COUR D’APPEL DE CHAMBÉRY
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 21 MARS 2023
N° RG 22/00032 – N° Portalis DBVY-V-B7G-G4I7
[I] [J]
C/ S.A.S. SGI INEGENIERIE
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CHAMBERY en date du 16 Décembre 2021, RG F 19/00178
APPELANT ET INTIME INCIDENT
Monsieur [I] [J]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Max JOLY de la SCP MAX JOLY ET ASSOCIES, avocat au barreau de CHAMBERY, substitué par Me Anne-Marie GARZON, avocat au barreau de CHAMBERY
INTIMEE ET APPELANT INCIDENT
S.A.S. SGI INEGENIERIE
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Nadia BEZZI, avocat au barreau de CHAMBERY
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue en audience publique le 21 Février 2023, devant Monsieur Frédéric PARIS, Conseiller désigné par ordonnance de Madame la Première Présidente, qui s’est chargé du rapport, les parties ne s’y étant pas opposées, avec l’assistance de Madame Sophie MESSA, Greffier lors des débats, et lors du délibéré :
Monsieur Frédéric PARIS, Président,
Monsieur Cyril GUYAT, Conseiller,
Madame Isabelle CHUILON, Conseiller,
********
Copies délivrées le :
FAITS ET PROCÉDURE
M. [I] [J] a été engagé par la société SGI Ingénierie sous contrat à durée indéterminée du 19 avril 2002 en qualité d’ingénieur statut cadre, position 2-3, coefficient 150 de la convention collective Syntec moyennant un salaire mensuel brut de 2750 €.
La société fait partie du groupe SGI Consulting de droit luxembourgeois d’ingénieurs conseils spécialisés dans les domaines du transport, du bâtiment, de l’eau et de l’environnement.
La société SGI Consulting est l’associé unique de la société.
La société exerce une activité dans le génie civil et le bâtiment.
L’effectif de la société est de plus de onze salariés.
Le salarié a été nommé responsable de développement des métiers du bâtiment par avenant du 2 mai 2013.
Le salaire était fixé à 55 700 € par an, et une prime égale à un mois de salaire versée fin décembre et une prime égale à 0,3 mois de salaire.
Le 31 octobre 2013 une convention fixant des objectifs pour la partie variable de la rémunération a été conclue pour une année avec tacite reconduction à défaut de modification des critères.
Le salarié a été nommé directeur de l’Unité d’affaires du Bourget du Lac à compter du 24 mai 2016 (avenant du 1er juillet 2016). Il percevait une rémunération de 73 150 € par an, avec une part variable.
Il a été nommé ensuite directeur général par décision du 26 avril 2018.
La société connaissant des difficultés économiques depuis 2016, d’éventuelles suppressions de postes dans le cadre d’un licenciement économique ont été envisagées en avril 2019
Le salarié a informé l’une des salariés concernées, Mme [E] qu’elle devrait être licencié pour motif économique.
L’employeur reprochant au salarié cette initiative lui a décerné un avertissement le 21 mai 2019.
M. [J] a contesté cette sanction.
Il lui a été reproché ensuite d’avoir organisé une réunion du personnel le 23 mai 2019 et d’avoir annoncé la démission d’une salariée, Mme [U] et la décision de licencier Mme [E] pour motif économique.
Le salarié a été convoqué par lettre du 6 juin 2019 à un entretien préalable à un éventuel licenciement disciplinaire fixé au 21 juin 2019, et mis à pied à titre conservatoire.
Il lui a été demandé ensuite de restituer les biens de l’entreprise.
Par délibération de l’associé unique en date du 6 juin 2019, il a été révoqué de son mandat de directeur général et de son mandat d’administrateur.
Le salarié a été licencié pour faute grave par lettre du 26 juin 2019.
Par requête du 26 septembre 2019, M. [J] a saisi le conseil des prud’hommes de Chambéry à l’effet d’obtenir un rappel de salaire et diverses indemnités.
Par jugement du 16 décembre 2021 le conseil de prud’hommes a jugé que le licenciement pour faute grave était justifié, a débouté le salarié de ses demandes, l’a condamné aux dépens et rejeté la demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile formulée par l’employeur.
