COUR D’APPEL DE BORDEAUX
CHAMBRE SOCIALE – SECTION A
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ARRÊT DU : 25 MAI 2022
PRUD’HOMMES
N° RG 19/02282 – N° Portalis DBVJ-V-B7D-K7RS
Monsieur [B] [H]
c/
SAS CS GROUP-FRANCE anciennement dénommée SA CS SYSTÈMES
D’INFORMATIONS (CS SI)
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
à :
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 28 mars 2019 (RG n° F 15/00773) par le conseil de prud’hommes – formation de départage de BORDEAUX, section Encadrement, suivant déclaration d’appel du 23 avril 2019,
APPELANT :
Monsieur [B] [H], né le 1er janvier 1972 à SIDI KACEM (MAROC),
de nationalité française, profession ingénieur, demeurant [Adresse 1],
représenté et assisté de Maître Nadia BOUCHAMA, avocate au barreau de BORDEAUX,
INTIMÉE :
SAS CS Group-France anciennement dénommée SA CS Systèmes d’Informations (CS SI), siret n° 393 135 298, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège social, [Adresse 2]
représentée par Maître Agathe de GROMARD, avocate au barreau de BORDEAUX,
assistée de Maître Olga OBERSON, avocate au barreau de PARIS,
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 mars 2022 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Rouaud-Folliard présidente chargée d’instruire l’affaire, et Madame Sylvie Hylaire, présidente,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente
Madame Sylvie Hylaire, présidente
Monsieur Rémi Figerou, conseiller
Greffière lors des débats : Anne-Marie Lacour-Rivière,
ARRÊT :
– contradictoire,
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
Par contrat de travail à durée indéterminée du 29 août 2000, et à compter du 2 janvier 2001, Monsieur [B] [H], né le 1er janvier 1972, a été engagé en qualité de d’ingénieur cadre, position 2-1, coefficient 115, par la SAS CS Système d’Information (CS-SI), désormais SAS CS Group-France, société de prestations de services en informatique, exerçant son activité sur tout le territoire national, sous différents modes contractuels.
La majorité de ses salariés sont des ingénieurs, affectés à des missions en interne ou chez les clients.
Les relations contractuelles entre les parties sont soumises à la convention collective nationale Syntec.
A compter de l’année 2006, M. [H] a été titulaire de différents mandats de représentation du personnel.
Au 1er janvier 2007, il a été promu à la classification cadre 2-2, coefficient 130, qu’il conserve à ce jour.
Au 1er décembre 2020, le salaire de base mensuel de M. [H] s’élévait à la somme de 2.924,76 euros.
A compter de l’année 2019, le dernier mandat interne à l’entreprise a pris fin mais M. [H] a continué à disposer de mandats extérieurs, à savoir conseiller prud’homal, selon désignation du 24 juillet 2017, et président du conseil d’administration de l’Apec Nouvelle Aquitaine depuis mars 2018.
Réclamant sa reclassification, différents rappels de salaires outre divers dommages et intérêts pour discrimination syndicale et exécution déloyale du contrat de travail, M. [H] a saisi le conseil de prud’hommes de Bordeaux le 3 avril 2015 lequel, par jugement rendu en formation de départage le 28 mars 2019, l’a débouté de l’ensemble de ses demandes, a débouté la société CS SI de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et a condamné M. [H] aux entiers dépens.
Par déclaration du 23 avril 2019, M. [H] a relevé appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 9 février 2022 en réponse à des écritures adressées la veille par la société, M. [H] demande à la cour de réformer la décision du conseil de prud’hommes et, statuant à nouveau, de :
A titre principal :
– ordonner sa reclassification à la position 3.2, coefficient 210 de la convention collective Syntec,
– condamner la société CS Group-France à lui verser les sommes suivantes :
* 263.496,10 euros brut à titre de rappel de salaire sur reclassification, outre 26.349,61 euros brut au titre des congés payés afférents, sur la période d’avril 2010 à mai 2022 (date prévisible du délibéré, et à parfaire au jour du délibéré),
* 6.591,77 euros brut à titre de rappel d’heures de délégation pour l’année 2012, outre 659,17 euros brut au titre des congés payés afférents,
* 711,97 euros brut à titre de rappel d’heures de délégation pour l’année 2013, outre 71,19 euros brut au titre des congés payés afférents,
* 44.930,33 euros net à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier résultant de la discrimination,
A titre subsidiaire :
– ordonner sa reclassification à la position 3.1, coefficient 170 de la convention collective Syntec,
– condamner la société CS Group-France à lui verser les sommes suivantes :
* 128.312,12 euros brut à titre de rappel de salaire, outre 12.831,21 euros brut au titre des congés payés afférents entre les mois d’avril 2010 et mai 2022 (date prévisible du délibéré, et à parfaire au jour du délibéré),
* 5.336,20 euros brut à titre de rappel d’heures de délégation pour l’année 2012, outre 533,62 euros brut au titre des congés payés afférents,
* 576,36 euros brut à titre de rappel d’heures de délégation pour l’année 2013, outre 576,36 euros brut au titre des congés payés afférents,
* 22.565,82 euros net à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier résultant de la discrimination à raison de la reclassification sur la position 3.1,
A titre infiniment subsidiaire, en l’absence de reclassification :
– condamner la société CS Group-France à lui verser les sommes suivantes à titre de rappel de salaire à hauteur du plafond annuel de sécurité sociale :
* 372 euros brut pour l’année 2014, outre 37,20 euros brut au titre des congés payés afférents,
* 475 euros brut pour l’année 2015, outre 47,50 euros brut au titre des congés payés afférents,
– condamner la société CS Group-France à lui verser les sommes suivantes à titre de rappel d’heures de délégation :
* pour l’année 2012, 3.876,53 euros outre 387,65 euros au titre des congés payés afférents,
* pour l’année 2013, 416,89 euros outre 41,68 euros au titre des congés payés afférents,
En tout état de cause :
– condamner la société CS Group-France à lui verser les sommes suivantes :
* 1.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice afférent au retard de paiement de salaire,
* 30.000 euros à titre de réparation du préjudice moral résultant de la discrimination syndicale,
* 30.000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail sur le fondement de l’article L. 1221-1 du code du travail,
* 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société CS Group-France à lui remettre ses bulletins de salaire dûment rectifiés et conformes à la reclassification ordonnée et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l’expiration du délai d’un mois suivant la notification de la décision à intervenir,
– débouter la société CS Group-France de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– la condamner aux entiers dépens.
