Convention collective SYNTEC : 23 juin 2022 Cour d’appel de Lyon RG n° 17/05645

·

·

Convention collective SYNTEC : 23 juin 2022 Cour d’appel de Lyon RG n° 17/05645

AFFAIRE PRUD’HOMALE : COLLÉGIALE

N° RG 17/05645 – N° Portalis DBVX-V-B7B-LFSO

SAS MANDALA INTERNATIONAL

C/

[N]

SAS SOGEDEV RHONE-ALPES

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LYON

du 06 Juillet 2017

RG : F15/03732

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 23 JUIN 2022

APPELANTE :

Société MANDALA INTERNATIONAL venant aux droits de la société CROFTHAWK ET MANDALA ASSOCIES

[Adresse 1]

[Localité 6]

représentée par Me Bérengère REYMOND, avocat au barreau de LYON

ayant pour avocat plaidant Me Benjamin BEROUD de la SAS SR CONSEIL, avocat au barreau de CHAMBERY,

INTIMÉS :

[W] [N]

né le 17 Janvier 1981 à [Localité 7] (73)

[Adresse 3]

[Localité 5]

représenté par Me Marion SIMONET de la SELAS EPILOGUE AVOCATS, avocat au barreau de LYON

Société SOGEDEV RHONE-ALPES

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES – LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON

ayant pour avocat plaidant Me Philippe THIVILLIER, avocat au barreau de PARIS

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 24 Mars 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Nathalie PALLE, Présidente

Bénédicte LECHARNY, Conseiller

Thierry GAUTHIER, Conseiller

Assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 23 Juin 2022, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Nathalie PALLE, Présidente, et par Elsa SANCHEZ, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [W] [N] (le salarié) a été engagé à compter du 15 octobre 2007 en qualité de responsable commercial, statut cadre, par la société Crofthawk France devenue la société Crofthawk & Mandala associés.

La relation de travail est soumise à la convention collective des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987, dite Syntec.

Par requête du 6 octobre 2014, le salarié a fait convoquer devant le conseil de prud’hommes de Lyon ladite société, aux droits de laquelle vient la société Mandala international, ainsi que la société Sogedev Rhône-Alpes à laquelle avait été transféré son contrat de travail à la suite de la cession d’une branche d’activité, aux fins de voir condamner :

– la société Mandala international à lui payer diverses sommes à titre de bonus de cession et de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, d’une part, pour perte de jours de repos, d’autre part,

– solidairement les sociétés Mandala international et Sogedev Rhône-Alpes à lui payer des sommes à titre de rémunération variable et de prime conventionnelle de vacances.

Par jugement du 6 juillet 2017, le conseil de prud’hommes, en sa formation paritaire :

– s’est déclaré compétent pour trancher le litige relatif à la prime dite « bonus de cession » entre la société Mandala et le salarié,

et a :

– condamné la société Mandala international à payer au salarié les sommes suivantes :

15 000 euros bruts au titre de la prime dite « bonus de cession »,

25 840,55 euros bruts au titre de la part variable pour les années 2013, 2014 et 2015, outre 2 584,05 euros pour les congés payés afférents,

618,37 euros bruts au titre de la prime conventionnelle de vacances,

1 200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société Sogedev Rhône-Alpes à payer au salarié les sommes suivantes :

16 392,23 euros bruts au titre de la part variable pour l’année 2015 et les six premiers mois de l’année 2016, outre 1 639,22 euros pour les congés payés afférents,

496,96 euros bruts au titre de la prime conventionnelle de vacances 2016,

300 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonné à la société Mandala international et à la société Sogedev Rhône-Alpes de délivrer au salarié des bulletins de salaire tenant compte du jugement,

– rappelé les règles relatives au point de départ des intérêts au taux légal,

– dit que les intérêts au taux légal dûs pour une année entière porteront eux-mêmes intérêts,

– dit que le salaire mensuel brut moyen du salarié pour les dix premiers mois de l’année 2016 a été de 5 809,32 euros,

– dit que les sommes allouées supporteront s’il y a lieu les taxes et impôts prévus par les législations et réglementations en vigueur qui les concernent,

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire en sus de l’exécution provisoire de droit,

– fixé la moyenne brute des salaires des trois derniers mois à la somme de 5 044,99 euros,

– débouté le salarié du surplus de ses demandes

– débouté les sociétés Mandala international et Sogedev Rhône-Alpes de leurs demandes,

– condamné solidairement les sociétés Mandala international et Sogedev Rhône-Alpes aux dépens, en ce compris les frais éventuels d’exécution forcée du jugement.