M. [J] a interjeté appel du jugement par déclaration du 7 janvier 2022 au réseau privé virtuel des avocats en ce qu’il a jugé que le licenciement reposait sur une faute grave, l’a débouté de l’intégralité de ses demandes et l’a condamné aux dépens.
La société SGI Ingénierie a formé appel incident.
Par conclusions notifiées le 3 octobre 2022 auxquelles la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et de ses moyens M. [J] demande à la cour de :
– infirmer le jugement,
statuant à nouveau,
– juger que le licenciement ne repose pas sur une faute grave ni même sur une cause réelle et sérieuse,
en conséquence,
– condamner la société SGI Ingénierie à lui payer les sommes suivantes :
* 3826,56 € de rappel de salaire et 382,66 € de congés payés afférents,
* 24 381 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 2438,10 € de congés payés afférents,
* 46 231,12 € à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,
* 100 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 13 601,04 € au titre de la rémunération variable et 1360,10 € de congés payés afférents,
– condamner société SGI Ingénierie à lui remettre les bulletins de paie afférents,
A titre subsidiaire,
– Ordonner une enquête afin d’auditions de témoins et de lui même,
à tout le moins,
– Ordonner le serment de M. [J] afin qu’il soit entendu sur le déroulement de la réunion du 23 mai 2019 et les propos qu’il a tenu sur la situation de Mme [E],
– fixer la date et le lieu du serment et formuler la ou les questions à lui poser,
– débouter la société SGI Ingénierie de toutes ses prétentions,
– condamner société SGI Ingénierie à lui payer la somme de 5000 €au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Il soutient en substance que la société a été reprise par la société Oteis en mai 2022, le groupe SCI Consulting ayant décidé de se séparer de sa filiale française.
Son licenciement s’inscrivait dans un contexte de réduction des effectifs en vue d’une vente.
La lettre de licenciement ne caractérise pas la gravité de la faute.
La société rencontrant des difficultés économiques depuis 2016, il lui a été demandé de rechercher une solution pérenne.
La suppression du poste de Mme [E] avait été décidée lors d’une réunion du 11 avril 2019.
Il a simplement prévenu Mme [E] par correction du projet sans lui exprimer une décision définitive de licenciement.
Lors de la réunion du 23 mai, le personnel a été informé de la démission de Mme [U] responsable métier économie de la construction. Cette réunion n’était destinée qu’à cela.
Le personnel l’a alors interpellé sur les difficultés de l’entreprise et la suppression de postes.
Il n’a pu que confirmer les difficultés de l’entreprise, mais n’a à aucun moment annoncer que Mme [E] serait licenciée. Il a rappelé que les décisions relevaient de la compétence du conseil d’administration.
Le contenu précis de la réunion du 23 mai n’a pas été évoqué lors de l’entretien préalable car la décision de le licencier était déjà prise.
Les attestations de plusieurs salariés ne sont pas probantes, les témoignages ont été sollicités alors même que les salariés déjà sous un lien de subordination étaient inquiets de leur situation au sein de la société.
En toute hypothèse la cour pourra procéder à une enquête, il fait aussi une offre de serment décisoire. Ces demandes sont recevables, il ne s’agit pas d’une prétention nouvelle irrecevable en cause d’appel.
Les autres reproches formulés à son égard, notamment le défaut de rentabilité, l’absence de développement commercial n’ont pas leur place dans le débat judiciaire, ces faits n’ayant pas été exposés dans la lettre de licenciement.
Sur le grief d’avoir annoncé le licenciement de Mme [E], il lui a été demandé de rencontrer un avocat spécialisé en droit social alors que l’employeur lui avait demandé de ne plus intervenir sur la gestion du personnel. Un compte rendu a été fait au président, M. [M] le 29 mai, où était évoqué notamment le coût d’un licenciement individuel. La seule réponse a été la mise en oeuvre de la procédure de licenciement le concernant.
Il s’est retrouvé seul à répondre aux salariés, le service a niveau du groupe ne se préoccupant pas de la situation.
