Convention collective SYNTEC : 25 mai 2022 Cour d’appel de Rennes RG n° 19/03065

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Convention collective SYNTEC : 25 mai 2022 Cour d’appel de Rennes RG n° 19/03065

8ème Ch Prud’homale

ARRÊT N°263

N° RG 19/03065 –

N° Portalis DBVL-V-B7D-PYDY

SA MODIS FRANCE

C/

Mme [X] [T]

Infirmation partielle

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 25 MAI 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Rémy LE DONGE L’HENORET, Président de chambre,

Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

Madame Gaëlle DEJOIE, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 10 Février 2022

En présence de Madame [Z] [R], Médiatrice judiciaire

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 25 Mai 2022, date à laquelle a été prorogé le délibéré initialement fixé au 13 Mai précédent, par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTE et intimée à titre incident :

La SA MODIS FRANCE venant aux droits de la Sté EURO ENGINEERING prise en la personne de ses représentants légaux et ayant son siège social :

2 rue Henri Legay

69100 VILLEURBANNE

Ayant Me Elsa DIETENBECK, Avocat au Barreau de RENNES, pour postulant et représentée à l’audience par Me Chrystelle DESCHAMPS, Avocat plaidant du Barreau de PARIS

INTIMÉE :

Madame [X] [T]

née le 27 Mai 1979

demeurant 3 Route de Vannes

44100 NANTES

Représentée par Me Tiphaine LE BERRE BOIVIN, Avocat postulant du Barreau de RENNES et ayant Me Sandrine PARIS de la SELARL ATALANTE AVOCAT, Avocat au Barreau de NANTES, pour conseil

Mme [X] [T] a été embauchée par la SA MODIS FRANCE venant aux droits de la société EURO ENGINEERING par contrat à durée déterminée du 8 janvier 2014, puis par contrat à durée indéterminée à compter du 20 décembre 2014 en qualité d’agent d’Acheteuse, statut cadre, niveau 2.1, coefficient 115, la relation contractuelle étant régie par la convention collective des personnels des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs conseils, et des sociétés de conseil (SYNTEC).

Par courrier du 20 mai 2016 remis en main propre, Mme [T] a été convoquée à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement disciplinaire, tenu le 30 mai 2016.

Le 7 juin 2016, Mme [T] a été licenciée pour cause réelle et sérieuse. Elle a été dispensée de réaliser son préavis celui-ci étant toutefois rémunéré.

Le 1er juillet 2016, Mme [T] a saisi le conseil de prud’hommes de Nantes aux fins de :

‘ Dire que la convention individuelle de forfait jour est entièrement privée d’effet,

‘ Condamner la SAS MODIS FRANCE venant aux droits de la société EURO ENGINEERING au paiement des sommes suivantes :

– 16.140 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 1.385,60 € à titre de rappel de salaire au titre de la rémunération impayée,

– 138,56 € au titre des congés payés afférents,

– 3.275,32 € au titre des heures supplémentaires non payées lors des périodes d’inter-contrat,

– 327,53 € au titre des congés payés afférents,

– 16.140 € à titre d’indemnité pour travail dissimulé,

– 5.380 € à titre de dommages-intérêts pour non-respect du temps de pause légal obligatoire,

– 16.140 € à titre de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de loyauté,

– 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

La cour est saisie d’un appel formé le 9 mai 2019 par la SA MODIS FRANCE à l’encontre du jugement du 11 avril 2019, par lequel le conseil de prud’hommes de Nantes a :

‘ Dit que le licenciement de Mme [T] ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse,

‘ Condamné la SAS MODIS FRANCE, venant aux droits de la société EURO ENGINEERING, à verser à Mme [T] les sommes suivantes :

– 16.140 € brut à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 1.385,60 € brut à titre de rappel de salaire,

– 138,56 € brut au titre des congés payés sur rappel de salaire,

– 3.275,32 € brut au titre des heures supplémentaires,

– 327,50 € brut au titre des congés payés sur les heures supplémentaires,

– 2.000 € brut à titre de dommages-intérêts pour non respect du temps de pause,

– 16.140 € brut à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé,

– 3.000 € brut à titre de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de loyauté,

– 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ Lesdites condamnations étant assorties des intérêts au taux légal à compter de la saisine, soit le 1er juillet 2016, pour les sommes à caractère salarial, et du prononcé du présent jugement pour celles à caractère indemnitaire,

‘ Condamné en outre d’office la SAS MODIS FRANCE, venant aux droits de la société EURO ENGINEERING, à rembourser aux organismes intéressés les indemnités de chômage versées à Mme [T] dans la limite de trois mois d’indemnités,

‘ Ordonné l’exécution provisoire du jugement,

‘ Reçu la SAS MODIS FRANCE, venant aux droits de la société EURO ENGINEERING, en sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile, mais l’en a déboutée,

‘ Condamné la SAS MODIS FRANCE, venant aux droits de la société EURO ENGINEERING, aux dépens éventuels.

