Convention collective SYNTEC : 23 novembre 2022 Cour d’appel de Versailles RG n° 19/04096

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Convention collective SYNTEC : 23 novembre 2022 Cour d’appel de Versailles RG n° 19/04096

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

17e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 23 NOVEMBRE 2022

N° RG 19/04096

N° Portalis DBV3-V-B7D-TR6P

AFFAIRE :

[D] [K]

C/

Société INCAMS-

INFORMATION DES COMPAGNIES D’ASSURANCE ET MUTUELLES DE LA SANTE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 3 octobre 2019 par le Conseil de Prud’hommes Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT

Section : E

N° RG : F 17/00943

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Jérôme DOULET

Me Martine DUPUIS

Copie numérique adressée à :

Pôle Emploi

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT-TROIS NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant, dont la mise à disposition a été fixée au 16 novembre 2022, puis prorogée au 23 novembre 2022, dans l’affaire entre :

Monsieur [D] [K]

né le 25 janvier 1965 à [Localité 5] ([Localité 5])

de nationalité française

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Jérôme DOULET de la SELARL DMALEX AVOCATS, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire: C2316

APPELANT

****************

Société INCAMS-INFORMATION DES COMPAGNIES D’ASSURANCE ET MUTUELLES DE LA SANTE

N° SIRET : 429 216 351

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Constitué , avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 et Me Marie COURPIED BARATELLI de l’ASSOCIATION LOMBARD, BARATELLI & Associés, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0183

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 6 octobre 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Aurélie PRACHE, Présidente,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

M. [D] a été engagé par la SAS Incams, en qualité de directeur commercial, par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 16 mars 2015 et a intégré le comité exécutif de la société Cegedim.

La SAS Incams est spécialisée dans le conseil en systèmes et logiciels informatiques à destination des mutuelles et compagnies d’assurance. Elle appartient au groupe Cegedim. Elle emploie plus de 10 salariés et applique la convention collective nationale dite Syntec.

Par lettre du 10 mai 2017, le salarié a été convoqué à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement, fixé le 17 mai 2017.

Le salarié a été en arrêt de travail du 12 mai 2017 au 26 mai 2017.

Le salarié a été licencié par lettre du 29 mai 2017 pour cause réelle et sérieuse dans les termes suivants:

« (‘) nous avons constaté que votre niveau d’expertise n’est pas à l’attendu du niveau d’un Directeur commercial. En effet lors de vos rendez-vous clients, vous ne maîtrisez pas la présentation des produits Activ infinite, Active Sure, Premium, de même que, votre discours en clientèle n’est pas rodé, ce qui a pour principales conséquences de remettre en cause la notoriété de CEGEDIM INSURANCE SOLUTIONS.

Ce manque de professionnalisme crée chez vos collaborateurs une méfiance. Ils en viennent à préférer assumer un rendez-vous client seul qu’avec vous et cela afin de ne pas décrédibiliser CEGEDIM INSURANCE SOLUTIONS. A ce titre, ils font appel à l’assistante du département commerce pour programmer ces Rendez Vous en votre absence.

Par ailleurs, de nombreux clients nous ont alertés sur la qualité de votre prestation. Pour exemple, le jeudi 10 décembre 2015, vous avez reçu un courriel d’insatisfaction du Directeur de la MNT. Il vous reproche une attitude en totale opposition avec celle d’un Directeur commercial. Ci-dessous un extrait du dit courriel :

« La tonalité de votre message audio de ce jour n ‘est pas acceptable.

1) vos messages successifs et impératifs ne demandent aucun retour. « Mon assistante coordonnera notre prochain contact »

2) Les délais de formalisation contractuelle sont liés à la qualité médiocre du document initial.

Les équipes de la MNT se sont investies sans compter pour arriver à un Contrat digne des relations entre un éditeur de laplace et ses clients.

Ainsi, au vue de ces différents éléments, nous ne pouvons plus à ce jour poursuivre notre collaboration de manière sereine et efficace. Nous vous notifions, en conséquence, votre licenciement pour cause réelle et sérieuse.»

Le salarié a été dispensé de l’exécution de son préavis d’une durée de 3 mois qui lui a été néanmoins intégralement rémunéré.

Le 28 juillet 2017, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt aux fins de voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et d’obtenir le paiement de sommes de nature salariale et indemnitaire.

Par jugement du 3 octobre 2019, le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt a :

– dit le licenciement de M. [D] dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– dit la convention de forfait jours inopposable à M. [D],

– fixé le salaire de référence mensuel brut à la somme de 22 458 euros,

– fixé l’indemnité de non concurrence brute à la somme de 4 781,39 euros,

en conséquence,

– condamné la société Incams à payer à M. [D] les sommes suivantes :

. 112 300 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 73 333 euros au titre de la rémunération variable sur l’année 2017 outre 7 333 euros au titre des congés payés afférents,

. 102 520,39 euros au titre de la contrepartie financière à la clause de non-concurrence pour les mois de septembre 2017 à juin 2019, outre 10 252,03 euros au titre des congés payés afférents,

. 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté M. [D] de l’ensemble de ses autres demandes,

– prononcé l’exécution provisoire de droit,

– reçu la société Incams en sa demande reconventionnelle et l’en a déboutée,

– fixé les entiers dépens à la charge de la société Incams.

