Convention collective SYNTEC : 21 décembre 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 20/04849

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Convention collective SYNTEC : 21 décembre 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 20/04849

7ème Ch Prud’homale

ARRÊT N°460/2023

N° RG 20/04849 – N° Portalis DBVL-V-B7E-Q7LJ

M. [P] [D]

C/

S.A. ALTRAN TECHNOLOGIES

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 21 DECEMBRE 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,

Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,

Assesseur : Monsieur Bruno GUINET, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 24 Octobre 2023 devant Madame Isabelle CHARPENTIER, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

En présence de Moniseur Dominique YSNEL médiateur judiciaire

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 21 Décembre 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur [P] [D]

né le 15 Mai 1985 à [Localité 9] (85)

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représenté par Me Kellig LE ROUX de la SELARL SELARL LARZUL BUFFET LE ROUX PEIGNE MLEKUZ, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉE :

S.A. ALTRAN TECHNOLOGIES prise en son établissement SA ALTRAN TECHNOLOGIES OUEST sise [Adresse 2] [Localité 3].

[Adresse 7]

[Localité 6]

Représentée par Me Frédéric AKNIN de la SELARL CAPSTAN LMS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS substitué par Me BRU Julien avocat au barreau de PARIS

Représentée par Me Gilles SOREL, Postulant, avocat au barreau de TOULOUSE

EXPOSÉ DU LITIGE

La SA Altran technologie exerce une activité de prestataire de services dans le domaine du conseil en innovation et ingénierie avancée sur l’ensemble du territoire national. Elle applique la convention collective nationale Syntec.

Le 27 juillet 2012, M. [P] [D] a été engagé en qualité d’Ingénieur consultant en contrat à durée indéterminée par la SA Altran Technologies. Il est soumis à une convention de forfait de 218 jours par an.

Le salarié dont la résidence principale est située à [Localité 5] (85) était rattaché administrativement à l’agence d'[Localité 11] (44). Il était convenu que le salarié soit indemnisé de ses frais professionnels selon la politique de frais applicable au sein de la société.

En dernier lieu, M.[D] percevait un salaire moyen de 2 584 euros brut par mois.

Le 22 septembre 2015, l’employeur a proposé à M. [D] une nouvelle mission chez un client Stelia à [Localité 13] situé à 70 kilomètres de son domicile et à 58 kilomètres de l’agence. Le salarié ayant conditionné le démarrage de sa mission à la prise en charge de ses frais professionnels dans le cadre des grands déplacements de plus de 70 km, la SA Altran a refusé la demande de son salarié au motif que la situation d’éloignement résulte d’une convenance personnelle.

A deux reprises, le 5 octobre et le 06 octobre 2015, il a été demandé à M. [D] de se rendre sur le lieu de sa mission.

Le 8 octobre 2015, M. [D] a été convoqué à un entretien préalable à une sanction, fixé au 19 octobre 2015.

Le 23 octobre 2015, la SA Altran technologies lui a notifié un avertissement en raison de son absence sur le site de sa mission Stelia à [Localité 13].

Le 26 octobre 2015, l’employeur a proposé une nouvelle mission à M. [D] auprès de la société cliente Airbus à [Localité 13] mais le salarié a refusé de s’y rendre.

Le 10 novembre 2015, M. [D] a contesté l’avertissement reçu le 23 octobre 2015 mais l’employeur l’a confirmé par courrier du 24 novembre 2015 et a refusé de payer les jours pointés en absence injustifiée.

Le 12 novembre 2015, M. [D] a été convoqué à un nouvel entretien préalable de licenciement avec mise à pied à titre conservatoire.

Le1er décembre 2015, il s’est vu notifier son licenciement pour faute grave, mesure qu’il a contestée par courrier du 24 décembre 2015.

M. [D] a saisi le conseil de prud’hommes de Rennes le 23 mars 2016 afin de contester son licenciement et obtenir diverses sommes et indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, un rappel d’heures supplémentaires, de prime de vacances, une indemnité pour travail dissimulé, des dommages et intérêts pour nullité de la clause de loyauté.

