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Convention collective SYNTEC : 22 juin 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/05263

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Convention collective SYNTEC : 22 juin 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/05263

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 10

ARRET DU 22 JUIN 2022

(n° , 1 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/05263 – N° Portalis 35L7-V-B7D-B72ZR

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Janvier 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de BOBIGNY – RG n° F18/01114

APPELANT

Monsieur [Y] [K]

[Adresse 5]

[Localité 11]

Représenté par Me Iris NADJAR, avocat au barreau de PARIS

INTIMEES

Me [P] [X] (SCP B.T.S.G.) – Mandataire liquidateur de la Société POLYMONT IT SERVICES

[Adresse 3]

[Localité 8]

Représenté par Me Carole VILLATA DUPRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0063

Me [D] [V] (SCP LAUREAU ET [D]) – Commissaire à l’exécution du plan de Société POLYMONT IT SERVICES

[Adresse 6]

[Localité 7]

Représenté par Me Carole VILLATA DUPRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0063

Me [J] [R] (SELAFA MJA) – Mandataire liquidateur de la société POLYMONT GROUP

[Adresse 2]

[Localité 13]

Représenté par Me Carole VILLATA DUPRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0063

Me [J] [R] (SELAFA MJA) – Mandataire liquidateur de la société POLYMONT IT SERVICES

[Adresse 2]

[Localité 13]

Représenté par Me Carole VILLATA DUPRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0063

SASU T SYSTEMS FRANCE prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 10]

Représentée par Me Anne MURGIER, avocat au barreau de PARIS

Association AGS CGEA IDF EST UNEDIC – DELEGATION AGS CGEA IDF EST prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 4]

[Localité 9]

Représentée par Me Christian GUILLOT, avocat au barreau de PARIS, toque : A0474

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 29 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Gwenaelle LEDOIGT, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Nicolas TRUC, Président de la chambre

Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente de la chambre

Madame Véronique BOST, Vice Présidente placée faisant fonction de conseillère par ordonnance du Premier Président en date du 16 décembre 2021

Greffier, lors des débats : Mme Sonia BERKANE

ARRET :

– contradictoire

– mis à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente et par Sonia BERKANE, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

M. [Y] [K] a été engagé par la société par actions simplifiée (SAS) T-Systems France, suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 31 août 2004, en qualité de consultant senior, dans la catégorie Cadre, au coefficient 170, position 3.1 de la convention collective nationale des bureaux d’étude technique, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils (dite Syntec).

La société T-Systems France (TSF) délivre des solutions informatiques et télécoms pour des groupes multinationaux et des institutions publiques.

Les offres de la société TSF s’articulaient autour de deux domaines :

– l’activité Système d’Intégration (SI)

– les technologies de l’information et de la communication (ICTO).

Le 1er avril 2011, le salarié a été promu aux fonctions de « Directeur de la Project Delivery Unit Finances », et ce, jusqu’au 5 juin 2013, ce poste dépendant du domaine « Système d’Intégration » (SI).

La rémunération mensuelle de M. [Y] [K] se composait d’une partie fixe d’un montant de 6 000 euros sur 13 mois, et d’une partie variable d’un montant maximal de 16 000 euros pour des objectifs atteints à 100 %.

Le 6 juin 2013, la société TSF a cédé sa branche d’activité « Système d’Intégration » (SI) à la société Novia Systems, qui est devenue Polymont It Services. Le contrat de travail de M. [Y] [K] a été transféré à cette dernière structure en application des dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail.

Le 13 juin 2014, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Bobigny, dans sa section Encadrement, pour contester le transfert de son contrat de travail de TSF à Polymont It Services et pour solliciter la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur.

Le 23 juin 2015, M. [Y] [K] s’est vu notifier un licenciement pour faute grave, libellé dans les termes suivants :

« Nous avons décidé de procéder à votre licenciement pour faute grave.

Les griefs à l’origine de cette mesure sont les suivants :

Vous avez débuté vos fonctions au sein de l’entreprise T-Systems France le 31 août 2004 en qualité de « Consultant Senior ».

Du fait du rachat des activités SI de la société T-Systems France par la société Novia Systems, le 6 juin 2013, votre contrat de travail a été automatiquement transféré à cette dernière. Depuis cette date, vous êtes donc le salarié de notre société.

Depuis janvier 2014, une Citroën C4 Picasso Diesel a été mise à votre disposition par l’entreprise, comme voiture de fonction.

Le 25 mai 2015, vous avez présenté à votre Directeur de Division, pour validation, une note de frais. À l’examen de celle-ci il a remarqué un fait étrange qui a eu lieu, selon votre déclaration, le samedi 2 mai 2015, en l’occurrence, un plein effectué dans le département 84, le Vaucluse.

Il a alors été demandé un audit global de vos demandes de remboursement de frais depuis janvier 2014.

Après analyse de la situation, il apparaît que vous étiez en RTT toute la semaine du 27 avril au 3 mai 2015 et que vous avez donc tenté de vous faire rembourser votre plein de gasoil du samedi 2 mai 2015 dans le Vaucluse qui ne correspond pas à un frais professionnel (ce que vous avez reconnu lors de l’entretien préalable du 16 juin 2015) ce qui est contraire au mode de fonctionnement de toute entreprise et particulièrement à l’article 8 de votre contrat de travail.

L’audit global sur vos déclarations de frais, a révélé que vous aviez déjà procédé de cette manière frauduleuse lors de l’été 2013.

En effet, nous avons pu constater, après ces recherches que le 16 août 2013 et le 26 août 2013, vous vous êtes fait rembourser par la société Novia Systems deux pleins ne correspondant pas à des déplacements dans un cadre strictement professionnel.

Il s’agit de deux plein effectués à [Localité 12] et encore dans le Vaucluse, à [Localité 14].

Là encore, vous avez reconnu ces deux pleins effectués lors de vos vacances. Vous avez donc récidivé.

Il nous est également apparu étrange les 3 pleins (soit 135 litres!) qui ont été effectués entre le vendredi 28 novembre 2014, le 8 décembre et le 22 décembre 2014, soit sur moins d’un mois sachant que vos allers/retours (travail-domicile) et vos déplacements professionnels ne doivent représenter qu’un plein et demi par mois.