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L’ordonnance de clôture est intervenue le 10 février 2022.
A l’audience tenue le 14 mars 2022, avant l’ouverture des débats, à la demande de la société, et en accord avec la partie adverse, l’ordonnance de clôture a été révoquée et la procédure a été de nouveau clôturée.
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Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 18 février 2022, la société CS Group-France, anciennement dénommée CS SI, demande à la cour de’:
– ordonner le report de la clôture,
– confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a débouté M. [H] de l’ensemble de ses demandes,
En toute hypothèse de :
– débouter M. [H] de l’intégralité de ses prétentions,
– condamner M. [H] à payer à la société CS Group-France, anciennement dénommée CS SI, la somme de 7.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
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Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile ainsi qu’au jugement déféré.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la révocation de l’ordonnance de clôture
Le dernier échange des conclusions des parties a eu lieu le 9 février 2022 en ce qui concerne M. [H], et le 18 février 2022, en ce qui concerne la société CS Group-France, anciennement dénommée CS SI.
Afin de permettre le respect du contradictoire et la prise en compte des dernières conclusions échangées, il apparaît nécessaire de révoquer l’ordonnance de clôture, et de déclarer l’instruction close au jour de l’audience, le 14 mars 2022, avant l’ouverture
des débats, conformément à l’accord exprimé par les parties à l’audience.
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Sur la demande de reclassification
En vertu de l’article 39 de la convention collective Syntec, ‘Les classifications des ingénieurs et cadres figurent en annexe II. La classification des cadres sera effectuée en tenant compte des responsabilités assumées et des connaissances mises en application. ….a) la fonction remplie par l’ingénieur ou cadre est seule prise en considération pour son classement dans les emplois prévus par la classification en cause. b) L’ingénieur ou cadre dont les fonctions relèvent de façon continue de diverses catégories est considéré comme appartenant à la catégorie la plus élevée parmi celles-ci.’
Au vu de l’annexe II relative à la classification des ingénieurs et cadres, la position 2.1 coefficient 115 à laquelle M. [H] a été recruté correspond aux ‘ingénieurs ou cadres
ayant au moins 2 ans de pratique de la profession, qualités intellectuelles et humaines leur permettant de se mettre rapidemment au courant des travaux d’études. Coordonnent éventuellement les travaux de techniciens, agents de maîtrise, dessinateurs ou employés, travaillant aux mêmes tâches qu’eux dans les corps d’état étudiés par le bureau d’études…âgés de 26 ans au moins.’
La position 2.2 coefficient 130 à laquelle il a accédé à compter du 1er janvier 2007 s’applique aux ingénieurs ou cadres qui ‘remplissent les conditions de la position 2.1 et, en outre, partant d’instructions précises de leur supérieur, doivent prendre des initiatives et assumer des responsabilités que nécessite la réalisation de ces instructions; étudient des projets courants et peuvent participer à leur exécution. Ingénieurs d’études ou de recherche, mais sans fonction de commandement.’
La position immédiatement supérieure est la position 2.3 coefficient 150 mais elle n’est pas revendiquée par M. [H].
Ce dernier demande, à titre principal, à être reclassé à la position 3 et, à l’intérieur de celle-ci, à la position 3.2 coefficient 210 concernant les ‘ingénieurs ou cadres ayant à prendre, dans l’accomplissement de leurs fonctions, les initiatives et les responsabilités qui en découlent, en suscitant, orientant et contrôlant le travail de leurs subordonnés. Cette position implique un commandement sur des collaborateurs et cadres de toute nature.’
Ce n’est qu’à titre subsidiaire qu’il demande son reclassement à la position 3.1 coefficient 170 s’appliquant aux ‘ingénieurs ou cadres placés généralement sous les ordres d’un chef de service et qui exercent des fonctions dans lesquelles ils mettent en oeuvre non seulement des connaissances équivalant à celles sanctionnées par un diplôme, mais aussi des connaissances pratiques étendues sans assurer, toutefois, dans leurs fonctions, une responsabilité complète et permanente qui revient en fait à leur chef.’
La détermination de la classification du salarié est appréciée en considération des fonctions réellement exercées et la charge de la preuve incombe à celui qui élève la contestation.
Les fonctions réellement exercées s’entendent de celles que le salarié exerce de façon habituelle et continue.
Il convient donc d’examiner les demandes de M. [H] au regard de ces principes.
A l’appui de ses prétentions, il se prévaut du curriculum vitae validé par son employeur, sur lequel ne figure aucune date précise, récapitulant notamment ses expériences professionnelles, et faisant apparaître la dénomination ‘Chef de projet’ à compter d’une mission Pages Jaunes effectuée du 01/2007 au 01/2010. La même dénomination apparaît sur la mission suivante, effectuée du 01/2012 au 10/2012, chez Orange, puis sur une mission Smurfit Skcdp, effectuée du 01/2013 ‘à ce jour’.
Toutefois, l’employeur relève à juste titre que l’appellation Chef de projet n’est pas liée à une classification précise dans la convention Syntec et peut recouvrir différents niveaux de responsabilité.
