Convention collective SYNTEC : 25 mai 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/00294

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Convention collective SYNTEC : 25 mai 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/00294

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

6e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 25 MAI 2023

N° RG 21/00294 –

N° Portalis DBV3-V-B7F-UI4L

AFFAIRE :

[J] [R] épouse [V]

C/

S.A.S. SOFTEAM anciennement dénommée SAS AMETIX venant aux droits de la société BRAINS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 Décembre 2020 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NANTERRE

N° Section : E

N° RG : F 17/03120

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Sarah GUERMI

Me Stéphanie ARENA

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT CINQ MAI DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant, devant initialement être rendu le 11 mai 2023 et prorogé au 25 mai 2023, les parties en ayant été avisées, dans l’affaire entre :

Madame [J] [R] épouse [V]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Sarah GUERMI, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE

****************

S.A.S. SOFTEAM anciennement dénommée SAS AMETIX venant aux droits de la société BRAINS

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentant : Me Valérie BENCHETRIT de la SELEURL ELLIA AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0854 et Me Stéphanie ARENA de la SELEURL ARENA AVOCAT, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 637

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 09 Mars 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Isabelle CHABAL, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Domitille GOSSELIN,

Rappel des faits constants

La SAS Softeam anciennement dénommée société Ametix venant aux droits de la société Brains, dont le siège social est situé à [Localité 5] dans le Val-de-Marne, est spécialisée dans l’édition de logiciels applicatifs. Elle emploie plus de dix salariés et applique la convention collective des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987, dite Syntec.

Mme [J] [R] épouse [V], née le 9 janvier 1989, a été engagée par cette société, selon contrat de travail à durée indéterminée du 30 septembre 2016 à effet au 26 octobre 2016, en qualité d’ingénieur d’affaires, moyennant un salaire initial comprenant une rémunération brute annuelle de 34 000 euros et des commissions commerciales.

Le contrat de travail prévoyait, en son article 2, une période d’essai de quatre mois, renouvelable pour une période de trois mois.

Par courriel du 14 février 2017, Mme [V] a informé son employeur de son état de grossesse dans les termes suivants : « Bonjour, comme annoncé la semaine dernière, je suis enceinte et je tenais à vous prévenir que j’ai un rendez-vous médical ce lundi 20 février à 12h20 chez le gynécologue et que je serai contrainte de partir à 11h45 pour être à l’heure. Je m’excuse pour la gêne occasionnée, Cordialement ».

Par lettre du 22 février 2017, la société Brains a mis fin à la période d’essai de Mme [V] dans les termes suivants :

« Vous êtes entrée chez Brains le 26 octobre 2016 et nous vous notifions par la présente la résiliation de votre contrat de travail.

La rupture de votre contrat prendra effet à compter de ce jour, date de présentation de cette lettre, qui fera courir la période de préavis d’un mois, votre temps de présence effectif n’ayant pas excédé quatre mois.

Vous serez donc libre de tout engagement envers notre société le 21 mars 2017. »

En l’absence d’arrangement à l’amiable, Mme [V] a saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre en contestation de la rupture de son contrat de travail par requête reçue au greffe le 18 octobre 2017.

La décision contestée

Par jugement contradictoire rendu le 16 décembre 2020, la section encadrement du conseil de prud’hommes de Nanterre a :

– dit que la rupture de la période d’essai du contrat de travail de Mme [J] [R] épouse [V] n’est pas nulle,

– dit que la période d’essai de Mme [J] [R] épouse [V] ne s’est pas poursuivie au-delà de son terme,

– débouté Mme [J] [R] épouse [V] de l’ensemble de ses demandes,

-débouté la société Ametix venant aux droits de la société Brains de ses demandes reconventionnelles,

– condamné Mme [J] [R] épouse [V] aux éventuels dépens.

Mme [V] avait présenté les demandes suivantes :

à titre principal,

– salaires qu’elle aurait perçus pendant la période couverte par la nullité : 22 666,72 euros,

– congés payés afférents : 2 266,67 euros,

– dommages-intérêts pour licenciement illicite : 17 000,04 euros,

– dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement (1 mois de salaire) : 2 833,34 euros,

à titre subsidiaire,

– salaires qu’elle aurait perçus pendant la période couverte par la nullité : 22 666,72 euros,

– congés payés afférents : 2 266,67 euros,

– dommages-intérêts pour licenciement illicite : 17 000,04 euros,

en tout état de cause,

– article 700 du code de procédure civile : 2 500 euros,

– exécution provisoire,

– remise des documents de fin de contrats modi’és,

– entiers dépens.