Par déclaration adressée au greffe le 14 novembre 2019, le salarié a interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance de référé du 20 février 2020, le premier président de la cour d’appel de Versailles a débouté la société Incams de sa demande d’arrêt de l’exécution provisoire et a déclaré irrecevable la demande de séquestre.

Par ordonnance d’incident du 29 juin 2020, le conseiller de la mise en état a radié l’affaire enregistrée sous le numéro RG 19/04095 pour défaut d’exécution du jugement du conseil de prud’hommes.

L’affaire a été réinscrite sous le numéro RG 19/04096 et le conseiller de la mise en état a prononcé par ordonnance du 18 mai 2021 la jonction des procédures RG 21/00727 (anciennement RG 19/04095) et RG 19/04096 sous ce dernier numéro.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 8 mars 2022.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 3 mars 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [D] demande à la cour de :

– le déclarer recevable et bien-fondé en ses demandes, fins et prétentions,

– déclarer irrecevable, et en tous les cas mal fondée, la société INCAMS en ses demandes,

en conséquence,

concernant l’exécution du contrat de travail,

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société Incams à lui payer la somme de 73 333 euros à titre de rappel de rémunération variable qualitative pour l’année 2017 (prorata temporis sur 8 mois), et celle de 7 333 euros au titre des congés payés afférents,

– infirmer le jugement entrepris en condamnant la société Incams à lui payer la somme de 11 874,69 euros au titre de l’intéressement Incams 2017,

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a jugé inopposable l’indemnité relative au forfait jours,

– infirmer le jugement du 3 octobre 2019 qui a rejeté les demandes d’heures supplémentaires et de congés payés afférents, découlant de l’inopposabilité du forfait jours,

en conséquence,

– condamner la société Incams à lui payer la somme de 313 492 euros à titre d’heures supplémentaires,

– condamner la société Incams à lui payer la somme de 31 349,20 euros à titre de congés payés afférents,

concernant le licenciement,

– confirmer le jugement du 3 octobre 2019 qui a dit sans cause réelle ni sérieuse son licenciement,

– infirmer le jugement qui a limité le montant des dommages-intérêts à la somme de 112.300 euros – soit cinq mois de salaire brut,

– confirmer le jugement qui a fixé la rémunération mensuelle brute de référence à la somme de 22 458 euros,

– condamner la société Incams à lui payer la somme de 269 500 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse (12 mois de rémunération brute), et à titre subsidiaire, à la somme de 134 748,00 euros (six mois de rémunération brute),

– condamner la société Incams à lui payer la somme de 3 372,83 euros à titre de complément de solde de tout compte,

concernant l’indemnité de non-concurrence,

– infirmer le jugement du 3 octobre 2019 et fixer l’indemnité nette de non-concurrence à la somme de 4 902,17 euros,

en conséquence,

– condamner la société Incams à lui payer la somme de 3 870,32 euros nette à titre de rappel d’indemnité de non-concurrence pour les mois de septembre et octobre 2017,

– condamner la société Incams à lui payer la somme de 387 euros à titre de congés payés afférents,

– infirmer le jugement entrepris, et fixer l’indemnité de non-concurrence brute à la somme de 5 696,00 euros,

et y ajoutant,

– dire illicite la clause de non-concurrence, compte tenu du caractère dérisoire de la contrepartie financière,

– fixer le montant de l’indemnité mensuelle de non-concurrence à 50% de la rémunération mensuelle moyenne brute ;

en conséquence,

– condamner la société Incams à lui payer la somme de 134 748 euros bruts à titre de rappel d’indemnité de non-concurrence pour les mois de septembre 2017 à août 2019,

– condamner la société Incams à lui payer la somme de 13 475 euros au titre des congés payés afférents,

– condamner la société Incams à lui payer la somme de 10 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société Incams aux entiers dépens de l’instance.

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 23 février 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société Incams demande à la cour de :

– confirmer le jugement du 3 octobre 2019 en ce qu’il a débouté M. [D] de :

. sa demande d’intéressement,

. sa demande visant à obtenir la somme de 313 492 euros, outre 31 349,20 euros au titre des congés payés afférents,

. sa demande de complément de solde de tout compte à hauteur de 3 372,83 euros,

. sa demande de rappel de salaire sur préavis à hauteur de 604,39 euros,

. sa demande de réévaluation de la clause de non-concurrence à hauteur de 50 % pour un montant total de 125 313,32 euros outre les congés payés afférents,

. sa demande de rappel d’indemnité de non-concurrence pour un montant de 3 870,32 euros

– infirmer le jugement du 3 octobre 2019 en ce qu’il l’a condamnée à payer à M. [D] les sommes de :

. 112 300 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 73 333 euros au titre de sa rémunération variable sur l’année 2017, et la somme de 7 333 euros au titre des congés payés afférents,

. 102 520,39 euros au titre de la contrepartie financière à la clause de non-concurrence pour les mois de septembre 2017 à juin 2019,

. 10 252,03 euros au titre des congés payés afférents à la contrepartie financière de la clause de non- concurrence,

. 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

statuant à nouveau,

– dire que le licenciement de M. [D] repose sur une cause réelle et sérieuse,

– dire qu’aucune ne somme n’est due au titre de la rémunération variable,

– dire que la convention de forfait est opposable à M. [D],

– dire qu’aucune somme n’est due à M. [D] au titre de l’indemnité de non-concurrence pour la période de septembre 2017 à janvier 2019, le salarié étant rempli de ses droits,

en conséquence,

– débouter M. [D] de l’intégralité de ses demandes,

– condamner M. [D] à lui verser la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [D] aux entiers dépens.