M. [H] se prévaut également des tâches qui lui étaient confiées sur la base des demandes des clients. La liste de ces tâches, telle qu’elle figure sur le curriculum vitae ‘Ingénieur d’études Métier’ ou ‘chef de projet’, dont seul le titre diffère, ne fait apparaître aucun contrôle sur le travail de subordonnés ni aucun commandement sur des collaborateurs et cadres.
Ainsi, pour la mission ‘Pages Jaunes, chef de projet MOA DSI DRDE ‘référentiels géographiques’, selon les énonciations du curriculum vitae de M. [H], les activités de celui-ci consistaient en des fonctions de prise en compte des besoins des clients,
élaboration des analyses d’impact et des cahiers des charges, suivi de la réalisation de la MOE, suivi de la documentation, prise en charge des demandes d’expertise, réalisation et pilotage des campagnes de recettes, conduite du changement, activité de reporting, définition du périmètre de recette, des cas de tests, la rédaction du protocole de recettes, assistance auprès des utilisateurs ce qui correspond effectivement à un travail technique, mis en oeuvre dans le cadre des instructions reçues dans la définition de la mission, convenue entre l’employeur et le client, impliquant des initiatives et des responsabilités pour leur réalisation et pouvant inclure l’étude de projets courants.
La définition de la mission résulte en effet résulte des échanges entre l’employeur et le client. Au vu des pièces produites, la mission consistait en ‘prise en compte des besoins auprès du client, élaboration des analyses d’impacts et des cahiers des charges, suivi de la réalisation de la MOE, suivi de la documentation, prise en charge des demandes d’expertises, réalisation et pilotage des campagnes de recettes, conduite du changement, activité de reporting, définition du périmètre de recette, des cas de tests, la rédaction du protocole de recette, assistance auprès des utilisateurs.’
Il s’agissait d’une prestation d’assistance technique, pour laquelle la société CS-SI a proposé, au mois de décembre 2006, un Senior Analyst, en la personne de M. [H], puis, pour un renouvellement de la mission d’assistance, au mois de septembre 2008, puis au mois de septembre 2009, de nouveau M. [H], présenté comme possédant l’expérience et les compétences requises pour mener à bien la prestation, nécessitant les compétences d’un ‘chef de projet AMOA’. Ces compétences étaient explicitées comme étant les suivantes :’Expérience technique et fonctionnelle, consultant expérimenté, ayant déjà évolué dans des environnements de MOA, bon dégré d’autonomie et d’adaptation, la connaissance du métier annuaire et du monde des opérateurs de télécom serait un plus, compétences gros systèmes IBM, TSO, SPUFI, DB2, CICS, SQL, …, connaissance de méthodes d’analyses, connaissance BO, bon relationnel et rédactionnel. ‘Il n’est toutefois pas indiqué que M. [H] aurait la responsabilité du projet, étant observé que l’interlocuteur CS-SI était une autre personne et que le chef de projet MOA Référentiels était un salarié Pages Jaunes.
Les supports d’entretien 2007 et 2008 notent le souhait de M. [H] d’évoluer dans la grille Syntec, un développement de sa compétence de chef de projet, une montée en compétence réussie pour la gestion de projet, une montée en compétence à effectuer pour la rédaction de cahier des charges, mais le caractère technique des projets
confiés et menés à bien ne signifie pas la responsabilité complète d’un projet, un commandement ou un encadrement requis ou exercé.
Les nombreux échanges de mails, produits par M. [H] à la pièce 64, démontrent qu’il a certes travaillé en collaboration avec différents salariés Pages Jaunes mais pour autant, n’apparaît aucun contrôle exercé sur des collaborateurs, ni aucun commandement sur ceux-ci ou des cadres. D’ailleurs, des salariés de Pages Jaunes formulaient aussi des demandes auprès de M. [H], dans le cadre de ces échanges de travail. De même les mails produits en pièce 29-2 révèlent essentiellement la gestion de contingences techniques.
En ce qui concerne la mission ‘Orange, Chef de projet Palier en charge de la QPM sur le projet Alfa’, selon les énonciations du curriculum vitae de M. [H], il apparaît que le profil recherché, selon la fiche de poste Orange était’responsable qualification palier ALFA’, que ‘La mission est de suivre la qualification du palier’, que le chef de projet Alfa est M. [G] (salarié Orange) et que si diverses compétences techniques sont demandées, il est également souligné la nécessité de savoir organiser et piloter une activité, d’avoir un très bon charisme, un sens relationnel, en environnement transverse,
sans lien hiérarchique, une autonomie, une capacité à gérer les imprévus, à savoir travailler de façon autonome et indépendante, au sein des services du client, en sachant s’y intégrer, sans pour autant qu’apparaissent ici encore les notions d’un contrôle exercé sur des collaborateurs, ou un commandement sur ceux-ci ou des cadres ou une équipe à diriger. Certes, le profil recherché était ‘Profil 6 ou 7″‘ mais cette classification France Telecom n’a pas d’incidence sur l’appréciation des critères de la classification Syntec ni sur celle des fonctions réellement exercées. A cet égard, si M. [H] a remplacé M. [G], c’était uniquement de façon ponctuelle, durant des congés. Il convient en outre d’observer, à la lecture du cahier des charges, que pour trois rubriques de compétences requises, le niveau était celui de compétences de base et que pour la rubrique énonçant des compétences de niveau ‘maîtrise avancée’, le niveau de maîtrise était décrit comme devant permettre d’être autonome et performant, à l’exclusion d’une notion de contrôle ou d’encadrement exercé sur autrui et notamment d’autres cadres.
Ici encore, les échanges de mails, produits par M. [H] à la pièce 63, démontrent qu’il a certes travaillé en collaboration avec différents salariés Orange mais pour autant, n’apparaît aucun contrôle exercé sur des collaborateurs, ni aucun commandement sur ceux-ci ou des cadres.