La société Ametix venant aux droits de la société Brains avait, quant à elle, conclu au débouté de la salariée et avait sollicité sa condamnation à lui verser une somme de 465,01 euros à titre de rappel de salaire de trop perçu sur les indemnités de congés payés et une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

La procédure d’appel

Mme [V] a interjeté appel du jugement par déclaration du 25 janvier 2021 enregistrée sous le numéro de procédure 21/00294.

Par ordonnance rendue le 15 février 2023, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 9 mars 2023.

Prétentions de Mme [V], appelante

Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 31 janvier 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, Mme [V] demande à la cour d’appel de :

– la déclarer recevable et bien fondée en son appel, en ses fins et conclusions,

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la société Softeam venant aux droits de la société Brains de ses demandes reconventionnelles,

– infirmer le jugement en ce qu’il : 

. l’a déboutée de l’ensemble de ses demandes,

. a dit que la rupture de la période d’essai de son contrat de travail n’était pas nulle,

. a dit que la période d’essai ne s’était pas poursuivie au-delà de son terme, 

. l’a condamnée aux éventuels dépens,  

et, statuant à nouveau,

à titre principal,

– requalifier la rupture de la période d’essai en licenciement nul, 

– condamner la société Softeam venant aux droits de la société Ametix venant aux droits de la société Brains à lui verser les sommes suivantes :  

. 22 666,72 euros au titre des salaires qu’elle aurait perçus pendant la période couverte par la nullité,

. 2 266,67 euros au titre des congés payés afférents,

. 17 000,04 euros au titre des dommages-intérêts pour licenciement illicite (6 mois de salaires), 

. 2 833,34 euros au titre des dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement (1 mois de salaire).  

à titre subsidiaire,

– juger la rupture de la période d’essai nulle,  

– condamner la société Softeam venant aux droits de la société Ametix venant aux droits de la société Brains à lui verser les sommes suivantes :

. 22 666,72 euros au titre des salaires qu’elle aurait perçus pendant la période couverte par la nullité, 

. 2 266,67 euros au titre des congés payés afférents, 

. 17 000,04 euros à titre des dommages-intérêts pour licenciement illicite (6 mois de salaires).

en toute hypothèse,

– débouter la société Softeam venant aux droits de la société Ametix venant aux droits de la société Brains de l’ensemble de ses demandes, 

– ordonner la remise des documents de fin de contrat modifiés, 

– condamner la société Softeam venant aux droits de la société Ametix venant aux droits de la société Brains à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, 

– condamner la société Softeam venant aux droits de la société Ametix venant aux droits de la société Brains aux entiers dépens. 

Prétentions de la société Softeam, intimée

Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 9 février 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la société Softeam demande à la cour d’appel de :

– confirmer le jugement en ce qu’il : 

. a dit que la rupture de la période d’essai du contrat de travail de Mme [J] [R] n’était pas nulle, 

. a dit que la période d’essai de Mme [J] [R] ne s’était pas poursuivie au-delà de son terme, 

. a débouté Mme [J] [R] de l’ensemble de ses demandes,

– infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande reconventionnelle visant à obtenir le paiement de la somme de 465,01 euros au titre du trop-perçu d’indemnité compensatrice de congés payés,

– débouter en conséquence Mme [J] [R] de l’ensemble de ses demandes,

– condamner Mme [J] [R] à lui payer : 

. 465,01 euros au titre du trop-perçu d’indemnité compensatrice de congés payés,

. 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, 

en toute hypothèse, si la cour devait entrer en voie de condamnation, 

à titre principal,

– ordonner la consignation des sommes sur un compte de dépôt et consignation dans l’attente de l’issue de la procédure éventuellement diligentée par la société Softeam venant aux droits de la société Brains devant la Cour de cassation,

à titre subsidiaire,

– ordonner à Mme [R], d’apporter des garanties financières permettant de démontrer qu’elle sera en capacité de rembourser la société Softeam venant aux droits de la société Brains en cas de pourvoi formé devant la Cour de cassation.