MOTIFS

Sur les heures supplémentaires

Le salarié soutient n’avoir jamais bénéficié des deux entretiens annuels dédiés au contrôle de sa charge de travail de sorte qu’il sollicite, du fait du caractère inopposable de la convention de forfait en jours, la condamnation de l’employeur au paiement de 15 heures supplémentaires hebdomadaires accomplies, sur la base d’une semaine type de travail de 50 heures.

L’employeur objecte qu’il démontre par la production des agendas du salarié qu’il a bénéficié d’entretiens réguliers portant notamment sur sa charge de travail, le salarié reconnaissant au moins la tenue d’un entretien annuel à ce titre. L’employeur ajoute à titre subsidiaire qu’il conteste formellement la position du salarié selon laquelle il aurait travaillé au minimum 50 heures par semaine.

Sur la convention de forfait en jours

L’article L. 3121-46 du code du travail, dans sa version en vigueur entre le début de la relation contractuelle et le 10 août 2016, prévoit qu’un entretien annuel est organisé par l’employeur avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l’année qui porte sur la charge de travail du salarié, l’organisation du travail dans l’entreprise, l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale ainsi que sur la rémunération du salarié.

L’article L. 3121-60, dans sa version en vigueur à compter du 10 août 2016, prévoit que l’employeur s’assure régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail.

Lorsque l’employeur ne respecte pas les stipulations de l’accord collectif qui a pour objet d’assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié et de son droit au repos, la convention de forfait en jours est privée d’effet de sorte que le salarié peut prétendre au paiement d’heures supplémentaires dont le juge doit vérifier l’existence et le nombre.

Au cas présent, pour respecter tant la loi que l’accord, en l’espèce, avenant du 1er avril 2014 convention collective Syntec, sur lequel s’appuie la convention de forfait litigieuse, l’employeur doit être en mesure d’établir qu’il a abordé la question de la charge de travail du salarié ‘au minimum deux fois par an lors d’un entretien spécifique’ et qu’au cours de ces entretiens, ont été ‘évoqués la charge individuelle de travail du salarié, l’organisation du travail dans l’entreprise, l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie privée.’.

Si le salarié ne conteste pas avoir bénéficié d’un entretien informel sur les deux années de la relation contractuelle, l’employeur n’établit pas la réalité de la tenue d’au moins deux entretiens par an portant spécifiquement sur sa charge de travail, les extraits de l’agenda électronique du salarié produits aux débats ne le justifiant pas.

Par voie de confirmation du jugement déféré, il convient donc de dire la convention de forfait en jours privée d’effets et le salarié sera éligible au paiement d’heures supplémentaires.

Sur le calcul des heures supplémentaires dues

Il résulte des dispositions de l’article L. 3171-4 du code du travail, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences des dispositions légales et réglementaires applicables.

Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

Le salarié affirme avoir effectué, entre le 16 mars 2015 et le 08 mai 2017, un minimum de 50 heures de travail effectif par semaine, déduction faite d’une heure de pause-repas.

Au soutien de ses demandes, le salarié produit un tableau de calcul par jour des ‘heures réelles’ effectuées, renseigné à partir d’une feuille de temps hebdomadaire pour la semaine type du 3 octobre 2016. Il communique également toutes ses feuilles de présence hebdomadaire du 2 janvier au 14 mai 2017, outre des extraits de son agenda électronique du 11 mars 2015 au 23 mars 2017.

Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répliquer.

Pour sa part, l’employeur ne produit aucune pièce relative aux horaires du salarié, sauf à communiquer 23 pages de son agenda électronique, ce qui n’est pas suffisant pour justifier du temps de travail effectif du salarié.

Si une pointeuse a été installée au sein du groupe Cegedim à compter du 7 novembre 2016, l’employeur n’établit pas que ce système a été proposé au salarié et il n’est pas fondé à lui reprocher de n’avoir pas respecté cette obligation de pointage.

Dès lors, le salarié étant assujetti à une convention de forfait en jours privée d’effet, la base horaire est ramenée à 35 heures par semaine.

Les éléments au dossier justifient de prendre en compte deux périodes successives distinctes pour examiner la demande du salarié.

. Situation du 16 mars 2015 au 31 décembre 2016

D’après la feuille de temps hebdomadaire du 3 octobre 2016, le salarié fait débuter sa journée type à 8h30 pour s’achever à 19h30 pour une moyenne retenue de 50 heures hebdomadaires, temps du déjeuner et congés payés déduits.