En ce qui concerne la mission Smurfit Skcdp, Chef de projet MOA ‘gestion de l’optimisation des coupes’ selon les énonciations du curriculum vitae de M. [H], la mission consistait en une ‘étude de l’existant: mise en place et animation de réunions, rédaction des compte-rendus de réunion; rédaction de la proposition de chiffrage de la solution proposée.’
L’ordre de mission indique qu’il s’agit d’une assistance technique, et celle-ci, au vu du bilan de mission, s’est déroulée du 7 janvier 2013 au 22 février 2013. M. [H] a accompli la prestation attendue et le client en a été satisfait. Son intervention a notamment permis de maintenir la présence chez Smurfit d’un autre salarié de CS-SI au moins jusqu’en juin 2013, selon le bilan de mission. Toutefois, le descriptif de la mission est tout à fait conforme à la position 2.2 sans que M. [H] justifie par d’autres pièces qu’il aurait exercé des fonctions correspondant à la classification 3.2. et notamment un encadrement, un commandement ou un management d’équipe.
Il résulte d’ailleurs du tableau de répartition des effectifs Sud-Ouest de CS SI au 24 septembre 2013 puis au 31 janvier 2015 qu’en ce qui concerne l’établissement de [Localité 3] auquel est rattaché M. [H], la plupart des cadres appartenaient à la catégorie 2.1 ou 2.2, et qu’un seul cadre appartenait à la catégorie 3.1 de même qu’un seul cadre appartenait à la catégorie 3.2, à savoir, selon les conclusions de l’employeur, non contredites sur ce point par l’appelant, M. [X], directeur d’Unité opérationnelle, à savoir responsable d’une unité, de son budget et de son équipe, avec notamment, conception des offres commerciales et gestion budgétaire. Or M. [H] faisait partie de cette équipe mais ne produit aucun preuve de ce qu’il aurait exercé de façon continue des reponsabilités équivalentes à celles définies par la fiche de poste d’un directeur d’unité opérationnelle.
De même, en ce qui concerne les missions chez les clients, M. [H] n’établit auucunement qu’il aurait été placé à la tête d’équipe projets ou aurait exercé une mission de commandement sur des collaborateurs ou d’autres cadres. A cet égard, il y a lieu de relever qu’il ne produit aucune attestation susceptible de décrire l’exercice des responsabilités qu’il revendique.
Lors de l’entretien annuel 2015, il a de nouveau fait valoir que ‘suite aux différentes missions et à mon profil (activités de gestion de projet, d’IRPs …etc), j’aspire à être reconnu comme manager.’
L’expression de cette aspiration ne permet toutefois pas d’établir concrètement que M. [H] réunit les critères de la classification 3.2. Il y a d’observer d’ailleurs que si M. [H] s’explique sur l’expérience qu’il estime avoir acquise à l’occasion de ses missions ou formations, il ne fournit aucune indication en ce qui concerne celle acquise au titre de ses mandats et le lien avec la clasification revendiquée.
En outre M. [H] a refusé un bilan de compétence qui aurait pu constituer un élément d’appréciation, estimant que ce bilan n’était pas nécessaire au vu de son expérience et de sa formation.
Ainsi, après vérification, au vu des pièces produites et de la grille de classification Syntec, des responsabilités effectivement et concrètement assumées par M. [H], non de façon ponctuelle mais à titre habituel et continu, sans que les compétences théoriques énoncées dans la demande du client puissent avoir une incidence à cet égard, il apparaît que l’appelant échoue à démontrer qu’il assumait d’autres fonctions que celles correspondant à la classification à laquelle il a accédé le 1er janvier 2007, date à compter de laquelle la dénomination ‘chef de projet’ figure sur son curriculum vitae.
Dans ces conditions, le jugement de départage rendu le 28 mars 2019 sera confirmé en ce qu’il a débouté M. [H] de sa demande de reclassification à la position 3.2 et de ses demandes subséquentes en rappel de salaire ainsi qu’en communication des bulletins de salaire rectifiés.
En l’absence de reclassification à la position 3.2, M. [H] sera également débouté de la demande de dommages et intérêts qu’il rattache, devant la cour, à la demande principale, à hauteur de 44.930,33 euros net, en raison du préjudice financier résultant de la discrimination, ce qui est une modification de la demande présentée en première instance. Dans la mesure où toute la démonstration de M. [H] est fondée sur les fonctions par lui exercées dans le cadre de ses missions, le débouté de la demande de reclassification implique en effet l’absence de discrimination dans la classification.
*
En ce qui concerne la demande nouvelle et subsidiaire en reclassification à la position 3.1, il apparaît que le critère principal d’appréciation réside dans les connaissances du salarié et celles qu’il a acquises, et que jusqu’à la formulation de cette demande, ce n’est pas le point sur lequel M. [H] avait particulièrement insisté, privilégiant l’aspect management.
En ce qui concerne la mise en oeuvre de connaissances équivalant à celles sanctionnées par un diplôme, M. [H], à qui incombe toujours la charge de la preuve, ne donne pas d’indication particulière, énonçant simplement, conformément à son curriculum vitae, les diplômes par lui obtenus (baccalauréat série B économie, Maîtrise Sciences Politiques-maîtrise en administration économique et sociale, Euromaster Chef de projet en ingénierie des NTIC : Aquitcom).
En ce qui concerne les ‘connaissances pratiques étendues sans assurer, toutefois, dans leurs fonctions, une responsabilité complète et permanente qui revient en fait à leur chef’, M. [H] fait de nouveau valoir son expertise en tant que chef de projet, au regard de son expérience professionnelle, ainsi que diverses formations octroyées par l’employeur.
Si M. [H] peut se prévaloir d’une certaine ancienneté dans l’entreprise, il n’en demeure pas moins que le caractère étendu de ses connaissances pratiques ne résulte pas du dossier.
Il apparaît au contraire que M. [H] a travaillé sur des thèmes précis relevant de sa compétence technique sans faire la preuve de connaissances pratiques étendues.
