C 9
N° RG 21/04069
N° Portalis DBVM-V-B7F-LBUK
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée le :
la SELARL CDMF AVOCATS
Me Martine MANGIN
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
Ch. Sociale -Section B
ARRÊT DU JEUDI 22 JUIN 2023
Appel d’une décision (N° RG 19/00699)
rendue par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de GRENOBLE
en date du 26 août 2021
suivant déclaration d’appel du 27 septembre 2021
APPELANT :
Monsieur [H] [S]
né le 04 Août 1969 à [Localité 4]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représenté par Me Jean-Luc MEDINA de la SELARL CDMF AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE substitué par Me Romain JAY de la SELARL CDMF AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMEE :
S.A.S. ALL SYSTEMS Représentée par son président, M. [T] demeurant en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Martine MANGIN, avocat au barreau de GRENOBLE
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DÉLIBÉRÉ :
M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président,
Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,
M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,
DÉBATS :
A l’audience publique du 17 mai 2023,
M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président chargé du rapport et Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère, ont entendu les parties en leurs conclusions, assistés de Mme Carole COLAS, Greffière, conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, les parties ne s’y étant pas opposées ;
Puis l’affaire a été mise en délibéré au 22 juin 2023, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.
L’arrêt a été rendu le 22 juin 2023.
EXPOSE DU LITIGE’:
M. [H] [S], né le 4 août 1969, a été embauché à compter du 01 janvier 2005 selon contrat en date du 26 décembre 2004 par la société par actions simplifiée (SAS) All Systems suivant contrat de travail à durée indéterminée, en qualité d’ingénieur informaticien, coefficient 150, position 2.3, statut cadre de la convention collective SYNTEC.
Au dernier état de la relation contractuelle, M. [H] [S] percevait un salaire mensuel brut de 3’988,58 euros.
Un avenant au contrat de travail en date du 10 décembre 2004, mais vraisemblablement avec une date erronée puisqu’antérieure au contrat de travail, a été signé par les parties concernant la durée et les horaires de travail du salarié.
Par courrier en date du 16 février 2018, la SAS All Systems a invité M. [H] [S] à négocier une rupture conventionnelle lors d’un entretien fixé au 21 février 2018.
Par courrier en date du 7 mars 2018, M. [H] [S] a indiqué à la SAS All Systems ne pas donner suite à cette proposition.
En juin 2018, M. [H] [S] a été bénéficiaire pour la première fois d’une prime de vacances prévue par voie conventionnelle.
Par courrier remis en main propre le 19 juillet 2018, M. [H] [S] a été convoqué par la SAS All Systems à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 28 août 2018.
Par lettre en date du 5 septembre 2018, la SAS All Systems a notifié à M. [H] [S] son licenciement pour motif personnel, invoquant notamment une insuffisance professionnelle du salarié, un défaut d’implication de ce dernier ainsi qu’une mésentente avec ses collègues de travail.
M. [H] [S] a été dispensé de l’exécution de son préavis d’une durée de trois mois.
Par requête en date du 9 août 2019, M. [H] [S] a saisi le conseil de prud’hommes de Grenoble aux fins de contester son licenciement et d’obtenir le paiement de rappels de salaires au titre de sa prime de vacances pour les années 2016 et 2017.
La SAS All Systems s’est opposée aux prétentions adverses.
En date du 25 octobre 2019, la SAS All Systems a régularisé le paiement de la prime de vacances concernant l’année 2017 auprès de M. [H] [S].
Par jugement en date du 26 août 2021, le conseil de prud’hommes de Grenoble a’:
– dit et jugé que le licenciement de M. [H] [S] repose sur une cause réelle et sérieuse,
– débouté M. [H] [S] de l’ensemble de ses demandes,
– débouté la SAS All Systems de sa demande reconventionnelle,
– laissé les dépens à la charge de M. [H] [S].
La décision a été notifiée par le greffe par lettres recommandées avec accusés de réception signés le 27 août 2021 par les deux parties.
Par déclaration en date du 27 septembre 2021, M. [H] [S] a interjeté appel à l’encontre dudit jugement.
Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 4 avril 2022, M. [H] [S] sollicite de la cour de’:
Vu l’article L. 1232-2 du code du travail
Vu l’article L. 6321-1 du code du travail
Vu l’article 700 du code de procédure civile
Vu les jurisprudences
Vu les pièces
Vu les faits
Vu le jugement de la section encadrement du conseil de prud’hommes de Grenoble en date du 26 août 2021 (RG : 19/00699)
Réformer le jugement de la section encadrement du conseil de prud’hommes en date du 26 août 2021 (RG : 19/00699) ;
En conséquence :
Dire et juger que le licenciement de M. [H] [S] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Dire et juger que M. [H] [S] est en droit d’obtenir un rappel de la prime de vacances 2017;
Ainsi :
Condamner la SAS All Systems au paiement de la somme de 70 000 € nets à titre de dommages et intérêts pour absence de cause réelle et sérieuse ;
Condamner la SAS All Systems au paiement de la somme de 525, 98 € bruts au titre du rappel de la prime de vacances 2017 ;
Condamner la SAS All Systems au paiement de la somme de 500 € nets à titre de dommages et intérêts pour paiement tardif de la prime de vacances au titre des années 2016 et 2017
En tout état de cause :
Condamner la SAS All Systems au paiement de la somme de 3 000 € nets sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamner la SAS All Systems aux entiers dépens.
Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 14 septembre 2022, la SAS All Systems sollicite de la cour de’:
Déclarer recevable mais mal fondé l’appel formé par M. [H] [S] à l’encontre du jugement rendu par le conseil des prud’hommes de Grenoble, section encadrement du 26 août 2021.
Vu les dispositions de l’article L. 1232-1 du code du travail.
Vu les pièces produites,
Dire et juger que le licenciement de M. [H] [S] repose sur une cause réelle et sérieuse.
En conséquence :
Le débouter de sa demande en paiement de dommages et intérêts.
Constater que M. [H] [S] a été rempli de ses droits au titre des primes de vacances pour les années 2016 et 2017 au regard d’une part du montant des congés payés qu’il a reçu et d’autre part de la prime exceptionnelle qui lui a été servie.
Ainsi et au regard des dispositions de l’article 31 de la convention collective des bureaux d’étude technique, cabinet d’ingénieurs conseils, sociétés de conseils
Constater qu’au mépris des dispositions de l’article R. 1452-2 du code du travail, M. [H] [S] n’a pas sollicité de la part de l’employeur le paiement des primes de vacances qui n’auraient pas été réglées au cours des années 2016 et 2017 préalablement avant tout recours à justice.
Dès lors :
Dire et juger injustifiée sa demande en paiement de dommages et intérêts sollicitée au titre d’un prétendu retard quant au paiement de ces sommes.
En conséquence :
Confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions.
Rejeter la demande d’indemnité formulée par M. [H] [S] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Condamner M. [H] [S] à payer à la SAS All Systems une indemnité de 3000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l’article 455 du code de procédure civile de se reporter aux conclusions des parties susvisées.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 9 mars 2023.
L’affaire, fixée pour être plaidée à l’audience du 17 mai 2023.
EXPOSE DES MOTIFS’:
Sur la prime de vacances pour les années 2016 et 2017′:
L’article 31 de la convention collective Syntec alors en vigueur énonce que’:
L’ensemble des salariés bénéficie d’une prime de vacances d’un montant au moins égal à 10 % de la masse globale des indemnités de congés payés prévus par la convention collective de l’ensemble des salariés.
Toutes primes ou gratifications versées en cours d’année à divers titres et quelle qu’en soit la nature peuvent être considérées comme primes de vacances à condition qu’elles soient au moins égales aux 10 % prévus à l’alinéa précédent et qu’une partie soit versée pendant la période située entre le 1er mai et le 31 octobre.
En l’espèce, l’employeur développe tout d’abord un moyen inopérant au visa de l’article R 1452-2 du code du travail tiré du fait que M. [S] n’a pas sollicité le paiement amiable des primes de vacances avant tout recours en justice dès lors qu’il n’est pas prévu de sanction à l’absence de mention des diligences entreprises en vue de la tentative amiable de résolution du litige par renvoi aux articles 57 et 54 du code de procédure civile.