Par ordonnance du 30 octobre 2020, le magistrat de la mise en état de la 8ème chambre prud’homale de la cour d’appel de Rennes a :

‘ Dit que les conclusions de la SA MODIS FRANCE notifiées le 30 janvier 2020 étaient recevables,

‘ Débouté Mme [T] de sa demande,

‘ Condamné Mme [T] aux dépens de l’incident.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 30 janvier 2020, suivant lesquelles la SA MODIS FRANCE, venant aux droits de la société EURO ENGINEERING, demande à la cour de :

‘ Infirmer le jugement entrepris,

Et statuant à nouveau,

‘ Débouter Mme [T] de son appel incident concernant le quantum des montants alloués par le conseil de prud’hommes au titre de l’indemnisation pour non-respect de l’obligation de loyauté et pour non-respect du temps de pause,

‘ Dire que le licenciement de Mme [T] est fondé sur une cause réelle et sérieuse,

‘ Débouter Mme [T] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

‘ Condamner Mme [T] à verser à la SA MODIS FRANCE la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 29 octobre 2019, suivant lesquelles Mme [T] demande à la cour de :

‘ Confirmer le jugement entrepris hormis du chef des indemnisations pour non-respect du temps de pause et manquement à l’obligation de loyauté,

Statuant à nouveau pour le tout,

‘ Débouter la SA MODIS FRANCE de toutes ses demandes, fins et conclusions,

‘ Dire que :

– son licenciement est dénué de toute cause réelle et sérieuse,

– la SA MODIS FRANCE n’a pas payé ses rémunérations dues, ni ses heures supplémentaires lors des périodes d’inter contrats,

– sa convention individuelle de forfait jours est entièrement privée d’effet,

– la SA MODIS FRANCE n’a pas respecté l’interdiction de travail dissimulé, ni le temps de pause légal obligatoire et a violé son obligation de loyauté,

‘ Condamner la SA MODIS FRANCE à lui payer les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal :

– 16.140 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 1.385,60 € à titre de rappel de salaire au titre de la rémunération impayée,

– 138,56 € au titre des congés payés afférents,

– 3.275,32 € au titre des heures supplémentaires non payées lors des périodes d’inter-contrat,

– 327,53 € au titre des congés payés afférents,

– 16.140 € à titre d’indemnité pour travail dissimulé,

– 5.380 € à titre de dommages-intérêts pour non-respect du temps de pause légal obligatoire,

– 16.140 € à titre de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de loyauté,

– 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens dont les frais d’exécution forcée de la décision à venir.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 7 janvier 2022.

Par application de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties à leurs dernières conclusions sus-visées.

***

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l’existence d’une convention de forfait

La société la SA MODIS FRANCE venant aux droits de la société EURO ENGINEERING fait valoir que Mme [T] n’était plus assujettie au forfait jour depuis le 1er septembre 2015.

Mme [T] rétorque que les dispositions légales et/ou conventionnelles n’ont pas été respectées par l’employeur en ce qu’elle n’a bénéficié d’aucun entretien professionnel sur sa charge de travail, qu’elle n’a pas bénéficié de la rémunération annuelle au moins égale et qu’elle n’a passé aucune visite médicale distincte afin de prévenir des éventuels risques sur sa santé physique et moral.

Selon les articles L.3121-39 et L.3121-40 du code du travail dans leur version applicable au litige, le recours au forfait en jours requiert, d’une part, la conclusion d’un accord de branche ou d’un accord d’entreprise, qui en précise les modalités et, d’autre part, la signature d’une convention individuelle avec le salarié matérialisant l’accord de ce dernier et mentionnant notamment le nombre de jours objet du forfait.

En l’espèce, il résulte des pièce produites et notamment du courrier du 28 juillet 2015 relatif au nouveau dispositif d’aménagement du temps de travail (pièce n° 10 de l’employeur) que Mme [T] n’était plus assujettie au forfait jour depuis le 1er septembre 2015. D’ailleurs, il sera observé que les bulletins de salaire de Mme [T] font apparaître une rémunération sur une base de 35 heures.

Par suite, Mme [T] n’est pas soumise à un forfait en jours.

Sur le rappel de salaire pour non-respect des minima conventionnels

Pour infirmation à ce titre, l’employeur soutient que l’article 4.4 de l’avenant du 1er avril 2014 à l’Accord du 22 juin 1999 rattaché à la Convention collective SYNTEC, sur lequel Mme [T] fonde sa demande, précise que seule une indemnité calculée en fonction du préjudice subi peut être demandée par le salarié et non pas un rappel de salaire. Il ajoute que Mme [T] est malvenue ‘de solliciter le paiement d’une telle somme, fondée sur des dispositions applicables au forfait jour, tout en contestant parallèlement la validité de sa convention de forfait jour’.

Pour confirmation, Mme [T] soutient que l’employeur n’a pas appliqué les dispositions relatives à la rémunération conventionnelle.

En l’espèce, compte tenu de l’absence de convention de forfait en jours applicable à Mme [T], il n’y a pas lieu de lui accorder une rémunération conventionnelle majorée. Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur les heures supplémentaires non payées en période d’inter contrat

Pour infirmation, la SA MODIS FRANCE venant aux droits de la société EURO ENGINEERING soutient que Mme [T] n’a accompli aucune heure non rémunérée et que les ordres de mission inter contrat dont elle se prévaut pour fonder sa demande d’heures supplémentaires sont établis uniquement pour acter l’absence de mission et la disponibilité du salarié.

Pour confirmation, Mme [T] fait valoir qu’elle a été placée en période d’inter-contrat une première fois à compter du 31 décembre 2015 jusqu’au 29 février 2016 et une seconde fois à compter du 1er avril 2016 jusqu’au 30 juin 2016 ; que ces inter contrats fixaient la durée du travail à 36 h 30 par semaine mais que les plages horaires de ses disponibilités étaient de 9 heures à 18 heures soit 45 heures semaine.

En application de l’article L.3171-4 du Code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

En l’espèce, Mme [T] réclame la somme de 3.275,32 € correspondant au montant des heures supplémentaires réalisées pour les périodes d’inter contrat du 31 décembre 2015 au 29 février 2016 et du 1er avril 2016 au 30 juin 2016 non rémunérées.

Elle produit à l’appui de ses prétentions ses deux ordres de mission – Inter contrat (pièce n°3) lesquels indiquent que :

– les ordres de mission inter-contrat s’effectuent à l’agence (case cochée) et non à domicile;

– la durée du travail est fixée à 36 h 30 par semaine

– les plages horaires de disponibilité pour le collaborateur en intermission sont de 9 heures à 18 heures.

Cet élément produit par Mme [T] est suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

L’employeur conteste la réalisation des heures supplémentaires alléguées sans toutefois produire aucun décompte des heures effectivement réalisées par Mme [T]. Il indique dans ses conclusions que les ‘plages horaires de disponibilité du collaborateur précisées sur les ordres de mission inter contrat ne sont rien d’autre que des amplitudes de travail, à l’intérieur desquelles le salarié organise son travail comme il l’entend’.

Les éléments produits par la salariée suffisent pour retenir que Mme [T] a effectué des heures supplémentaires dans la proportion alléguée.

Il y a lieu d’accueillir ses demandes au titre des heures supplémentaires et congés payés afférents à hauteur des sommes de 3.275,32 € et de 327,50 €. Le jugement est confirmé sur ce point.

Sur l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé :

Mme [T] revendique la somme de 16.140 € au titre de l’indemnité pour travail dissimulé en application de l’article L. 8223-5 du code du travail et soutient quelle a travaillé sans bénéficier de la rémunération correspondante.

L’article L.8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l’article L.8221-3 du même code relatif à la dissimulation d’activité ou exercé dans les conditions de l’article L.8221-5 du même code relatif à la dissimulation d’emploi salarié.

Aux termes de l’article L.8223-1 du code du travail, le salarié auquel l’employeur a recours dans les conditions de l’article L.8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L.8221-5 du même code relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Selon l’article L.8221-5 du même code en sa rédaction applicable au présent litige, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L.1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L.3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.

La pièce n°3 communiquée par Mme [T] établit en effet que l’employeur lui a imposé une mise à disposition pendant les périodes d’inter contrat de 9 heures à 18 heures.

Pour autant, le caractère intentionnel du travail dissimulé n’est pas caractérisé. En effet, s’il est avéré qu’un nombre limité d’heures supplémentaires effectuées par Mme [T] ne lui ont pas été réglées sur les périodes en cause, les circonstances rapportées ne déterminent pas une volonté particulière de la part de la SA MODIS FRANCE venant aux droits de la société EURO ENGINEERING, de mettre en place dans la durée une organisation frauduleuse du travail de Mme [T] en dissimulant partiellement son activité.

Il conviendra en conséquence de débouter Mme [T] de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé et d’infirmer le jugement de ce chef.

Sur le non respect du temps de pause légal

En application de l’article L 3121-16 du code du travail, aucun temps de travail quotidien ne peut atteindre six heures, sans que le salarié bénéficie d’un temps de pause d’une durée minimale de 20 minutes.

Mme [T] réclame la somme de 5.380 € arguant que ces temps de pause n’ont pas été respectés durant les inter contrats.

Elle ne verse cependant aux débats aucune pièce ou argumentation permettant d’étayer son préjudice. Elle sera donc déboutée de sa demande et le jugement infirmé de ce chef.

Sur le manquement à l’obligation de loyauté

En application de l’article L.1222-1 du code du travail, le contrat de travail est présumé exécuté de bonne foi, de sorte que la charge de la preuve de l’exécution de mauvaise foi du contrat incombe à celui qui l’invoque.

Mme [T] reproche notamment à l’employeur de ne pas avoir respecté la rémunération conventionnelle minimum, le paiement légal des heures supplémentaires, les dispositions conventionnelles concernant la convention de forfait jours et les temps de pauses.

Compte tenu des développements précédents relatifs à la rémunération conventionnelle minimum, à la convention de forfait jours et aux temps de pauses, l’employeur n’a pas manqué à son obligation d’exécution de bonne foi du contrat de travail.

S’agissant du paiement légal des heures supplémentaires, Mme [T] ne démontre nullement l’existence d’un autre préjudice que celui déjà indemnisé au titre du paiement des heures supplémentaires réalisées alloué plus haut.

Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu’il a accordé 3.000 € à Mme [T] au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail.

Sur la rupture du contrat de travail

Pour infirmation à ce titre, la SA MODIS FRANCE soutient que le licenciement de Mme [T] est fondé sur une cause réelle et sérieuse, motivé par le comportement de la salariée, laquelle a manqué à ses obligations contractuelles en évitant des missions, en adoptant une attitude démotivée et par la baisse de la qualité de son travail.

Pour confirmation de l’absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement, Mme [T] conteste les griefs évoqués dans la lettre de licenciement. Elle explique que les motifs invoqués par l’employeur ne sont pas sérieux qu’ils ne correspondent pas à la réalité et sont inopérants, soutenant qu’elle a toujours été sérieuse et professionnelle dans l’exercice de ses fonctions.

Par application de l’article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

Ainsi l’administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties, l’employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

Par ailleurs, les juges qui constatent que l’employeur s’est placé sur le terrain disciplinaire, doivent examiner l’ensemble des motifs mentionnés dans la lettre de licenciement et doivent dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse s’ils retiennent qu’aucun d’entre eux, dont certains relèvent de l’insuffisance professionnelle, ne présente de caractère fautif, ni ne résulte d’une mauvaise volonté délibérée du salarié.

En l’espèce, la lettre de licenciement datée du 7 juin 2016 (pièce n°5 de la salariée), qui fixe les termes du litige, est ainsi motivée :

‘Nous faisons suite à l’entretien préalable qui s’est tenu le 30 mai 2016 en présence de Monsieur [H] [K] représentant du personnel.

Les explications que vous nous avez fournies lors de cet entretien, en réponse aux griefs qui vous ont été exposés, ne nous permettent cependant pas de modifier notre appréciation des faits reprochés.

Par la présente, nous vous notifions ainsi votre licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Cette décision trouve sa motivation en les faits suivants :

Vous avez été embauchée le 8 janvier 2014 en qualité d’Acheteur, fonction que vous exercez actuellement au sein de notre agence de Nantes.

A l’issue de votre dernière mission au sein de la Société, depuis le 4 janvier 2016, vous êtes en inter-contrat à l’agence.

Nous sommes au regret de constater que depuis, vous faîtes preuve d’un manque évident de motivation perturbant ainsi le bon fonctionnement de notre entreprise.

A titre d’exemple, en février 2016, vous avez été contactée par Monsieur [S] [Y] Responsable d’Activités pour une mission en tant qu’Acheteur, située à Paris. Cette mission correspondait en tous points à vos compétences. Un ordre de mission vous a été transmis reprenant toutes les informations utiles relatives à cette mission.

Vous nous avez indiqué vouloir refuser de signer cet ordre de mission en l’état en nous précisant que ‘vous exigiez de revoir les conditions pour cette prestation à Paris et vous n’acceptez pas les conditions actuelles’.

Il aura fallu attendre une semaine et des échanges de mails stériles concernant le montant des frais professionnels pour que vous daigniez accepter cette mission. Dans cette attente, notre client, la Société AREVA s’est rétractée et a décidé de ne pas faire exécuter cette prestation par notre société.

Votre comportement concernant cette prestation qui était en parfaite adéquation avec votre fonction et vos compétences et dont les conditions financières étaient conformes au barème ACOSS et à la Politique de notre société a mis en péril nos relations commerciales avec la Société AREVA et causé un important préjudice financier à notre Société.

Le 22 mars 2016, votre Responsable Hiérarchique, Monsieur [I] [C], Responsable d’Activités, vous a informé d’une éventuelle mission en tant qu’Acheteur Production pour une durée de 1 à 3 mois, au sein de la Société BIO Habitat. Afin de pouvoir présenter votre candidature à notre client, Monsieur [I] [C] vous a demandé de mettre à jour votre dossier de compétences.

Là encore, il faudra attendre plus de 24 heures, pour que vous le complétiez de manière exhaustive et ce, après plusieurs allers retours avec Monsieur [I] [C] alors que vous êtes en inter-contrat à l’agence et que vous ne vous êtes investie sur aucun projet interne. Vous disposiez donc de tout le temps nécessaire pour que cette mise à jour soit faite rapidement et ce, de manière complète.

Vous n’êtes pas censé ignorer que la réactivité est essentielle dans notre métier. Au regard de votre formation initiale, nous ne pouvons accepter un tel manque de qualité de votre travail et d’implication.

Nous attendons de la part de nos collaborateurs qu’ils aient un esprit entrepreneurial et soient force de proposition. Force est de constater que cela n’est pas le cas et que vous vous complaisez dans votre situation d’inter-contrat. Vous n’êtes pas sans savoir que notre image repose aussi sur le savoir être de nos collaborateurs. En choisissant d’adopter un comportement professionnel inappropriée, vous nuisez à notre image de marque auprès de nos clients. Nous ne pouvons l’accepter, au surplus dans un environnement concurrentiel difficile que vous ne pouvez ignorer.

En conséquence, nous sommes contraints de vous signifier votre licenciement pour cause réelle et sérieuse’.

A l’appui des faits ainsi développés, l’employeur a essentiellement versé aux débats :

– le courriel du directeur Régional Grand Ouest du cabinet de recrutement de BADENOCH & Clark, M. [F] , en date du 30 mars 2016 (pièce n°3), indiquant: ‘bon , fin de l’histoire : [X] souhaite 38 K€ de fixe mini pour couvrir ses frais de trajet quotidien vers Champtocé. L’entreprise ne propose pas plus de 35 K€ grand max …. Certes avec 3 K € en plus d variable, mais çà ne suffit pas pour [X]. Désolé, on aura essayé !’ ;

– les 6 échanges de courriels entre la salariée et M. [C], responsable d’activités d’Euro Engineering, en date du 22 et 23 mars 2016 (pièce n°5), par lesquels M. [C] demande à Mme [T] d’adapter son CV, de le compléter, de le modifier et de ne ‘pas à hésiter à passer me voir dans mon bureau pour le retravailler ensemble’ afin de le transmettre à un client dépendant d’une filiale de BENETEAU.

En outre, la SA MODIS FRANCE venant aux droits de la société EURO ENGINEERING, qui a pourtant la charge de la preuve, s’appuie sur les pièces adverses produites par Mme [T], notamment :

– 3 échanges de courriels entre M. [C]et Mme [T] (pièce n°7 de la salariée):

* M. [C] le 1er mars 2016 à 16: 56 : ‘[X], Suite à notre échange d’hier pour la mission à AREVA, je te confirme que le montant des frais proposés (65.30 € sur les 3 premiers mois puis 55.10 € les mois suivants) sur l’ordre de mission resteront inchangés. Ils correspondent au barème URSSAF. Merci de me confirmer par mail ton souhait ou ton refus pour la réalisation de cette mission dans ces conditions’.

* Mme [T] le 3 mars 2016 à 11:41 : ‘Je dois m’organiser pour Paris au niveau personnel’

* M. [C] le 3 mars 2016 à 15:33 : ‘[X], Tu trouveras l’ODM en PJ. Les indemnités sont déjà spécifiées avec les dates. Concernant le transport en commun à Paris, nous prendrons en charge 100% du coût pour cette période (spécifié sur ODM). Cependant tes transports en commun nantais ne seront plus remboursés (50%). Merci de nous renvoyer l’ODM signé avant 17 h. Le client attend notre retour’.

Il résulte de ces pièces qu’il ne peut être reproché un manque de réactivité de Mme [T] dès lorsqu’il s’agit d’échanges sur l’organisation de la mission, d’autant plus que Mme [T] produit le courriel du 3 mars 2016 à 16:9 par lequel elle accepte la mission et l’ordre de mission signé (pièce n°8) .

La cour observe que contrairement à ce que soutient M. [P], Directeur d’agence Nantes/Rennes de EURO ENGINEERING qui lui reproche son manque de réactivité dans la perte de la mission AREVA à Paris (pièce n°9 de la salariée), le manque de réactivité n’est pas imputable à Mme [T].

Il résulte ainsi de l’analyse de l’ensemble des pièces produites que les faits visés par la SA MODIS FRANCE venant aux droits de la société EURO ENGINEERING pour justifier le licenciement de Mme [T] ne sont pas suffisamment établis. Le licenciement est dès lors dépourvu de cause réelle et sérieuse, le jugement entrepris devant être confirmé à ce titre.

Par application de l’article L.1235-3 du code du travail selon sa rédaction applicable à la date de rupture du contrat de travail, si un licenciement intervient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse et qu’il n’y a pas réintégration du salarié dans l’entreprise, il est octroyé à celui-ci, à la charge de l’employeur, une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Ces dispositions sont applicables en raison de l’ancienneté de Mme [T] supérieure à deux ans et de l’effectif de la société supérieur à dix salariés.

Agée de 37 ans à la date du licenciement, Mme [T] fait observer qu’elle s’était beaucoup investie dans ce poste et n’a pas retrouvé un nouvel emploi stable.

Compte tenu d’un salaire brut cumulé de 16.140 € sur les six derniers mois, de la perte d’une ancienneté de 2 ans et 5 mois ainsi que des conséquences morales et financières de la rupture du contrat intervenue dans les circonstances rapportées, il conviendra de confirmer le jugement en ce que celui-ci a alloué à Mme [T] une somme de 16.140€ net à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En outre, par application combinée des articles L.1235-3 et L.1235-4 du code du travail, lorsque le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

Sur ce fondement, il y a lieu de condamner la SA MODIS FRANCE venant aux droits de la société EURO ENGINEERING, dans la limite de six mois d’indemnités, à rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage à compter du jour de la rupture du contrat de travail. Le jugement entrepris sera donc seulement réformé en ce qu’il a limité ce remboursement à trois mois d’indemnités.

Sur les frais irrépétibles

Les éléments de la cause et la situation économique respective des parties justifient qu’il soit fait application de l’article 700 du code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif ; la SA MODIS FRANCE venant aux droits de la société EURO ENGINEERING, qui succombe en appel, doit être déboutée de la demande formulée à ce titre et condamnée à indemniser l’intimée des frais irrépétibles qu’elle a pu exposer pour assurer sa défense.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,

INFIRME partiellement le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

DIT que Mme [X] [T] n’est pas soumise à une convention de forfait jours ;

DÉBOUTE Mme [X] [T] de ses demandes de rappel de salaire pour non-respect des minima conventionnels, de dommages-intérêts pour non respect du temps de pause, de dommages-intérêts pour travail dissimulé et de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de loyauté ;

CONDAMNE la SA MODIS FRANCE venant aux droits de la société EURO ENGINEERING à rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées le cas échéant à Mme [X] [T], dans la limite de six mois d’indemnités;

Et y ajoutant,

CONDAMNE la SA MODIS FRANCE venant aux droits de la société EURO ENGINEERING à payer à Mme [X] [T] la somme de 2.800 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE la SA MODIS FRANCE venant aux droits de la société EURO ENGINEERING de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SA MODIS FRANCE venant aux droits de la société EURO ENGINEERING aux dépens d’appel.

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT.

 


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