La SA Altran technologies a conclu :

– Sur les heures supplémentaires, dire et juger que l’action est prescrite

– Débouter le salarié de ses demandes

– A titre infiniment subsidiaire, limiter le chiffrage à la somme de 7 330,74 euros outre les congés payés afférents

– En tout état de cause, en cas de nullité/d’inopposabilité de la convention de forfait, constater que la nullité/d’inopposabilité de la convention de forfait induit la restitution des avantages conventionnels indûment perçus en contrepartie, à savoir le remboursement de la somme de 2 748,39 euros brut au titre des JNT au bénéfice d’Altran

– Débouter le salarié de ses autres demandes

Par jugement en date du 14 septembre 2020, le conseil de prud’hommes de Rennes a :

– Dit et jugé que le licenciement de M. [D] est fondé sur une cause réelle et sérieuse,

– Dit et jugé que la demande de rappel de salaire pour les heures supplémentaires est injustifiée,

– En conséquence débouté M. [D] des chefs de demande.

– Dit et jugé que la demande de rappel de salaire du mois d’octobre 2015 est fondée,

– Condamné la SA Altran technologies ouest à payer à M. [D] :

– 1 409,45 euros en rappel de salaire et 140,94 euros de congés payés afférents.

– 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– Débouté la SA Altran technologies de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Débouté les parties du surplus de leurs demandes.

– Mis les entiers dépens à la charge de la SA Altran technologies ouest, y compris les frais éventuels d’exécution

M. [D] a interjeté appel de la décision par déclaration au greffe en date du 09 octobre 2020.

En l’état de ses dernières conclusions transmises par RPVA le 9 juin 2021, M. [D] demande à la cour de :

– Réformer le jugement en ce qu’il a :

– Dit et jugé que le licenciement de M. [D] est fondé sur une cause réelle et sérieuse

– Dit et jugé que la demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires est injustifiée

– débouté Monsieur [D] de ces chefs demandes,

– Débouté Monsieur [D] du surplus de ses demandes.

En conséquence, statuant à nouveau,

– Dire et juger que son licenciement pour faute grave est dépourvu de cause réelle et sérieuse

– Condamner la Société Altran technologies ouest à lui verser les sommes suivantes:

– 7 752 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis

– 775,20 euros brut à titre de congés payés y afférents.

– 1679,60 euros net à titre d’indemnité de licenciement.

– 1785,31 euros brut à titre de rappel de salaire pour mise à pied conservatoire injustifiée.

– 178,53 euros brut à titre de congés payés y afférents.

– 15 204 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

– Condamner, en outre la société Altran technologies ouest à lui verser les sommes suivantes :

– Rappel d’heures supplémentaires : 9 104,40 euros brut d’août 2012 à décembre 2015

– Indemnité de congés payés y afférents : 910,44 euros

– Rappel de prime de vacances : 112 euros brut

– Indemnité de congés payés y afférents : 11,20 euros

– Indemnité forfaitaire de travail dissimulé : 15 504 euros

– Dommages et intérêts pour nullité de la clause de loyauté : 14 040 euros net

– Confirmer le jugement pour le surplus

– Dire que les sommes allouées porteront intérêt de droit à compter de la saisine pour les sommes à caractère salarial et à compter de l’arrêt à intervenir pour les sommes à caractère indemnitaire,

– Débouter la société Altran technologies ouest de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

A titre infiniment subsidiaire.

