REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 5
ARRET DU 22 SEPTEMBRE 2022
(n° 2022/ , 10 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/04397 – N° Portalis 35L7-V-B7D-B7WI7
Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Mars 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de PARIS – RG n° F13/11861
APPELANT
Monsieur [F] [L]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représenté par Me Benjamin MERCIER, avocat au barreau de PARIS, toque : C0138
INTIMEE
SAS FINASTRA FRANCE Venant aux droits de la SARL SOPHIS TECHNOLOGY FRANCE
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Charles-hubert OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0029
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 19 Mai 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre
Madame Nelly CAYOT, Conseillère
Madame Lydie PATOUKIAN, Conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame Marie-Christine HERVIER dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD
ARRET :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre et par Cécile IMBAR, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
EXPOSE DU LITIGE
Par contrat de travail à durée indéterminée à effet au 2 janvier 2006, M. [F] [L] a été engagé par la société Sophis technology en qualité d’ingénieur développement, statut cadre, position 1.2, coefficient 100 pour une durée de travail à temps complet moyennant une rémunération annuelle brute forfaitaire de 35 040 euros. Après sa période d’essai, il était en outre éligible à un bonus en fonction de sa performance. Son contrat de travail a été transféré à la société Misys France, actuellement dénommée Finastra France. En dernier lieu, il était classé en position 3-1 et percevait une rémunération mensuelle de base de 4 000 euros brut.
Le 21 décembre 2011, M. [L] a été élu en tant que titulaire à la délégation unique du personnel pour une durée de 4 ans.
Estimant être victime de discrimination en raison de ses activités syndicales, et ne pas être rempli de ces droits au regard notamment de l’application de la convention de forfait et du montant de sa rémunération, M. [L] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris le 29 juillet 2013.
Il a pris acte de la rupture de son contrat de travail par courrier recommandé du 16 février 2016.
La société Finastra France emploie au moins onze salariés et la relation de travail est soumise à la convention collective nationale des bureaux d’études techniques, cabinets d’ingénieurs-conseils, sociétés de conseils.
Par jugement du 8 mars 2019 auquel il convient de se reporter pour l’exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, le conseil de prud’hommes de Paris, section encadrement, saisi de demandes portant sur l’exécution et la rupture du contrat de travail et statuant en formation de départage, a :
– débouté M. [L] de l’ensemble de ses demandes,
-dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné M. [L] aux dépens.
M. [L] a régulièrement relevé appel du jugement le 3 avril 2019.
Aux termes de ses dernières conclusions d’appelant transmises par voie électronique le 1er juillet 2019 auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l’article 455 du code de procédure civile, M. [L] prie la cour de :
– réformer le jugement,
– condamner la société Finastra France venant aux droits de la société Sophis technology France à lui verser la somme de 113 633,03 euros au titre de l’indemnité due en application de l’article 4 de l’Accord du 22 juin 1999 et de l’article L. 3121-47 du code du travail,
À titre subsidiaire :
– constater la nullité de la convention de forfait jours pour la période antérieure au 1er juillet 2014 et son absence d’effets pour la période postérieure,
En conséquence,
– condamner la société Finastra France venant aux droits de la société Sophis technology France à lui verser les sommes de :
* 23 418,40 euros à titre de rappel sur les heures supplémentaires, outre 2 341,84 euros au titre des congés payés sur rappel de salaire,
* 21 455,42 euros au titre du travail dissimulé,
Dans tous les cas :
– condamner la société Finastra France venant aux droits de la société Sophis technology France à lui verser les sommes de :
* 2 201,52 euros au titre du rappel de la prime de vacances entre 2010 et 2013,
* 48 000 euros de dommages et intérêts pour discrimination liée à l’exercice de ses mandats,
* 9 742,41 euros au titre de l’absence de versement du bonus,
* 24 000 euros de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
– dire que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d’un licenciement nul,
– condamner la société Finastra France venant aux droits de la société Sophis technology France à lui verser les sommes de :
* 73 917,36 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,
* 65 704,32 euros au titre de l’indemnité pour violation du statut protecteur,
* 12 319,56 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
* 14 150,68 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,
* 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société Finastra France venant aux droits de la société Sophis technology France aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions d’intimée transmises par voie électronique le 1er octobre 2019 auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l’article 455 du code de procédure civile, la société Finastra France venant aux droits de la société Sophis technology France prie la cour de :
– faire produire à la rupture du contrat de travail les effets d’une démission,
– débouter M. [L] de l’ensemble de ses demandes indemnitaires,
– condamner M. [L] à lui verser la somme de 12 000 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
– débouter M. [L] de l’intégralité de ses demandes,
En tout état de cause,
– condamner M. [L] à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– le condamner aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 30 juin 2021.