Par extrapolation, le salarié a ensuite comptabilisé son temps de travail d’après cette semaine type sur toute la période considérée.

Les 20 extraits journaliers de son agenda électronique produits par l’employeur établissent que le salarié commençait régulièrement sa journée de travail vers 8 heures, sauf quand il avait des déplacements, le départ pouvant être à 5 heures du matin et qu’il la terminait vers 19heures, sauf lors de dîners organisés notamment en présence de M. [J], le directeur général. Le salarié a débuté sa journée à 9 heures à 4 reprises.

Par ailleurs, la comparaison entre les bulletins de paye et le tableau récapitulatif des heures supplémentaires met en évidence que le salarié a bien déduit tous ses congés payés.

. Situation à compter du 1er janvier 2017

Le salarié produit tous les relevés journaliers de ses horaires effectués à compter du 1er janvier 2017 jusqu’au 8 mai 2017 et a renseigné le tableau des heures supplémentaires réellement effectuées à partir des heures effectivement enregistrées dans les feuilles de temps hebdomadaire.

Le salarié fait débuter sa journée entre 7h30 et 9h pour s’achever entre 19h et 22 h.

La comparaison entre les feuilles de temps hebdomadaire et les extraits de l’agenda électronique du salarié sur toute la période établit que le salarié n’a pas commis d’erreur : le salarié a relevé le temps de travail réellement effectué.

En conséquence, d’après tous ces éléments sur l’ensemble de la période revendiquée, de 2015 à 2017, il convient de fixer le rappel de salaires dû au salarié au titre des heures supplémentaires non rémunérées réalisées entre mars 2015 et mai 2017, à la somme de 205 689, 03 euros outre la somme de 20 568,90 euros au titre des congés payés afférents, au paiement desquelles la société sera en conséquence condamnée.

Le jugement sera donc infirmé de ce chef.

Sur la rémunération variable qualitative pour l’année 2017

Le salarié soutient qu’aux termes de l’article 5.3 du contrat, il est prévu le versement d’une rémunération variable qualitative brute d’un montant de 110 000 euros par an, en cas d’atteinte de l’ensemble des objectifs assignés. Il ajoute qu’il a fait partie des effectifs de la société durant les huit premiers mois de l’année 2017 et que rien ne permet d’affirmer qu’il n’aurait pas obtenu 100% de ses objectifs en 2017.

L’employeur réplique que le salarié, licencié pour insuffisance professionnelle, ne peut pas prétendre à un rappel de rémunération variable.

**

Aux termes de l’article 5.3 du contrat de travail, le salarié perçoit notamment ‘ une rémunération variable dont le montant sera fonction de la bonne réalisation des objectifs définis en début d’année par la Direction. En cas d’atteinte de l’ensemble des objectifs assignés, le montant de la rémunération variable qualitative brute pourra atteindre 110 000 euros par année complète d’activité. La part variable versée au cours de la première année ne pourra être inférieure à 55 000 euros. De manière à prendre en compte l’évolution de l’activité de l’entreprise et ses impératifs stratégiques, les objectifs et modalités de calcul de la partie variable de M. [D] seront redéfinis chaque début d’année et lui seront communiqués par écrit au plus tard le 30 avril de chaque année.’.

En application de cette clause, les objectifs de l’année 2017 devaient donc être communiqués en début d’exercice, ce qui n’est pas établi par les pièces versées au dossier.

Par ailleurs, les dispositions contractuelles ne conditionnent pas le paiement de cette rémunération à la présence effective du salarié à la fin de l’année examinée.

Lorsque la prime allouée au salarié dépend d’objectifs définis par l’employeur, ceux-ci doivent être communiqués au salarié en début d’exercice, à défaut de quoi la prime est due dans son intégralité. Il appartient à l’employeur d’établir qu’il a transmis au salarié ses objectifs en début d’exercice.

Dès lors, la prime revendiquée par le salarié dépendant d’objectifs définis par l’employeur, dont il n’est pas établi qu’ils lui aient été transmis en début d’exercice, est en conséquence due dans son intégralité, qu’il conviendra de limiter au montant de la demande, sur la base de ce qu’il a perçu l’année précédente.

Le salarié a perçu en 2017 la somme brute de 110 000 euros au titre de la rémunération variable et il ne sollicite que le prorata temporis de cette indemnité en raison de sa présence effective, préavis compris, jusqu’en août 2018.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il a condamné l’employeur à verser au salarié la somme de 73 333 euros au titre de la part variable pour l’année 2017 outre 7 333 euros au titre des congés payés afférents.

Sur l’intéressement INCAMS 2017

Le contrat prévoit également que le salarié peut bénéficier ‘d’une gratification à quelque époque ou à quelque titre que ce soit’, cette gratification ‘ne constituant aucun droit pour l’avenir’ et il ressort des débats que cet intéressement a été versé au salarié de 2014 à 2016 en application d’accords collectifs négociés avec les organisations représentatives du personnel.