MOTIFS DE L’ARRÊT

Mme [V] soutient que sa période d’essai était terminée lorsqu’elle s’est vu notifier la rupture de son contrat de travail.

Elle considère donc, à titre principal, que cette rupture s’analyse en un licenciement, qui, intervenu alors qu’elle avait annoncé sa grossesse à son employeur, encourt la nullité résultant de la protection spéciale contre le licenciement d’une salariée en état de grossesse.

Elle sollicite à titre subsidiaire, s’il était retenu que la période d’essai n’avait pas expiré au moment de la rupture des relations contractuelles, que cette rupture soit jugée discriminatoire comme en lien avec son état de grossesse.

Il convient dans ces conditions de se prononcer en premier lieu sur le point de savoir si la rupture des relations contractuelles est intervenue pendant la période d’essai ou bien après la fin de cette période.

Sur la période d’essai

Mme [V] soutient que sa période d’essai avait pris fin au moment de la rupture de son contrat de travail compte tenu de la prise en compte du mois de prévenance tandis que la société Softeam soutient le contraire.

Conformément à l’article L. 1221-9 du code du travail et à l’article 7 de la convention collective Syntec, la durée maximale de la période d’essai pour un cadre est de quatre mois et peut être renouvelée pour trois mois. Ce sont ces modalités qui ont été retenues aux termes de l’article 2 du contrat de travail liant les parties (pièce 1 de l’employeur).

Il est constant que l’essai est prolongé d’autant de jours, en cas de départ en congés ou prise de RTT ou en cas d’absence pour maladie au cours de la période d’essai.

Mme [V] a été engagée par la société Softeam à compter du 26 octobre 2016 avec une période d’essai de quatre mois, devant théoriquement prendre fin le 26 février 2017.

Pour prétendre à la prolongation de l’essai, la société Softeam fait d’abord valoir que la salariée a été en congé de 4,5 jours du 26 décembre 2016 après-midi au 30 décembre 2016 et en RTT le 26 décembre au matin.

Sur ce point précis, Mme [V] conteste la thèse de l’employeur, laquelle est, selon elle, révélatrice d’une mauvaise foi avérée.

Elle explique, que s’il est vrai que l’entreprise était fermée du 26 au 30 décembre 2016, elle n’était toutefois pas en congés et a bel et bien travaillé. Elle se prévaut de ses bulletins de paie qui ne font état d’aucun jour de congés et du fait qu’elle a été rémunérée normalement sur la période. Elle prétend que le courriel que lui a adressé la direction le 13 janvier 2017 n’avait trait qu’à une question d’écritures comptables et de conformité, celles-ci demandant aux salariés en période d’essai qu’ils formulent des congés payés rétroactivement mais qu’il s’agissait d’un arrangement avec l’employeur qui maintenait bien le salaire sans déduire de congés payés, ce que son bulletin de paie de décembre 2016 confirme. Elle objecte que l’employeur ne peut se prévaloir d’un bulletin de paie rectificatif établi en février 2019, faisant apparaître des congés payés et se fondant sur une demande présentée le 13 janvier 2017, soit postérieurement à la prise desdits congés. Elle ajoute qu’elle a été réglée intégralement de ses congés payés dans le cadre de son solde de tout compte. Elle considère qu’une telle démarche révèle une tentative de tromperie ayant pour seul but de voir prolonger la période d’essai.

Sur cette question, la société Softeam répond qu’une erreur a été commise, due à un bug du système paie, puisque les congés ont été approuvés correctement dans le logiciel Fluxod, que quoi qu’il en soit, pendant la période correspondant à la fermeture annuelle de l’entreprise, il est impossible que Mme [V] puisse avoir travaillé.