Ensuite, les parties s’accordent sur le fait que l’employeur a régularisé le paiement de la prime de vacances pour l’année 2016 mais restent en désaccord pour l’année 2017.
L’employeur se prévaut du versement établi en juin 2016 d’une prime exceptionnelle à hauteur de 2000 euros supérieure au montant de 525,98 euros bruts de la prime de vacances tel que résultant de la convention collective.
Toutefois, la prime pour l’année 2017 ne saurait pouvoir être rattachée à une prime payée en juin 2016 dès lors que la période de référence de la prise des congés payés et des indemnités afférentes dans l’entreprise est du 1er juin 2016 au 31 mai 2017, de sorte que la prime de vacances pour l’année 2017 ne peut être connue qu’en mai 2017.
L’employeur ne se prévaut aucunement d’un paiement indu pour l’année 2016 qu’il a régularisé en cours de procédure et la cour d’appel ne saurait sans méconnaître l’objet du litige déterminé par les parties au visa de l’article 4 du code de procédure civile, se saisir d’office de cette question.
En conséquence, infirmant le jugement entrepris, il convient de condamner la société All Systems à payer à M. [S] la somme de 525,98 euros bruts à titre de prime de vacances pour l’année 2017.
M. [S] est en revanche débouté de sa demande indemnitaire au titre du retard dans le paiement de ladite prime dès lors que l’employeur a régularisé la situation à première demande et qu’il a en outre bénéficié pour l’année 2016 d’une prime exceptionnelle en sus de la prime de vacances largement supérieure à celle-ci de nature à écarter tout préjudice subi.
Le jugement entrepris est en conséquence confirmé de ce chef.
Sur le licenciement’:
L’article L 1232-1 du code du travail dispose que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.
L’article L 1235-1 du code du travail dispose notamment que le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Il justifie dans le jugement qu’il prononce le montant des indemnités qu’il octroie.
Si un doute subsiste, il profite au salarié.
La lettre de licenciement fixe les termes du litige.
Si la lettre de licenciement doit énoncer des motifs précis, matériellement vérifiables, cette exigence est satisfaite lorsque la lettre de licenciement mentionne l’insuffisance professionnelle.
Pour qu’ils puissent matérialiser une insuffisance professionnelle, les objectifs fixés non remplis doivent être réalistes et atteignables.
L’insuffisance professionnelle d’un salarié ne peut être retenue si un employeur n’a pas adapté le salarié à l’évolution de poste et/ou n’a pas mis à sa disposition les moyens nécessaires à la réalisation de ses missions.
Le salarié ne répondant pas aux attentes de son employeur doit en principe faire l’objet d’une mise en garde préalable.
L’insuffisance professionnelle est exclusive de toute faute supposant une intention délibérée.
En l’espèce, il convient d’analyser les éléments produits par l’une et l’autre partie afin de déterminer si l’insuffisance professionnelle avancée par l’employeur est ou non avérée.
D’une première part, M. [S] verse aux débats l’attestation du 25 juin 2018 de M. [G], technicien formateur, qui met en avant la motivation et l’apport significatif dans le travail d’équipe pour le développement du projet «’nouvelle saisie’».
Toutefois, l’employeur produit une attestation du même témoin en date du 24 juillet 2020 aux termes de laquelle ce dernier indique avoir voulu rendre service à M. [S] en faisant une attestation à son profit mais qu’il n’est pas en mesure de juger de ses compétences professionnelles dès lors qu’il ne travaille pas dans la même structure mais à [Localité 3].
Cet élément avancé par le salarié apparaît dès lors dénué de toute pertinence.
D’une seconde part, M. [M] atteste certes que M. [S] a été précurseur dans l’utilisation de la méthode AGIL dans l’entreprise en sa qualité de chef de projet et que leurs relations ont toujours été cordiales, directes et efficaces.