– Limiter le remboursement des jours RTT de 2013 à 2015 à la somme de 2538,80 euros brut

– Condamner la société Altran technologies ouest au paiement de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,

En l’état de ses dernières conclusions transmises par RPVA le 27 avril 2023, la SA Altran technologie demande à la cour de :

– Infirmer le jugement en ce qu’il a condamné Altran à verser à Monsieur [D] des rappels de salaire au titre du mois d’octobre 2015 ;

– Confirmer le jugement pour le surplus, notamment en ce qu’il a reconnu que le licenciement de M.[D] disposait d’une cause réelle et sérieuse et qu’aucun rappel de salaire pour heures supplémentaires ne lui était dû ;

Sur les demandes relatives aux heures supplémentaires

A titre principal :

– Débouter le salarié de sa demande en paiement des heures supplémentaires revendiquées, les heures comprises entre 35 heures et jusqu’à 38,5 heures par semaine ayant d’ores et déjà été rémunérées,

A titre subsidiaire :

– Limiter une éventuelle condamnation aux seules majorations pour heures supplémentaires, soit 1 820,88 euros bruts,

A titre infiniment subsidiaire :

– Limiter le chiffrage des heures supplémentaires à la somme de 7330,74 euros bruts ;

En tout état de cause et en cas d’invalidation de la convention de forfait :

– Ordonner le remboursement par le Salarié à la société Altran des avantages indument perçus pour un montant de 2 748,39 euros bruts ;

– Débouter le salarié de sa demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé ;

– Débouter le salarié de sa demande de dommage et intérêts au titre de la clause de loyauté ;

Sur le licenciement

– Débouter le salarié de sa demande d’indemnité compensatrice de préavis;

– Débouter le salarié de sa demande d’indemnité de licenciement;

– Débouter le salarié de sa demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– Débouter le salarié de sa demande de rappel de salaire pour mise à pied conservatoire injustifiée ;

Sur les autres demandes

– Débouter le salarié de sa demande de rappel de salaire au titre du mois d’octobre 2015 ;

– Débouter le salarié de sa demande formulée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

En tout état de cause :

– Débouter le salarié de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

– Condamner le salarié au paiement de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du 26 septembre 2023 avec fixation de l’affaire à l’audience du 24 octobre 2023.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, à leurs dernières conclusions régulièrement signifiées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1- Sur l’exécution du contrat de travail

1-1 Sur la contestation de la convention de forfait

M. [D] soutient que la convention de forfait lui est inopposable dès lors que les clauses de durée du travail et de rémunération prévues à son contrat de travail ne font pas référence à un nombre d’heures supplémentaires précisément défini. Il indique qu’il percevait une rémunération bien inférieure au plafond de la Sécurité sociale de sorte qu’il ne pouvait se voir imposer la modalité 2 de la convention collective dite SYNTEC, que la licéité de la condition de rémunération prévue par la Modalité 2 de la branche a été tranchée par la Cour de cassation et qu’il doit bénéficier des jurisprudences rendues à ce titre.

En tout état de cause, M. [D] soutient que la société Altran ne mettait pas en place les garanties conventionnelles exigées en matière de convention de forfait. En effet, la société n’a pas mis en place de système de contrôle annuel du temps de travail, ni de système fiable de contrôle quotidien du temps de travail maximal ou du temps de repos minimal.

En réplique, la SA Altran technologies fait valoir que M. [D] a été engagé selon un contrat de travail prévoyant une convention de forfait hebdomadaire en heures ainsi qu’une clause de rémunération forfaitaire. Elle soutient que la convention de forfait conclue est parfaitement régulière au regard du code du travail et de la convention collective Syntec et que cette convention est distincte de la modalité 2 prévue par la convention collective.

Le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles. Il résulte des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur.

Dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 applicable à la date de conclusion du contrat de travail litigieux, l’article L. 3121-38 du code du travail disposait : ‘La durée du travail de tout salarié peut être fixée par une convention individuelle de forfait en heures sur la semaine ou sur le mois’.

Il résulte des articles L. 3121-40 et L. 3121-41 dans leur rédaction issue de cette même loi du 20 août 2008 que les conventions de forfait en heures nécessitent l’accord du salarié, qu’elles doivent être conclues par écrit et que la rémunération qui résulte de leur application doit être au moins égale à la rémunération minimale applicable dans l’entreprise pour le nombre d’heures correspondant au forfait, augmentée des majorations pour heures supplémentaires prévues à l’article L. 3121-22. Elles n’exigent pas nécessairement pour être conclues l’existence d’un accord collectif les prévoyant.

