Convention collective SYNTEC : 21 octobre 2022 Cour d’appel de Douai RG n° 20/00983

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Convention collective SYNTEC : 21 octobre 2022 Cour d’appel de Douai RG n° 20/00983

ARRÊT DU

21 Octobre 2022

N° 1767/22

N° RG 20/00983 – N° Portalis DBVT-V-B7E-S5IG

MLB/NB

Jugement du

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOURCOING

en date du

06 Février 2020

(RG 18/00216)

GROSSE :

aux avocats

le 21 Octobre 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

– Prud’Hommes-

APPELANT :

M. [N] [W]

[Adresse 4]

[Localité 2]

représenté par Me Jérôme WITKOWSKI, avocat au barreau de LILLE, assisté de Me Olivier BOULANGER, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE

INTIMÉE :

S.A.S.U. BK CONSULTING NORD

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Yves SION, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS : à l’audience publique du 31 Août 2022

Tenue par Muriel LE BELLEC

magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Serge LAWECKI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Soleine HUNTER-FALCK

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

Gilles GUTIERREZ

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 21 Octobre 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Soleine HUNTER-FALCK, Président et par Angelique AZZOLINI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 10 août 2022

EXPOSE DES FAITS

M. [N] [W], né le 12 mars 1969, a été embauché par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 6 juin 2011 en qualité de technicien informatique, statut ETAM, par la société Additeam Nord, devenue la société BK Consulting Nord, qui applique la convention collective des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils et emploie de façon habituelle au moins onze salariés.

Il a effectué en dernier lieu une mission auprès du GIE Humanis du 10 mars 2014 au 19 mai 2017. Sa rémunération brute mensuelle s’élevait à la somme de 2000,01 euros.

Par lettre recommandée en date du 23 novembre 2017 ayant pour objet : « absence injustifiée – convocation à un entretien », la société BK Consulting Nord l’a convoqué le 1er décembre 2017 en vue de recueillir ses explications. Ce courrier indique : « A votre retour de la mission que vous meniez chez notre client Humanis, nous vous avons proposé de ne venir qu’un jour par semaine au siège de la société durant la période nécessaire à la recherche d’une nouvelle mission.

Cette journée vous permettait de rencontrer l’équipe commerciale, de participer à la mise à jour de vos compétences et de conserver le lien avec l’entreprise.

Vous avez accepté cet accord, très avantageux pour vous, puisqu’il vous permet de disposer librement de votre temps quatre jours sur cinq, tout en étant bien entendu normalement rémunéré.

Or nous constatons que depuis plusieurs semaines vous ne venez plus à l’agence. »

Par courrier remis au salarié en main propre le 1er décembre 2017, la société BK Consulting Nord, actant leur accord pour une procédure de rupture conventionnelle, a fixé un entretien à cette fin le 12 décembre 2017.

Le 12 décembre 2017, M. [W] et la société BK Consulting Nord ont signé un accord de rupture conventionnelle à effet du 20 janvier 2018.

M. [W] a exercé son droit de rétractation par lettre recommandée en date du 21 décembre 2017.

Il a été convoqué par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 22 décembre 2017 à un entretien le 3 janvier 2018 en vue de son licenciement. A l’issue de cet entretien, son licenciement lui a été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 8 janvier 2018.

Les motifs du licenciement tels qu’énoncés dans la lettre sont les suivants :

« Vous êtes intervenu en mode délégation de personnel auprès de divers clients de la société. Votre dernière mission s’est déroulée chez Humanis et s’est terminée le 19/05/2017. A compter de cette date de nombreux efforts ont été faits pour vous trouver une nouvelle mission, mais aucun n’a malheureusement pu aboutir.

Durant toute cette période d’inter-mission, vous ne vous êtes que rarement présenté au siège de l’entreprise, à tel point que BK Consulting Nord a dû vous adresser un courrier recommandé avec avis de réception le 23/11/2017 et vous convoquer à un entretien pour recueillir vos explications. Cet entretien a eu lieu le 01/12/2017. Vous n’avez pas apporté d’explications à vos absences, mais vous m’avez fait part de votre angoisse à venir à l’agence. Après quelques échanges, notre décision commune d’entrer dans une procédure de rupture conventionnelle est apparue et a été notifiée par courrier remis en main propre le 01/12/2017.