La société Sogedev Rhône-Alpes a relevé appel de ce jugement le 21 juillet 2017. Par ordonnance du 28 juin 2018, le conseiller de la mise en état a constaté le désistement d’appel de la société Sogedev Rhône-Alpes et l’extinction de l’instance d’appel enregistrée sous le numéro RG 17/05480.

La société Mandala international a interjeté appel du jugement le 28 juillet 2017. La procédure a été enregistrée sous le numéro RG 17/05645.

Par conclusions notifiées le 9 octobre 2018, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé de ses moyens, la société Mandala international demande à la cour de :

– constater que la société Sogedev Rhône-Alpes s’est désistée de son appel enregistré sous le numéro RG 17/05480,

– dire et juger que la société Sogedev Rhône-Alpes a acquiescé purement et simplement au jugement rendu par le conseil des prud’hommes le 6 juillet 2017,

En conséquence,

– déclarer l’appel incident formé par la société Sogedev Rhône-Alpes dans le cadre de la présente procédure, irrecevable,

– rejeter l’ensemble des conclusions notifiées par la société Sogedev Rhône-Alpes,

– réformer les termes du jugement sauf en ce qu’il a rejeté les demandes afférentes aux jours de repos prétendument non pris et à l’exécution soit-disant déloyale du contrat de travail,

En conséquence,

– dire et juger que le salarié est sans droit ni titre à revendiquer un solde de rémunération variable au titre des années 2012, 2013, 2014 et 2015,

– dire et juger en outre que l’accord particulier du 2 décembre 2014 échappe à la compétence matérielle du conseil de prud’hommes de Lyon, au profit du tribunal de commerce de Chambéry,

– dire et juger encore que le salarié ne peut être indemnisé de jours de repos, faute d’établir que son ancien employeur se serait opposé à leur prise,

– dire et juger enfin qu’elle a loyalement et régulièrement exécuté le contrat de travail,

– débouter purement et simplement le salarié de l’ensemble de ses demandes,

– le condamner au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel.

Par conclusions communiquées le 14 février 2018, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé de ses moyens, le salarié demande à la cour de :

* En ce qui concerne la société Sogedev Rhône-Alpes :

– lui donner acte de ce qu’il accepte purement et simplement le désistement d’instance et d’action de la société Sogedev Rhône-Alpes,

* En ce qui concerne la société Mandala international :

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

– dit et jugé qu’il était compétent pour trancher le litige relatif au « bonus de cession»,

– condamné en conséquence la société Mandala international à lui verser les sommes suivantes :

15 000 euros à titre de bonus de cession,

1 200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit et jugé que l’accord intervenu sur la rémunération variable était à durée indéterminée et s’appliquait donc pour les années 2012, 2013 et pour les années suivantes,

– ordonné la remise de bulletins de salaires rectifiés, conformément aux chefs de demandes sus énoncées,

– assorti les condamnations des intérêts légaux à compter du bureau de conciliation pour les créances de nature salariale et à compter du jugement pour les autres demandes, avec anatocisme,

– infirmer le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau,

– condamner la société Mandala international à lui verser les sommes suivantes :

45 445,17 euros à titre de rémunération variable arrêtée au 23 juillet 2015,

4 544,51 euros au titre des congés payés afférents,

454,45 euros au titre de la prime conventionnelle de vacances,

6 500 euros nets à titre de dommages-intérêts pour perte de jours de repos,

60 000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat,

– condamner la société Mandala international à lui verser à la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société Mandala international aux dépens de l’instance.