En le maintenant dans une position ambigüe, l’employeur a orchestré une possibilité d’alléger davantage la masse salariale en licenciant un cadre, sans bourse délier, contrairement aux autres salariés congédiés.
Sur ses demandes, il percevait un salaire mensuel moyen de 8127 €, il avait une ancienneté de plus de 17 ans. Il a pris en compte le salaire moyen des douze derniers mois. Les indemnités de rupture calculés sur ces bases sont fondées.
Il a subi un préjudice important du fait du licenciement, même s’il a retrouvé un emploi en juillet 2019 ; il n’a pu être indemnisé par Pôle emploi du fait de son statut de cadre dirigeant.
La rémunération variable n’a jamais été remis en cause, une reconduction tacite était prévue.
Elle était aisément calculable car elle correspondait à 7 % du chiffres d’affaires et non du bénéfice. Au regard de cet élément et des données comptables versées aux débats sa demande est justifiée, ces éléments n’ayant pas été contredits par l’employeur.
Par conclusions notifiées le 25 octobre 2022 auxquelles la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et de ses moyens, la société SGI Ingénierie demande à la cour de :
– juger que les demandes de M. [J] sont irrecevables et mal fondées,
– juger que les demandes d’audition et de serment sont des demandes nouvelles,
– juger que le licenciement repose sur une faute grave,
– juger que la demande de rémunération variable n’est pas fondée,
– débouter M. [J] de toutes ses demandes,
– condamner M. [J] à lui payer la somme de 3000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– le condamner aux dépens et aux frais d’exécution.
Elle fait valoir que le salarié précédemment averti pour avoir annoncé à une salariée, Mme [E] qu’elle serait licenciée, a persisté dans son comportement fautif en réunissant le personnel le 23 mai 2019 pour annoncer la démission d’une salariée Mme [U] et l’informer du licenciement de Mme [E].
Elle était en droit d’attendre de son salarié un comportement exemplaire compte tenu de son ancienneté et de ses fonctions.
En annonçant un licenciement sans respecter aucune forme, le salarié faisait prendre un risque à la société qui pouvait se voir reprocher un licenciement verbal.
Le 27 mai, le salarié a à nouveau dit à Mme [E] qu’elle serait licenciée.
La seule éventualité d’un licenciement était dépassée.
Elle avait rappelé pourtant à son salarié de ne pas s’occuper de problématiques du personnel.
Elle a dû s’excuser près de Mme [E], et l’informer qu’aucune procédure de licenciement individuel était en cours.
Finalement Mme [E] a été licenciée dans le cadre d’un licenciement économique collectif.
Le salarié a mis en péril le projet global et structurel de restructuration en cours de réflexion.
En mai 2019 aucune décision n’était prise, et il ne s’agissait que d’un projet.
Le salarié a présenté le licenciement de Mme [E] comme un licenciement individuel alors que ce n’était pas le cas.
Cette attitude a généré une incompréhension et une inquiétude près des salariés et discréditait la stratégie de la société pour redresser la situation économique de l’entreprise.
Un tel comportement constitue une entrave aux instances de représentation du personnel, une insubordination à l’égard de la hiérarchie, et un manque de respect de la salariée concernée.
Le salarié n’était pas sans savoir que l’analyse de la situation économique ne manquerait pas de mettre eu lumière ses insuffisances professionnelles, son inertie et son manque de motivation.
Il a alors tout mis en oeuvre pour que le projet de restructuration échoue.
Les attestations produites par des salariés sont probantes et établissent le comportement fautif du salarié. Elles sont concordantes.
Les demandes d’auditions et de serment sont des demandes d’instruction nouvelles et sont irrecevables. Le serment décisoire n’est prévu que pour les contrats ou obligations conventionnelles en général et la preuve des obligations et de celle du paiement.
La demande d’audition des témoins par la cour ne présente pas d’intérêt au regard des attestations fournies.
Une telle demande vise à suppléer la partie dans l’administration de la preuve.
Le salarié n’a pas été sanctionné deux fois, le licenciement faisant état de faits distincts de l’avertissement.
