites du litige, la juridiction doit examiner les manquements invoqués par le salarié même s’ils ne sont pas mentionnés dans ledit courrier.

La salariée appelante fonde sa prise d’acte de rupture du contrat de travail, principalement, sur les faits de harcèlement sexuel et moral subis et sur le défaut de paiement de ses heures supplémentaires. Les premiers faits sont suffisamment graves pour empêcher le maintien du contrat de travail et prononcer une prise d’acte de la rupture du contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, puisque la cour est liée par la demande de la salariée sur ce point. Le jugement déféré sera donc infirmé de ce chef.

Au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Mme [X] [T] qui, à la date du licenciement, comptait deux ans d’ancienneté dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés a droit, en application de l’article L. 1235-3 du code du travail, à une indemnité comprise entre 3 mois et 3 mois et demi de salaire.

Au regard de son âge au moment du licenciement, 29 ans, de son ancienneté de plus de deux ans dans l’entreprise, du montant de la rémunération qui lui était versée (le salaire de référence sera fixé à 2 600 euros pour tenir compte du 1/12ème de la prime de vacances servie sur les 12 mois antérieurs au placement de la salariée en arrêt de travail), il convient de lui allouer, en réparation de son entier préjudice la somme de 6 500 euros.

La salariée peut, également, légitimement prétendre sommes suivantes :

– 7 800 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis

– 780 euros au titre des congés payés afférents

– 2 455,56 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement.

6/ Sur la contestation du solde de tout compte

La salariée appelante fait grief à l’employeur d’avoir retranché deux fois son salaire dans le solde de tout compte et de ne pas lui avoir versé l’indemnité de congés payés de

1 142,90 euros à laquelle elle pouvait prétendre et dont elle réclame le versement. Elle explique, aussi, qu’en vertu de l’article 31 de la convention collective applicable, elle était éligible à une prime de vacances qui ne lui a pas été payée au prorata temporis de ses mois de présence en 2018 et dont elle demande le règlement à hauteur de 1 030,43 euros.

Mais, ainsi que le souligne l’employeur, aucune proratisation de la prime de vacances définie à l’article 31 de la convention collective Syntec n’a été prévue.

La cour observe que Mme [X] [T] a perçu une somme de 1 200 euros au titre de la moitié de sa prime vacances au mois de juin 2018 (pièce 14 salariée). Pour les 1 200 restant dus, la salariée ayant pris acte de la rupture du contrat de travail avant la date de versement de la deuxième partie de cette prime, qui devait intervenir en décembre 2018, elle n’est pas légitime à revendiquer un rappel au prorata temporis de ses mois de présence en 2018 et c’est à juste titre que les premiers juges l’ont déboutée de sa demande de ce chef.

Concernant les sommes déduites du solde de tout compte, la société intimée ne s’explique pas sur les retenues de salaires pratiquées sur le solde de tout compte, non signé par la salariée, qui ont abouti à l’absence de règlement de la somme due au titre de l’indemnité de congés payés. Il sera, donc, alloué à Mme [X] [T] une somme de 1 142,90 euros.

7/ Sur les autres demandes

La SAS Proxit supportera les dépens de première instance et d’appel sera condamnée à payerà Mme [X] [T] la somme de 2 500 euros titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a :

– débouté Mme [X] [T] de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé

– débouté Mme [X] [T] de sa demande de rappel de prime de vacances

– débouté la SAS Proxit de sa demande reconventionnelle,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que la prise d’acte de rupture de contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur en date du 3 octobre 2018 produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la SAS Proxit à payer à Mme [X] [T] les sommes suivantes :

– 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement sexuel et moral

– 3 236,65 eurose à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires

– 323,66 euros au titre des congés payés afférents

– 1 142,90 euros au titre des congés payés non pris en compte dans le solde de tout compte

– 2 104,94 euros à titre de maintien de salaire durant la maladie

– 210,49 euros au titre des congés payés afférents

– 6 500 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

– 7 800 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis

– 780 euros au titre des congés payés afférents

– 2 455,56 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement

– 2 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes plus amples contraire,

Condamne la SAS Proxit aux dépens de première instance et d’appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

 


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