Une mission dite GLOE a été confiée à M. [H], pour laquelle il n’a pas donné satisfaction et a dû être remplacé. Au vu du rapport à ce sujet du directeur de projet, daté du 12 octobre 2015, le travail demandé n’aurait pas été compris, des erreurs auraient été commises, des éléments manquaient et des aspects techniques étaient mal maîtrisés. M. [H], qui n’a pas pris part au bilan de sortie de projet, auquel il avait toutefois été convié, a reproché au directeur de projet de ne pas lui avoir envoyé ses remarques ‘au fil de l’eau plutôt que d’attendre de me sortir du projet pour les faire…Ainsi vous auriez pu contribuer à la pérennisation de mon affectation sur le projet. Au lieu de cela vous avez mis fin à ma mission de manière arbitraire ‘.
Il n’en demeure pas moins que M. [H] n’a pas démontré ses connaissances pratiques étendues à l’occasion de cette mission alors que celles-ci, si elles avaient existé, auraient dû lui permettre de travailler de façon autonome.
De même, une mission CS Canada de la BU Aéronautique a été confiée à M. [H], initialement prévue pour 48 jours, écourtée à 10 jours, au motif de l’insatisfaction du client, considérant avoir dû faire un investissement de tutorat, avec un résultat décevant. Certes, dans le bilan de mission, M. [H] soutient que pour être productif, il aurait dû recevoir une formation lourde aux métiers de l’aéronautique, ce que l’employeur conteste, indiquant qu’il s’agissait toujours d’informatique mais dans le secteur de l’aéronautique au lieu d’être celui de la communication. En toute hypothèse, cette mission ne permet pas de confirmer d’éventuelles connaissances théoriques ou pratiques étendues.
Enfin, les formations reçues ou dispensées par M. [H], que celui-ci indique être en lien avec le management, ou avec des méthodes de gestion de projet, ne sont pas de nature à caractériser des connaissances étendues au sens de la position 3.1, laquelle n’inclut pas de notion de commandement. Le fait que M. [H], après avoir été formé à ces méthodes, ait lui-même dispensé des formations à des personnes bénéficiant d’une position et d’un coefficient supérieur aux siens ne permet pas davantage d’établir ces connaissances étendues au sens de la position 3.1.
En définitive, M. [H], au titre des missions confiées par l’employeur telles qu’elles apparaissent sur son curriculum vitae, en complément des diplômes obtenus, ne démontre pas réunir les critères de classification à la position 3.1 et sera débouté de sa demande sur ce point et de ses demandes subséquentes en différents rappels et dommages et intérêts, pour la même raison que ci-dessus, tenant à l’absence de discrimination au titre de la classification, ainsi qu’en communication des bulletins de salaire rectifiés.
Sur les demandes de rappel de salaire au titre du Pass
Cette demande est présentée à titre infiniment subsidiaire, en l’absence de reclassification.
Ainsi que l’indique l’employeur, la perception d’un salaire au moins égal au Pass est une condition d’éligibilité à la modalité 2 du temps de travail, prévue par l’accord du 22 juin 1999, mais n’impose aucunement une indexation du salaire sur ce plafond. Celle-ci serait d’ailleurs illicite en application de l’article L. 112-2 du code monétaire et financier.
En conséquence, M. [H] est mal fondé à solliciter un rappel au motif qu’il aurait perçu une rémunération inférieure au Pass pour les années 2014 et 2015 et le jugement du conseil de prud’hommes sera confirmé, par substitution de motifs, en ce qu’il a débouté M. [H] de cette demande.
Sur les demandes au titre des heures de délégation
M. [H] sollicite à ce titre, au titre des années 2012 et 2013, un rappel d’heures de délégation non payées, d’un montant variable selon la décision sur la classification, et en l’absence de reclassification, c’est donc la demande présentée à titre infiniment subsidiaire sur laquelle il sera statué.
L’appelant indique en justifier par ses rapports d’activité et ses bulletins de paie.
L’employeur indique quant à lui que M. [H], depuis le début de ses mandats comme en 2012 et 2013, a reçu paiement du temps passé en heures de délégation comme du temps de travail, sans distinction sur les bulletins de salaire, lesquels ne comportent aucune retenue, et qu’il a utilisé ses heures de délégation librement, pendant les journées en mission comme en inter-contrat, sans prolongation de la durée de travail au-delà de celle prévue pour les salariés en modalité 2 soit 35 heures hebdomadaires plus 10 %.
Il ajoute que M. [H] utilise des relevés d’activité mensuelle en jours et y comptabilise des heures de délégation en heures, en déduisant qu’il s’agit nécessairement d’heures supplémentaires, ce qui ne serait pas le cas.
Il appartient au salarié qui soutient avoir utilisé ses heures de délégation en dehors
de l’horaire normal de travail et qui en demande le paiement au titre d’heures supplémentaires de rapporter la preuve que leur prise en dehors de l’horaire normal de travail est justifiée par les nécessités du mandat.
En revanche, il n’appartient pas à l’employeur de démontrer que le salarié pouvait prendre ses heures de délégation sur son temps de travail sans pertuber le fonctionnement de l’entreprise, ni de rapporter la preuve de ce qu’il a effectivement
pris ses heures pendant son temps de mission chez les clients, contrairement à ce que soutient M. [H].
M. [H] procède en fait à une démonstration a contrario, affirmant que le client chez qui il était en mission a toujours été facturé de l’ensemble des heures de travail ce qui n’aurait pas été le cas s’il avait été en délégation, ce qui démontrerait qu’il a toujours pris ses heures de délégation en dehors de ses temps de mission, et que le paiement des heures, lequel, effectivement, ne figure pas sur les bulletins de salaire à hauteur des sommes réclamées, lui est ainsi dû.