Il résulte de l’échange de courriels intervenu le 13 janvier 2017 (pièce 2 de l’employeur) et de la capture d’écran du logiciel Fluxod (pièce 3 de l’employeur) que la demande de congés a été formulée le 13 janvier 2017, postérieurement à la prise supposée de ces congés, accréditant la régularisation formelle invoquée par la salariée. Par ailleurs, le bulletin de salaire remis à la salariée, ainsi que les documents de fin de contrat établis après le 13 janvier 2017, accréditent également le fait que l’employeur n’a jamais envisagé de réclamer un rappel de salaire à Mme [V]. Enfin, le bulletin de paie rectificatif établi deux ans après les faits, alors que la salariée avait quitté les effectifs de l’entreprise et que la procédure judiciaire était déjà engagée, n’a aucune valeur probante, ni les explications non convaincantes de l’adjointe à la responsable de la paie données le 20 février 2019 (pièce 4 de l’employeur).

Il se déduit de ces éléments que la société Softeam ne peut utilement se prévaloir de ces jours pour prolonger la période d’essai, ni réclamer un rappel de salaire de 465,01 euros à ce titre, ce qui conduit à la débouter de sa demande reconventionnelle, par confirmation du jugement entrepris.

Les parties admettent toutes les deux que Mme [V] a été absente pour maladie, du 6 au 8 février 2017, ainsi que cela résulte du bulletin de salaire du mois de mars 2017 (pièce 5 de l’employeur).

Dès lors, la salariée a cumulé trois jours d’absence pendant la période d’essai, ce qui reporte la fin de celle-ci au mercredi 1er mars 2017.

La société Softeam fait encore valoir que le délai de prévenance ne peut avoir pour effet de reporter le terme de la période d’essai.

S’agissant de l’incidence du délai de prévenance, l’article L. 1221-25 du code du travail énonce en effet que « Lorsqu’il est mis fin, par l’employeur, au contrat en cours ou au terme de la période d’essai définie aux articles L. 1221-19 à L. 1221-24 ou à l’article L. 1242-10 pour les contrats stipulant une période d’essai d’au moins une semaine, le salarié est prévenu dans un délai qui ne peut être inférieur à :

1° Vingt-quatre heures en deçà de huit jours de présence ;

2° Quarante-huit heures entre huit jours et un mois de présence ;

3° Deux semaines après un mois de présence ;

4° Un mois après trois mois de présence.

La période d’essai, renouvellement inclus, ne peut être prolongée du fait de la durée du délai de prévenance.

Lorsque le délai de prévenance n’a pas été respecté, son inexécution ouvre droit pour le salarié, sauf s’il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice. Cette indemnité est égale au montant des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s’il avait accompli son travail jusqu’à l’expiration du délai de prévenance, indemnité compensatrice de congés payés comprise. »

La date de la rupture se situe donc à la date d’envoi de la lettre de rupture, ou comme en l’espèce à la date de remise en mains propres de la lettre contre signature le 22 février 2017.

En définitive, la période d’essai qui prenait fin le 1er mars 2017 a valablement été rompue le 22 février 2017.

Il s’ensuit le rejet de la demande principale de Mme [V], tendant à ce que la rupture s’analyse en un licenciement, encourant la nullité en raison de la protection spéciale liée à l’état de grossesse, ainsi que les demandes financières subséquentes, par confirmation du jugement entrepris.

Sur la discrimination

Mme [V] sollicite que soit prononcée la nullité de la rupture de sa période d’essai, en raison de la discrimination dont elle a, selon elle, fait l’objet du fait de son état de grossesse.

L’article L. 1225-1 du code du travail dispose : « L’employeur ne doit pas prendre en considération l’état de grossesse d’une femme pour refuser de l’embaucher, pour rompre son contrat de travail au cours d’une période d’essai ou, sous réserve d’une affectation temporaire réalisée dans le cadre des dispositions des articles L. 1225-7, L. 1225-9 et L. 1225-12, pour prononcer une mutation d’emploi.

Il lui est en conséquence interdit de rechercher ou de faire rechercher toutes informations concernant l’état de grossesse de l’intéressée. »

Par ailleurs, l’article L. 1132-1 du même code dispose :« Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m’urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d’autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français.’

L’article L. 1132-4 du même code dispose : « Toute disposition ou tout acte pris à l’égard d’un salarié en méconnaissance des dispositions du présent chapitre est nul. »

S’agissant du régime probatoire, l’article L. 1134-1 du code du travail prévoit qu’en cas de litige relatif à l’application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, au vu desquels il incombe à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Ici, Mme [V] fait valoir que la rupture de sa période d’essai a eu lieu à peine deux semaines après l’annonce de sa grossesse, sans invoquer aucun motif légitime étranger à sa grossesse.