L’entretien a eu lieu le 12/12/2017, vous étiez accompagné du représentant du personnel élu. Bien que tardivement prévenu du fait que vous seriez accompagné, je n’ai pas repoussé l’entretien, et ne me suis pas fait accompagner.

A l’issue de cet entretien nous étions d’accord sur les modalités de la rupture, et avons signé les documents de rupture conventionnelle.

Le 22/12/2017 nous recevions votre rétractation par lettre recommandée avec accusé de réception selon vos droits.

Souhaitant comprendre les raisons de cette rétractation et votre état d’esprit, BK Consulting Nord vous a alors convoqué à un entretien préalable.

Cet entretien a eu lieu le 03/01/2018 à 10 heures, à l’agence, entre nous deux, sans accompagnants.

Lors de cet entretien vous avez expliqué votre rétractation par le fait que vous pensiez obtenir plus d’argent lors d’une procédure prud’homale. Vous avez également expliqué que vous avez perdu toute confiance en votre employeur. Cette perte de confiance est partagée par moi-même, et j’ai rappelé le manque d’implication que vous avez manifesté après la fin de votre mission en ne venant que rarement à l’agence, sans poser de jours de congés/RTT.

Cependant, une autre société du groupe BK Consulting délivre des prestations dans votre domaine de compétence, et souhaitant trouver une solution pour maintenir votre emploi, je vous ai proposé d’étudier la possibilité de mutation dans cette société, située en région parisienne. Vous avez explicitement refusé durant l’entretien.

Dans ce contexte, toute poursuite de collaboration entre vous-même et BK Consulting Nord est exclue, et je vous informe par la présente qu’après avoir considéré la situation et les explications que vous avez fournies lors de l’entretien du 3 janvier dernier, nous sommes amenés à prononcer votre licenciement pour perte de confiance matérialisée par des absences répétées.

Selon les termes de votre contrat de travail et de la convention collective Syntec, la durée de votre préavis est de deux mois.»

Par lettre remise en main propre à son employeur le 19 février 2018, M. [W] a sollicité la réduction de son préavis au 23 février 2018 au soir.

Les documents de rupture ont été établis le 23 février 2018.

Après avoir contesté son licenciement par lettre adressée à la société BK Consulting Nord le 12 juin 2018, M. [W] a saisi le conseil de prud’hommes de Tourcoing le 23 juillet 2018 pour obtenir des indemnités pour défaut de fourniture de travail, défaut de formation et délit de marchandage, un rappel de congés payés et d’indemnité de licenciement et faire constater l’illégitimité de son licenciement.

Par jugement en date du 6 février 2020 le conseil de prud’hommes a dit que le licenciement n’est pas abusif et repose bien sur une cause réelle et sérieuse, que la société BK Consulting Nord n’a pas failli à son obligation de formation et de fourniture d’activités, qu’elle n’a pas commis des faits de marchandage, en conséquence a débouté M. [W] de l’ensemble de ses demandes, l’a condamné à payer à la société BK Consulting Nord la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et a débouté la société BK Consulting Nord du surplus de ses demandes, M. [W] étant condamné aux dépens.

Le 19 février 2020, M. [W] a interjeté appel de ce jugement.

La clôture de la procédure a été ordonnée le 10 août 2022.

Selon ses conclusions reçues le 5 mai 2020, M. [W] sollicite de la cour qu’elle réforme le jugement entrepris et, statuant à nouveau, qu’elle dise que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse, que la société BK Consulting Nord est responsable et fautive de défaut de fourniture de travail, d’absence totale d’actes positifs visant à sauvegarder son employabilité et de délit de marchandage, que la pose de congés payés post-notification contrainte par l’employeur est nulle et non avenue, entraînant donc un « recrédité » de ces jours de congés et condamne la société aux sommes de :

15 000 euros pour défaut de fourniture de travail

15 000 euros pour défaut de formation

24 141,63 euros pour délit de marchandage

5 471,57 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement (article 19 CCN Syntec)

22 235,71 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

2 454,59 euros au titre des congés payés

5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Selon ses conclusions reçues le 16 novembre 2021, la société BK Consulting Nord sollicite de la cour qu’elle confirme le jugement, déboute en conséquence M. [W] de l’ensemble de ses demandes et, ajoutant au jugement entrepris, qu’elle le condamne au versement de la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

Il est référé aux conclusions des parties pour l’exposé de leurs moyens, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE L’ARRET

Sur la demande d’indemnité pour défaut de fourniture de travail

L’employeur a l’obligation de fournir du travail à son salarié. En ne le faisant pas, il commet une faute.