Il en va de même sur les 3 février, 16 et 26 février toujours en moins d’un mois (soit 148 litres) tout comme les 6,19 et 30 mars.

Sachant que le plein du 22 décembre s’est effectué la veille de vos congés de Noël et ceux des 16 et 26 février 2015 durant vos congés de février.

Il apparaît donc une consommation totale de carburant incompatible avec la distance domicile-travail (aller/retour) y compris quelques déplacements professionnels, étant souligné que vos fonctions nécessitent peu de déplacements professionnels.

Si nous rapprochons ces données des informations sur la consommation fournie par les constructeurs de véhicules, avec 3 pleins d’essence, vous pouvez effectuer 2 000 km par mois.

Or, votre déplacement domicile-travail (aller/retour) est de 56 km par jour et donc de 1 008 km par mois (sur une base de 18 jours ouvrés en moyenne avec les congés).

Vous auriez donc effectué, selon ces calculs, chaque mois concerné, environ 1 000 km de déplacement professionnel complémentaire, ce qui est totalement impossible eu égard à votre rôle de Responsable de Pôle, lequel n’appelle pas de nombreux déplacements professionnels. Vous en avez aisément convenu.

À la question « Comment justifiez-vous de tels déplacements professionnels » vous ne nous avez donné aucune explication, allant même jusqu’à dire que votre principal client, la BNP, était sur votre chemin entre votre domicile et votre lieu de travail !

Vous ne nous avez donc pas justifié, que cela soit lors de l’entretien, ni postérieurement, vos déplacements au regard du nombre conséquent de pleins effectués.

Nous considérons donc que vous vous faites rembourser des frais personnels par l’entreprise ce qui est contraire au mode de fonctionnement de toute entreprise, les règles de remboursement de frais étant identiques pour tous les collaborateurs c’est-à-dire :

« Tous les frais professionnels, dont les remboursements sont demandés, doivent avoir été engagés dans l’intérêt de l’entreprise dans le cadre de l’exécution du contrat de travail.

Les dépenses personnelles ne peuvent pas faire l’objet d’une demande de remboursement de frais ».

L’article 8 de votre contrat de travail est très clair sur ce point et vous ne pouvez nier le connaître.

Ces faits constituent un manquement aux obligations de bonne foi, de probité et de loyauté.

Ce sont des malversations préjudiciables à l’entreprise. Vous avez donc volontairement spolié celle-ci et qui plus est de manière récurrente depuis l’été 2013.

Un tel comportement est tout à fait inadmissible compte tenu tant de votre ancienneté, de votre expérience, que de vos responsabilités en tant que manager.

Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, nous ne pouvons maintenir votre contrat de travail.

En conséquence, nous vous notifions votre licenciement pour faute grave interdisant votre maintien même temporaire, au sein de notre société ».

Le 30 juillet 2015, la société Polymont It Services a été placée en redressement judiciaire jusqu’à l’adoption, le 13 septembre 2016, d’un plan de continuation par le tribunal de commerce de Paris.

Après renvoi de l’affaire en formation de départage, le 22 janvier 2019, le juge départiteur statuant seul a :

– dit conforme aux dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail le transfert du contrat de travail liant M. [Y] [K] à la société T-Systems Services à la société Polymont It Services

– débouté M. [Y] [K] des demandes formées par lui à l’encontre de la société

T-Systems Services

– débouté M. [Y] [K] de sa demande en nullité de son licenciement pour dissimulation du motif économique, et des demandes financières subséquentes

– débouté M. [Y] [K] de sa demande en requalification de la rupture de son contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que de ses demandes financières subséquentes

– débouté M. [Y] [K] de sa demande en dommages-intérêts pour harcèlement moral

– fixé au passif de la procédure collective de la société Polymont It Services et au bénéfice de M. [Y] [K] les sommes de 16 000 euros au titre du rappel de salaire variable pour l’année 2014, outre 1 600 euros au titre des congés payés correspondants

– dit n’y avoir lieu de mettre hors de cause l’UNEDIC délégation AGS CGEA IDF Ouest

– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

– condamné la société Polymont It Services aux dépens

– ordonné l’exécution provisoire

– débouté les parties du surplus de leur demande.

Par déclaration du 15 avril 2019, M. [Y] [K] a relevé appel du jugement de première instance.

Par jugement du 9 janvier 2020, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation judiciaire de la SAS Polymont It Services. La SELAFA MJA Mandataires Judiciaires Associés et la SCP BTSG ont été désignées en qualité de mandataires liquidateurs.

Par jugement du 25 août 2020, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation judiciaire de la société Polymont Group. La SELAFA MJA Mandataires Judiciaires Associés a été désignée en qualité de mandataire liquidateur.

Vu les dernières conclusions remises et notifiées le 31 décembre 2021, aux termes desquelles M. [Y] [K] demande à la cour d’appel de :

– déclarer recevable et bien fondée l’assignation en intervention forcée délivrée à la requête de Monsieur [K] à l’encontre de :

* la SCP BTSG, prise en la personne de Maître [X] [P], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Polymont It Services

* la SELAFA MJA, prise en la personne de Me [R] [J], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Polymont It Services et de Polymont Group

– déclarer l’arrêt à intervenir opposable à :

* la SCP BTSG, prise en la personne de Maître [X] [P], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Polymont It Services

* la SELAFA MJA, prise en la personne de Me [R] [J], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Polymont It Services et de Polymont Group

– en conséquence, déclarer les demandes de condamnations formulées initialement contre les sociétés Polymont It Services et Polymont Group par voie de conclusions signifiées en tête des présentes opposables à :

* la SCP BTSG, prise en la personne de Maître [X] [P], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Polymont It Services

* la SELAFA MJA, prise en la personne de Me [R] [J], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Polymont It Services et de Polymont Group

– d’infirmer le jugement en ce qu’il a :

« – jugé que le licenciement de Monsieur [K] n’avait pas de caractère économique

– jugé conforme aux dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail le transfert du contrat de travail liant la société T-Systems à Monsieur [K] vers la société Polymont It Services et écarté le caractère frauduleux de ce transfert

– débouté Monsieur [K] de ses demandes dirigées contre la société T-Systems : indemnité compensatrice de préavis, indemnité de congés payés sur préavis, indemnité conventionnelle de licenciement, dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, indemnité prévues par l’accord du 19 décembre 2012 soit l’indemnité complémentaire de base et l’indemnité complémentaire liée à l’ancienneté, article 700 du code de procédure civile