MOTIVATION :
Sur l’exécution du contrat de travail :
Sur la demande présentée au titre de l’indemnité prévue par l’article 4 de l’accord du 22 juin 1999 :
M. [L] soutient que dans la mesure où il bénéficiait d’une convention de forfait en jours, il aurait dû percevoir une rémunération annuelle au moins égale à 120 % du minimum conventionnel de sa catégorie ainsi que le prévoit l’article 4 de l’accord du 22 juin 1999 et relever comme le prévoit l’article 4 de l’accord pour la période antérieure à août 2014 puis l’article 4-1, issu de l’avenant du 1er avril 2014, de la position 3 de la grille de classification des cadres ou bénéficier d’une rémunération annuelle supérieure à deux fois le plafond annuel de la sécurité sociale. Il fonde sa demande sur l’article 4.4 de l’accord qui précise conformément aux dispositions de l’article L. 3121’47 du code du travail dans sa version en vigueur jusqu’au 10 août 2016, que « lorsqu’un salarié ayant conclu une convention de forfait en jours perçoit une rémunération manifestement sans rapport avec les sujétions qui lui sont imposées, il peut, nonobstant toute clause contraire, conventionnelles ou contractuelles, saisir le juge judiciaire afin que lui soit allouée une indemnité calculée en fonction du préjudice subi, eu égard notamment au niveau du salaire pratiqué dans l’entreprise et correspondant à sa qualification conformément aux dispositions légales. »
La société Finastra France s’oppose à la demande et conclut à la confirmation du jugement en faisant valoir à bon droit que l’indemnité sollicitée n’est due qu’au salarié susceptible d’être, par application des dispositions légales et conventionnelles, soumis à une convention de forfait en jours et que si les salariés qui ne bénéficient pas d’une rémunération supérieure de 50 % au salaire minimum conventionnel du coefficient ne peuvent être valablement soumis à une convention de forfait en jours, ni l’accord de branche du 25 juin 1999 ni celui du 20 février 1979 ne font obligation à l’employeur d’assurer à ses salariés un tel niveau de rémunération.
La cour relève que M. [L] qui prétend qu’il aurait dû être classé en position 3 compte tenu de son niveau d’autonomie ne verse aux débats aucun élément suffisant à le démontrer pour la période antérieure à janvier 2015 alors que comme il sera vu ci -après, ses horaires faisaient l’objet de remarques et qu’il lui était demandé des rapports très réguliers sur son activité. Comme l’a jugé le conseil de prud’hommes, le salaire minimal pour être soumis au forfait jour est une condition d’éligibilité au forfait de sorte que la demande présentée est rejetée et le jugement confirmé en ce qu’il a débouté M. [L] de ce chef de demande.
Sur la demande de rappel d’heures supplémentaires :
Soutenant que la convention individuelle de forfait à laquelle il a été soumis est nulle puisque prise en application de la convention collective Syntec dont les dispositions ont été jugées par la Cour de cassation comme n’étant pas de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition dans le temps du travail de l’intéressé et donc à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié’; puis qu’elle lui est inopposable à la suite des nouvelles stipulations issues de l’avenant du 1er avril 2014, pour la période postérieure au 1er août 2014 dans la mesure où compte tenu de son niveau de classification : position 2-1 ,coefficient 115, il n’était pas éligible à la convention de forfait puisque un positionnement au niveau 3 était exigé et qu’au surplus, l’employeur n’a pas respecté les obligations qui lui étaient imposées en application de cet avenant, M. [L] réclame un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires.