Toutefois, l’employeur met à juste titre en avant que le licenciement pour insuffisance professionnelle de M. [S] est intervenu le 05 septembre 2018 alors que M. [M] avait quitté l’entreprise le 30 juin 2014, soit plus de 4 ans auparavant de sorte que les appréciations portées par cet ancien salarié sur les compétences professionnelles de son collègue sont anciennes par rapport à la date de la rupture du contrat de travail et fournissent donc un éclairage limité à ce titre, les insuffisances reprochées par l’employeur au salarié ayant parfaitement pu se développer par la suite.
D’une troisième part, l’employeur verse certes aux débats un nombre conséquent d’attestations de collègues de travail pointant certaines difficultés qu’ils disent avoir rencontrées avec M. [S] dans le cadre de l’entreprise. ([P], [J], [V] (X2), [E] (X2), [L], [I], [O] et [W]).
Toutefois, la cour d’appel doit prendre en compte le contexte dans lequel la plupart desdites attestations a été établie, à savoir en mars/avril 2018, exception faite de celle de M. [W] datée du 30 octobre 2019, étant observé que deux salariés ont fourni chacun ultérieurement une nouvelle attestation à l’employeur.
Ces témoignages ont donc été recueillis par l’employeur juste après que celui-ci a pris l’initiative les 15 et 16 février 2018 d’une proposition de rupture conventionnelle du contrat de travail qui a été refusée par le salarié par courrier du 07 mars 2018, M. [S] indiquant, confirmé en cela par la société All Systems dans ses conclusions d’appel en page 6, que les attestations lui ont été transmises par l’intermédiaire de son conseil plusieurs mois avant la notification de son licenciement, dans le cadre de la poursuite qui s’est avérée infructueuse, des discussions autour d’une éventuelle rupture conventionnelle du contrat de travail.
Si l’employeur est parfaitement libre de faire usage du droit qui est reconnu à chacune des parties à un contrat de travail de proposer à l’autre une rupture conventionnelle, la valeur probante de ces attestations doit être pour autant appréhendée à l’aune du fait qu’elles ont été sollicitées et transmises par l’employeur à la partie adverse non pas dans le cadre du présent contentieux voire au moment de la procédure de licenciement afin de permettre au salarié de présenter ses explications ou moyens de défense mais à l’occasion de négociations en vue d’une rupture amiable’; ce qui est de nature à relativiser la valeur probante de ces pièces utilisées par l’une des parties afin de maximiser ses chances d’emporter l’adhésion de l’autre à la régularisation d’une rupture conventionnelle à un coût le moins élevé possible.
D’une quatrième part, la force probante de ces témoignages est d’autant plus relative que s’ils font référence à certains faits ou évènements précis, dont quelques uns sont d’ailleurs anciens (2013 pour M. [W] «’l’année suivant mon entrée dans l’entreprise(‘)’»), ils comportent également des appréciations nettement subjectives sur la personnalité et l’attitude de M. [S]’:
– «’M. [S] n’a pas eu de motivation/envie pour intégrer aux projets en cours’» ([P])
– «'[H] ne fait pas preuve d’esprit d’équipe, a du mal à se conformer aux directives et poursuit son idée.(‘) Le relationnel avec lui est compliqué pour tous, sauf depuis janvier 2018.(‘) Enfin [H] n’est jamais en faute, ce sont les autres, ou les entrées qui ne sont pas bonnes. Psychologie compliquée avec lui.’» ([V])
– «'(‘) un comportement de [H] [S] de plus en plus individualiste, communiquant peu avec l’ensemble du personnel, participant par exemple rarement aux quelques évènements organisés hors temps de travail (pots en fin de journée, réunions d’informations entre 12h30 et 13h00). J’ai régulièrement entendu son supérieur [A] [E] dire qu’il était ingérable, et remarqué que certains de ses collègues directs exprimaient des réticences à travailler avec lui, ou demandaient à ne plus partager son bureau.’» ([L])
– «’J’ai pu noter une lassitude et un renfermement de [H], et ce depuis un certain temps. Pour autant, aucune cause précise ne semble être mise en avant. Les relations de travail ont toujours été très succinctes. L’esprit d’équipe ne semble pas être une de ses préoccupations premières.’» ([I])
-«'(‘) [H] semble être extrêmement démotivé et s’impliquer insuffisamment dans son activité au service R&D. (‘)’» ([O])
D’une cinquième part et surtout, alors que M. [S] avait au jour de l’engagement de la procédure de licenciement plus de 13 années d’ancienneté, l’employeur ne justifie aucunement l’avoir utilement mis en garde ou alerté sur les insuffisances professionnelles qu’il lui reproche.