– débouté Monsieur [K] de sa demande de nullité du licenciement et des demandes subséquentes dirigées in solidum contre T- Systems et Polymont Group et de leur inscription au passif de Polymont It Services : indemnité de préavis, indemnité conventionnelle de licenciement, dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, indemnités prévues par l’accord du 19 décembre 2012 soit l’indemnité complémentaire de base et l’indemnité complémentaire liée à l’ancienneté, article 700 du code de procédure civile

– débouté Monsieur [K] de ses demandes visant à faire juger son licenciement pour faute grave comme étant privé de cause réelle et sérieuse et des demandes formulées à ce titre contre Polymont It Services et de leur inscription au passif dePolymont It

Services : indemnité compensatrice de préavis, indemnité de congés payés sur préavis, indemnité conventionnelle de licenciement, dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

– débouté Monsieur [K] de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral

– débouté Monsieur [K] de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile dirigée contre Polymont It Services  »

Statuant de nouveau, il est demandé à la cour de :

– inscrire au passif de la liquidation judiciaire de la société Polymont It Services et au profit de Monsieur [K] la somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral

– juger que la cause exacte du licenciement de Monsieur [K] est économique

A titre principal

– juger que la société T-Systems a mis en ‘uvre de manière frauduleuse l’article L. 1224-1 du code du travail,

– juger que le licenciement de Monsieur [K] est privé de cause réelle et sérieuse

– condamner T-Systems France à lui verser les sommes suivantes :

* indemnité compensatrice de préavis (3 mois): 23 643,75 euros bruts

* congés payés sur préavis : 2 364,37 euros bruts

* indemnité conventionnelle de licenciement : 28 440,04 euros

* dommages et intérêts pour sans cause réelle et sérieuse : 150 000 euros nets

* indemnité complémentaire de base prévue par l’accord de méthode du 19 décembre 2012 : 39 391,25 euros ou subsidiairement, la somme de 39 391,25 euros de dommages et intérêts en raison de la perte de chance de bénéficier de cette indemnité complémentaire

* indemnité complémentaire liée à l’ancienneté prévue par l’accord de méthode du 19 décembre 2012 : 39 391,25 euros ou subsidiairement, la somme de 39 391,25 euros de dommages et intérêts en raison de la perte de chance de bénéficier de cette indemnité complémentaire liée à l’ancienneté

A titre subsidiaire :

– juger que le licenciement de Monsieur [K], dont la cause exacte est économique, est nul ou privé de cause réelle et sérieuse

– inscrire au passif des liquidations judiciaires des sociétés Polymont It Services et Polymont Group et au profit de Monsieur [K] les sommes suivantes :

* indemnité compensatrice de préavis (3 mois): 23 643,75 euros bruts

* congés payés sur préavis : 2 364,37 euros bruts

* indemnité conventionnelle de licenciement : 28 440,04 euros

* salaire afférent à la mise à pied conservatoire : 5 454 euros bruts, outre 545,40 euros bruts de congés payés afférents

* dommages et intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse : 150 000 euros nets

* indemnité complémentaire de base prévue par l’accord de méthode du 19 décembre

2012 : 39 391,25 euros ou subsidiairement, la somme de 39 391,25 euros de dommages et intérêts en raison de la perte de chance de bénéficier de cette indemnité complémentaire

* indemnité complémentaire liée à l’ancienneté prévue par l’accord de méthode du 19 décembre 2012: 39 391,25 euros ou subsidiairement, la somme de 39 391,25 euros de dommages et intérêts en raison de la perte de chance de bénéficier de cette indemnité complémentaire liée à l’ancienneté

– juger que T- Systems doit garantir ces sommes et la condamner solidairement ou in solidum à verser ces sommes à Monsieur [K]

A titre très subsidiaire

– juger que le licenciement pour faute grave de Monsieur [K] est privé de cause réelle et sérieuse

– inscrire au passif de la liquidation judiciaire de la société Polymont It Services et au profit de Monsieur [K] les sommes suivantes :

* indemnité compensatrice de préavis (3 mois): 23 643,75 euros bruts

* congés payés sur préavis : 2 364,37 euros bruts

* indemnité conventionnelle de licenciement : 28 440,04 euros

* salaire afférent à la mise à pied conservatoire : 5 454 euros bruts outre 545,40 euros bruts de congés payés afférents

* dommages et intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse : 150 000 euros nets

– déclarer l’arrêt opposable au CGEA et rejeter sa demande de mise hors de cause et dire que le CGEA devra garantir les créances fixées aux passifs des liquidations judiciaires de Polymont It Services et Polymont Group

– condamner in solidum les sociétés T-Systems France, Polymont It Services et Polymont Group à verser à Monsieur [K] la somme de 8 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions remises et notifiées le 9 février 2022, aux termes desquelles la SAS T-Systems France demande à la cour d’appel de :

– confirmer le jugement en ce qu’il a dit que le contrat de travail de Monsieur [K] a fait l’objet à bon droit d’un transfert en application des dispositions de l’article L.1224-1 du code du travail et mis hors de cause la société T-Systems France

– débouter Monsieur [K] de l’ensemble de ses demandes

– condamner Monsieur [K] à verser à la société la somme de 8 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– condamner Monsieur [K] aux entiers dépens.

Vu les dernières conclusions remises et notifiées le 23 juillet 2021, aux termes desquelles la SELAFA MJA Mandataires Judiciaires Associés et la SCP BTSG en leur qualités de mandataires judiciaires de la SAS Polymont It Services et de la société Polymont Group et la SCP Laureau-[D] en sa qualités de commissaire à l’exécution du plan forment appel incident et demandent à la cour d’appel de :

– mettre hors de cause Maître [D] [V] es-qualités de commissaire à l’exécution du plan

– dire Maître [J] et Maître [P] ès qualités de liquidateurs de la société sociétés Polymont It Services bien fondés et recevables en l’ensemble de leurs demandes

– dire Maître [J] ès qualité de liquidateur de la société Polymont Group bien fondé et recevable en l’ensemble de ses demandes

– confirmer le jugement en date du 22 janvier 2019 en ce qu’il a débouté Monsieur