Rien ne justifiait les annonces du salarié lors de la réunion du 23 mai.
Le président, M. [M] n’a pas approuvé la conduite du salarié dans son mail du 15 mai puisqu’il demande au salarié qu’à l’avenir il apprécierai d’avoir l’occasion d’en discuter avant.
Enfin le seul fait de consulter un avocat sur d’éventuels licenciements économiques ne donnait pas le salarié la possibilité de prendre des décisions.
Il lui avait été demandé aux termes de l’avertissement délivré de ne plus intervenir dans le problématique des ressources humaines.
Enfin il ne s’agit pas d’un licenciement déguisé, comme allégué, le licenciement ayant été décidé plus de trois ans avant le rachat de la société.
Sur les demandes du salarié, elles sont excessives comme basé sur un salaire moyen de 8127 € alors qu’il a perçu au cours des douze derniers mois un salaire moyen de 6778 €.
Il ne justifie pas de son préjudice au titre du licenciement.
Sur la rémunération variable, la prescription est atteinte sur la demande au titre de l’année 2016 depuis le 2 septembre 2016.
Des objectifs n’ont pas été fixés en 2015. Le salarié s’est toujours désintéressé de ses attributions commerciales et savait qu’il ne pouvait pas percevoir de rémunération variable.
La part variable n’est due que si l’objectif est atteint.
De plus l’avenant du 1er juillet 2016 prévoyait une rémunération variable basée sur le résultat, or l’entreprise est en déficit depuis 2016
L’instruction de l’affaire a été clôturée le 16 décembre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Au préalable sur les demandes d’audition de témoins, si celles-ci ne constituent pas des prétentions et qu’une demande d’enquête est recevable en cause d’appel, la charge de la preuve repose sur l’employeur. Celui-ci produit aux débats plusieurs attestations de salariés. Il appartiendra à la cour d’apprécier souverainement leur force probante sans qu’il soit nécessaire de procéder à leurs auditions.
S’agissant du serment décisoire, l’article 317 du code de procédure civile dispose que la partie qui défère le serment énonce les faits sur lesquels elle le défère. Le juge ordonne le serment s’il est admissible et retient les faits pertinents sur lesquels il sera reçu.
Une telle demande est recevable dans tout contentieux de droit civil, notamment dans un litige de droit du travail. Le serment peut être déféré autant en première instance qu’en cause d’appel.
En l’espèce il ressort des écritures du salarié que celui-ci demande à être auditionné par la cour en prêtant serment décisoire.
Le salarié n’entend donc pas déférer le serment comme le prévoit l’article 317 suscité puisqu’il ne demande pas que le représentant de la personne morale soit entendu en prêtant serment.
Au surplus un tel serment n’est pas nécessaire et pertinent en ce que les faits objet du litige portent sur des faits connus par les parties, l’annonce d’un licenciement lors d’une réunion du personnel et que si les propos exacts ayant été tenus par le salarié sont discutés, les parties produisent suffisamment d’éléments permettant au juge d’appel d’apprécier la réalité des propos tenus lors de la réunion du 23 mai 2019.
La demande de serment décisoire sera dès lors rejetée.
Au fond, la faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits, imputable au salarié, constituant une violation des obligations s’attachant à son emploi, d’une importance telle qu’il rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant la durée du préavis.
La gravité de la faute n’est pas fonction du préjudice qui en est résulté.
Le juge doit apprécier si la sanction prononcée est proportionnée à la nature et à la gravité des faits reprochés.
La charge de la preuve repose exclusivement sur l’employeur.
En application de l’article L 1235-1 du code du travail, si un doute subsiste, il profite au salarié.
La lettre de licenciement fixant les limites du litige expose : Vous occupez le poste de directeur depuis le 1er juillet 2016. A ce titre, vous avez pour mission de gérer l’entreprise au quotidien et de mettre en place les conditions pour le développement de notre activité, dans le cadre des directives données par le Président.
Or nous avons à déplorer de votre part un agissement constitutif d’une faute. En effet le 23 mai 2019 vous avez décidé de rassembler le personnel de la société pour une réunion d’information dans laquelle vous avez confirmé devant toute l’équipe et en la présence de l’intéressée la décision de licenciement pour motif économique à l’égard de Mme [E].