En l’espèce, le contrat de travail n’envisage pas que le salarié puisse être placé en situation d’inter-contrat ni n’en prévoit à fortiori les conditions. Aucun accord collectif n’est évoqué par les parties, l’employeur produisant uniquement une note d’information interne du 7 janvier 2015 relative aux obligations du salarié pendant les périodes d’inter-contrat mais qui n’en définit pas le cadre et les limites.

Il est constant que la société BK Consulting Nord n’a plus fourni de missions à M. [W] à compter du 20 mai 2017, n’attendant de lui qu’une présence au siège de l’entreprise un jour par semaine afin qu’il puisse rencontrer l’équipe commerciale, participer à la mise à jour de ses compétences et conserver le lien avec l’entreprise, selon les termes du courrier qu’elle lui a adressé le 23 novembre 2017, mais sans lui confier la moindre tâche, au contraire de M. [V] [U], dont l’attestation produite par l’intimée montre que pendant ses périodes d’inter-contrat, il avait pour rôle de gérer le parc informatique.

Ce faisant, la société BK Consulting Nord a commis une faute à l’égard du salarié, même si elle a maintenu son salaire pendant cette période. Elle indique vainement que M. [W] « a cessé de s’impliquer dans la recherche de mission », alors que tel n’était pas son rôle, son contrat de travail stipulant qu’il exercerait ses fonctions de technicien informatique selon les objectifs et ordres de mission qu’il recevrait.

Compte tenu de la longueur de la période de dés’uvrement durant laquelle la société BK Consulting Nord a maintenu son salarié, le préjudice qu’il a subi sera indemnisé par l’octroi de la somme de 2 000 euros.

Sur la demande d’indemnité pour défaut de formation

En application de l’article L.6321-1 du code du travail, l’employeur doit assurer l’adaptation des salariés à leur poste de travail et veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations.

M. [W] fait valoir qu’après une mission de trente-huit mois chez un même client, il a été écarté de toute procédure visant à accroître ou même à maintenir son employabilité, alors que le secteur de l’informatique est soumis à des évolutions technologiques constantes et que l’obsolescence technique et fonctionnelle est particulièrement rapide. Il ajoute qu’il avait pourtant formulé des demandes d’évolution fonctionnelle (manager) et technique (administrateur système) lors d’entretien avec sa hiérarchie et que la société BK Consulting Nord, groupe de plus de trois cents salariés, a l’obligation de mettre en place une GPEC solide.

Il produit le compte rendu de son entretien annuel en mai 2015 au cours duquel deux formations avaient été mentionnées au titre des formations visées : administrateur système et une autre à l’intitulé illisible.

La société BK Consulting Nord répond que M. [W] aurait pu bénéficier d’une formation professionnelle s’il s’était présenté au siège, ainsi qu’elle l’a indiqué dans son courrier du 23 novembre 2017, mais qu’il a cessé de s’impliquer dans la mise à jour de ses compétences, qu’en restant à procrastiner chez lui, il a de fait refusé les formations mises à sa disposition.

Elle produit les attestations de Messieurs [U] et [C] indiquant que l’employeur met à la disposition des salariés en inter-contrats une salle informatique avec plusieurs PC permettant un accès à Internet et de se former. Elle soutient que les salariés bénéficient également de formations externes et que M. [W] aurait pu mettre à profit cette période d’intermission pour se former aux nouveaux logiciels et nouvelles technologies.

Toutefois, la seule mise à disposition de matériel informatique ne peut tenir lieu d’action de formation au sens du texte précité. La société BK Consulting Nord ne justifie pas avoir proposé à M. [W] de participer à quelque action de formation que ce soit. L’appelant a cependant retrouvé un emploi de technicien déploiement applicatif dès le mois de mars 2018, comme le montre son profil LinkedIn, de sorte que le préjudice qu’il a subi sera suffisamment indemnisé par l’octroi d’une somme de 1 000 euros.