La cour relève qu’aucune convention individuelle de forfait n’a été signée entre les parties le document de contrôle annuel du temps de travail signé pour l’année 2006 ne pouvant y suppléer. La convention de forfait appliquée à M. [L] lui est inopposable et sa demande présentée au titre du rappel d’heures supplémentaires est recevable.
Il résulte des articles L. 3171-2, L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail dans leur version applicable à l’espèce qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
En l’espèce, M. [L] explique qu’il effectuait un temps de travail supérieur à 40 heures par semaine mais que l’employeur lui ordonnait de n’indiquer qu’un temps de travail égal à 40 heures et présente une demande sur la base de l’accomplissement de cinq heures supplémentaires par semaine du 1er août 2010 au 31 mai 2015. Il communique, outre un décompte global de sa demande, des décomptes de temps de travail faisant apparaître régulièrement 40 heures de travail par semaine et même 64 heures de travail pour la semaine du 14 au 20 décembre 2013 et produit un mail de l’employeur du 25 janvier 2012 adressé à un autre salarié où M. [K] demande à son interlocuteur de revenir au fonctionnement standard de 40 heures par semaine et lui précise «’même si nous savons que la plupart des gens font plutôt plus que 40 heures par semaine’.
La société Finastra France soutient que la demande d’inscrire 40 heures au titre du temps de travail ne concernait que la facturation et non le suivi du temps de travail et fait valoir que la durée de travail hebdomadaire de M. [L] n’était pas de 40 heures contrairement à ce qu’il prétend et verse aux débats des attestations de plusieurs collègues de M. [L] selon lesquelles il pouvait arriver au travail à 11 heures pour repartir à 17 heures notamment en 2014 ou selon un autre salarié entre 10h45 et 11 heures dès 2011 à la suite de son transfert dans l’équipe ‘Asset class’avec de longues pauses pendant la journée.
De l’ensemble de ces éléments, la cour retient que M. [L] a bien effectué des heures supplémentaires mais dans une mesure moindre que celle qu’il revendique et condamne la société Finastra France à lui payer à ce titre la somme de 3 056,63 euros outre 305,66 euros au titre des congés payés afférents pour la période courant du 1er août 2010 au 31 mai 2015. Le jugement est infirmé en ce qu’il a débouté M. [L] de ce chef de demande.
Sur l’indemnité pour travail dissimulé’:
Le caractère intentionnel de la dissimulation alléguée ne résultant pas de la seule omission des heures sur les bulletins de salaire, n’est pas établi. La demande d’indemnité pour travail dissimulé est rejetée et le jugement confirmé en ce qu’il a débouté M. [L] de ce chef de demande.
Sur la demande présentée au titre de la prime de vacances :
M. [L] sollicite l’application de l’article 31 de la convention collective prévoyant que « l’ensemble des salariés bénéficie d’une prime de vacances d’un montant au moins égal à 10 % de la masse globale des indemnités de congés payés prévus par la convention collective de l’ensemble des salariés. Toute prime ou gratification versée en cours d’année à divers titres et quelle qu’en soit la nature peuvent être considérée comme prime de vacances à condition qu’elle soit au moins égale aux 10 % prévus à l’alinéa précédent et qu’une partie soit versée pendant la période située entre le 1er mai et le 31 octobre’. Il soutient que la prime de vacances ne lui a jamais été versée, sauf une fois en 2014, que cette carence a été expressément reconnue par la directrice des ressources humaines lors de la réunion du comité d’entreprise du 28 mai 2013 et que la prime qui lui a été versée en janvier 2013 sous l’intitulé prime de vacances à hauteur de la somme de 285,67 euros ne correspondait pas à la prime conventionnelle dont il demande le paiement puisque que elle n’a pas été versée pendant la période de référence et qu’elle a un montant inférieur aux 10 % de la masse globale des indemnités de congés payés représentant selon lui 550,38 euros par salarié selon le rapport de l’expert comptable mandaté par le comité d’entreprise sur la situation de l’entreprise au 31 mai 2012 de la société Sophis technology établi le 10 décembre 2012.