En revanche, un accord collectif est nécessaire pour que soit conclues des conventions individuelles de forfait en heures sur l’année, l’article L. 3121-39 du code du travail dans sa version antérieure à celle issue de la loi du 10 août 2016 disposant : ‘ La conclusion de conventions individuelles de forfait, en heures ou en jours sur l’année est prévue par un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche. Cet accord collectif préalable détermine les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait, ainsi que la durée annuelle du travail à partir de laquelle le forfait est établi, et fixe les caractéristiques principales de ces conventions.’

Le régime des conventions de forfait en heures sur la semaine ou le mois est désormais régi par les articles L. 3121-53 et suivants du code du travail.

Au cas d’espèce, il est constant que les relations de travail unissant le salarié et la société Altran Technologies sont régies par la convention collective nationale du personnel des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs conseils et des sociétés de conseil, dite Syntec, en date du 15 décembre 1987.

L’accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail annexé à cette convention collective, dispose en son article 1er que, pour les salariés relevant du champ d’application de l’accord : ‘ Trois types de modalités de gestion des horaires sont a priori distingués à l’initiative de l’entreprise :

– modalité standard ;

– modalité de réalisation de missions ;

– modalité de réalisation de missions avec autonomie complète.’

L’article 2 du chapitre II de l’accord du 22 juin 1999 intitulé « durée conventionnelle du travail » – qui correspond aux modalités standard – dispose « La durée hebdomadaire conventionnelle du travail effectif est fixée à 35 heures à compter de la date d’effet précisée au chapitre XI du présent accord. Cette définition ne fait pas obstacle à des dispositions plus favorables qui pourraient exister dans les accords ou les usages des entreprises. »

L’article 3 du chapitre II de l’accord du 22 juin 1999 intitulé ‘ réalisation de missions’ traite de la modalité 2 dans les termes suivants : ‘ Ces modalités s’appliquent aux salariés non concernés par les modalités standard ou les réalisations de missions avec autonomie complète. Tous les ingénieurs et cadres sont a priori concernés, à condition que leur rémunération soit au moins égale au plafond de la sécurité sociale.(…)

Les appointements de ces salariés englobent les variations horaires éventuellement accomplies dans une limite dont la valeur est au maximum de 10 % pour un horaire hebdomadaire de 35 heures.

La rémunération mensuelle du salarié n’est pas affectée par ces variations.

Les dépassements significatifs du temps de travail, commandés par l’employeur, au-delà de cette limite, représentant des tranches exceptionnelles d’activité de 3,5 heures, sont enregistrés en suractivité. Le compte de temps disponible peut être utilisé pour enregistrer ces suractivités qui ont vocation à être compensées par des sous-activités (récupérations, intercontrats…) par demi-journée dans le cadre de la gestion annuelle retenue. »

Lorsqu’un employeur est lié par les clauses d’une convention collective, ces clauses s’appliquent au contrat de travail, sauf stipulations plus favorables, et le salarié ne peut renoncer aux droits qu’il tient de la convention collective.

Aux termes de l’accord Syntec précité de 1999, ‘tous les ingénieurs et cadres sont a priori concernés’ par la modalité 2, à condition toutefois ‘que leur rémunération soit au moins égale au plafond de la sécurité sociale’.

Cette modalité prévoit, en outre, un salaire supérieur ou égal à 115% du minimum conventionnel, l’annualisation des heures supplémentaires effectuées au-delà du forfait de 38,5 heures hebdomadaires et 220 jours annuels de travail au maximum (jour de solidarité compris).

L’article 4 du contrat de travail intitulé ‘Durée du travail’ stipule (pièce n°1 salarié) :

‘Compte tenu de la nature de ses fonctions et de l’autonomie dont il dispose dans l’organisation de son temps de travail, les parties conviennent que M. [D] ne peut suivre strictement un horaire prédéfini.