Le salarié a ainsi été bénéficiaire d’un intéressement et d’un supplément d’intéressement au titre des années 2015 et 2016 et a perçu à ce titre pour l’année 2016 la somme totale de 17 812,04 euros, base d’après laquelle il calcule son intéressement au prorata temporis pour l’année 2017.

L’employeur a communiqué, sur interpellation du salarié, les éléments relatifs à l’intéressement pour les années 2014 à 2016 puis pour 2018, en précisant ne pas avoir versé de prime d’intéressement pour l’année 2017 pour laquelle aucun accord n’a été régularisé avec les organisations professionnelles.

L’employeur, sur lequel repose la charge de la preuve de l’absence d’accord collectif portant sur l’intéressement pour la seule année 2017, par exemple par la production d’attestations du service financier ou même des représentants du personnel, ne fournit aucun élément sur ce point, alors même que la société avait dépassé ses objectifs pour 2017.

Il convient en conséquence de faire droit à la demande.

Par voie d’infirmation, l’employeur sera condamné à verser au salarié au titre de l’année 2017 la somme de 11 874,69 euros correspondant au prorata temporis de l’intéressement perçu par le salarié au titre de l’année 2016.

Sur la rupture

Le salarié fait valoir qu’il a été licencié pour insuffisance professionnelle et qu’il lui est reproché, aux termes de la lettre de licenciement, un manque de professionnalisme non étayé par des griefs précis et des pièces au dossier. Il affirme qu’il est le troisième membre à avoir été évincé du comex de la société Cegedim Insurance Solutions depuis le début de l’année 2017, résultat manisfeste d’une réorganisation dont il a été victime, après avoir contribué nettement au redressement de la croissance commerciale de la SAS Incams du groupe Cegedim.

En réplique, l’employeur expose que le salarié n’a pas rempli ses missions conformément aux attentes de la société pour un cadre de son expérience et de son niveau. Il explique que l’insuffisance professionnelle du salarié s’est manifestée dès le mois de décembre 2015, notamment par son manque d’encadrement des équipes. Il ajoute que ce manque de professionnalisme a perduré et s’est traduit par une absence totale de maîtrise des solutions commercialisées par la société et objecte que la rupture n’est pas consécutive à une réorganisation de la société.

***

L’insuffisance professionnelle constitue un motif de licenciement dès lors qu’elle repose sur des éléments objectifs matériellement vérifiables au regard des responsabilités du salarié.

L’insuffisance professionnelle, qui ne suppose aucun comportement fautif du salarié, doit être constatée sur une période suffisamment longue pour ne pas apparaître comme passagère ou purement conjoncturelle.

Il résulte de l’article L. 1235-1 du code du travail que la charge de la preuve de la cause réelle et sérieuse du licenciement n’incombe pas particulièrement à l’une ou l’autre des parties, mais que le doute doit profiter au salarié.

Au cas présent, l’employeur affirme que l’insuffisance professionnelle du salarié s’est manifestée par :

– des manquements du salarié apparus six mois après son recrutement et qui se sont traduits par le vif mécontentement d’un client, la Mutuelle Nationale Territoriale (MNT), qui a subi l’incapacité des équipes placées sous la subordination du salarié, lequel a adopté une attitude inadaptée et a laissé présenter des travaux de piètre qualité au nom de la SAS Incams,

– des plaintes d’autres clients qui se sont succédées auprès du président de la société, M. [J],

– une absence totale de maîtrise des solutions commerciales par la société et notamment une connaissance insuffisante et parcellaire de celles-ci lors des rendez-vous en clientèle se traduisant par un discours incohérent et erroné auprès des clients et perçu comme de l’amateurisme, ce qui porte préjudice à la société,

– des objectifs non atteints à 100%,

– des collaborateurs qui ont préféré assister à des rendez-vous sans le salarié, leur supérieur hiérarchique, afin d’éviter de décrédibiliser la société.

Pour justifier ces manquements, l’employeur produit une unique pièce et vise deux pièces adverses :

– le courriel du 10 décembre 2015 de M. [C], de la MNT, adressé au salarié et en copie jointe à des collaborateurs de la SAS Incams dont il ressort que M. [C] indique :

‘ La tonalité de votre message audio de ce jour n ‘est pas acceptable.

1) vos messages successifs et impératifs ne demandent aucun retour. « Mon assistante coordonnera notre prochain contact »

2) Les délais de formalisation contractuelle sont liés à la qualité médiocre du document initial.

Les équipes de la MNT se sont investies sans compter pour arriver à un Contrat digne des relations entre un éditeur de laplace et ses clients.

Ainsi, au vue de ces différents éléments, nous ne pouvons plus à ce jour poursuivre notre collaboration de manière sereine et efficace. Nous vous notifions, en conséquence, votre licenciement pour cause réelle et sérieuse’.

– le courriel de M. [J] le 14 mars 2017 qui informe le salarié qu’il a pris la décision de lui attribuer au titre de l’année 2016 ‘un variable proche de 100% en prenant en compte les FT réalisés, l’implication et non les résultats, qui donneraient un variable très significativement inférieur.’.

– un tableau non daté des objectifs du salarié dont il ressort que ce dernier a atteint 87,40% des 4 objectifs fixés.