De son côté, la société Finastra France s’oppose à la demande en faisant valoir que M. [L] a été rempli de ses droits dans la mesure où :
– en 2010, il a perçu un bonus d’activité et un bonus exceptionnel pour un montant de 3 822,73 euros, supérieur à l’indemnité de congés payés,
– en 2011, il a perçu un bonus personnel de 2 860,94 euros en février 2011 puis un bonus évaluation de 1 942 euros au mois de juillet 2011 soit un montant total de 4 802,94 euros largement supérieur à son indemnité de congés payés,
– en 2013, il a perçu en octobre un bonus de 3 000 euros supérieur à son indemnité de congés,
– en 2012, il a perçu une prime de vacances d’un montant de 285,67 euros correspondant au montant de l’indemnité de congés payés sur cette période,
– en 2014, il a perçu une prime de vacances d’un montant de 211,81 euros correspondant au montant de l’indemnité de congés payés sur cette période,
– en 2015, il a perçu une prime de vacances d’un montant de 483,71 euros correspondant au montant de l’indemnité de congés payés sur cette période. Mais la cour observe qu’aucune somme n’est réclamée au titre de cette année là.
M. [L] fait valoir que contrairement à ce que prétend la société Finastra France, les bonus ne doivent pas être pris en compte dans le calcul de la prime de vacances puisque les rémunérations variables primes et commission qui dépendent de la réalisation d’objectifs dont le montant ne dépend pas d’une appréciation discrétionnaire de l’employeur mais d’un mode de calcul préalablement et objectivement défini ainsi que les primes versées aux ingénieurs et cadres dans le cadre de la rémunération fixe forfaitaire garantie annuelle constituent des modes de rémunération en contrepartie du travail fourni par le salarié et non des primes ou gratifications au sens de l’article 31 de la convention collective.
Toutefois, la cour considère que dès lors que les primes ou gratification versées en cours d’année à divers titres et quelle qu’en soit la nature peuvent être considérées comme primes de vacances, les montants perçus par M. [L] à condition qu’ils aient été versés dans la période prévue par la convention collective et soient supérieurs au montant de l’indemnité de congés payés pour partie doivent être déduits des sommes dues au titre de la prime de vacances.
Il ressort des bulletins de salaire communiqués que le bonus exceptionnel et le bonus personnel ont été versés au 31 mars 2010 de sorte que n’ayant pas été versés pendant la période visée par la convention collective ils ne constituent pas des primes de vacances au sens de l’article 31et il en est de même pour l’année l’année 2012, contrairement à ce que soutient l’employeur les bulletins de salaire ne portent mention d’aucune prime de vacance qui aurait été versée entre mai et octobre.
La cour fait donc droit à la demande présentée par M. [L] à hauteur de la somme de 1 100,76 euros au titre de la prime de vacances pour les années 2010, 2012, le salarié ayant été rempli de ses droits pour le surplus. Le jugement est infirmé en ce qu’il a débouté le salarié de ce chef de demande .
Sur la discrimination :
L’article L. 1132-1 du code du travail prohibe toute mesure discriminatoire directe ou indirecte en raion des activités syndicales d’un salarié. En application de l’article L.1134-1 du code du travail, en cas de litige relatif à l’application de l’article L.1132-1, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte et il incombe à la partie défenderesse au vu de ces éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, le juge formant sa conviction après avoir ordonné entant que de besoin, toutes les meures d’instruction qu’il estime utiles.