Par conclusions communiquées le 14 février 2018, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé de ses moyens, la société Sogedev Rhône-Alpes demande à la cour de :

A titre liminaire :

– constater que le désistement intervenu concerne l’instance n° 17/05480,

– constater que ce désistement a été accepté par les deux autres parties à l’instance et qu’il est donc parfait,

– constater qu’elle sollicite uniquement sa mise hors de cause de l’instance n° 17/05645,

– constater qu’elle ne sollicite aucunement la réformation du jugement déféré,

En conséquence,

– rejeter la demande incidente de la société Mandala international de déclarer irrecevable « l’appel incident » formé par elle,

– rejeter la demande incidente de la société Mandala international de « rejeter l’ensemble des conclusions notifiées par la société Sogedev »,

A titre principal :

– constater qu’aucune demande subsistante n’est formulée à son encontre, ni de la part du salarié ni de la part de la société Mandala,

– constater que les demandes subsistantes concernent exclusivement la période antérieure au transfert du contrat de travail du salarié en son sein,

– dire et juger que la convention de cession conclue entre les employeurs successifs n’a pas été respectée par la société Mandala international venant aux droits de la société Crofthawk et Mandala associés,

– la mettre hors de cause,

A titre subsidiaire :

– condamner la société Mandala international à lui rembourser l’intégralité des sommes éventuellement avancées par cette dernière conséquemment aux condamnations prononcées, toutes charges comprises.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 14 mai 2020.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour rappelle qu’elle n’est pas tenue de statuer sur les demandes de constatations et de « donner acte » qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu’elles ne sont pas susceptibles d’emporter des conséquences juridiques.

1. Sur la mise hors de cause de la société Sogedev Rhône-Alpes

La société Sogedev Rhône-Alpes ne peut, tout à la fois, solliciter sa mise hors de cause et former des demandes tendant, à titre principal, à voir juger que la convention de cession conclue entre les employeurs successifs n’a pas été respectée par la société Mandala international venant aux droits de la société Crofthawk et Mandala associés et, à titre subsidiaire, à voir condamner la société Mandala international à lui rembourser l’intégralité des sommes éventuellement avancées par elle conséquemment aux condamnations prononcées, toutes charges comprises.

Aussi convient-il de rejeter la demande de mise hors de cause de la société Sogedev Rhône-Alpes.

2. Sur la rémunération variable

Le salarié soutient que par un échange de mails des 17 et 18 janvier 2013, la société Mandala et lui-même se sont entendus sur le versement à son profit d’une rémunération variable, pour une durée indéterminée, calculée sur le chiffre d’affaires généré par tous les contrats signés grâce à son intervention. Il ajoute qu’en cas de signature d’un contrat générant un chiffre d’affaires sur plusieurs années, la rémunération variable doit être calculée chaque année sur le chiffre d’affaires de l’année.

La société Mandala international réplique que l’accord sur la rémunération variable est un engagement à durée déterminée qui ne concerne que les années 2012 et 2013. Elle conteste par ailleurs la base de calcul retenue par le salarié, soutenant qu’il comptabilise également des contrats négociés et signés par les dirigeants et d’autres salariés de la société, et qu’il se fonde sur des chiffres provisoires et non certifiés. Elle ajoute qu’il n’y a pas lieu de tenir compte de la reconduction tacite des contrats cadre pour déterminer le chiffre d’affaires généré et soutient que le salarié a bénéficié d’un trop perçu de 3 815,55 euros.

Sur ce,

C’est par une exacte interprétation des termes de l’accord formalisé par l’échange de mails datés des 17 et 18 janvier 2013 et des motifs pertinents, adoptés par la cour, que les premiers juges ont retenu que l’utilisation des termes « à compter de » dans les titres « A compter de l’exercice 2013, calcul de la rémunération variable : » et « bonus supplémentaires à compter de 2013 : » indiquaient bien que l’accord ne portait pas uniquement sur l’année 2013 mais également sur les années suivantes, et qu’en l’absence de limites fixées, la convention conclue était à durée indéterminée.

Pour confirmer cette analyse, la cour observe que l’accord mentionne expressément, s’agissant des modalités de paiement de la prime : « paiement de la prime 2013 (et les années suivantes) en 2 fois », la référence aux « années suivantes » excluant clairement l’hypothèse d’un accord limité aux années 2012 et 2013.

C’est encore à juste titre que le conseil a intégré dans l’assiette de rémunération variable le chiffre d’affaires réalisé chaque année par les contrats tacitement reconduits, l’accord portant expressément sur le chiffre d’affaires « réalisé et facturé ».