Il est particulièrement significatif de noter que les entretiens professionnels des années 2016 et 2017 sont produits non par l’employeur mais par le salarié et qu’ils ne sont pas même signés des parties, l’identité de l’évaluateur n’étant pas renseignée.
Surtout, ils ne recèlent aucune mise en garde évidente du supérieur hiérarchique à l’égard de son collaborateur.
Il est tout au plus fait état dans le commentaire du chef de service à l’issue de l’entretien du 27 juin 2016, soit plus de deux années avant le licenciement, de la nécessité d’améliorer la communication avec l’équipe support et la valorisation des travaux réalisés, le salarié indiquant sans qu’il puisse être déterminé s’il s’agit d’une autocritique ou s’il fait référence à une problématique plus générale dans l’entreprise’: «’de manière générale, le manque d’implication dans le travail d’équipe fait perdre en efficacité, ce qui est source de démotivation’».
Néanmoins, cette difficulté liée au travail d’équipe ne ressort plus du tout de l’entretien ayant eu lieu l’année suivante le 26 juin 2017.
Le salarié et son chef de service sont d’accord sur le commentaire final exprimé par le salarié dans les termes suivants «’beau projet d’entreprise qui ne démarre pas complètement’: outil non acheté et équipe incomplète’», sans qu’il ne s’évince la moindre imputabilité au salarié.
Dans la rubrique «’difficultés rencontrées’», il n’y a là encore aucun reproche fait au salarié, auquel il est reconnu dans les «’points forts’» des «’compétences techniques, soucis du détail’».
Il est tout au plus indiqué’: «’pas de décision sur le modeleur car pas de décision commerciale, temps perdu pour gérer les relations avec les fournisseurs en attente de décision de notre part. Projet en standby sur l’équipe support depuis janvier.’».
Aucune pièce produite ne permet en conséquence de considérer que M. [S] a été utilement mis en garde par son employeur sur les insuffisances qu’il lui a reprochées dans la lettre de licenciement à savoir’: le fait d’agir de manière isolée et d’avoir un comportement individualiste se traduisant par une difficultés d’échanger avec ses collègues, une production développement informatique insuffisante en volume et en utilité ainsi qu’un refus d’apporter sa contribution aux travaux de recherche pris en compte dans la déclaration du crédit impôt recherche.
L’employeur ne développe aucun moyen utile au fait que M. [S] n’a pas fait l’objet d’une évaluation en 2018, à l’instar des autres salariés, étant observé que celle-ci s’est tenue les années précédentes au mois de juin.
Le fait que des négociations en vue d’une rupture conventionnelle à l’initiative de l’employeur étaient en cours d’après les termes mêmes de la lettre de licenciement, évoquant une réponse du conseil du salarié du 09 juillet 2018 avec une prétention financière jugée exorbitante par l’employeur, ne l’exonérait aucunement, dans l’hypothèse qui s’est réalisée d’un échec des pourparlers, de mettre effectivement et utilement en garde le salarié sur les insuffisances qui lui étaient reprochées avec des objectifs précis à atteindre dans des conditions lui permettant de redresser la situation et de satisfaire de nouveau aux attentes de l’entreprise’; ce que la société All Systems s’est manifestement abstenu de faire, optant au contraire pour l’engagement d’une procédure de licenciement dès le 19 juillet 2018.
S’agissant plus précisément de la question de la participation à des travaux de nature à permettre à l’entreprise de bénéficier d’un crédit recherche en 2016, la pièce n°24 produite par M. [S] contredit clairement le fait que ce dernier a refusé toute participation à ce titre et que l’employeur ait pu le mettre en garde.