Cette information à l’ensemble du personnel a été faite alors même qu’aucune procédure de licenciement n’avait été engagée et que cette personne n’avait pas eu d’entretien préalable. Vous avez aussi indiqué que cette mesure de licenciement était une mesure isolée.
Ce comportement est totalement inadmissible. En effet, non seulement vous avez communiqué sur une mesure de licenciement avant tout commencement de la procédure, au mépris total des règles de droit du travail, faisant ainsi courir un risque juridique important pour l’entreprise, mais cette réunion a également été tenue au mépris des consignes qui vous avaient été données.
En effet, nous vous avions déjà notifié un avertissement le 21 mai 2019, lorsque nous avions appris que vous aviez indiqué oralement à Mme [E] qu’elle allait être licenciée pour motif économique. Dans cet avertissement, nous vous demandions expressément ‘de ne plus intervenir sur les problématiques de ressources humaines de l’entreprise, plus spécifiquement en matière de recrutements ou de ruptures de contrat de travail, sans l’approbation préalable du Président et de respecter la stricte confidentialité sur le projet de réorganisation en cours tant que vous n’avez pas reçu de consignes contraires.’. Au jour de la réunion du 23 mai, vous étiez parfaitement au courant de cette directive puisque j’avais pris le soin de vous appeler en parallèle pour vous indiquer ces consignes.
De plus, cette communication met en péril le projet de réorganisation qui était en cours de réflexion et auquel vous étiez bien évidemment associé. En effet, au vu des difficultés économiques connues par notre entreprise depuis plusieurs années, nous avions mis en place un groupe de travail en vue de réfléchir à la réorganisation à mettre en oeuvre. Des éventuels licenciements économiques étaient une option en cours de réflexion, mais votre communication prématurée et intempestive auprès d’une des salariés d’abord, puis de l’ensemble de l’équipe ensuite, vient mettre à mal ce projet, dont le contenu n’était d’ailleurs pas encore définitivement décidé.
Votre action discrédite mon rôle, laissant penser que les décisions stratégiques ne sont pas réfléchies. Elle est de nature également à compromettre la confiance de l’équipe et son adhésion au futur projet en laissant penser que la direction ‘ne sait pas où elle va’.
Or vous n’êtes pas sans savoir que cette restructuration est primordiale pour la pérennité de notre structure étant donné les déficits cumulés déjà sur plusieurs années…
Cette conduite met en cause la bonne marche de l’entreprise…
L’employeur conclut la lettre de licenciement comme suit : compte tenu de la gravité de celle-ci, votre maintien dans l’entreprise s’avère impossible, le licenciement prend donc effet immédiatement…
Cette lettre de licenciement est précise et retient expressément la faute grave.
Le salarié a adressé un mail du 15 mai 2019 au président de la société, M. [M] l’informant ‘qu’à l’issue de la réunion de direction avec les RM lundi, j’ai informé hier [G] [E] (économiste de la construction, non cadre) que nous n’étions pas en mesure de la garder et que je mettais en place une procédure de licenciement économique la concernant. [O] va se rapprocher d'[X] pour mettre en place la procédure.
En résumé :
1 courrier recommandé = convocation à entretien préalable 5 jours minimum après réception avec rappels à la loi. Entretien où elle peut être assistée (DP, autre)
2- Entretien = explication des motifs, raison, décision, offres de reclassement,
3- Courrier recommandé = notification 2 jours minimum après l’entretien avec indication du préavis.
Le président de la société décernait au salarié un avertissement le 21 mai 2019 pour avoir annoncé à la salariée qu’elle serait licenciée en l’absence de tout échange avec le président de la société ; il lui a été précisé que le projet de réorganisation devait rester confidentiel et qu’il devait à compter de ce jour ne plus s’occuper des problématiques de ressources humaines. Il lui était expressément demandé de respecter la confidentialité du projet de réorganisation.