Outre qu’il est surprenant que M. [H] n’ait pas obtenu paiement de nombreuses heures de délégation sans émettre la moindre protestation pendant plusieurs mois, répartis sur les années 2012 et 2013, alors, ainsi qu’il le rappelle, que cette circonstance caractériserait une entrave, il apparaît qu’il n’a pas davantage indiqué ou justifié ne pouvoir prendre ses heures de délégation pendant son horaire de travail normal.
Il en résulte que le raisonnement a contrario de M. [H] ne rapporte pas la preuve de la créance alléguée par celui-ci et le jugement de départage sera confirmé en ce qu’il a débouté M. [H] de ses demandes à ce titre.
Sur la discrimination syndicale
Il ressort de l’article L. 1132-1 du code du travail qu’aucune personne ne peut faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle en raison de ses activités syndicales.
L’article L. 2141-5 prévoit qu’il est interdit à l’employeur de prendre en considération l’appartenance à un syndicat ou l’exercice d’une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d’avancement, de rémunération et d’octroi d’avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail. Un accord détermine les mesures à mettre en oeuvre pour concilier la vie professionnelle avec la carrière syndicale et pour prendre en compte l’expérience acquise, dans le cadre de l’exercice mandats, par les représentants du personnel désignés ou élus dans leur évolution professionnelle.
Sur le terrain de la preuve, il n’appartient pas au représentnat du personnel ou au délégué syndical qui s’estime victime d’une discrimination d’en prouver l’existence. Suivant l’article L. 1134-1 du code du travail, il doit seulement présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, il incombe à l’employeur de prouver que les mesures prises sont justifiées
par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
En l’espèce, M. [H], qui exerce des mandats représentatifs depuis l’année 2006, expose ainsi les éléments qui, selon lui, laissent supposer qu’il a fait l’objet d’un traitement discriminatoire :
– absence de mise en place d’accords favorisant la conciliation des activités syndicales et professionnelles.
Sous cette rubrique, M. [H] reproche à son employeur de n’avoir pas mis en place l’accord prévu à l’article L. 2141-5 du code du travail, de n’avoir pas organisé à son profit un entretien de prise de mandat, et de n’avoir pas abordé, dans le cadre de la négociation triennale sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, le déroulement de carrière des salariés exerçant des responsabilités syndicales, en déduisant qu’il ‘n’est donc pas étonnant qu’apparaissent des cas de discrimination dans l’entreprise qui sont d’autant plus graves à raison de ce défaut de mise en place des actions de conciliation’.
L’employeur démontre toutefois avoir signé le 21 juin 2017, après des négociations commencées le 8 septembre 2016, un ‘Accord relatif à la gestion des emplois et des parcours professionnels et mixité des métiers au sein de CS SI’, comportant un volet relatif à ‘l’accompagnement de carrière des salariés exerçant des responsabilités syndicales’. En outre, il ne s’agit pas d’un élément de fait concernant spécifiquement M. [H] et la discrimination personnelle qu’il aurait pu subir.
En ce qui concerne l’entretien de début de mandat, il a été introduit à l’article L. 2141-5 du code du travail par la loi du 17 août 2015 et a lieu sur demande de l’intéressé. M. [H] ne justifie pas avoir formulé une telle demande à compter de l’entrée en vigueur de cette disposition.
– intercontrat depuis 2013
L’existence de longues périodes d’intercontrat n’est pas en elle-même contestée par la société CS SI même si elle l’attribue à des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Il n’en demeure pas moins que les pourcentages de périodes d’intercontrat tels que résultant de la pièce 73-1 de M. [H], de 2010 à 2021, soit pendant de nombreuses années, sont importants et qu’au moins pour une partie de ces périodes, un lien peut apparaître avec la disponibilité de M. [H], au regard notamment de ses mandats représentatifs.
– statut de salarié ‘non cessible’
Si au vu de sa pièce 21, il apparaît effectivement que M. [H] est mentionné comme non ‘cessible’ alors que deux autres salariés le sont, l’appelant ne fournit aucun élément reliant cette circonstance avec une potentielle discrimination à son égard.
– mention des fonctions électives dans les entretiens d’évaluation
A ce titre, M. [H] se prévaut de ses entretiens d’évaluation de l’année 2015 mentionnant effectivement, au titre de l’appréciation générale de la performance par le manager, que ‘des recherches de mission ont été faites, mais ne sont pas toujours compatibles avec les activités menées par ailleurs (IRP)’. Les commentaires du manager sur l’évolution professionnelle indiquent également qu’il ‘n’y a pas de lien entre les activités d’IRP et les prérequis pour des activités d emanagement’ et que ‘le fait d’exercer des activités et mandats d’IRP n’exonèrent en rien la nécessité de posséder les prérequis avérés pour les missions ou fonctions souhaitées’.
M. [H] peut en conséquence se prévaloir d’un lien évoqué entre les missions suceptibles de lui être confiées et ses activités syndicales.
– absence d’évolution de rémunération
A l’appui de ses affirmations, M. [H] produit des tableaux faisant apparaître l’évolution de son salaire entre 2001 et 2015. Il indique notamment avoir pu
constater l’absence d’augmentation individuelle depuis 2008 et ajoute que ‘la preuve de cette discrimination résulte de l’application de l’accord égalité professionnelle hommes/femmes en date du 15 février 2013 et la mise en place d’indicateurs dans ce cadre. Il a pu constater qu’il était bel et bien présent dans les effectifs discriminés car remplissant au moins deux critères de l’accord en se basant sur les nouveaux indicateurs disponibles à partir de 2014’.
Nonobstant cette formulation peu explicite, M. [H] indique aussi que l’absence d’augmentation individuelle est directement en lien avec l’absence de missions confiées en raison de ses activités syndicales.
Cet élément est donc à relier avec les intercontrats et le caractère modeste des augmentations de salaire n’est pas contesté par l’employeur qui l’attribue à des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
– non-paiement des heures de délégation
Ainsi qu’il a été jugé ci-dessus, M. [H] ne rapporte la preuve d’aucun défaut de paiement de ses heures de délégation et dès lors, il n’existe de ce chef aucun élément de fait laissant supposer une discrimination.