M. [L] soutient avoir été victime d’une discrimination en raison de ses activités syndicales depuis son élection intervenue le 21 décembre 2011 en présentant les éléments de faits suivants :
– en premier lieu, le changement de comportement de l’employeur à son égard puisque son supérieur hiérarchique M. [A] lui adressait dans un mail du 3 janvier 2012 qu’il verse aux débats des reproches sur sa productivité et sa ponctualité,
– en second lieu, M. [L] invoque l’absence de perception des bonus. Il explique qu’il avait obtenu des primes de bonus jusu’en février 2011 ainsi qu’un mail de félicitation en septembre 2011 en juillet 2011 mais qu’en revanche la société ne lui pas versé de bonus en 2012, année suivant son élection. Il verse aux débats le mail par lequel il sollicite des explications auprès de M. [G] ‘head of compensation and benefits’. Il souligne que seuls 10 % des effectifs de la société Misys n’avait pas reçu de bonus en 2012 mais que la totalité des membres de la délégation unique du personnel n’avait quant à elle reçu aucune prime. Pour l’année 2013/2014, il fait valoir que sa notation évaluée à 3sur 5 par son manager ainsi que cela ressort de l’entretien d’évaluation a été ramenée à 2, de sorte qu’il n’a perçu que 10% du bonus au lieur d’en percevoir la totalité,
– en troisième lieu, M. [L] fait valoir qu’il n’a pas bénéficié d’augmentations individuelle salariales alors qu’auparavant il avait bénéficié de hausses de salaires annuelles de 2007 à 2009 puis à deux reprises en 2011. Il verse aux débats ses bulletins de salaire et invoque également un courrier du mois de septembre 2011 lui annonçant une augmentation de salaire,
– en quatrième lieu, M. [L] fait état des entraves de la société Sophis technology à l’exercice de la délégation unique du personnel en reprochant à la société d’avoir refusé de mettre à disposition un local en violation de l’article L. 2325’12 du code du travail contraignant le comité d’entreprise à saisir en référé le tribunal de grande instance de Paris et explique que ce n’est qu’en cours de procédure que la société a proposée d’affecter à son comité d’entreprise un local. Il fait également valoir que la société Sophis technology ne respectait pas les dispositions du code du travail obligeant l’employeur à informer et à consulter le comité d’entreprise sur de nombreux sujets de sorte que le comité a été contraint de saisir le tribunal de grande instance de Paris en réparation de son préjudice. Toutefois, la cour rappelle que le délit d’entrave ne constitue pas un élément de fait susceptible de laisser supposer en soi une discrimination et observe que M. [L] n’agit pas comme représentant du comité d’entreprise. Enfin, M. [L] fait valoir que la directrice des ressources humaines Madame [B] réprimandait régulièrement devant l’ensemble des autres salariés les élus ainsi qu’en atteste M. [H], salarié de la société Misys France . A cet égard, la cour relève cependant que l’attestation de M. [H] ne suffit pas à caractériser la réprimande alléguée ni son caractère régulier puisque les termes de la conversation ne sont pas rapportés. Enfin, il fait valoir que l’employeur ouvrait les courriers confidentiels destinés au comité d’entreprise, versant au débat une photographie d’une enveloppe avec un petit mot manuscrit mentionnant qu’un courrier posté le 9 février 2015 avait été ouvert par erreur par Mme [T] [C] La cour observe que ces faits relèvent éventuellement du délit d’entrave et non de la discrimination puisque le courrier n’était pas adressé à M. [L] à titre personnel mais au comité d’entreprise comme cela ressort du libellé de la partie apparente de l’enveloppe photographiée. Les faits ne sont donc pas retenus.
L’ensemble des faits matériellement établis laissent supposer une discrimination en raison des activités syndicales de M. [L] et il appartient à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs qui y sont étrangers.