Si le salarié a contesté cet avertissement, le fait qu’il a annoncé à la salariée qu’elle serait licenciée n’a pas été contestée et résulte clairement du mail du 15 mai 2019 adressé au président de la société.
Il a ainsi indiqué dans sa lettre de contestation du 26 mai 2019 que s’il avait anticipé la décision c’est par un manque d’activité de l’économie de la construction tous corps d’état, et qu’il voulait anticiper le risque de perte.
Il précisait que ‘je vous laisse, comme demandé et ce dès à présent, la gestion des ressources humaines selon votre demande et me tient à votre disposition pour traiter les décisions que vous voudrez faire appliquer. Il ajoutait : ‘cet incident met en évidence un problème de statut de la SAS et de la définition de nos prérogatives. Il n’est peut être pas opportun que le président et le directeur général aient les mêmes attributions.’.
Bien que la délimitation des fonctions du salarié n’était pas clairement définie, le président de la société était néanmoins l’autorité hiérarchique du salarié.
Le président pouvait légitimement attendre du directeur général une information et une concertation avant que toute information soit délivrée au personnel sur le ou les licenciements envisagée.
L’avertissement dont il n’est d’ailleurs pas demandé l’annulation était parfaitement justifié.
Au regard des termes de l’avertissement, le salarié devait respecter la confidentialité prescrite par le président de la société et ne plus s’occuper des problèmes de rupture de contrat de travail.
Le salarié n’avait donc aucunement été placé dans une situation ambiguë ou équivoque.
Six salariés présents lors de cette réunion dont les attestations sont produites témoignent que M. [J] a confirmé que Mme [E] serait licenciée pour motif économique.
Ainsi Mme [Y] [T] déléguée du personnel atteste que lors d’une réunion avec tout le personnel pour annoncer le départ volontaire d’un salarié le 23 mai 2019. Une question lui a été posée sur le licenciement économique de Mme [E]. Dans sa réponse il a confirmé qu’il y avait bien une procédure en cours. Que compte tenu de la charge de travail actuelle, il ne pouvait la garder’. Elle ajoute : Sans nouvelle officielle du licenciement économique nous avions pris rendez vous le 27 mai 2019, Mme [E] et moi même dans lequel il nous a reconfirmé la volonté de ce licenciement en précisant cette fois-ci le souhait d’attendre le conseil d’administration.’.
Mme [H] [L] confirme que M. [J] ‘a répondu à la question qui lui était posée concernant l’avenir de [G] [E] que celle-ci allait être effectivement licenciée’.
Mme [V] [F], a aussi confirmé que M. [J] a répondu que Mme [E] serait licenciée dans le cadre d’un licenciement économique.
Mme [C] [D] a également attesté que ‘A la suite de l’annonce de [I] [J] une employée lui a demandé de confirmer le licenciement de [G] [E], car beaucoup de monde en parlait mais il n’y avait encore rien d’officiel. Suite à cette question, il a répondu que oui, son licenciement était en cours.’.
Si ces quatre attestations sont dactylographiées, la mention des sanctions pénales en cas de faux témoignage a été effectuée de façon manuscrite. Elle est signée du témoin et une copie d’identité est jointe. Le seul fait que la relation des faits est dactylographiée ne fait pas grief à la partie adverse.
Mme [O] [R] a attesté que M. [J] avait lors de cette réunion confirmé le licenciement de Mme [E].
M. [A] [P] a témoigné aussi que M. [J] avait confirmé le licenciement de Mme [E].
Ces deux dernières attestations sont conformes à l’article 202 du code de procédure civile.
Toutes ces attestations sont concordantes et établissent de façon certaine que le salarié a confirmé le licenciement de Mme [E].
En évoquant le licenciement de Mme [E] le salarié déjà averti a contrevenu aux prescriptions du président qui lui avait demandé aux termes de l’avertissement de ne plus intervenir dans les ruptures de contrat de travail sans l’approbation préalable du Président et de respecter la stricte confidentialité sur le projet de réorganisation en cours tant que vous n’avez pas reçu de consignes contraires.’.