M. [D] est cadre au forfait tel que défini ci-dessous.

De convention expresse entre les parties, le décompte de temps de travail effectif de M. [D] est prévu en jours, dans la limite de 218 jours par an, journée de solidarité incluse, englobant les variations éventuellement accomplies dans une limite dont la valeur est au maximum de 10% pour un salaire hebdomadaire de 35 heures.

Le décompte de temps est auto déclaratif et s’effectue dans le respect des procédures en vigueur dans l’entreprise’.

L’article 5 du contrat de travail intitulé ‘Rémunération’ est rédigé comme suit :

‘M. [D] percevra un salaire forfaitaire annuel brut de 30 000 euros en contrepartie de l’exécution de ses fonctions dans le cadre du forfait tel que défini sous l’articel 4 (journée de solidarité exclue).

Cette rémunération annuelle forfaitaire englobe les variations horaires éventuellement accomplies dans une limite dont la valeur est au maximum de 10% pour un horaire hebdomadaire de 35 heures sur 217 jours travaillés sur l’année civile.

La rémunération annuelle lissée sur les 12 mois de l’année ne sera pas affectée par ces variations et correspondra à une rémunération mensuelle brute de 2 500 euros brut’.

Il s’évince de la comparaison des dispositions conventionnelles et des clauses du contrat de travail que les conditions d’application de la modalité 2 de la convention collective nationale Syntec ont été largement reprises au contrat de travail (forfait hebdomadaire incluant les variations d’horaires jusqu’à 38,50 heures, rémunération supérieure à 115% du minimum conventionnel, rémunération forfaitaire pour 38,50 heures, plafond annuel du nombre de jours travaillés sur l’année).

Les bulletins de paie mentionnent d’ailleurs, jusqu’au mois de décembre 2015 inclus : ‘Modalité 2A – Cadre 38h30 218 j’.

La cour relève qu’il résulte de la comparaison des plafonds annuels de la sécurité sociale avec les salaires annuels effectivement perçus que ceux-ci sont systématiquement inférieurs aux dits plafonds.

Ainsi, les différences, mises en exergue par la société Altran dans les modalités du forfait appliqué au salarié, constituées par un décompte hebdomadaire des heures supplémentaires au-delà de 38,5 heures (au lieu de leur annualisation) et une durée du travail annuelle de 218 jours (au lieu de 220 jours) ne permettent pas de caractériser en l’espèce un forfait distinct plus favorable que la modalité 2 résultant de l’accord Syntec de 1999, dès lors que le salaire effectivement perçu est inférieur au plafond de la sécurité sociale.

Au demeurant, il doit être relevé que la convention de forfait à laquelle M. [D] était soumis, ne précise pas le nombre d’heures correspondant au forfait, notamment eu égard au nombre de jours RTT accordés, de sorte qu’elle ne répond pas aux exigences des articles L. 3121-38 et L. 3121-41 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à la loi du 8 août 2016.

Il résulte des développements qui précèdent que la convention de forfait litigieuse qui doit s’analyser comme une convention de forfait en heures assortie de la garantie d’un nombre maximal annuel de jours de travail, relevant de la modalité 2 de l’accord du 22 juin 1999, est inopposable au salarié.

Il convient dès lors d’infirmer le jugement entrepris.

1-2 Sur le rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et la prime de vacances

M. [D] soutient que la convention de forfait lui étant inopposable, il appartient également à l’employeur de justifier des horaires de travail effectués et il ne peut utilement être soutenu que les heures effectuées entre 35h et 38h30 ont été valablement payées.

En outre, l’appelant fait valoir que s’agissant du décompte des heures supplémentaires dues, il convient de déduire ses absences pour congés payés, maladie et RTT.