À l’appui de sa demande en paiement de la somme de 45 445,17 euros, le salarié verse aux débats :

– la copie de l’échange de mails des 17 et 18 janvier 2013,

– des extractions des chiffres d’affaires « facturés » pour le pôle AFP, ou « facturations AFP », pour les années 2013, 2014 et 2015, avec la liste des clients concernés, transmises au salarié par la directrice administrative et financière,

– une extraction du logiciel de gestion de la relation client (CRM) listant les factures et mentionnant notamment : le numéro et la date de la facture, son montant hors taxes, l’année de facturation, l’affectation interne (Pramex ou Crofthawk), la date de signature du contrat et le nom du commercial (en l’espèce, le salarié),

– la copie des factures de prestations issues des contrats que le salarié soutient avoir générés,

– la copie de nombreux mails de transmission de contrats, émanant du salarié, destinés à justifier de la « paternité » des contrats signés par lui,

– une attestation de M. [C] [J], ancien salarié de la société Mandala international en qualité de directeur des opérations jusqu’en mai 2015, qui atteste que le salarié « générait, depuis 2013 au moins, la majeure partie du CA de l’entreprise liée à l’offre financements publics [car] il était le seul collaborateur commercial dédié exclusivement à cette branche d’activité »,

– une attestation de M. [M] [T], ancien directeur du pôle financements publics et actuel associé de la société Crofthawk & Mandala associés, qui atteste que le salarié « de par ses fonctions et sa qualité de responsable commercial du partenariat Pramex international, générait la majeure partie du CA au sein de la branche d’activité financement public au sein de [la société] de 2011 à 2015 ».

Ces pièces établissent suffisamment la réalité et le montant du chiffre d’affaires réalisé et facturé « sur la base de tous les contrats signés par [les] soins » du salarié, conformément aux termes de l’accord sur la rémunération variable.

La cour observe que si la société Mandala international conteste les éléments versés aux débats par le salarié, elle avance elle-même des chiffres contradictoires, faisant état notamment, en pièce 16, d’un chiffre d’affaires généré par le salarié en 2013 de 95’279,76 euros pour Pramex et de 75’526,57 euros pour Crofthawk, alors qu’en pièce 23, elle avance un chiffre d’affaires généré par le salarié en 2013 de 65’140,16 euros pour Pramex et de 24’605,02 euros pour Crofthawk. Encore, les conclusions de son expert-comptable, établies le 13 février 2015 sur la base des informations établies sous la responsabilité de M. [Z], vice-président de la société Mandala international, sont différentes des chiffres présentés dans les bilans comptables de la société.

Au vu de ce qui précède, il convient, par infirmation partielle du jugement déféré, de condamner la société Mandala international à payer au salarié, au titre de la part variable pour les années 2013, 2014 et 2015, la somme de 45’445,17 euros, ainsi décomposée :

201323’651,62 € – 7 000 € (versements)

201416’809,25 €

2015 11’984,30 €.

Cette somme est augmentée de la somme de 4 544,51 euros au titre des congés payés afférents, et de celle de 454,45 euros au titre de la prime conventionnelle de vacances, en application de l’article 31 de la convention collective Syntec aux termes duquel « l’ensemble des salariés bénéficie d’une prime de vacances d’un montant au moins égal à 10 % de la masse globale des indemnités de congés payés prévus par la convention collective de l’ensemble des salariés ».

3. Sur la prime dite de « bonus de cession »

Le salarié soutient que, selon un accord du 2 décembre 2014, un bonus de cession de 15 000 euros devait lui être versé en cas de cession ferme de la branche d’activité financements publics – AFP, et que ce bonus devait se cumuler avec sa rémunération variable. Il conteste la compétence du tribunal de commerce de Chambéry pour connaître de cet accord, rappelant qu’en application de l’article L. 1411-1 du code du travail, le conseil de prud’hommes est exclusivement compétent pour connaître des litiges liés à l’existence d’un contrat de travail, que celui-ci soit en cours de conclusion ou d’exécution, suspendu ou rompu.

La société Mandala réplique que l’accord du 2 décembre 2014 est un contrat de nature commerciale déconnecté du contrat de travail, ce dont les parties ont expressément convenu en stipulant la compétence exclusive du tribunal de commerce de Chambéry pour tout litige pouvant naître de son existence, interprétation ou exécution. Aussi demande-t-elle à la cour de se déclarer matériellement incompétente au profit de cette juridiction. Sur le fond, elle fait valoir que l’accord avait vocation à se substituer aux éléments de rémunération variable, et non à se cumuler avec eux, et que la cession de la branche d’activité s’est avérée bien moins profitable qu’attendue.