Sur la demande d’indemnité pour délit de marchandage

Selon l’article L.8231-1 du code du travail, le marchandage, défini comme toute opération à but lucratif de fourniture de main-d »uvre qui a pour effet de causer un préjudice au salarié qu’elle concerne ou d’éluder l’application de dispositions légales ou de stipulations d’une convention ou d’un accord collectif de travail, est interdit.

M. [W] soutient que l’employeur ne produit pas les contrats le liant au client Humanis, qu’il est resté trente-huit mois au même poste pour des tâches qui ne sont pas hyper spécialisées, qu’il a été facile de lui trouver un remplaçant, qu’il est légitime de considérer que la société BK Consulting Nord a tenu le rôle d’entreprise d’intérim au profit d’Humanis sans en avoir le statut ni en supporter les contraintes (prime de précarité de 10 % notamment sur le total de la rémunération brute). En réponse à l’argumentation de la société BK Consulting Nord, il fait valoir que le code du travail prévoit un CDI intérimaire et une rémunération mensuelle minimale garantie.

La société BK Consulting Nord verse toutefois aux débats le contrat d’assistance technique conclu avec le GIE Humanis, dans le cadre duquel M. [W] est intervenu, ainsi que les conditions particulières qui ont été renouvelées pendant trente-huit mois.

La prestation demandée est décrite dans les « conditions particulières ». Il s’agissait pour le GIE de bénéficier d’un correspondant informatique. Le contrat d’assistance technique mentionne que les employés du prestataire demeurent placés sous sa direction, son contrôle, son autorité et sa responsabilité exclusive, sans que n’existe aucune relation de subordination entre le personnel du prestataire et le client, que le prestataire est responsable de l’exécution de la prestation avec une obligation de résultat, que la rémunération de la prestation est fixée à la journée.

Il ne résulte pas de ces éléments un faisceau d’indices permettant de retenir l’existence d’un prêt de main-d »uvre illicite.

De plus, M. [W] ne justifie pas d’un préjudice, nécessaire à la caractérisation d’un marchandage. En effet, ainsi que la société BK Consulting Nord le souligne, il a été rémunéré même lorsqu’il n’avait pas de mission, de sorte que l’intimée ne s’est pas comportée à son égard comme une entreprise d’intérim appliquant les règles du contrat de travail classique. Et s’il avait été embauché dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée intérimaire, créé par l’accord de branche du 10 juillet 2013 relatif à la sécurisation des parcours professionnels des salariés intérimaires et inscrit dans le code du travail aux articles L.1251-58-1 et suivants du code du travail, issus de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018, postérieure à son licenciement, il n’aurait pas perçu d’indemnités de fin de mission, de sorte qu’il invoque de façon non pertinente la volonté de la société de se soustraire au paiement de la prime de précarité. Il ne justifie donc pas des « contraintes » légales ou conventionnelles que la société BK Consulting Nord aurait cherché à éluder à son détriment.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a débouté M. [W] de sa demande au titre du délit de marchandage.

Sur le licenciement

En application de l’article L.1232-6 du code du travail, la lettre de licenciement est motivée par les absences répétées de M. [W] au siège de l’entreprise, manifestant son manque d’implication.

La société BK Consulting Nord soutient que M. [W] avait une obligation de présence au moins une fois par semaine pendant la période d’inter-contrats.

Elle produit la note d’information interne du 7 janvier 2015 mentionnant que dans les périodes d’inter-contrat, les salariés sont tenus d’être présents au siège de l’agence pour y effectuer des tâches en interne ou se former, que des autorisations d’absence peuvent être données mais que le salarié s’engage à être joignable rapidement par téléphone durant les horaires de bureau et, dans tous les cas, à être présent au moins un jour par semaine pour ne pas perdre le lien avec l’entreprise. La note précise que le manager formalisera par écrit les modalités appliquées à chaque salarié concerné.