À titre subsidiaire, la société Altran fait valoir que les heures effectuées entre 35 et 38,5 heures ont d’ores et déjà été payées au salarié ; que ce dernier ne rapporte pas la preuve de l’existence et/ ou du nombre d’heures de travail qu’il prétend avoir réalisées et que le chiffrage présenté est erroné et doit être rejeté, ou à tous le moins, minoré. À titre infiniment subsidiaire, l’intimée sollicite de limiter le montant du rappel de salaire aux seules majorations afférentes aux heures prétendument réalisées entre 35 et 38h30.

Il est constant qu’en présence d’une convention de forfait de salaire irrégulière, le décompte et le paiement des heures supplémentaires doivent s’effectuer selon le droit commun, au regard de la durée légale hebdomadaire de 35 heures.

Il convient donc de déterminer à quelle durée du travail la rémunération convenue entre les parties se rapporte et si la dite rémunération a été payée ou non. En effet, il y a lieu de vérifier si la rémunération contractuelle versée par l’employeur en exécution du forfait irrégulier n’avait pas eu pour effet d’opérer paiement, fût-ce partiellement, des heures de travail accomplies au-delà de la trente-cinquième heure dans le cadre du décompte de droit commun de la durée du travail.

Si le salarié a été payé sur la base du nombre d’heures stipulé dans la convention de forfait en heures jugée irrégulière, il ne peut prétendre qu’au paiement des majorations afférentes aux heures supplémentaires accomplies.

À l’inverse, le salarié peut prétendre au paiement des heures non rémunérées, au-delà de la trente-cinquième heure, en sus des majorations applicables.

Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

En l’espèce, M. [D] produit ses bulletins de paie pour la période allant du 20 août 2012 au 02 décembre 2015, comportant la mention ‘Modalité 2A – Cadre 38h30 218 j’ et le décompte des jours RTT (pièces n°2 à 5).

Aux termes de ses écritures (page 37 à 39), il détaille le décompte établi sur la base de ses bulletins de salaire et déduit les jours RTT rémunérés par la société en 2013, 2014 et 2015 et évalue la somme totale due au titre des heures supplémentaires pour un montant de 9 104,40 euros brut.

Le salarié produit ainsi des éléments suffisants pour permettre à la société Altran Technologies de répondre contradictoirement en produisant ses propres éléments.

En réplique, l’employeur qui conteste à titre principal toute heure supplémentaire, soutient que M. [D] a été rémunéré à hauteur de 38,5 heures par semaine, et ce peu importe qu’il ait réalisé 35, 36, 37 ou 38,5 heures.

La société Atran Technologies, qui affirme sans le démontrer, que la rémunération incluait systématiquement 3,5 heures supplémentaires et qui soutient à titre subsidiaire que seule la majoration des dites heures pourrait dès lors être due, ne produit à l’exception d’un contre-chiffrage remettant en cause le quantum de la demande, aucun élément pertinent pour justifier du temps de travail effectif du salarié et du paiement des heures supplémentaires effectuées.

S’agissant du chiffrage opposé à titre infiniment subsidiaire par l’employeur, il est soutenu que le quantum demandé par le salarié ne tient pas compte du temps de travail hebdomadaire effectif, la société Altran Technologies produisant un décompte qui déduit pour les années 2012 à 2015 ‘au moins 1 jour d’absence (jour férié, absence pour maladie, JNT…)’ (pièce n°17).

S’agissant des jours de maladie, la convention collective nationale dite ‘Syntec’ a prévu en son article 43 applicable durant la période concernée par le présent litige, qu’en cas de maladie ou d’accident dûment constaté par certificat médical et contre-visite s’il y a lieu, les IC recevront les allocations maladie nécessaires pour compléter, jusqu’à concurrence des fractions d’appointements fixées ci-dessous, les sommes qu’ils percevront à titre d’indemnité, d’une part en application des lois sur les accidents du travail et sur les assurances sociales, d’autre part, en compensation de perte de salaires d’un tiers responsable d’un accident jusqu’à concurrence de leurs appointements complets.