Sur ce,

Selon l’article L. 1411-1 du code du travail, le conseil de prud’hommes a compétence exclusive pour régler par voie de conciliation et pour juger les différends qui peuvent s’élever à l’occasion de tout contrat de travail entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu’ils emploient.

Et selon l’article L. 1411-4, alinéa premier, le conseil de prud’hommes est seul compétent, quel que soit le montant de la demande, pour connaître des différends mentionnés au chapitre 1er du titre Ier du livre IV de la première partie du code du travail. Toute convention contraire est réputée non écrite.

En l’espèce, le litige porte sur l’exécution d’un accord financier conclu le 2 décembre 2014 entre le salarié, la société Crofthawk associates Ltd et la société Crofthawk & Mandala associés, employeur du salarié, prévoyant qu’en cas de cession ferme de la branche d’activité financements publics – AFP de la société Crofthawk & Mandala associés, le salarié percevra la somme de 15’000 euros.

Cet accord stipule, en son article 6, que « tout litige survenant entre les parties qui pourrait naître de l’existence, de l’interprétation ou de l’exécution de cet accord et qui n’aurait pas été [réglé] de manière amiable, sera soumis au tribunal de commerce de Chambéry ».

Or, cet accord constitue un accessoire du contrat de travail signé entre le salarié et la société Crofthawk & Mandala associés, dès lors que l’attribution du bonus de cession est un avantage pécuniaire en relation directe avec le contrat de travail. Il en résulte que les différends liés à son exécution relèvent exclusivement de la compétence des juridictions prud’homales, nonobstant la clause dérogatoire d’attribution de compétence au tribunal de commerce de Chambéry, laquelle est réputée non décrite.

Aussi convient-il de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a déclaré le conseil de prud’hommes compétent pour trancher le litige relatif à la prime dite « bonus de cession ».

Contrairement à ce que soutient la société Mandala international, aucune disposition de l’accord ne permet de considérer que les parties avaient entendu substituer le bonus de cession de 15’000 euros à la rémunération variable précédemment accordée au salarié. Sur ce point, la cour observe que la rémunération variable calculée sur le chiffre d’affaires réalisé par le salarié est sans lien avec le bonus de cession accordé du fait de la cession d’une branche d’activité. La lecture de l’accord du 21 septembre 2010 précédemment signé entre le salarié et la société Crofthawk associates Ltd, auquel l’accord du 2 décembre 2014 fait référence, confirme que l’employeur, qui se déclarait « extrêmement satisfait[…] de la prestation professionnelle [du salarié] qui va bien au-delà du cadre de ses fonctions », souhaitait « qu’il puisse être financièrement intéressé si cette vente se réalisait sur une base d’une valorisation d’un minimum de 4 M€ ». Il ressort de ces termes que la volonté de l’employeur était d’octroyer au salarié un intéressement sur la cession envisagée, sans lien avec la rémunération variable accordée au salarié pour encourager et valoriser la réalisation d’un chiffre d’affaires élevé. Enfin, il importe peu que la cession de la branche d’activité se soit avérée moins profitable qu’attendue, le versement du bonus n’étant pas subordonné à l’importance du profit retiré par la société employeur.

Au vu de ce qui précède, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a condamné la société Mandala international à payer au salarié la somme de 15’000 euros bruts au titre de la prime dite de « bonus de cession ».

4. Sur les dommages-intérêts pour perte de jours de repos

Le salarié reproche aux premiers juges de l’avoir débouté de sa demande indemnitaire au motif que les conditions d’une convention de forfait en jours n’étaient pas réunies, alors que la société Mandala international n’a jamais contesté l’existence de cette convention de forfait. Il soutient qu’il n’a jamais été informé de ses droits à repos et qu’il a perdu le bénéfice de ses jours annuels de repos depuis son recrutement. Sur la période restant en litige, il demande la condamnation de la société Mandala international à lui payer 6 500 euros nets à titre de dommages-intérêts pour la perte de 29 jours de repos.