La société BK Consulting Nord n’allègue ni ne justifie avoir formalisé un tel écrit mais produit le courrier adressé au salarié le 23 novembre 2017 mentionnant qu’à l’issue de sa mission chez Humanis, elle lui a « proposé de ne venir qu’un jour par semaine au siège de la société », ce qu’il a accepté, et qu’elle fait le constat que « depuis plusieurs semaines »il ne vient plus à l’agence.

M. [W] répond qu’il a respecté « cette autorisation et pratique de l’employeur » jusqu’en novembre 2017, que la société BK Consulting Nord a utilisé la première convocation à visée disciplinaire pour le convaincre de signer une rupture conventionnelle, que le licenciement était présenté comme une menace à peine voilée, que l’employeur n’a pas respecté ses obligations essentielles et ne lui a pas permis de respecter sa propre obligation, que la sanction est totalement disproportionnée à son éventuel manquement, que l’employeur ne lui a pas précisé quel jour et quelle heure il devait se rendre à l’entreprise et pour y réaliser quelle tâche, que les notifications de tickets restaurants révèlent et attestent que sa présence a été actée par l’entreprise, qu’il est certain et manifeste qu’il a honoré significativement de juillet 2017 à novembre 2017 ses obligations, indépendamment de la défaillance de son employeur.

Le salarié s’est vu attribuer cinq titres-restaurant au titre du mois de juillet 2017, quatre au titre du mois d’août 2017, quatre au titre du mois de septembre 2017, quatre au titre du mois d’octobre 2017 et deux au titre du mois de novembre 2017. Ces titres confortent, en application de l’article R.3262-7 du code du travail, la version du salarié selon laquelle il a respecté son obligation de présence minimale au moins jusque courant novembre 2017, soit pendant six mois après la fin de sa dernière mission. L’employeur fait valoir que les tickets restaurant sont attribués sur la base du déclaratif avec un contrôle a posteriori et qu’il est « fort probable » que les contrôles se sont révélés imparfaits ou que les tickets ont été maintenus par magnanimité. Ces explications hypothétiques ne s’appuient sur aucune pièce.

Pour la période postérieure, la lettre de licenciement elle-même fait allusion aux propos tenus par le salarié lors de l’entretien du 1er décembre 2017 concernant son angoisse à venir à l’agence. Compte tenu de la durée de la période d’inter-contrats subie par M. [W] depuis mi-mai 2017 et de l’absence de tâche confiée par l’employeur susceptible de donner un véritable sens à la poursuite de la venue du salarié au sein de l’agence, le manquement de M. [W] à son obligation d’être présent à l’agence au moins une fois par semaine à compter de mi-novembre 2017, consécutif au propre manquement de l’employeur à son obligation de lui fournir un travail depuis plusieurs mois, y compris après que le salarié lui a fait part de son désarroi le 1er décembre 2017, ne constituait pas un grief de nature à justifier son licenciement.

Le jugement sera en conséquence infirmé.

M. [W] évalue son préjudice au maximum de sept mois de salaire brut mensuel prévu par l’article L.1235-3 du code du travail.

L’intimé était âgé de quarante-huit ans et jouissait d’une ancienneté de six ans et demi au sein de l’entreprise à la date de son licenciement. Sa rémunération brute mensuelle s’élevait à la somme de 2 000,01 euros. Il ne fournit pas d’explication sur sa situation professionnelle postérieure au licenciement. Il a demandé la réduction de son préavis pour une fin des relations contractuelles fixées au 23 février 2018 et la société BK Consulting Nord justifie par son profil LinkedIn qu’il a retrouvé un emploi de technicien déploiement applicatif dès le mois de mars 2018. Au vu de ces éléments, le préjudice occasionné par la perte de son emploi sera indemnisé par l’octroi de la somme de 8 000 euros.

Les conditions de l’article L.1235-4 du code du travail étant réunies, il convient d’ordonner le remboursement par la société BK Consulting Nord des éventuelles indemnités de chômage versées à M. [W] à hauteur de six mois d’indemnités.

Sur la demande au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement

M. [W] a perçu lors de la rupture du contrat de travail une indemnité de licenciement de 3 500, 33 euros. Il sollicite le versement de la somme de 5 471,57 euros en visant l’article 19 de la convention collective Syntec, sans autre explication sur son calcul.