Ces dispositions s’appliquent ‘ pour l’IC ayant plus d’un an d’ancienneté et moins de dix ans’, ce qui était le cas du salarié, à raison de ‘trois mois entiers d’appointements ; le demi-traitement les trois mois suivants’.

Or, il ne résulte ni des tableaux versés aux débats par la société Altran Technologies, ni des décomptes produits par M. [D], qu’il est sollicité le paiement d’heures excédant les 38h50 hebdomadaire incluant 3,5 heures supplémentaires, pendant des périodes d’arrêts de travail pour maladie ayant excédé trois mois.

S’agissant des périodes de congés payés, il résulte des dispositions de l’article L.3141-22 du code du travail applicables antérieurement à la loi n°2016-1088 du 08 août 2016 et depuis lors reprises à l’article L.3141-24 du même code, que l’indemnité de congés payés ne peut être inférieure au montant de la rémunération qui aurait été perçue pendant la période de congé si le salarié avait continué à travailler.

À cet égard et s’agissant d’heures supplémentaires accomplies à titre habituel par le salarié sur la période de référence, ce qui est le cas en l’espèce compte-tenu de l’accomplissement régulier et a minima de 38h30 hebdomadaires, il doit être tenu compte de leur incidence dans le calcul de la rémunération maintenue durant les périodes de congés.

C’est donc à tort que la société Altran Technologies prétend que M. [D] serait doublement indemnisé par la prise en compte des congés payés sur heures supplémentaires et de l’incidence des dites heures pour le maintien d’une rémunération correspondant à 38,50 heures pendant les périodes de congés.

S’agissant des jours de RTT, il est constant que M. [D] a renoncé à leur paiement et qu’il les déduit du décompte établi s’agissant du rappel de salaire dû au titre des heures supplémentaires.

S’agissant enfin des jours fériés, il doit être rappelé qu’en vertu des dispositions de l’article L. 3133-3 du code du travail, le chômage des jours fériés ne peut entraîner aucune perte de salaire pour les salariés totalisant au moins trois mois d’ancienneté dans l’entreprise ou l’établissement.

Enfin, le débat instauré par l’intimée sur le passage du temps de travail des salariés d’Altran à 35 heures hebdomadaires à compter du 1er janvier 2016 est dénué de portée dès lors que M. [D], licencié en décembre 2015, n’est pas concerné par cette modification.

Au résultat de l’ensemble de ces éléments, il est justifié de faire droit à la demande de M. [D] et de condamner la société Altran Technologies à lui payer la somme de 9 104,40 euros brut à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, 910,44 euros brut au titre des congés payés y afférents, 112 euros brut à titre de rappel de prime de vacances telle que prévue à l’article 31 de la convention collective et 11,20 euros brut au titre des congés payés y afférents.

Le jugement sera également infirmé sur ce point.

1-3 Sur la restitution des jours RTT

M. [D] soutient que le décompte effectué au titre des heures supplémentaires exclue d’ores et déjà les périodes d’absence pour RTT de sorte qu’il y a lieu de débouter la SA Altran technologies de sa demande de restitution, ou à titre infiniment subsidiaire, limiter le remboursement des jours RTT à la somme de 2 538,80 euros brut.

La SA Altran fait valoir que dans l’hypothèse où il serait fait droit à la demande du salarié, ce dernier doit restituer les contreparties perçues dans le cadre de la convention de forfait jugée irrégulière.

En l’espèce, le remboursement des jours RTT étant intervenu par déduction desdits jours du calcul des heures supplémentaires, il n’est donc pas justifié, sauf à opérer une double déduction, d’ordonner la restitution des jours de RTT dont a bénéficié M. [D] d’août 2012 à décembre 2015.

Il y a lieu de débouter la SA Altran technologies de sa demande.