La société Mandala international confirme que les parties étaient bien liées par une convention de forfait en jours, contrairement à ce qu’a jugé le conseil de prud’hommes, mais conclut au rejet de la demande de dommages-intérêts au motif que le salarié est défaillant dans l’administration de la preuve d’une improbable absence de prise de jours de repos.

Sur ce,

Le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles.

La preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l’Union européenne et des durées maximales de travail fixées par le droit interne incombe à l’employeur.

Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.

L’accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail dans la branche des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils, dans sa rédaction issue de l’avenant du 1er avril 2014, d’application directe aux contrats en cours conformément à son chapitre II, prévoit que :

– « peuvent être soumis au présent article 4 [intitulé « forfait annuel en jours »] les personnels exerçant des responsabilités de management élargi ou des missions commerciales, de consultant ou accomplissant des tâches de conception ou de création, de conduite et de supervision de travaux, disposant d’une large autonomie, de liberté et d’indépendance dans l’organisation et la gestion de leur temps de travail pour exécuter les missions qui leur sont confiées » (article 4.1),

– « afin de ne pas dépasser le plafond convenu (dans la limite de 218 jours de travail sur l’année pour un droit à congés payés complet), ces salariés bénéficient de jours de repos dont le nombre peut varier d’une année à l’autre en fonction notamment des jours chômés. […] En accord avec leur employeur, les salariés peuvent renoncer à des jours de repos moyennant le versement d’une majoration minimum de 20 % de la rémunération jusqu’à 222 jours et de 35 % au-delà. Cette majoration est fixée par avenant au contrat de travail. Ce dispositif de rachat ne pourra avoir pour conséquence de porter le nombre de jours travaillés au-delà de 230 jours » (article 4.6),

– « le forfait annuel en jours s’accompagne d’un décompte des journées travaillées au moyen d’un suivi objectif, fiable et contradictoire mis en place par l’employeur. L’employeur est tenu d’établir un document qui doit faire apparaître le nombre et la date des journées travaillées ainsi que le positionnement et la qualification des jours non travaillés en repos hebdomadaire, congés payés, congés conventionnels ou jours de repos au titre du respect du plafond de 218 jours. Ce suivi est établi par le (la) salarié(e) sous le contrôle de l’employeur et il a pour objectif de concourir à préserver la santé du salarié » (article 4.7),

– « afin de garantir le droit à la santé, à la sécurité, au repos et à l’articulation entre vie professionnelle et vie privée, l’employeur du salarié ayant conclu une convention de forfait annuel en jours assure le suivi régulier de l’organisation du travail de l’intéressé, de sa charge de travail et de l’amplitude de ses journées de travail » (article 4.8.2),

– « afin de se conformer aux dispositions légales et de veiller à la santé et à la sécurité des salariés, l’employeur convoque au minimum deux fois par an le salarié, ainsi qu’en cas de difficulté inhabituelle, à un entretien individuel spécifique » (article 4.8.3).

En l’espèce, le contrat de travail stipule, en son article 4, une clause ainsi rédigée : « Compte tenu de ses fonctions et de l’autonomie horaire qui lui est reconnue, il appartient au salarié de gérer son temps de travail afin de satisfaire à ses missions, dans le respect des règles relatives au repos quotidien et hebdomadaire. Il devra informer son supérieur hiérarchique de ses jours de repos et être présent aux horaires et périodes requises, le cas échéant, par ce dernier ».

Les deux parties confirment que cette clause s’analyse en une convention de forfait en jours.

Or, il ressort des pièces du dossier que l’employeur n’a effectué aucun décompte des journées travaillées, qu’il n’a pas invité le salarié à établir, sous son contrôle, un suivi des jours travaillés et de ceux non travaillés et n’a organisé aucun entretien individuel spécifique avec le salarié conformément à l’article 4.8.3 de l’accord précité.

Par ailleurs, les bulletins de salaire du salarié ne font mention d’aucuns jours de repos supplémentaires résultant de l’application de la convention de forfait en jours et la société Mandala international ne démontre pas que le salarié a été mis en mesure de bénéficier de ces jours de repos ou qu’il y a renoncé moyennant le versement d’une majoration de 20 % de sa rémunération dans la limite du nombre maximal de jours travaillés.