La société BK Consulting Nord ne fait aucune observation.

Selon l’article 19 de la convention collective, M. [W] avait droit compte tenu de son ancienneté et de son statut d’ETAM au versement d’une indemnité de licenciement égale à 0,25 mois par année de présence, le mois de rémunération s’entendant du douzième de la rémunération des 12 derniers mois précédant la notification de la rupture du contrat de travail, primes contractuelles incluses et majorations pour heures supplémentaires au delà de l’horaire normal de l’entreprise et majorations de salaire exclues.

M. [W] fait valoir que la moyenne brute des 12 derniers mois de salaires s’élève à 2 082,51 euros. Au vu de ces éléments, il a été rempli de ses droits.

Sur la demande de rappel de congés payés

L’appelant fait valoir qu’il a été contraint de poser une demande de congés payés du 9 au 23 janvier 2018, qu’à défaut il n’aurait pas reçu de salaire.

La société BK Consulting Nord répond que cette période de congés payés n’a pas été imposée à M. [W], qu’il a formulé rétroactivement une demande de congés payés pour que sa période d’absence injustifiée postérieure à la notification du licenciement ne soit pas déduite de sa rémunération, qu’il a d’ailleurs réitéré sa demande de congés payés pour le mois de février 2018.

La lettre de licenciement précise que le préavis débute à la date de sa présentation. M. [W] a reçu sa lettre de licenciement le 9 janvier 2018.

Par courrier du 12 janvier 2018, la société BK Consulting Nord a indiqué au salarié qu’elle constatait son absence des locaux de l’entreprise depuis cette date et que « ces absences [seraient] déduites de [son] salaire en tant qu’absences non autorisées, ou, sur demande de [sa] part, [seraient] déduites de ses droits à congés payés et RTT ».

Par mail du 19 janvier 2018, M. [W] a signifié son désaccord avec le courrier du 12 janvier 2018 concernant son absence. Il a joint à son message une demande de congés pour la période du 9 au 31 janvier 2018 (17 jours) en expliquant ne pas avoir matériellement la possibilité de supporter une retenue sur salaire. Il a ensuite transmis le 1er février 2018 une demande de congés et de RTT pour la période du 1er au 23 février 2018 (16 jours).

Pas plus qu’au cours de la période antérieure au licenciement, la société BK Consulting Nord n’a fourni de travail à M. [W] après la notification de son licenciement, même à hauteur d’une journée par semaine. Elle ne pouvait en conséquence légitimement lui reprocher son absence et le pousser à solliciter des congés payés en le menaçant de ne pas lui régler son salaire, en application de l’article 1143 du code civil. La demande de congés payés formée par le salarié dans ces conditions est dépourvue de portée et les jours ainsi décomptés des jours de congés payés acquis lui restent dus. L’indemnisation d’une journée de congés payés s’élevait selon le bulletin de salaire d’octobre 2017 à la somme de 126,904 euros, justifiant l’octroi à M. [W] de la somme demandée de 2 454,59 euros.

Sur les frais irrépétibles

L’issue du litige justifie d’infirmer le jugement, de débouter la société BK Consulting Nord de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de la condamner à verser à M. [W] une indemnité de 3 000 euros de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant après débats en audience publique par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement déféré en ce qu’il a débouté M. [N] [W] de sa demande d’indemnité pour délit de marchandage et de sa demande au titre de l’indemnité de licenciement.

Infirme le jugement déféré et statuant à nouveau :

Dit que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Condamne la société BK Consulting Nord à verser à M. [N] [W] :

2 000 euros à titre d’indemnité pour défaut de fourniture de travail

1 000 euros pour défaut de formation

8 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

2 454,59 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés.

Ordonne le remboursement par la société BK Consulting Nord au profit du Pôle Emploi des indemnités de chômage éventuellement versées à M. [N] [W] du jour de la rupture du contrat de travail au jour du présent arrêt à hauteur de six mois d’indemnités.

Déboute la société BK Consulting Nord de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne la société BK Consulting Nord à verser à M. [N] [W] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne la société BK Consulting Nord aux dépens.

LE GREFFIER

Angelique AZZOLINI

LE PRESIDENT

Soleine HUNTER-FALCK

 


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