Dépourvu d’offre de preuve supplémentaire pour l’année 2016 jusqu’en mai 2017, notamment par le biais des évaluations annuelles du salarié, de plaintes et attestations de clients, d’attestations des collaborateurs cités, l’employeur n’établit pas les manquements invoqués.

En conséquence, l’employeur n’établit pas les insuffisances professionnelles reprochées au salarié.

Le jugement sera dès lors confirmé en ce qu’il a dit sans cause réelle et sérieuse le licenciement.

Les parties s’accordent pour fixer le salarié de référence, à l’instar des premiers juges, à la somme mensuelle brute de 22 458 euros.

En revanche, le salarié qui, à la date du licenciement, comptait au moins deux ans d’ancienneté dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés a droit, en application de l’article L. 1235-3 du code du travail , dans sa rédaction alors applicable, à une indemnité qui ne saurait être inférieure aux salaires bruts perçus au cours des six derniers mois précédant son licenciement, le barème issu de l’ordonnance du 22 septembre 2017 ne trouvant pas encore à s’appliquer, s’agissant d’un licenciement notifié le 29 mai 2017, contrairement à ce que les premiers juges ont retenu.

Compte tenu notamment des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié, de son âge ( 52 ans), de son ancienneté ( 2 ans), de sa capacité à retrouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu’elles résultent des pièces et des explications fournies, de ce qu’il est devenu l’acquéreur de la société ‘La Financière [D]’ en mai 2018, il y a lieu de condamner la SAS Incams à lui payer la somme de 134 748 euros brut à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement est infirmé de ce chef quant au montant alloué.

En application de l’article L. 1235-4 du code du travail, il convient d’ordonner d’office le remboursement par l’employeur, à l’organisme concerné, du montant des indemnités de chômage éventuellement servies au salarié du jour de son licenciement au jour du prononcé de l’arrêt dans la limite de 6 mois d’indemnités.

Sur le complément de solde de tout compte

Le salarié sollicite un complément de solde de tout compte pour une somme de 3 372,83 euros.

Le bulletin de paye de septembre 2017 fait mention d’un solde de tout compte de 43 398,33 euros bruts. En application de l’ordonnance rendue par le conseil de prud’hommes le 23 novembre 2017, l’employeur a seulement communiqué le reçu pour solde de tout compte.

Ce reçu fait mention d’inventaires des sommes versées en brut et en net et indique que le salarié reconnaît avoir reçu de son ancien l’employeur pour solde de tout compte la somme de 3 372,83 euros.

Toutefois, le salarié n’a pas perçu la somme de 3 372,83 euros sur le bulletin de paye de septembre 2017.

En dépit des demandes d’explications du salarié, l’employeur n’a pas justifié du paiement de cette somme qui reste donc encore due puisque son versement n’est mentionné sur aucun bulletin de paye émis postérieurement à la rupture .

En conséquence, il convient de condamner l’employeur à verser au salarié la somme de 3 372,83 euros à titre de complément de solde de tout compte et le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur l’indemnité de non-concurrence

Aux termes de l’article 6 du contrat de travail, ‘ Afin de préserver les intérêts légitimes de la société relatifs à son activité, compte tenu de la nature des fonctions de M.[K] [D], lui donnant accès à des procédés, à des savoir-faire notamment techniques et commerciaux spécifiques à la société INCAMS ou au groupe CEGEDIM, le mettant directement en relation avec les clients de la société INCAMS ou du groupe CEGEDIM, et des informations confidentielles notamment d’ordre stratégique dont il dispose M. [K] [D] s’interdit, en cas de rupture du contrat de travail, pour quelque motif que ce soit, y compris pendant la période d’essai :

– d’entrer au service d’une entreprise, directement ou indirectement, concevant, produisant et/ou commercialisant, des produits ou services similaires ou directement concurrents ou susceptibles de concurrencer les services de la société INCAMS ou du groupe CEGEDIM et,

– de s’intéresser directement ou indirectement et sous quelque forme que ce soit, à une entreprise de cet ordre et d’entrer en relation pour le compte d’un autre employeur avec les clients et prospects de la société INCAMS ou du groupe CEGEDIM.

Par activité concurrente de la société INCAMS ou du groupe CEGEDIM, on entend toute activité liée à l’édition de logiciels, à la vente de logiciels, à la vente de données marketing médicales, à la prestation de services en informatique dédiée aux acteurs de la santé (laboratoires pharmaceutiques, médecins, etc).

M. [K] [D] reconnait expressément que cette clause est destinée à assurer la protection des intérêts légitimes de la société INCAMS et/ou du groupe CEGEDIM et qu’elle ne met pas Monsieur [K] [D] dans l’impossibilité absolue d’exercer son activité professionnelle et qu’elle ne porte donc pas atteinte, compte tenu notamment de la qualification, à sa liberté de travail.

Cette interdiction de concurrence est limitée au territoire national et Maroc où se trouve INCAMS ou le groupe CEGEDIM à une période de 24 mois à compter du jour de la cessation effective du présent contrat entendu comme le départ effectif du salarié de la société.’.