– contestation abusive de la désignation en qualité de représentant de section syndicale
Il apparaît que c’est par une présentation inexacte des procédures que M. [H] qualifie d’abusive l’action de l’employeur à la suite de sa désignation en qualité de représentant de section syndicale, intervenue par lettre du 1er février 2016, alors que par jugement du 10 mars 2016, le tribunal d’instance a annulé cette désignation comme ne respectant pas les dispositions des articles L. 2142-1-4 et L. 2142-1-1 du code du travail.
En ce qui concerne la seconde désignation de M. [H], intervenue le 27 septembre 2016, la nouvelle contestation introduite ne peut davantage être qualifiée d’abusive alors que le délai de contestation est de 15 jours et que ce n’est que le 18 octobre 2016 que le syndicat FO a communiqué les renseignements réclamés par l’employeur pour vérifier la régularité de la désignation en cause, ce qui a été suivi du désistement de la société CS SI à l’audience.
*
En définitive, les éléments établis par M. [H] de façon concrète et factuelle, à l’appui de sa demande relative à la discrimination syndicale, sont l’existence de périodes nombreuses d’intercontrat, l’évocation par l’employeur de ses fonctions électives dans les supports d’évaluation de l’année 2015 et une évolution modeste de son salaire, ce qui caractérise une situation pouvant laisser supposer une discrimination syndicale.
Il incombe en conséquence à l’employeur de prouver que les mesures qu’il a prises étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
A cet égard, et ainsi qu’il le relève, il apparaît que les augmentations limitées de salaire auxquelles l’employeur a procédé au cours de la période concernée étaient communes à tous les salariés. La société CS Group justifie en effet de ce que le salaire de M. [H] a augmenté dans les mêmes proportions que celui de ses collègues, à situation comparable, et aux mêmes moments, notamment au 1er juillet 2015, conformément au courrier envoyé à la même date à plusieurs salariés, dont M.[H], en ce qui concerne une augmentation indivuelle.
D’ailleurs M. [H] ne fait état d’aucun retard de progression par rapport à ses collègues de l’entreprise placés dans une situation comparable.
L’employeur relève également à juste titre que M. [H] n’a eu aucune augmentation individuelle en 2003, et de très minces augmentations en 2002 et 2004 alors qu’il n’exerçait aucun mandat mais qu’il a obtenu une augmentation individuelle notamment en 2008, alors qu’il exerçait un mandat depuis 2006.
Enfin, la société CS Group communique plusieurs documents justifiant de la politique de rémunération de l’entreprise, de la mise en oeuvre d’un plan de sauvegarde de l’emploi en 2011, entraînant une limitation des augmentations générales, et de l’incidence d’un effort sur la réduction des écarts de rémunération hommes/femmes.
En ce qui concerne l’évocation des fonctions électives de M. [H] dans les entretiens d’évaluation, il apparaît que celui-ci ne mentionne sur ce point que l’année 2015. Or ainsi que le soutient l’employeur, il s’est agi, pour les deux phrases rappelées ci-dessus, d’une réponse du manager à des observations du salarié. Il ne ressort d’aucune des mentions de ces évaluations que la mention des mandats justifierait ‘l’absence de promotions professionnelles, ce qui est purement discriminatoire’, ainsi que M. [H] l’écrit dans ses conclusions. En particulier, le fait d’énoncer que les activités d’IRP ne
caractérisent pas des prérequis pour les activités de management telles que souhaitées par le salarié ne fait que se référer aux critères de la classification selon la convention collective.
De même, M. [N], N+1 de M. [H], atteste notamment qu’une mission de 48 jours du 27 novembre 2013 au 21 février 2014 (BU Aero) a dû être arrêtée prématurément par le chef de projet pour le motif ‘Contraintes et charges projet incompatibles avec la disponibilité.’ Cette circonstance se retrouve sur le bilan de mission signé par M. [H], lequel mentionne ‘problème d’adéquation entre les contraintes projet …et la disponibilité de l’intervenant/interlocuteurs (risque identifié au départ mais sous-estimé par le mmaanagement)’, outre l’insatisfaction du client. La rubrique ‘synthèse des travaux effectués ‘énonce à ce sujet ‘Charge initialement prévue=48 jours permettant la souplesse de ses activités en tant qu’IRP non planifiables à l’avance’.
Il en résulte certes la prise en compte des activités d’IRP de M. [H], dans une recherche de conciliation avec l’exécution de la mission, sans que ces activités soient considérées par l’employeur comme un obstacle à l’octroi de la mission.
Au vu de l’attestation de M. [N], M. [H] a d’ailleurs été proposé pour plusieurs autres missions mais n’a pas été retenu, outre le projet Gloe du 1er octobre au 30 novembre 2015,(vu ci-dessus au titre de la demande relative à la classification 3.1), arrêté par le chef de projet pour manque d’implication de M. [H].
En ce qui concerne les intercontrats dénoncés par M. [H] en particulier depuis 2013, il résulte des entretiens annuels que M. [H] se déclarait régulièrement non mobile, ou mobile ‘2/3 jours par semaine dans le cadre de déplacements ponctuels. A analyser au cas par cas’.
Dans le cadre du point de sortie de la mission Gloe, M. [H] indiquait clairment lui-même ‘en ce qui concerne la visibilité sur le travail, elle est en lien avec ma disponibilité que me laisse mes activités au sein d’IRPs. Dès le départ, vous en étiez informé’.
Au cours des années 2014 à 2016, M. [H] a participé à plusieurs actions de formation. Il a notamment été formé sur la méthode Agile, devenant lui-même formateur, et a suivi une formation Scrum.