S’agissant du changement de comportement de l’employeur, la société Finastra France soutient que dés février 2011, le manque de motivation de M. [L] avait entraîné un changement d’équipe et en justifie par l’attestation du supérieur de M. [L] corroborée par les attestations de plusieurs autres salariés relayant les difficultés rencontrées par M. [L] dans la fonction de développeur senior. La cour considère qu’ainsi, l’employeur justifie les faits par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
S’agissant de la non perception des bonus, la société Finastra France conteste que M. [L] n’ait pas perçu de bonus en 2012/2013 puisqu’il a perçu 3 000 euros en octobre 2013, fait valoir que la perception du bonus n’était pas contractuelle et que la politique de rémunération variable a évolué au sein de la société Sophis technology à la suite de son rachat par le groupe Misys et que M. [L] a été avisé en août 2012 qu’il ne percevrait pas de bonus au titre de l’année compte tenu de ses mauvais résultats. Elle verse aux débats les attestations des supérieurs hiérachiques de M. [L] qui font état de l’insuffisance de ses résultats et une capture d’écran de sa notation révélant un niveau insuffisant. Par ailleurs, la société démontre que d’autres salariés titulaires d’un mandat de représentant du personnel au sein de la société Sophis technology ont perçu un bonus au titre de l’année 2011/ 2012 en produisant les éléments d’information relatifs à M. [R], M. [P] et M. [S]. La société fait ensuite valoir qu’à partir du mois de juin 2012, la politique de la société Misys pour l’attribution des bonus dépendait de critères de performance collective et individuelle selon le plan de bonus communiqué aux salariés et que la performance de M. [L] avait été jugée insuffisante lui permettant cependant d’obtenir un bonus partiel puis finalement un bonus correspondant au maximum auquel il pouvait prétendre dans le cadre d’une décision prise à titre exceptionnel par la société dans le cadre de la transition entre les politiques d’attribution. Concernant le bonus 2013/2014, l’employeur justifie que le plan de bonus prévoyait que les salariés dont la performance était inférieure aux niveaux attendus n’étaient pas éligibles en communiquant le plan de rémunération variable pour 2014 (paragraphe 2, page 3), que la performance de M. [L] avait été évaluée au niveau 2, mais qu’il avait quand même reçu un bonus à titre d’encouragement, établissant que de nombreux salariés avaient reçu cette même note dont 7 n’avaient reçu aucun bonus, en communiquant la liste de ces salariés. L’employeur justifie enfin que s’il a refusé d’allouer la note de 3 finalement à M. [L], c’est en raison de l’irrégularité de sa performance et du manque de solidarité avec les autres membres de l’équipe communiquant les attestations des supérieurs hiérachiques déjà cités et celle des autres salariés indiquant souffrir de ce que M. [L] s’attribuait des tâches de développeur junior, jouait sur son ordinateur et prenait de longues pauses tandis que le reste de l’équipe travaillait. La cour considère ces éléments suffisants pour démontrer que la situation alléguée était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
S’agissant de l’absence d’augmentation salariale, la société Finastra France justifie que la politique salariale du groupe Misys était différente de celle de la société Sophis technology en 2011, laquelle attribuait des augmentations générales au contraire de la société Misys qui liait les augmentations au niveau de performance ainsi qu’en atteste M. [D], anien dirigeant de la société Sophis technology. La cour considère en conséquence que l’employeur démontre ainsi que les faits sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tous agissements discriminatoires.
En définitive, la cour considère que l’employeur démontre que les faits qui laissaient supposer une discrimination sont en réalité justifiés par des éléments objectifs qui y sont étrangers de sorte que la discrimination alléguée n’est pas établie, M. [L] est débouté de la demande de dommages-intérêts qu’il présente en réparation du préjudice découlant de la discrimination et le jugement est confirmé de ce chef.
Sur la demande présentée au titre des bonus’:
La cour n’ayant pas retenu que M. [L] avait été victime de discrimination au titre de l’absence de versement du bonus, et qu’il n’y était pas éligible en raison de sa performance insuffisante considère que la demande n’est pas fondée et déboute M. [L] de la demande financière qu’il présente à ce titre. Le jugement est confirmé de ce chef.