Le non-respect du droit au repos du salarié lui a causé un préjudice qui sera justement réparé par l’allocation d’une somme de 6 300 euros à titre de dommages-intérêts. Le jugement déféré qui a débouté le salarié de ce chef demande, est infirmé.

5. Sur les dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

Le salarié fait valoir qu’en dépit des engagements pris en matière de rémunération variable comme de bonus de cession, la société Mandala international n’a pas honoré ses obligations contractuelles à son égard et l’a contraint à attraire son nouvel employeur devant la juridiction prud’homale, au risque d’entamer irrévocablement la nécessaire confiance à toute collaboration, lui causant ainsi nécessairement un préjudice considérable. Il ajoute qu’en dépit d’un effectif justifiant une représentation du personnel, la société s’est toujours soustraite à ses obligations, privant les salariés de la possibilité de faire état de leurs doléances par l’intermédiaire de délégués du personnel.

La société Mandala international réplique que le salarié est défaillant dans la démonstration d’une faute de sa part dans l’exécution du contrat de travail et conclut au rejet de la demande indemnitaire.

Sur ce,

S’il est établi que la société Mandala international a manqué à son obligation d’exécuter de bonne foi le contrat de travail en s’abstenant, notamment, de verser au salarié la rémunération variable et le bonus de cession auxquels il pouvait prétendre, force est de constater que l’intimé ne démontre pas le lien de causalité entre la faute de la société et l’obligation dans laquelle il se serait trouvé d’attraire en justice son nouvel employeur. À supposer ce lien de causalité établi, il ne démontre pas davantage la perte de confiance qu’il allègue entre son nouvel employeur et lui-même.

Encore, le manquement de l’employeur a son obligation d’exécuter le contrat de travail de bonne foi ne cause pas nécessairement un préjudice au salarié et il appartient à celui-ci, lorsqu’il en demande réparation, d’en démontrer la réalité comme l’ampleur.

En l’espèce, le salarié ne démontre pas le préjudice qui serait résulté pour lui du défaut d’organisation par la société Mandala international d’élections des représentants du personnel.

Aussi convient-il de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

6. Sur la demande de la société Sogedev Rhône-Alpes

La société Sogedev Rhône-Alpes s’étant désistée de son appel principal dans le cadre de l’instance d’appel enregistrée sous le numéro RG 17/05480 et n’étant condamnée, dans le cadre de la présente instance, au paiement d’aucune somme, il y a lieu de rejeter sa demande subsidiaire tendant à voir la société Mandala international condamnée à lui rembourser l’intégralité des sommes éventuellement avancées par elle conséquemment aux condamnations prononcées, toutes charges comprises.

7. Sur les demandes accessoires

Le jugement déféré est confirmé en ses dispositions relatives aux demandes accessoires, aux frais irrépétibles et aux dépens.

La société Mandala international, partie perdante, est tenue aux dépens d’appel. Elle est déboutée de sa demande d’indemnité pour frais irrépétibles et est condamnée à payer au salarié la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

REJETTE la demande de mise hors de cause de la société Sogedev Rhône-Alpes,

CONFIRME le jugement déféré sauf en ce qui concerne le montant des condamnations au titre de la part variable pour les années 2013, 2014 et 2015, des congés payés afférents et de la prime conventionnelle de vacances, et en ce qu’il a débouté M. [W] [N] de sa demande de dommages-intérêts pour perte de jours de repos,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

CONDAMNE la société Mandala international à payer M. [W] [N] les sommes suivantes 

45’445,17 euros bruts au titre de la part variable pour les années 2013, 2014 et 2015, outre 4 544,51 euros pour les congés payés afférents,

454,45 euros bruts au titre de la prime conventionnelle de vacances,

6 300 euros à titre de dommages-intérêts pour perte de jours de repos,

REJETTE la demande subsidiaire de la société Sogedev Rhône-Alpes tendant à voir la société Mandala international condamnée à lui rembourser l’intégralité des sommes éventuellement avancées par elle conséquemment aux condamnations prononcées, toutes charges comprises,

DÉBOUTE la société Mandala international de sa demande d’indemnité pour frais irrépétibles,

*CONDAMNE la société Mandala international à payer à M. [W] [N] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Mandala international aux dépens d’appel.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE

 


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x