En contrepartie de l’obligation de non-concurrence prévue ci-dessus, Monsieur [K] [D] percevra après la cessation effective de son contrat de travail, c’est-à-dire après son départ effectif de la société, et durant toute la période de cette interdiction, une indemnité mensuelle de 25% de la rémunération mensuelle moyenne brute perçue par Monsieur [K] [D] au cours des douze derniers mois précédant la notification de la rupture du contrat.’.

Sur le rappel d’indemnité de non-concurrence pour septembre et octobre 2017

Les parties s’opposent sur les cotisations sociales à déduire de l’indemnité de non-concurrence brute mensuelle pour les mois de septembre et octobre 2017, le salarié considérant que les sommes ensuite prélevées par l’employeur ont été surévaluées.

sommes perçues nettes sommes réclamées nettes par le salarié

septembre 2017 2 561,16 € 4 902,17 €

octobre 2017 3 372,83 € 4 902,17 €

TOTAL 5 934,02 € 9 804,34 €

L’indemnité de non-concurrence a été versée pour ces deux mois sur le bulletin de paye d’octobre 2017 et l’employeur a appliqué une unité de base, pour le calcul des cotisations de la complémentaire retraite, différente de celle appliquée pendant la relation contractuelle.

Pour justifier la méthode de calcul des cotisations retraites utilisée, l’employeur vise un extrait de la circulaire Agirc-Arcco du 22 octobre 2015 dont il reprend les termes suivants dans ses écritures: ‘les cotisations sont calculées à la suite de la rupture du contrat comme pour un salaire d’activité et les assiettes de retraite ainsi que les cotisations complémentaires sont calculées sur la base des paramètres applicables à l’exercice en cours’.

L’employeur a assujetti l’indemnité à verser à des cotisations sur la totalité du salaire brut que le salarié a perçue entre le 1er janvier et le 31 août 2017 et non sur la base du brut mensuel comme le réclame le salarié pour les mois de septembre et octobre.

Toutefois, l’employeur a ensuite pratiqué de manière différente pour les mois de novembre et décembre 2017, sans qu’il soit possible de déterminer les modalités de calcul.

Enfin, à compter de janvier 2018 jusqu’au mois d’août 2019, l’employeur a calculé le montant des cotisations d’après le montant brut mensuel de l’indemnité de non-concurrence.

L’employeur n’apporte aucune explication à ces contradictions relevées par le salarié.

Dès lors, il convient de calculer les cotisations de la complémentaire retraite pour les mois de septembre et octobre 2017 à l’instar de ce qui a été pratiqué par l’employeur de janvier 2018 à août 2019 selon les demandes du salarié.

La décision des premiers juges est donc infirmée et l’employeur sera condamné à verser au salarié à titre de rappel d’indemnité de non-concurrence la somme de 3 870,32 euros outre les 378 euros, dans les limites de la demande, au titre des congés payés afférents.

Sur le montant mensuel de l’indemnité de non-concurrence

Les premiers juges ont fixé le salaire brut mensuel de référence à la somme de 22 458 euros, somme non contestée et la clause de non- concurrence à la somme mensuelle brute de 4 781,39 euros alors que cette clause correspond à 25% de la rémunération mensuelle brute des douze derniers mois (article 6.5 du contrat).

L’indemnité de non-concurrence s’élève donc à 5 614,50 euros ( 22 458 X 25%) auxquels s’ajoutent 10 % de congés payés soit la somme totale mensuelle de 6 175,95 euros.

Toutefois, le salarié sollicite que l’indemnité soit fixée à 5 696,06 euros, ‘ telle que stipulée sur ses bulletins de paye’.

A compter du bulletin de salaire du mois de novembre 2017, l’indemnité mensuelle de non-concurrence brute s’élève en effet chaque mois à la somme de 5 696,06 euros, arrondie à 5 696 euros par le salarié.

Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu’il a fixé l’indemnité mensuelle de non-concurrence à la somme de 4 781,39 euros bruts au lieu de 5 696 euros bruts ( soit 4 902,17 euros nets).

Sur le versement pendant 24 mois de l’indemnité de non-concurrence

L’employeur n’a pas levé la clause de non-concurrence qui s’est appliquée postérieurement à la rupture du contrat de travail pendant 24 mois de sorte qu’il a versé chaque mois au salarié de septembre 2017 à août 2019 l’indemnité de non-concurrence.

Les premiers juges ont condamné l’employeur au paiement de la somme de 114 753,36 euros au titre d’une indemnité de non-concurrence non réglée de septembre 2017 à juin 2019, alors que les parties ne contestent pas qu’elle a été versée par l’employeur pendant toute la période pendant laquelle elle était due, l’employeur formant donc un appel incident de ce chef.

En effet, les premiers juges ont effectué une confusion entre la demande de réévaluation à 50 % de l’indemnité de non-concurrence et son versement effectif pendant 24 mois.

Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu’il a condamné l’employeur à verser au salarié la somme de 102 520,39 euros au titre de la contrepartie financière à la clause de non concurrence pour les mois de septembre 2017 à juin 2019, outre 10 252,03 euros au titre des congés payés afférents.