Il en ressort en effet que le projet sur lequel travaillait M. [S] s’est avéré, d’après ce dernier, non éligible au crédit d’impôt de recherche’; ce qu’a confirmé, M. [B], intervenant extérieur.
Le dirigeant a demandé au salarié de reconsidérer sa position dans un courriel du 16 juin 2016 en se prévalant de la recommandation de M. [B], alors même que ce dernier était en accord avec «’l’analyse d’ingénieur de recherche précise et fouillée’!’» (courriel du même jour).
Le fait que l’employeur ait indiqué «’Donc [H], vous êtes en train de m’expliquer que vous avez fait tout ça (des mois de travail) pour rien »’» ne saurait être considéré comme une mise en garde à raison d’un objectif non atteint dès lors qu’aucune pièce ne vient établir que M. [S] s’était vu imposer au préalable un objectif d’obligation de résultat quant à l’éligibilité de ses travaux au crédit d’impôt recherche.
De manière superfétatoire, s’agissant de l’absence de production suffisante qualitativement et quantitativement reprochée au salarié dans la lettre de licenciement et résultant pour partie des attestations sus-visées de ses collègues de travail, force est de constater que la dernière évaluation professionnelle avant le licenciement datant de juin 2017 ne révèle aucune alerte sur ce point puisque le chef de service exprime au contraire son accord sur le commentaire fait par le salarié.
En conséquence, au vu de l’ensemble de ces éléments et sans qu’il soit nécessaire d’entrer davantage dans le détail de l’argumentation des parties, infirmant le jugement entrepris, il convient de déclarer sans cause réelle et sérieuse, le licenciement notifié le 05 septembre 2018 par la société All Systems à M. [S].
Au visa de l’article L 1235-3 du code du travail, au jour de son licenciement injustifié, M. [S] avait plus de 13 ans d’ancienneté et un salaire de l’ordre de 3867,29 euros bruts, prime de vacances comprise.
M. [S] s’abstient de produire tout justificatif relatif à sa situation ultérieure au regard de l’emploi.
Au vu de l’ensemble de ces éléments, il lui est alloué la somme de 30940 euros bruts à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le surplus de la demande étant rejeté.
Sur les demandes accessoires’:
L’équité commande de condamner la société All Systems à payer à M. [S] une indemnité de procédure de 2000 euros.
Le surplus des prétentions au titre de l’article 700 du code de procédure civile est rejeté.
Au visa de l’article 696 du code de procédure civile, infirmant le jugement entrepris, il convient de condamner la société All Systems, partie perdante, aux dépens de première instance et d’appel.
PAR CES MOTIFS’;
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi’;
INFIME le jugement entrepris sauf en ce qu’il a débouté M. [S] de sa demande indemnitaire au titre du non-paiement/paiement avec retard de la prime de vacances pour les années 2016 et 2017
Statuant à nouveau et y ajoutant,
CONDAMNE la société All Systems à payer à M. [S] la somme de cinq cent vingt-cinq euros et quatre-vingt-dix-huit centimes bruts (525,98 euros) à titre de rappel de prime de vacances pour l’année 2017
DIT que les intérêts au taux légal sur cette somme courent à compter du 17 février 2020 (date de la demande en justice postérieure à la citation en justice de la défenderesse)
DÉCLARE sans cause réelle et sérieuse le licenciement notifié le 05 septembre 2018 par la société All Systems à M. [S]
CONDAMNE la société All Systems à payer à M. [S] la somme de trente mille neuf cent quarante euros bruts (30940 euros) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
RAPPELLE que les intérêts au taux légal sur cette somme courent à compter du prononcé du présent arrêt
DÉBOUTE M. [S] du surplus de ses prétentions au principal
CONDAMNE la société All Systems à payer à M. [S] une indemnité de procédure de 2000 euros
REJETTE le surplus des prétentions des parties au titre de l’article 700 du code de procédure civile
CONDAMNE la société All Systems aux dépens de première instance et d’appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président de section, et par Mme Carole COLAS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière Le Président