Elle produit également une attestation de Mme [Y], responsable de recrutement, du 26 avril 2019 en ces termes : « Mme [J] [V] a intégré la société Brains située à l’époque au [Adresse 2] à [Localité 6] (pour ma part, j’y ai été salariée d’octobre 2016 à octobre 2017) en même temps que moi. De ce fait, je peux attester de son implication, de son assiduité et de sa persévérance dans ses fonctions d’ingénieur d’affaires.

Elle a notamment participé à un challenge commercial avec toute l’équipe juste avant son départ avec des résultats similaires à ceux des autres commerciaux de la société.

Lorsque Mme [V] a annoncé sa grossesse, la direction n’a pas apprécié la nouvelle et a rapidement mis fin à sa période d’essai sans motifs communiqués. J’ai moi-même posé la question à ma direction sur les raisons de son départ et l’on m’a fait comprendre que cela avait un lien avec sa grossesse sans me le mentionner tel quel » (pièce 11 de la salariée).

Ce faisant, Mme [V] présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination en raison de sa grossesse.

En réponse, la société Softeam explique que, si elle a mis fin au contrat de travail de Mme [V], c’est parce que celle-ci ne lui donnait pas satisfaction et non en raison de son état de santé.

A l’appui de son allégation, l’employeur produit d’abord une synthèse d’équipe établie le 11 janvier 2017, en ces termes : «  [J],

Sujet plus épineux que les deux précédents. [[C] et [B]]

Entretien quelque peu décousu car le document avait été préparé rapidement et cela n’a donc pas pu cadrer notre échange. Toutefois, grâce à cela, nous avons pu parler « frontalement » et aborder en profondeur les sujets suivants.

[J] est arrivée en entretien, selon moi, fragilisée.

– n’aime pas le sourcing : son premier point. Elle prend conscience que dans votre modèle, le sourcing est également une part importante de son job, et de son quotidien… Pour autant, elle essaye d’avoir un max de RDV candidats mais cela la pénalise côté prospection (…)

-aime « sortir du bureau, être au contact client » : énormes difficultés à ne pas sortir du bureau, aller chez les clients, etc. [J] est au creux de la vague du « commercial » ; elle veut aller trop vite, et ne « s’arrache pas assez ». Elle est ambitieuse, veut y arriver mais découvre finalement la difficulté du métier et l’énergie nécessaire pour décrocher les premiers RDV. Je n’ai pas encore vu si [J] était dans une mauvaise passe car en difficulté mais de bonne foi, ou si elle n’était pas faite pour ce métier.

– difficulté BNP : son énorme problème. Elle se sent coincée en matière de prospection et renvoie, du coup, une image de quelqu’un qui ne fait rien alors qu’elle est très mal à l’aise de cette situation (…)

– s’investir sur d’autres comptes : pour trouver un peu d’air, elle essaye de développer d’autres comptes ce qui me semble plutôt positif pour retrouver un peu de confiance, tenter un coup de poker et se faire les dents.

– ne met pas de mots et provoque des réactions contraires à ce qu’elle devrait provoquer ou souhaiterait provoquer. [J] s’est engagée à communiquer mieux et plus fréquemment, j’espère que cela pourra changer les choses.

Au-delà de cela, pas de problème apparent avec l’équipe.

Conclusion : Retour mitigé mais je lui donne ma confiance pour les semaines à venir. Merci d’observer si elle fait preuve de plus de communication, d’échange et de demande d’aide. Si c’est le cas, vous pourrez jauger sa motivation et son énergie. Il me semble que ces réactions actuelles sont plus en lien avec une forme de « honte » de ne pas y parvenir. » (pièce 8 de l’employeur).

Il résulte de cette synthèse des réserves émises sur le travail de Mme [V].

La société Softeam produit également un courriel du 12 janvier 2017 émanant de Mme [K], directrice du capital humain, adressé à M. [T] (dont la qualité au sein de l’entreprise n’est pas indiquée), avec comme objet : Personnel / feed back : « Quelques mots suite à mes différents échanges avec l’équipe hier.