Même s’il avait été demandé au salarié de faire le point sur le projet de licenciement auprès d’un avocat spécialisé après le 15 mai, il reste que l’avertissement était parfaitement clair. La consultation d’un avocat ne signifiait pas que le salarié pouvait évoquer directement avec des salariés des projets de licenciement.
Il s’agit de nouveaux faits distincts des faits ayant donné lieu à l’avertissement.
Le salarié en ne respectant pas la demande de l’employeur et en confirmant le licenciement a commis une faute dont la gravité est caractérisé par le fait qu’il a réitéré ses propos malgré l’avertissement et qu’il n’a pas respecté les consignes qui lui étaient données.
La faute du salarié constitue la cause réelle du licenciement, aucune autre cause notamment économique ayant motivé le licenciement, notamment d’avoir profiter d’un maintien du salarié dans une position ambiguë du salarié pour lui reprocher une faute permettant ainsi d’alléger la masse salariale sans avoir à supporter le coût d’un licenciement.
Le jugement retenant la faute grave et rejetant les demandes au titre du licenciement sera confirmé.
Sur la rémunération variable, l’employeur et le salarié avait conclu un avenant en date du 31 octobre 2013 fixant des objectifs.
Cet avenant engage l’employeur qui est tenu de verser une rémunération variable en cas d’atteinte des objectifs.
L’avenant du 31 octobre 2013 stipulait que la convention avait une durée d’un an. Pour les années suivantes la direction de SGI Ingénierie Sas se réserve la possibilité de modifier les critères d’évaluation en fonction d’indicateurs financiers et commerciaux qui seront portés à la connaissance du collaborateur au plus tard le 31 octobre 2014. La convention sera alors amendée. A défaut de modification des critères avant le 31 octobre la convention sera reconduite tacitement pour la même durée.
Cet avenant fixe deux objectifs comme suit :
– Premier objectif : acquérir sur le marché français un carnet de commande de 770 K € dans le métier bâtiment structure et 520 K € dans le métier OPC ECO DET
– Deuxième objectif : les résultats financiers obtenus dans les métiers bâtiment structure OPC, ECO, DET sur l’exercice 2014 seront de 7 % du chiffre d’affaires de ces métiers.
Cela correspond aux objectifs suivants :
* bâtiment structure CA prévisionnel de 700 K € résultat attendus 400 K €
* OPC ECO DT CA prévisionnel de 470 K € résultats attendus 32 90 K €.
Il résulte de ces dispositions contractuelles que les objectifs combinaient d’une part le chiffre d’affaires et d’autre part le résultat financier réalisé sur le chiffre d’affaires.
L’avenant du 1er juillet 2016 prévoit que la part variable sera basée sur le résultat d’exploitation de l’Unité d’affaires. La valeur de la rémunération est déterminée en annexe du présent avenant.
L’application de la rémunération variable dépendait donc de la réalisation d’objectifs en résultats et pas seulement en termes de chiffres d’affaires.
Or il ressort des comptes de résultat de la société que les résultats de la société étaient négatifs en 2016 pour – 272 541 €, pour – 138 757 € en 2017 et – 129 635 € en 2018.
Dans ces conditions au vu de ces résultats négatifs le salarié ne pouvait prétendre au versement d’une rémunération variable.
Le jugement sera là encore confirmé.
La demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile formulée par l’employeur sera rejetée compte tenu de la situation économique du salarié.
Les dépens à la charge de l’appelant ne comprendront pas les frais d’exécution et les droits de recouvrement, ces créances n’étant pas établies à ce jour, précision faite que le droit de recouvrement n’est pas du par la partie qui demande l’exécution d’un titre exécutoire conformément aux article R 444-53 et R 444-55 du code de commerce.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi ;
REJETTE la demande d’audition des témoins et la demande de serment décisoire ;
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement du 16 décembre 2021 rendu par le conseil des prud’hommes de Chambéry ;
CONDAMNE M. [I] [J] aux dépens d’appel ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE la société SGI Ingénierie de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Ainsi prononcé publiquement le 21 Mars 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur Frédéric PARIS, Président, et Madame Capucine QUIBLIER, Greffier pour le prononcé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président