En 2016, M. [N] a proposé à M. [H] une mission Diginext de deux mois, à réaliser dans les locaux de la société mais le salarié a fait connaître que cette mission ne l’intéressait pas comme n’étant pas en phase avec l’évolution qu’il entendait donner à son CV. Il a expressément pris acte de la volonté de l’employeur de l’affecter ‘à nouveau à une mission qui n’a rien à voir avec mes compétences métier et mon profil’.
C’est ainsi que lors de son évaluation 2017, M. [H] a déploré l’absence de proposition de missions en lien avec ses compétences managériales et a maintenu cette position dans un échange au mois de mars 2018, refusant un bilan de compétence ‘au vu de son expérience et de sa formation’, alors que l’employeur lui rappelait qu’il pourrait occuper des missions à sa classification actuelle, pour lesquelles il ne faisait toutefois part d’aucun intérêt.
En septembre 2018, M. [H] a de nouveau indiqué à son employeur, au sujet d’un projet de mission que ‘ce genre de missions n’apporte aucune plue-value à mon CV (profil Chef de projet MOA/MOE/Scrum Master) car sans liens avec mon expérience’. La responsable RH a alors conseillé à M. [N] de préciser notamment à M. [H] qu’une mission n’a pas nécessairement vocation à créer de la plus value sur un CV.
Au vu d’un compte-rendu du 25 février 2020 sur une mission confiée à M. [H], il apparaît que le travail de celui-ci est décrit comme basique, voire incomplet, sans aucune valeur ajoutée, et que l’interlocuteur s’attendait à une personne plus motivée et autonome.
La société CS Group justifie de nouvelles propositions de missions en 2021.
En définitive, si M. [H] a connu des périodes d’intercontrat plus nombreuses ou plus longues que certains de ses collègues, qui en connaissent également compte tenu de la nature de leur activité et du contexte économique, le motif de sa situation est exclusif de toute démarche discriminatoire de l’employeur à son égard.
*
L’ensemble des pièces ainsi produites permet à l’employeur d’établir que les mesures qu’il a prises et l’évolution de la situation professionelle de M. [H], dont certaines conditions par lui dénoncées pouvaient laisser supposer une discrimination syndicale, sont en réalité justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Le jugement de départage sera donc confirmé en ce qu’il a débouté M. [H] de ses demandes à ce titre et en particulier de la somme de 30.000 euros de dommages et intérêts à titre de péjudice moral.
Sur les dommages et intérêts pour retard de paiement de salaire
Dans la mesure où aucun rappel de salaire n’est accordé à M. [H], le jugement de départage sera confirmé en ce qu’il a débouté M. [H] de sa demande en paiement d’une somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts.
Sur l’exécution déloyale du contrat de travail
Conformément aux dispositions de l’article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit effectivement être exécuté de bonne foi.
M. [H] reproche deux manquements à son employeur, à savoir un défaut d’application de la loi TEPA et la discrimination syndicale dans les conditions déjà évoquées.
Sur ce dernier point, il résulte du présent arrêt qu’aucune discrimination syndicale n’a été retenue.
En ce qui concerne le dispositif de la loi TEPA du 29 juin 2007, M. [H] ne conteste pas que la période pour laquelle il soutient avoir subi un préjudice, de même que d’autres salariés de l’entreprise, est couverte par la prescription. Il soutient néanmoins c’est précisément le fait, par la société CS SI, de n’avoir pas appliqué la loi TEPA en temps utile dont il est demandé la sanction au titre de l’exécution déloyale.
Il apparaît toutefois, ainsi que M. [H] le reconnaît, que la société ne pouvait pas anticiper la position de l’administration sur l’applicabilité de la loi aux salariés non soumis à la durée légale de travail de 35 heures, notamment aux salariés soumis à la modalité 2 de la convention collective Syntec, alors que cette application a été controversée, en l’absence de disposition légale explicite.
M. [H] ne justifie d’ailleurs pas avoir formulé auprès de son employeur, et préalablement à la demande envoyée par celui-ci à l’Urssaf le 19 décembre 2013, les nombreuses revendications mentionnées dans ses conclusions.
En conséquence, il n’est pas démontré que l’absence d’application de la loi TEPA ou de réclamation plus précoce auprès de l’Urssaf caractérise la volonté délibérée de l’employeur de priver M. [H] de ses droits, et un manquement fautif qui lui serait imputable.
Le jugement de départage sera donc confirmé en ce qu’il a débouté M. [H] de sa demande au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail et sa demande en paiement de dommages et intérêts portés à la somme de 30 000 euros devant la cour d’appel sera également rejetée.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
M. [B] [H] qui échoue en son appel supportera la charge des dépens de la procédure.
En revanche, il apparaît équitable de le dispenser de toute condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de débouter la SAS CS Group-France de sa demande de ce chef.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Révoque l’ordonnance de clôture rendue le 10 février 2022,
Fixe la clôture de l’instruction au jour de l’audience,
Confirme le jugement de départage du 28 mars 2019 dans toutes ses dispositions, par substitution de motifs en ce qui concerne la demande de rappel de salaire au titre du Pass,
Y ajoutant,
Déboute M. [B] [H] de sa demande de dommages et intérêts présentée devant la cour au titre de la reclassification à la position 3.2, pour préjudice financier résultant de la discrimination,
Déboute M. [B] [H] de sa demande de reclassification à la position 3.1 et de ses demandes subséquentes en rappel de salaires ainsi qu’en dommages et intérêts et en communication des bulletins de salaire rectifiés,
Déboute M. [B] [H] de la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, portée à la somme de 30.000 euros devant la cour d’appel,
Déboute la SAS CS Group France, anciennement dénommée CS Systèmes d’Informations (CS SI) de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [B] [H] aux dépens.
Signé par Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente et par Anne-Marie Lacour-Rivière, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Anne-Marie Lacour-Rivière Catherine Rouaud-Folliard