Deux infos me paraissent essentielles à te léguer :

– [J] est consciente qu’elle est en peine sur la démarche de prospection globale, mais surtout sur le compte BNP.

J’ai travaillé avec elle sur le fait qu’elle puisse nommer ses difficultés et échanger avec toi/vous pour trouver des solutions (plutôt que d’apparaître silencieuse, inactive voire nonchalante). En effet, il reste quelques semaines à [J] pour faire ses preuves avant la fin de sa PE, et je pense que si elle essaye de progresser, il faut lui donner sa chance en l’accompagnant.

Du coup, elle va sûrement plus te solliciter pour te faire part de ses difficultés (je l’espère)…

– Enfin, je lui ai suggéré de faire une liste de tous les moyens qu’elle pourrait mettre en ‘uvre pour enfin parvenir à atteindre des prospects BNP.

Si elle te le propose, accueille la, cela serait à mon sens, un bon moyen de vous montrer sa motivation et son envie de réussir.

Voilà, je pense que [J] doit venir chercher l’aide dont elle a besoin… ne serait-ce que pour vous prouver sa bonne volonté.

A ta dispo pour en parler plus en détail. » (pièce 7 de l’employeur).

Ce deuxième élément, concomitant au premier, confirme les difficultés rencontrées par Mme [V].

La société Softeam produit enfin un écrit de Mme [K], laquelle atteste : « Cela fait 13 années que je suis spécialisée en Ressources Humaines auprès de population d’ESN, et notamment aux côtés des équipes commerciales.

J’ai accompagné la société Brains en tant que consultante en organisation et en management en 2016 et 2017.

Dans le cadre de mes missions, j’ai rencontré la direction et l’ensemble de l’équipe en individuel comme en collectif.

En janvier 2017, j’ai proposé à la direction et l’ensemble de l’équipe en individuel comme en collectif (‘)

En janvier 2017, j’ai proposé à la direction de la société Brains d’organiser un kick off de rentrée pour faire un état des lieux de début d’année (‘)

Dans ce cadre, j’ai pu rencontrer, le 11 janvier 2017, [J] [R] dans le cadre d’un entretien individuel et ai envoyé un document de synthèse le soir même concernant chaque membre de l’équipe à la direction (…)

Nous avons suite à cette journée du 11 janvier, organisé un point téléphonique le lundi 13 février 2017 pour échanger autour des évolutions de l’équipe et des actions menées. Lors de ce point, l’équipe dirigeante de Brains m’a confirmé que les difficultés de [J] [R] étaient toujours d’actualité et qu’ils n’avaient pas noté de progression, tant autour de sa montée en compétences que de son comportement en matière de communication. » (pièce 12 de l’employeur).

Ce troisième élément démontre qu’aucune amélioration n’a été constatée par la suite.

Au regard de ces éléments, la société Softeam, qui bénéficiait d’une liberté d’appréciation dans le cadre de la période d’essai, a pu légitimement prendre la décision de mettre fin à la période d’essai.

Elle justifie ainsi que sa décision est fondée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Mme [V] sera déboutée de sa demande subsidiaire tendant à voir prononcer la nullité de la rupture de la période d’essai pour discrimination, ainsi que de ses demandes financières subséquentes, par confirmation du jugement entrepris.

Sur les dépens et les frais irrépétibles de procédure

Le jugement de première instance sera confirmé en ses dispositions concernant les dépens (mis à la charge de la salariée) et les frais irrépétibles (débouté des demandes).

Mme [V], qui succombe dans ses prétentions, supportera les dépens d’appel en application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile.

Elle sera en outre condamnée à payer à la société Softeam une indemnité sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, que l’équité et la situation économique respective des parties conduisent à arbitrer à la somme de 500 euros et sera débouté de sa même demande présentée sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, en dernier ressort et par arrêt contradictoire,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Nanterre le 16 décembre 2020,

Y ajoutant,

CONDAMNE Mme [J] [R] épouse [V] au paiement des dépens d’appel,

CONDAMNE Mme [J] [R] épouse [V] à payer à la SAS Softeam anciennement dénommée Ametix venant aux droits de la société Brains une somme de 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE Mme [J] [R] épouse [V] de sa demande présentée sur le même fondement.

Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Catherine Bolteau-Serre, président, et par Mme Domitille Gosselin, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

 


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