[K] de l’ensemble de ses demandes concernant le transfert de son contrat de travail, son licenciement, le prétendu harcèlement et de toutes ses demandes financières subséquentes, ainsi que de ses demandes formulées à l’encontre de la société Polymont Group

– infirmer le jugement en date du 22 janvier 2019 en ce qu’il a fait droit à la demande de Monsieur [K] au titre de sa rémunération variable 2014

– débouter Monsieur [K] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions formulées à l’encontre de Poplymont It Services prise en la personne de ses liquidateurs et de Polymont Group, également prise en la personne de son liquidateur

– dire qu’il n’y a pas eu de fraude aux dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail, ni de harcèlement

– dire que le licenciement de Monsieur [K] repose sur une faute grave

A titre subsidiaire pour le cas où par extraordinaire la cour retiendrait que le licenciement ne reposerait pas sur une faute grave

– dire et juger à tout le moins, que les motifs invoqués constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement

– fixer le montant de l’indemnité conventionnelle de licenciement à la somme de 24 223,35 euros

A titre plus subsidiaire pour le cas où le licenciement serait considéré sans cause réelle et sérieuse

– fixer le salaire de référence à la somme mensuelle de 6 723,21 euros, moyenne des 12 derniers mois

– constater que Monsieur [K] ne justifie pas de son préjudice

– limiter le montant des dommages et intérêts à six mois de rémunération

– limiter le remboursement des indemnités ASSEDIC à Pôle emploi au-deçà de la limite de 6 mois à une journée d’indemnisation

– dire que Monsieur [K] n’est pas fondé à se prévaloir, des engagements souscrits par la société Novia au moment de l’acquisition du fonds de commerce T-Systems, afférents à l’application de l’accord de méthode

– débouter Monsieur [K] de toutes demandes contraires, fins et conclusions

– dire que toute fixation au passif de la liquidation de toute somme devra être déclarée opposable à l’AGS / CGEA Ile de France, qui devra procéder à l’avance des fonds

– débouter Monsieur [K] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions formulées à l’encontre de Polymont Group

En tout état de cause,

– condamner Monsieur [K] à verser respectivement, d’une part, à Maître [J] et Maitre [P] ès qualités de liquidateurs la société Polymont It Services, et d’autre part, à Maître [J] ès qualité de liquidateur la société Polymont Group, la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et le condamner aux entiers dépens.

Vu les dernières conclusions remises et notifiées le 12 septembre 2019, aux termes desquelles l’AGS-CGEA Ile-de-France Est demande à la cour de :

– dire irrecevable et mal fondé Monsieur [K] en son appel

– confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel sauf en ce que celui-ci a estimé devoir maintenir l’AGS dans la cause

En tout état de cause

– débouter Monsieur [K] en l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions

En tout état de cause, dans la mesure où la société Polymont It Services est une société in bonis

– dire que la garantie de l’AGS n’est pas mobilisable. Elle ne pourra l’être que si la société Polymont It Services devait faire l’objet d’une liquidation judiciaire, ce qui n’est pas le cas pour le moment.

Dès lors,

– mettre purement et simplement hors de cause l’AGS

– statuer ce que de droit quant aux dépens.

Conclusions auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé des faits de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties.

L’instruction a été clôturée par ordonnance du 16 février 2022.

MOTIFS DE LA DECISION :

1/ Sur le transfert de la branche d’activité SI et l’application de l’article L. 1224-1 du code du travail

M. [Y] [K] affirme que pour faire l’économie d’un licenciement collectif, la SAS T-Systems France (TFS) a entrepris de transférer sa branche d’activité SI à la société Novia Systems (devenue Polymont It Services), qui n’était qu’un cessionnaire de complaisance et qui n’a pas été en capacité de poursuivre l’activité qui lui avait été cédée. Estimant que les dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail ont été mises en ‘uvre frauduleusement, le salarié demande à ce qu’il ne soit pas tenu compte des conséquences de ce transfert de son contrat de travail dans l’engagement de la responsabilité de la SAS TFS pour la période postérieure au 6 juin 2013.

Au soutien de ces allégations, M. [Y] [K] rappelle que le transfert de l’activité SI par TSF s’est effectué dans un contexte de difficultés économiques et de réorganisation et que plutôt que de mettre en ‘uvre elle-même des licenciements économiques pour les salariés travaillant dans la branche SI, la société TSF a cédé cette branche SI à Novia Systems alors que l’activité SI périclitait, notamment à la suite de la perte, en 2012, d’un contrat avec la société Volkswagen générant un chiffre d’affaires de 6,6 millions d’euros. Le salarié ajoute que TSF avait déjà perdu, en 2010, un contrat de « centre de services » avec BNP Paribas. C’est d’ailleurs ce qu’a constaté Maître [D] dans son rapport économique et financier du 22 septembre 2015 où il a indiqué que : « Le fonds de commerce cédé par T-Systems à Novia Systems en juin 2013 présentait des défaillances importantes ne lui permettant pas de renouer avec une activité stable et normale, à l’équilibre » en soulignant que cette situation était la conséquence d’un « chiffre d’affaires du périmètre SI (systèmes d’information) T-Systems / 2 entre 2009 et 2012 passant de 103 M d’euros à 55 M d’euros ». (pièce 142).

En outre, à l’occasion du transfert de la branche SI, TSF s’est entendue avec Novia Systems (Polymont It Services) pour conserver en son sein le contrat « Airbus » en créant une Business Unit (BU) « Aerospace ». La société TSF étant revendeur pour le groupe Dassault, cette dernière société a refusé à Novia Systems (Polymont It Services) le droit de poursuivre la vente de ses logiciels, après le transfert, ce qui a entraîné la suppression de cette activité et le licenciement des salariés concernés. Il est, encore, avancé que le business plan présenté était irréalisable puisqu’il était prévu une augmentation du taux journalier alors que TSF avait signalé des tensions sur les prix qui l’avaient poussée à envisager des délocalisations.

M. [Y] [K] prétend que la réputation du groupe DACP, auquel appartient Polymont It Services, aurait dû amener TSF à écarter ce repreneur, même s’il était le seul à se porter candidat à la reprise de la branche SI, puisque certains actionnaires du groupe avaient été mis en cause et licenciés pour avoir exposé leur employeur à un risque de liquidation judiciaire. Le salarié soutient que la SAS TSF n’a pas été en mesure de vérifier la capacité financière de ce repreneur, puisqu’elle n’a pas eu accès à ses documents comptables pour l’année 2012 et qu’elle n’a disposé que de données parcellaires sur l’année 2011, ainsi que l’a constaté l’expert du comité d’entreprise (pièce 101 et 105) et la société Polymont It Services a été placée en redressement judiciaire seulement deux ans après le transfert d’activité.

Alors que le groupe DACP s’était engagé à faire des efforts en terme de formation et d’employabilité pour permettre le redressement de la branche SI, le salarié avance qu’aucun accompagnement n’a été proposé aux salariés repris, dont les postes ont été purement et simplement supprimés au fil des mois par le repreneur, à hauteur de 40 % de l’effectif.

Ainsi, M. [Y] [K] considère que TSF a externalisé les coûts d’un Plan de Sauvegarde de l’Emploi qui aurait été beaucoup plus onéreux que le financement de la cession d’activité de la branche SI.

Mais, il est justifié par la SAS TSF qu’elle a contacté pas moins d’une trentaine d’acteurs, via la banque d’affaires Capital Partners, pour trouver un repreneur à la branche d’activité SI (pièce 14 et pièce 43 salarié). Quatre grands groupes, réalisant chacun un chiffre d’affaires comparable de 40 à 50 millions d’euros, ont marqué un intérêt pour cette reprise mais seul DACP a présenté une offre ferme. Ce groupe présentait des garanties sérieuses dans le cadre de la cession puisque DACP a été créé en 2009 dans le but de reprendre des activités de services applicatifs de la société Hewlett Packard EDS en France alors en déficit. Le groupe DACP a constitué une filiale Effitic qui a réussi à rentabiliser les activités cédées puisqu’elle a réalisé en 2012 un chiffre d’affaires de 38 millions d’euros et dégagé un résultat positif de 1 million d’euros (pièce 32 et 34). Fort du succès de cette reprise, le groupe DACP a souhaité continuer sa politique d’investissement et de développement dans le secteur des services informatiques sur le marché national. Les principaux clients de TSF ont d’ailleurs accepté le transfert des contrats en cours à Novia Systems ce qui témoigne de la confiance qui était accordée à ce repreneur. Novia Systems s’est engagé à conserver l’ensemble des salariés repris et à appliquer les conditions du PSE de TSF sur une période de 18 mois suivant la conclusion de la cession si le repreneur se trouvait lui-même confronté à une défaillance économique. Afin, d’accompagner la reprise de la branche SI qui rencontrait des difficultés financières, la cession s’est faite à un prix négatif, TSF participant au financement des pertes futures et du passif probable de la société (14 M€) ainsi que du besoin en fonds de roulement de l’activité (11 M€) et des passifs sociaux (11 M€). Pendant une période de transition de six mois, les équipes de TSF ont également soutenu matériellement et opérationnellement le repreneur dans le transfert des activités et des salariés.

Il est démontré que le groupe DACP a présenté un modèle d’exploitation destiné à renouer avec l’équilibre économique en se repositionnant plus spécifiquement sur le marché français. Le projet de reprise reposant sur des ventes croisées entre Novia Systems et les clients d’Effitic, dont le périmètre d’action comprenait de nombreuses entreprises figurant au CAC 40 ou bien encore des acteurs majeurs dans leur secteur d’activité ainsi que de grandes entités publiques.

Dans ces conditions, rien de permet de retenir que le projet de reprise par Novia Systems de la branche SI n’était pas sérieux. D’ailleurs, s’il est fréquent qu’une société organise la cession d’une branche d’activité lorsque celle-ci accuse une baisse de son chiffre d’affaires ce n’est pas pour autant que ces opérations constituent une externalisation frauduleuse du licenciement d’une partie des salariés. Les efforts entrepris par la SAS TSF pour accompagner cette cession de branche et la poursuite par Polymont It Services, de cette activité pendant 7 ans avant que cette entreprise ne soit placée en liquidation judiciaire permettent d’écarter les allégations du salarié. Il convient, d’ailleurs, de relever que si d’autres salariés ont contesté en justice les conditions de leurs transferts à Polymont It Services, notamment par rapport à la question de l’existence d’une entité économique autonome, il n’a jamais été soutenu que la reprise d’activité était intervenue dans des conditions frauduleuses (pièces 49 à 51 TSF).

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu’il a débouté le salarié de ses demandes tendant à voir annuler les conséquences du transfert d’entreprise sur le fondement de l’article L. 1224-1 du code du travail.

2/ Sur la rémunération variable

M. [Y] [K] indique qu’il pouvait prétendre, en application des dispositions de son contrat de travail, à une part de rémunération variable égale à 16 000 euros. C’est ainsi qu’il a perçu pour l’année 2012, 15 187 euros de part variable (pièce 91) et 16 000 euros pour l’année 2013. Le salarié précise, qu’en 2014, il a reçu notification de ses objectifs le 1er avril, soit très tardivement, et qu’il ne lui a jamais été réglé sa part de rémunération variable dont il demande le paiement à hauteur de 16 000 euros, outre 1 600 euros au titre des congés payés y afférents.

Les mandataires liquidateurs de la SAS Polymont It Services répondent que M. [Y] [K] a eu connaissance de ses objectifs dès le début de l’année 2014 et que rien ne lui était dû au titre de la part variable pour cette année en raison de la non-atteinte de ses objectifs.

La cour observe qu’il n’est établi par aucune pièce que le salarié se serait vu notifier ses objectifs au début de l’année 2014. C’est d’ailleurs en raison de l’absence de communication des éléments servant de base au calcul de sa part variable que le salarié a été amené à interroger l’employeur qui ne lui a donné connaissance, qu’en avril 2014, de ses objectifs pour l’année en cours (pièce 87 salarié). Eu égard à cette notification tardive des objectifs attendus du salarié ainsi qu’au fait qu’il n’est pas justifié du bien-fondé du non-versement de la rémunération variable de l’appelant pour l’année 2014, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a alloué au salarié une somme de 16 000 euros à titre de rappel de salaire variable, outre 1 600 euros au titre des congés payés y afférents.

3/ Sur le harcèlement moral

Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En application de l’article L. 1154-1, dans sa version applicable au litige, lorsque survient un litige relatif à l’application de ce texte, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

M. [Y] [K] rappelle qu’au sein de la SAS TSF il exerçait les fonctions de « Directeur PDU Finance » au statut cadre, positions 3.2 et au coefficient 210, soit à l’avant-dernier échelon de la classification des cadres de la convention collective Syntec. Le salarié précise qu’il était placé sous l’autorité directe du directeur de l’activité SI et qu’il était le manager des directeurs des deux centres d’activité « Banque » et « Assurance » rattachés à la PDU Finances. Il prenait, également, part aux décisions concernant les collaborateurs de ces deux centres d’activité et animait les réunions mensuelles de managers de la PDU Finances. Ses missions l’amenaient, également, à participer chaque semaine au comité de direction SI, ainsi qu’à la définition des décisions stratégiques de cette activité. Compte tenu de ce positionnement au sein de la SAS TSF, le salarié appelant précise qu’il disposait d’une voiture de fonction, d’un bureau individuel et de trois assistantes pour l’aider dans ses tâches au quotidien.

Or, M. [Y] [K] soutient, qu’à compter de son transfert au sein de la société Novia Systems, il s’est vu priver de toutes ses fonctions opérationnelles et de toute responsabilité, commerciale, financière ou hiérarchique, son emploi consistant uniquement à valider des congés et des notes de frais. Il n’a pas été répondu à ses interrogations répétées auprès de sa hiérarchie pour connaître son rôle dans la nouvelle structure et ce n’est que par l’intermédiaire d’autres collaborateurs de l’entreprise qu’il a appris, en mars 2014, qu’il serait désormais « manager de proximité ». M. [Y] [K] relève que cette fonction n’avait aucun rapport avec les missions qu’il exerçait antérieurement et qu’il ne disposait plus d’aucun pouvoir de commandement et de management sur ses collaborateurs dont la liste ne lui a d’ailleurs jamais été communiquée. Le salarié appelant prétend que la cession de branche a, dans les faits, entraîné la suppression de son poste comme en atteste l’absence de mention de son nom dans l’organigramme de sa division (pièce 76) et la non-remise d’une fiche de poste. En outre, cette rétrogradation dans des missions qu’un assistant aurait pu réaliser s’est accompagnée d’une dégradation de ses conditions de travail puisqu’il s’est vu proposer un bureau dans un open space et qu’il a été privé du soutien de ses trois assistantes, qui ont été réaffectées dans les différentes divisions de l’entreprise. S’il a continué à disposer d’un véhicule de fonction, celui-ci était d’une catégorie inférieure, ce qui a entraîné une diminution de l’avantage en nature qui y était associé.

Par ailleurs, le salarié se plaint d’avoir été l’objet de reproches injustifiés (pièces 84, 85 et 86), exprimés sur un ton qu’il qualifie de « véhément » et de remarques inappropriées lors de son entretien d’évaluation au titre de l’année 2014.

En conséquence, il sollicite une somme de 40 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral.

La cour retient au vu de ces éléments que le salarié établit suffisamment des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et qu’il appartient, dès lors, à l’employeur de prouver que les agissements précis qui lui sont reprochés n’étaient pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Les mandataires liquidateurs de la SAS Polymont It Services répondent que la cession de la branche SI à Novia Systems (devenue Polymont It Services) a entraîné de facto une réorganisation des activités transférées et des missions des salariés, d’une part, pour tenter de redresser la situation financière de la branche et, d’autre part, pour permettre son intégration au sein du groupe DACP. Pour autant, et en dépit de ce qu’il affirme, M. [Y] [K] n’a pas été déchargé de ses responsabilités, ni de ses attributions. Ainsi, après avoir occupé un poste de directeur de la Business Unit « Banque-Assurance », immédiatement après le transfert de son contrat de travail (pièce 60), le salarié a été nommé Directeur Delivery Unit Banques et Assurances, dans le cadre de la réorganisation amorcée en 2014, en étant directement rattaché au directeur de la division. Par la suite, son poste a été renommé « Responsable de Pôle Banques et Services [Localité 13] 2 » mais il continué à exercer les mêmes fonctions et n’a subi aucune remise en cause de sa classification, ni de sa rémunération. Les mandataires liquidateurs justifient, aussi, qu’il participait aux réunions hebdomadaires du Pôle « Banque-Assurance » et adressait son rapport (pièce 29), qu’il était associé à l’évaluation des collaborateurs de son pôle (pièce 23) qu’il connaissait parfaitement, ainsi qu’en atteste divers échanges (pièce 27). Il a participé à l’identification des synergies possibles entre Effitic et Novia avant le rapprochement de ces deux structures (pièce 25) puis il a été invité à la présentation du projet de transformation de l’organisation en novembre 2014 (pièce 31), il participait aux comités de pôle et en recevait les comptes rendus (pièce 26), il était interlocuteur direct des clients Grands Comptes pour la division Banque Assurance comme Allianz ou la Société Générale (pièce 33), en février 2015 il a participé au séminaire des responsables de pôles.

Si la configuration des locaux de Polymont It Services n’a pas permis d’installer le salarié dans un bureau individuel, il a continué à bénéficier d’un véhicule de fonction haut de gamme, de même qu’il a toujours eu l’appui d’assistantes qui, contrairement à ce qu’il prétend, n’ont jamais été réservées, dans TSF, à son seul usage.

En l’état des éléments versés aux débats, la cour retient, comme le premier juge, que le transfert de la branche d’activité SI à Polymont It Services s’est nécessairement accompagné d’une redéfinition des fonctions et des missions du salarié mais qu’il est justifié qu’elle n’a pas entraîné de suppression de ses responsabilités et de ses prérogatives, ni de remise en cause de son positionnement au sein de la société. Les trois demandes d’explications adressées au salarié pour des incidents en relation avec son véhicule de fonction ne peuvent être considérés comme des « reproches infondés » et le ton adopté dans ces courriels est parfaitement, adapté tout comme celui avec lequel il a été noté dans l’entretien d’évaluation de M. [Y] [K] qu’il ne faisait pas véritablement preuve de l’implication que l’on attendait de lui.

Enfin, l’installation du salarié dans un open space, comme les autres cadres de son niveau et la réduction de son avantage en nature relatif à son véhicule de fonction sont insuffisants à caractériser une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité.

C’est donc à bon escient que le premier juge a débouté le salarié de sa demande indemnitaire au titre du harcèlement moral.

4/ Sur le licenciement pour faute grave

L’employeur qui prend l’initiative de rompre le contrat de travail doit énoncer son ou ses motifs dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige. Il incombe à l’employeur d’alléguer des faits précis sur lesquels il fonde le licenciement.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. Il appartient à l’employeur d’en apporter la preuve.

Aux termes de la lettre de licenciement, il est fait grief au salarié de s’être fait rembourser des dépenses personnelles, en l’espèce plusieurs pleins d’essence, en les présentant comme des frais professionnels. Les mandataires liquidateurs de la SAS Polymont It Services rappellent que le contrat de travail du salarié prévoyait que la société rembourserait, sur présentation de justificatifs, l’ensemble des frais personnels « engagés dans le cadre de l’exercice normal » des fonctions du salarié. Il est précisé que lorsque le salarié travaillait pour le compte de T-Systems Services, il disposait d’une carte essence Total, régie par un guide utilisateur, qui permettait aux salariés de payer le carburant, les lavages ainsi que les péages exclusivement liés aux activités professionnelles (pièce 7). Cette carte carburant ne pouvait d’ailleurs être utilisée que pour des pleins de gazole à hauteur d’un montant limité de 440 euros par mois.

À la suite de la cession de la branche activité SI et du transfert des contrats de travail des salariés de TSF, le responsable des services généraux de Novia Systems a expressément indiqué à tous les salariés qu’ils ne disposeraient plus d’une carte « essence » et que les remboursements de pleins se feraient sur présentation des justificatifs de frais réels (pièce 10). En octobre 2013, à la suite d’une question des délégués du personnel concernant les frais d’essence, il a, encore, été précisé que ceux-ci ne donneraient lieu a remboursement que dans le respect de l’esprit de la charte d’utilisation des véhicules et que des contrôles seraient opérés afin de déceler toute utilisation non conforme (pièce 11). Ces règles ont encore été rappelées par le président-directeur général de la société lors du comité d’entreprise du 18 octobre 2013 (pièce 12).

Les mandataires liquidateurs relèvent, également, que les formulaires de frais de Polymont It Systems rappelaient expressément que la société ne remboursait que les frais professionnels prévus par les ordres de mission et les dépenses professionnelles ayant fait l’objet d’un accord préalable sur présentation de factures établies au nom de la société (pièce 122 salarié).

Cependant, en dépit de ces dispositions claires et répétées, il est apparu que le salarié avait transmis le 26 mai 2015 une note de frais comportant une demande de remboursement pour un plein d’essence présenté sur la feuille de remboursement comme correspondant à des « frais internes » alors qu’il s’agissait d’une dépense manifestement personnelle puisqu’aucun déplacement clients n’était programmé pour cette journée qui correspondait à un samedi et à une semaine ou le salarié avait posé des RTT.

La découverte de cette anomalie a entraîné un audit complet des demandes de remboursement de frais de M. [Y] [K] qui a mis en évidence que ce dernier se faisait régulièrement rembourser des dépenses de carburant engagées pour des déplacements personnels en les faisant passer, systématiquement pour des « frais internes » (pièces 13 à 18 mandataires liquidateurs).

Sans contester avoir sollicité le remboursement de dépenses de carburant destinées à des déplacements non-professionnels, M. [Y] [K] affirme que cet avantage lui était acquis au sein de TSF et qu’il n’a pas été remis en cause lors du transfert du contrat de travail. Au soutien de ses allégations, le salarié produit aux débats un échange de courriels avec sa hiérarchie validant cette pratique (pièce 118) et des bulletins de salaire attestant que ses consommations d’essence étaient bien prises en charge y compris durant ses RTT (pièces 119, 143, 144), ainsi que la réponse à une question du comité d’entreprise, lors d’une réunion du 29 septembre 2015, où il est précisé que lorsqu’un collaborateur est en vacances il peut payer ses dépenses de carburant avec la carte « Total » mise à sa disposition (pièce 25).

M. [Y] [K] relève, également, que sur ses bulletins de salaire tant chez TSF que Polymont It Services, les employeurs ont appliqué le barème de calcul de l’avantage en nature en retenant un pourcentage de 40 % qui incluait la prise en charge des frais personnels de carburant (pièces 15 et 141) selon la circulaire URSSAF sur les avantages en nature.

Le salarié soutient, en conséquence, que l’usage en vigueur au sein de TSF consistant à lui rembourser ses dépenses de carburant personnelles a bien été repris par Polymont It Services qui n’a d’ailleurs pas dénoncé dans les formes légales l’usage dont bénéficiaient les salariés titulaires de véhicules de fonction au sein de TSF.

En conséquence, M. [Y] [K] affirme que le motif de son licenciement est parfaitement fallacieux et fantaisiste et qu’il visait à dissimuler un licenciement pour motif économique, dès lors que la société Polymont It Services a été placée en redressement judiciaire un mois après la notification de son licenciement et que la date de cessation des paiements a été fixée au lendemain de celui-ci.

Le salarié demande donc à ce que son licenciement soit dit nul pour défaut de mise en ‘uvre du PSE ou à tout le moins dénué de cause réelle et sérieuse.

En l’état de ces éléments, il est démontré par le salarié qu’il existait bien un usage chez TSF qui consistait à autoriser les bénéficiaires de véhicules de fonction à effectuer des pleins de carburant destinés à une utilisation personnelle avec la carte essence mise à leur disposition. Cet usage était d’ailleurs consacré dans le calcul de l’avantage nature mentionné sur les bulletins de salaire de M. [Y] [K] puisqu’il représentait 48 % du coût global de location du véhicule, ce qui selon la circulaire URSSAF sur le calcul des avantages en nature implique la prise en charge des dépenses personnelles d’essence. Le salarié justifie qu’il a continué à percevoir cet avantage en nature pour un même montant jusqu’en septembre 2014, soit postérieurement au transfert de son contrat de travail chez Polymont It Services, et, qu’en l’absence de dénonciation officielle de l’usage en vigueur chez TSF, il pouvait légitimement penser qu’il continuait à bénéficier des mêmes avantages.

En ces circonstances et en l’absence de tout rappel à l’ordre préalable sur ces questions, les faits dénoncés ne peuvent être considérés comme fautifs.

À défaut pour l’employeur de justifier d’un motif personnel pour licencier le salarié et alors que son licenciement est intervenu la veille de la déclaration de cessation de paiement de Polymont It Services, il convient de considérer que le licenciement est intervenu pour un motif économique et de le requalifier comme tel. Si M. [Y] [K] n’a pas pu bénéficier, au regard du motif invoqué, du Plan de sauvegarde de l’Emploi qui a ensuite été mis en ‘uvre au sein de la société, il n’en est pas pour autant fondé à invoquer la nullité de son licenciement mais seulement à demander la réparation du préjudice subi de ce chef.

5/ Sur les conséquences du licenciement

5-1 Sur les indemnités de licenciement

Au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, M. [Y] [K] qui, à la date du licenciement, comptait au moins deux ans d’ancienneté dans une entreprise employant habituellement au moins 11 salariés a droit, en application de l’article L. 1235-3 du code du travail, dans sa version applicable au litige, à une indemnité qui ne saurait être inférieure aux salaires bruts perçus au cours des six derniers mois précédant son licenciement.

Au regard de son âge au moment du licenciement, 45 ans, de son ancienneté de plus de 10 ans dans la société, du montant de la rémunération qui lui était versée, du fait qu’il a été privé du bénéfice du PSE mis en ‘uvre ultérieurement, il lui sera alloué la somme de 78 812,50 euros en réparation de son entier préjudice.

Le salarié peut, également, légitimement prétendre aux sommes suivantes :

– 23 643,75 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis

– 2 364,37 euros au titre des congés payés y afférents

– 28 440,04 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement.

5-2 Sur l’appel en garantie et à la condamnation solidaire des sociétés It Polymont Group et TSF et sur l’application de l’accord de méthode du 19 décembre 2012

M. [Y] [K] rappelle que lors de la cession de la branche SI à Novia Systems, T-Systems France avait pris l’engagement suivant, en date du 31 mai 2013 : « les salariés transférés chez Novia Systems bénéficient, en cas de défaillance de Novia Systems, d’une garantie T-Systems International GmbH, société mère de T-Systems France, pour une durée de 15 mois postérieurement à la cession » (pièce 112).

Parallèlement, la société Polymont It Services avait pris l’engagement d’appliquer, pendant une période de 18 mois, au salarié qui lui était transféré et dans l’hypothèse de son licenciement économique, les conditions de l’accord de méthode signée le 19 décembre 2012. La société mère, Polymont Group avait, pour sa part, indiqué :

“DACP et Novia reconnaissent que TSF a conclu un accord de méthode le 19 décembre 2012 (…) DACP et Novia reconnaissent, également, que cet accord de méthode demeure applicable au salarié transféré pour une période de 15 mois à compter de sa conclusion.

En conséquence, durant cette période, Novia s’engagent à se conformer aux dispositions de l’accord de méthode et DACP devra s’assurer que Novia respectera les dispositions de l’accord de méthode et DACP et Novia ne devront renégocier aucune des dispositions de l’accord de méthode”.

M. [Y] [K] demande, en conséquence, à ce que les indemnités allouées au titre de la rupture abusive du contrat de travail soient inscrites tant au passif de la SAS Polymont It Services qu’à celui de la société mère. Il demande, également, que lui soit accordé le bénéfice d’une indemnité complémentaire de base et d’une indemnité complémentaire liée à l’ancienneté calculée en application de l’accord de méthode du 19 décembre 2012 et que T- Systems soit condamné à garantir les condamnations prononcées.

Toutefois, la cour retient que le placement en redressement judiciaire de la société Polymont It Service est intervenu le 30 juillet 2015 et que la date de cessation des paiements a été fixée au 24 juin 2015, soit plus de 24 mois après la cession de la branche SI et au-delà de la période couverte par la garantie de TSF et permettant d’appliquer les conditions de l’accord de méthode. S’agissant de l’éventuelle garantie de la société Polymont Group, il est observé que les éléments cités par le salarié ne figurent que dans la note économique du projet de cession (pièce 102 salarié) et qu’il ne peut, en aucune manière, être considéré qu’ils constituent un engagement de la société Polymont Group à supporter, ou même à garantir, les conséquences financières des licenciements économiques prononcés par Polymont It Services pour les salariés transférés de TSF.

M. [Y] [K] sera donc débouté de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions formulées à l’encontre de Polymont It Services, tout comme à l’encontre de T-Systems France, ainsi que de ses demandes indemnitaires fondées sur l’application de l’accord de méthode du 19 décembre 2012 et de ses demandes fondées sur la perte de chance de bénéficier de l’application des dispositions de cet accord.

6/ Sur les autres demandes

La SAS T-Systems France sera déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La SAS Polymont It Services, prise en la personne de ses liquidateurs judiciaires la SELAFA MJA et la SCP BTSG supportera les dépens d’appel et sera condamnée à payer à M. [Y] [K] la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Met hors de cause Maître [V] [D] ès qualité de commissaire à l’exécution du plan de la société Polymont It Services placée en liquidation judiciaire le 9 janvier 2020,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a :

– débouté M. [Y] [K] de sa demande en requalification de la rupture de son contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que de ses demandes indemnitaires subséquentes,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit le licenciement de M. [Y] [K] dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Fixe les créances de M. [Y] [K] au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Polymont It Services, représentée par la SELAFA MJA et la SCP BTSG, mandataires liquidateurs les sommes suivantes :

– 78 812,50 euros bruts à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 23 643,75 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis

– 2 364,37 euros bruts au titre des congés payés y afférents

– 28 440,04 euros bruts à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

Rappelle que les créances fixées par cette décision sont exprimées en brut,

Déboute M. [Y] [K] de ses demandes formées à l’encontre des sociétés Polymont Group et T-Systems France et du surplus de ses demandes plus amples ou contraires,

Déboute la SAS T-Systems France de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Déclare le présent arrêt opposable à l’AGS-CGEA d’Ile-de-France Est dans les limites de sa garantie légale, laquelle ne comprend pas l’indemnité de procédure, et dit que cet organisme ne devra faire l’avance de la somme représentant les créances garanties que sur présentation d’un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à son paiement,

Condamne la SELAFA MJA et la SCP BTSG, en leur qualités de mandataires liquidateurs de la SAS Polymont It Services aux dépens d’appel ainsi qu’à payer à M. [Y] [K] une somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles d’appel.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,

 


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