Sur la majoration de l’indemnité de non-concurrence à hauteur de 50% de la rémunération brute

Le salarié soutient que la contrepartie financière de la clause de non-concurrence est insuffisante en raison de son caractère ‘ absolument drastique’ et il en sollicite la réévaluation en considérant que le taux fixé à 25% n’est pas en adéquation avec l’étendue de l’interdiction de non- concurrence.

L’employeur réplique que le salarié tente d’obtenir la modification du montant de l’indemnité de non-concurrence par un procédé déloyal alors qu’il avait été fixé d’un commun accord par les parties et qu’il n’existe aucun texte attribuant au juge la lattitude et un pouvoir de réévaluation du montant de cette indemnité comme en matière de clause pénale.

**

Aux termes de l’article L. 1131 du code civil dans sa rédaction alors applicable, l’obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet.

Aux termes de l’article L. 1121-1 du code du travail, nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.

Il revient aux juges du fond le pouvoir d’apprécier souverainement le caractère dérisoire de la contrepartie financière. Dès lors qu’est retenu le caractère dérisoire de la contrepartie de l’obligation de non-concurrence, il appartient aux juges de fixer le dédommagement dû au salarié qui l’a néanmoins respectée.

Si une contrepartie financière dérisoire à la clause de non-concurrence équivaut à une absence de contrepartie rendant la clause nulle, le juge ne peut, sous couvert de l’appréciation du caractère dérisoire de la contrepartie pécuniaire invoquée par le salarié, substituer son appréciation du montant de cette contrepartie à celle fixée par les parties et, après avoir décidé de l’annulation de la clause, accorder au salarié la contrepartie qu’il estime justifiée..

En l’espèce, si le salarié sollicite que soit dite illicite la clause de non-concurrence au regard de son caractère dérisoire, cette demande ne peut toutefois s’analyser en une demande de nullité de la clause dès lors qu’il forme par ailleurs et au préalable plusieurs demandes de rappel visant l’application de ladite clause, notamment la fixation et la révision du montant de l’indemnité de non-concurrence.

Dès lors, à défaut de demande de nullité de la clause de non-concurrence, il ne peut être fait droit à la demande de voir ‘juger la clause de non-concurrence illicite compte tenu du caractère dérisoire de la contrepartie financière’.

Il convient donc de confirmer la décision des premiers juges en ce qu’ils n’ont pas dit illicite la clause de non-concurrence et ont rejeté la demande de réévaluation de l’indemnité de non-concurrence à 50% du salaire brut.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

L’employeur qui succombe, doit supporter la charge des dépens et ne saurait bénéficier d’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Il est inéquitable de laisser à la charge de du salarié les frais par lui exposés en première instance et en cause d’appel non compris dans les dépens, qu’il conviendra de fixer à la somme indiquée dans le dispositif de ses conclusions, soit la somme totale de 4 000 euros.

PAR CES MOTIFS:

Statuant publiquement et contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

INFIRME le jugement en ce qu’il fixe l’indemnité de non concurrence brute à la somme de 4 781,39 euros, en ce qu’il condamne la société Incams à payer à M. [D] la somme de 102 520,39 euros au titre de la contrepartie financière à la clause de non-concurrence pour les mois de septembre 2017 à juin 2019, outre 10 252,03 euros au titre des congés payés afférents, la somme de 112 300 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et en ce qu’il déboute M. [D] de ses demandes au titre des heures supplémentaires, congés payés afférents, prime d’intéressement 2017, complément du solde de tout compte, rappel d’indemnité de non concurrence pour les mois de septembre et octobre 2017,

CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

DIT que l’indemnité de non-concurrence brute s’élève à la somme mensuelle brute de 5 696 euros soit 4 902,17 euros nets,

CONDAMNE la SAS Incams à verser à M. [D] les sommes suivantes :

– 205 689, 03 euros de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires outre 20 568,90 euros au titre des congés payés afférents,

– 11 874,69 euros de rappel de salaire au titre de l’intéressement Incams 2017,

– 134 748 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 3 372,83 euros à titre de complément de solde de tout compte,

– 3 870,32 euros nets à titre de rappel d’indemnité de non-concurrence pour les mois de septembre et octobre 2017 outre 387 euros nets au titre des congés payés afférents,

DIT que, exceptée la somme précitée, aucune autre somme n’est due au salarié au titre de la contrepartie financière à la clause de non concurrence pour les mois de septembre 2017 à juin 2019,

ORDONNE d’office le remboursement par l’employeur, à l’organisme concerné, du montant des indemnités de chômage éventuellement servies au salarié du jour de son licenciement au jour du prononcé de l’arrêt dans la limite de 6 mois d’indemnités,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

DÉBOUTE la SAS Incams de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, pour les frais exposés en première instance et en cause d’appel,

CONDAMNE la SAS Incams à payer à M. [D] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

CONDAMNE la SAS Incams aux dépens de première instance et d’appel.

. prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

. signé par Madame Aurélie Prache, président et par Madame Dorothée Marcinek, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier Le président

 


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