Sur l’exécution déloyale du contrat de travail :
M. [L] reproche à la société Sophis technology d’avoir appliqué de mauvaise foi la convention de forfait, de lui avoir demandé de remplir de faux temps de travail, de ne pas lui avoir versé sa prime de vacances, de lui avoir fait subir une discrimination syndicale et de l’avoir réprimandé régulièrement devant les autres salariés. La cour n’a pas retenu que la société avait appliqué de mauvaise foi la convention de forfait et n’a retenu ni la discrimination ni les réprimandes alléguées. La demande concernant les temps de travail correspondait à une demande relative à la facturation. M. [L] ne justifie pas d’un préjudice distinct de celui qui a été indemnisé au titre du non versement d’une partie de la prime de vacances, de sorte que la demande de dommages-intérêts présentée au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail est rejetée. Le jugement est confirmé de ce chef;
Sur la rupture du contrat de travail :
La cour rappelle que lorsqu’un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les manquements invoqués empêchaient la poursuite du contrat de travail, soit, dans le cas contraire, d’une démission. La charge de la preuve des faits qu’il allègue à l’encontre de l’employeur à l’appui de sa prise d’acte pèse sur le salarié.
L’écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail ne fixe pas les limites du litige.
M. [L] soutient que sa prise d’acte doit produire les effets d’un licenciement nul en raison de la violation de son statut de salarié protégé en reprochant à l’employeur les manquements suivants :
– ne pas lui avoir versé la rémunération minimale correspondant à la convention collective dès que le forfait lui a été appliqué, et ce, même lorsque la situation a été régularisée s’agissant de son positionnement conventionnel,
– lui avoir fait subir une discrimination en raison de ses activités syndicales,
– ne pas lui avoir versé sa prime de vacances,
– ne pas avoir respecté les stipulations conventionnelles sur le forfait-jour.
L’employeur conclut au débouté.
La cour n’a pas retenu la discrimination syndicale alléguée et considère que les autres manquements invoqués ne sont pas caractérisés s’agissant du minimum conventionnel comme l’a retenu à bon droit le conseil de prud’hommes par des motifs pertinents que la cour adopte, ou ne sont pas de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail de sorte que M. [L] est débouté de l’ensemble des demandes qu’il présente au titre de la nullité du licenciement et des indemnités de rupture.
Sur la demande reconventionnelle :
La société Finistra France sollicite la condamnation de M. [L] à lui verser une somme de 12 000 euros au titre de l’indemnité de préavis non exécuté par le salarié mais dès lors qu’elle ne justifie pas du préjudice subi, elle est déboutée de sa demande. Le jugement est confirmé de ce chef.
Sur les autres demandes :
La société Finastra France, partie perdante est condamnée aux dépens et doit indemniser M. [L] des frais exposés par lui et non compris dans les dépens à hauteur de la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, sa propre demande sur ce même fondement étant rejetée.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement dans toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a débouté M. [F] [L] de ses demandes de rappel de salaires sur heures supplémentaires et congés payés afférents et de rappel de primes de vacances,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :
CONDAMNE la société Finastra France venant aux droits de la société Sophis technology à payer à M. [F] [L] les sommes de :
– 3 056,63 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires outre 305,66 euros au titre des congés payés afférents pour la période courant du 1er août 2010 au 31 mai 2015,
– 1 100,76 euros au titre de la prime de vacances pour les années 2010, 2012,
DÉBOUTE M. [F] [L] du surplus de ses demandes,
DÉBOUTE la socuété Finistra France de sa demande reconventionnelle,
CONDAMNE la société Finastra France venant aux droits de la société Sophis technology à verser à M. [F] [L] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et la déboute de sa demande sur ce même fondement,
CONDAMNE la société Finastra France venant aux droits de la société Sophis technology aux dépens.
LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE