Convention collective SYNTEC : 21 septembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/09272

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Convention collective SYNTEC : 21 septembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/09272

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 9

ARRÊT DU 21 SEPTEMBRE 2022

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/09272 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CASMY

Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Juin 2019 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F16/11512

APPELANTE

Madame [V] [N]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Alina PARAGYIOS, avocat au barreau de PARIS, toque : A0374

INTIMÉES

SCP BTSG ès qualités de liquidateur judiciaire de la SOCIÉTÉ APPTURBO

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Eric LENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : G0823

ASSOCIATION UNEDIC DELEGATION AGS CGEA IDF OUEST

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par Me Claude-Marc BENOIT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1953

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 25 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Philippe MICHEL, président, chargé du rapport, et M. Fabrice MORILLO, conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Philippe MICHEL, président de chambre

Mme Valérie BLANCHET, conseillère

M. Fabrice MORILLO, conseiller

Greffier : Mme Julie CORFMAT, lors des débats

ARRÊT :

– contradictoire

– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

– signé par Monsieur Philippe MICHEL, président et par Madame Pauline BOULIN, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par contrat à durée indéterminée, Mme [N] a été engagée à compter du 27 janvier 2014 par la société Appturbo, ayant pour activité la création le développement et l’exploitation de sites internet, en qualité de business developper moyennant une rémunération annuelle brute de base de 18 000 euros, cette rémunération ayant été portée à 25 000 euros à compter du 1er septembre 2015.

La société Appturbo employait moins de 11 salariés et appliquait la convention collective nationale des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987 (la convention Syntec).

Mme [N] a démissionné de la société le 20 mai 2016.

Estimant ne pas avoir été intégralement remplie de ses droits durant la relation contractuelle, elle a saisi le conseil de prud’hommes de Paris le 22 novembre 2016 afin d’obtenir, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, la condamnation de la société à lui régler les sommes suivantes :

– Rappel d’heures supplémentaires : 47 261,60 euros ;

– Congés payés afférents : 4 726,16 euros ;

– Dommages et intérêts pour non respect du repos compensateur (3 mois) : 28 473,36 euros ;

– Dommages et intérêts pour travail dissimulé (6 mois) : 56 946,72 euros ;

– Dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail (3 mois) : 28 473,36 euros;

Par jugement du 21 juin 2018, le tribunal de commerce de Paris a placé la société Appturbo en liquidation judiciaire, et a désigné la société BTSG en qualité de mandataire liquidateur.

Par jugement du 20 juin 2019, le conseil de prud’hommes de Paris a débouté Mme [N] de ses demandes et l’a condamnée aux dépens.

Par déclaration du 17 septembre 2019, Mme [N] a interjeté appel du jugement non-notifié.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 11 décembre 2019, Mme [N] demande à la cour d’infirmer le jugement et d’inscrire au passif de la société Appturbo sa créance à hauteur des sommes suivantes :

– 52 622,70 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires,

– 5 262,27 euros à titre de congés payés afférents,

– 28 473,36 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect du repos compensateur,

– 56 946,72 euros (6 mois) à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

– 28 473,36 euros (3 mois) à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat, outre les dépens.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 17 février 2021, la société BTSG, ès-qualités de liquidateur de la société Appturbo demande à la cour de confirmer le jugement, de rejeter les demandes de Mme [N] et de condamner cette dernière au paiement de la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 20 février 2020, l’AGS CGEA Ile de France Ouest, appelée en garantie, demande à la cour de confirmer le jugement, de rejeter les demandes de Mme [N], en tout état de cause de limiter sa garantie aux assiettes et plafonds légaux et de ne pas mettre à sa charge les dépens.

L’instruction a été clôturée le 12 avril 2022, et l’affaire plaidée le 25 mai 2022.

MOTIFS

Sur les heures supplémentaires

En application de l’article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

À l’appui de sa demande de rappel d’heures supplémentaires, Mme [N] verse des échanges de mails parmi lesquels :

– celui du 25 novembre 2014 dans lequel son employeur écrit : ‘OK, tu as un contrat de 35 heures mais étant donné la nature du business et la situation actuelle, les salaires que tu touches à la fin du mois, il est primordial que tu sois là au maximum en ce moment pour la boîte mais aussi pour toi et pour tes primes’,

– celui du même jour dans lequel Mme [N] répond qu’elle a ‘toujours respecté les horaires mêmes si 5,5 heures plus que 35 heures par semaine sans être payée ni RTT’ dont les termes n’ont pas été contestés par l’employeur

– celui du 28 janvier 2015 dans lequel la supérieure de Mme [N] rappelle que la pause de midi est de 13 heures à 14 heures et que la salle de repos et de détente mise à la disposition des salariés par la société peut être utilisée le soir à partir de 19 heures.

Elle produit également des attestations de deux stagiaires dont l’une indique : ‘Nous avons été soumis à durée de travail de 40,5 heures (lundi- jeudi 9h30-19 heures, vendredi 9h30-17 heures) par semaine…’ et l’autre écrit : ‘En tant qu’étudiante, j’ai signé une convention de stage dans laquelle le temps de travail était précisé à 35 heures par semaine. Néanmoins, le temps de travail réel était différent. Précisément, il fallait arriver à 9h30 du matin et finir absolument à partir de 19 heures avec une heure de pause déjeuner entre 13 et 14 heures sauf le vendredi où on pouvait finir à 17 heures. Au total, j’ai travaillé pour 40,5 heures par semaine’.

Elle fournit également ses bulletins de paie qui, à compter du 1er février 2016, mentionnent 12,33 ‘heures supplémentaires structurelles’ .

Mme [N] présente ainsi, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’elle prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Or, la société BTSG et l’AGS CGEA Ile de France Ouest se limitent à critiquer la force probante des pièces produites par la salariée au motif que les stagiaires n’attestent que pour elles-même alors que les termes employés par les témoins sont généraux et évoquent ainsi des horaires d’entreprise, que Mme [N] ne démontre pas que l’employeur lui a demandé des heures supplémentaires alors que, par son mail du 25 novembre 2014, l’employeur sollicite un investissement important de la salariée à hauteur de sa rémunération même si son horaire est de 35 heures par semaine, que le courriel évoquant la possibilité pour les salariés de jouer au babyfoot à partir de 19h ne saurait rapporter la preuve de ce que Mme [N] finissait à 19 h alors que le rapprochement entre ce mail et les autres pièces – dont le mail du 12 août 2014 dans lequel Mme [N] avertit son employeur qu’ayant rendez-vous à 19 heures elle doit partir vers 18h30 – attestent bien d’une fin de travail dans l’entreprise fixée à 19 heures,

Mme [N] a donc bien effectué des heures supplémentaires non rémunérées.

Toutefois, le calcul effectué par la salariée pour déterminer le montant du rappel de salaire pour heures supplémentaires est erroné en ce qu’il se fonde sur un salaire de référence correspondant à la moyenne des 12 derniers mois alors que cette moyenne prend en compte des éléments qui doivent être exclus du calcul de la rémunération des heures supplémentaires, à savoir une prime dite ‘prime commerciale’ et la rémunération d’heures supplémentaires structurelles à 25 %.

En conséquence, le calcul des heures supplémentaires doit s’effectuer à partir de la rémunération contractuelle brute de base de la salariée soit 25’000 euros par an établissant la rémunération horaire à la somme de 12,469 euros, conformément à ce qui est indiqué dans les bulletins de paie.

Compte tenu de la majoration de 25 % applicable aux huit première heures supplémentaires, la rémunération de chaque heure supplémentaire s’élève à 15,586 euros, comme justement mentionné dans les bulletins de paie.

Ainsi, Mme [N] aurait dû percevoir une somme de 85,72 euros pour la rémunération des 5,5 heures supplémentaires effectuées par semaine.

En conséquence, pour 101,2 semaines de travail effectuées sur l’ensemble de la période d’emploi, le montant de la rémunération pour heures supplémentaires de Mme [N] s’élève à la somme de 8 675,30 euros.

Toutefois, il doit être déduit de cette somme les ‘heures supplémentaires structurelles’ déjà payées de février à mai 2016, pour un montant de 768,72 euros (192,18 euros X 4).

Dès lors, la créance de Mme [N] au passif de la société Appturbo au titre des heures supplémentaires non rémunérées s’élève à la somme de 7 906,58 euros, outre celle de 790,66 euros au titre des congés payés afférents.

Par ailleurs, Mme [N] soutient qu’elle a dépassé le contingent annuel d’heures supplémentaires fixées par la convention collective Syntec à 130 heures.

Mais, aux termes de l’article 33 b de la convention collective nationale, le contingent annuel d’heures supplémentaires de 130 heures ne s’applique qu’aux ETAM.

Or, selon les bulletins de salaire, Mme [N] avait le statut de cadre position 1.2, coefficient 100 de la convention collective Syntec.

Dès lors, le contingent annuel d’heures supplémentaires applicable à Mme [N] est le contingent légal de 220 heures.

En 2014, Mme [N] a accompli 253,55 heures supplémentaires, soit 13,55 heures au-delà du contingent annuel et en 2015, elle a accompli 262,35 heures supplémentaires , soit 42,35 heures au-delà du contingent annuel, pour un total de 55,90 heures sur l’ensemble de la période d’emploi.

Le salarié qui n’a pas été en mesure de prendre ses repos compensateurs avant la rupture de son contrat de travail a droit à la rémunération de ceux-ci.

En conséquence, au vu d’un salaire horaire de 12,469 euros, la créance de Mme [N] au passif de la société Appturbo au titre des repos compensateurs non pris, s’élève à la somme de 697,02 euros outre celle de 69,70 euros au titre des congés payés afférents.

Sur la demande en dommages et intérêts pour non respect des repos compensateurs

Le repos compensateur consacre le droit du salarié au repos effectif dont la privation lui cause un préjudice qui doit être réparé distinctement de la rémunération des jours de repos non pris.

Au regard des éléments ci-dessus, tenant notamment au nombre d’heures en dépassement du contingent annuel, la créance de Mme [N] au passif de la société Appturbo au titre des dommages-intérêts pour repos compensateur sera fixé à la somme de 2 000 euros.

Sur la demande en dommages-intérêts pour travail dissimulé

Mme [N] soutient, au vu du mail de son employeur du 25 novembre 2014, que celui-ci avait de toute évidence connaissance de la réalisation des heures supplémentaires régulières par la salariée qu’il refusait de rémunérer estimant que ‘la nature du business’, ‘la situation actuelle’, ‘la rémunération’ mensuelle perçue par sa salariée justifiaient l’exécution d’heures supplémentaires à titre gratuit.

Mais, comme justement relevé par la société BTSG et l’AGS CGEA Ile de France Ouest, le non paiement des heures supplémentaires dont le nombre est au surplus contesté par l’employeur, ne caractérise pas une intention dissimulatrice à l’égard des organismes sociaux et fiscaux et ne suffit pas à lui seul à constituer l’élément intentionnel du délit de travail dissimulé au sens de l’article L. 8221-3 du code du travail, qui ouvre droit à l’indemnité forfaitaire de six mois de salaire de l’article L. 8223-1 du même code.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté Mme [N] de sa demande de dommages-intérêts pour travail dissimulé.

Sur la demande en dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

Mme [N] fait valoir que la connaissance de l’employeur de la réalité et du nombre d’heures supplémentaires réalisées, la persistance délibérée de celui-ci dans le refus de règlement des heures supplémentaires pendant deux années, les reproches adressés à la salariée lorsqu’elle ne souhaitait pas accomplir d’heures supplémentaires à titre bénévole, et l’absence de régularisation rétroactive de sa situation démontrent l’exécution déloyale du contrat de travail par l’employeur et l’atteinte portée à un droit fondamental de la salariée à savoir, son droit à la santé.

Mais, Mme [N] ne démontre pas, autrement que par affirmation, l’existence du préjudice qu’elle prétend subir du fait des manquements de son employeur en matière de rémunération des heures supplémentaires.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté Mme [N] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

Sur la garantie de l’AGS CGEA Ile de France Ouest

Compte tenu de la nature des sommes dues à la salariée, l’AGS CGEA Ile de France Ouest devra sa garantie dans les limites et conditions légales.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Mme [N] de ses demandes en dommages et intérêts pour travail dissimulé et pour exécution déloyale du contrat de travail par l’employeur,

INFIRME le jugement entrepris pour le surplus,

Et statuant à nouveau dans cette limite,

Fixe la créance de Mme [N] au passif de la société Appturbo aux sommes suivantes :

° 7 906,58 euros à titre de rémunération des heures supplémentaires,

° 790,66 euros au titre des congés payés afférents,

° 697,02 euros à titre de rémunération des repos compensateurs non pris,

° 69,70 euros au titre des congés payés afférents,

° 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour privation du repos compensateur,

DÉCLARE l’arrêt opposable à l’AGS CGEA Ile de France Ouest qui devra sa garantie dans les conditions et limites légales,

DIT que les dépens de première instance et d’appel seront liquidés en frais de liquidation de la société Appturbo,

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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