1-4 Sur l’indemnité au titre du travail dissimulé

M. [D] fait valoir qu’aux termes de plusieurs décisions similaires rendues par d’autres juridictions, la société a été condamnée au paiement de l’indemnité forfaitaire de travail dissimulé. Il soutient que le forfait litigieux ayant continué à lui être appliqué par la société jusqu’à son licenciement en décembre 2015, il est fondé à se prévaloir de cette jurisprudence.

L’intimée soutient qu’elle n’avait pas l’intention de dissimuler des heures de travail mais de faire application de la convention de forfait hebdomadaire stipulée et que la seule nullité de la convention de forfait est insuffisante à caractériser l’intention de l’employeur de dissimuler des heures de travail.

En vertu des articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail, le fait de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la déclaration préalable à l’embauche ou de mentionner sur le bulletin de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, est réputé travail dissimulé et ouvre droit pour le salarié au paiement d’une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

En l’espèce, l’employeur ayant pu légitimement considérer qu’il n’était pas tenu de payer mensuellement les heures effectuées au-delà de la 35ème heure, compte-tenu de la convention de forfait en heures régulièrement conclue en application des dispositions de la convention collective Syntec, la seule inopposabilité de ladite convention de forfait au salarié ne permet pas de caractériser une quelconque intention de la société Altran technologies de dissimuler tout ou partie du temps de travail de M. [D].

En l’absence d’élément supplémentaire, l’intention requise par l’article L. 8221-5 du code du travail n’étant pas établie, la demande en paiement d’une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé doit être rejetée.

Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

1-5 Sur la nullité de la clause de loyauté

M. [D] soutient que le conseil de prud’hommes l’a débouté de sa demande en omettant de motiver sa décision. Il sollicite l’application de la jurisprudence de la cour d’appel de Toulouse, validée par la Cour de cassation, et sollicite le paiement de dommages et intérêts au titre du préjudice subi au titre de l’application d’une clause de loyauté nulle.

Sur ce point, la société Altran fait valoir que la clause litigieuse est parfaitement valide et qu’en tout état de cause, M. [D] ne justifie d’aucun préjudice et ne communique aucun élément à ce titre.

Il est constant qu’en vertu du principe fondamental de libre exercice d’une activité professionnelle, une clause de non-concurrence n’est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitime de l’entreprise, limitée dans le temps et dans l’espace, qu’elle tient compte des spécificités de l’emploi du salarié et comporte l’obligation pour l’employeur de verser une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives.

À la différence de la clause de non-concurrence qui n’a pas lieu de s’appliquer au cours de la relation de travail, la clause de loyauté n’est valable que si elle s’applique au cours de la relation contractuelle.

En l’espèce, l’article 10 du contrat de travail intitulé ‘Clause de loyauté’ stipule : ‘Dans le cadre de son activité salariée au sein de la société, M. [D] s’engage à toujours agir de manière loyale et de bonne foi dans l’exécution de son contrat de travail.

Il s’engage expressément à ne pas porter préjudice au Groupe Altran par son comportement ou de toute autre manière.

Au cours des missions qui lui sont confiées auprès des différents clients du Groupe, M. [D] s’engage également à ne pas solliciter ou/et à ne pas répondre à un client, en vue de négocier son éventuelle embauche conscient que cela constituerait un manquement à son obligation de loyauté.

Dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail, ou au terme de celui-ci, M. [D] s’interdit d’utiliser, à titre personnel ou pour le compte d’une société, concurrente ou non, les informations obtenues ou les contacts établis dans le cadre de ses fonctions.

Dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail, ou au terme de celui-ci, M. [D] s’interdit également, d’agir de sorte à constituer envers la Société Altran Technologies ou plus largement le Groupe Altran, une concurrence déloyale.

De ce fait, au terme de son contrat de travail avec la Société Altran Technologies, M. [D] ne dénigrera pas les prestations réalisées ou la politique de son ancien employeur, n’effectuera pas de confusion volontairement entretenue entre l’ancienne et la nouvelle entreprise, ne détournera pas la clientèle de la Société Altran Technologies, ne débauchera pas les salariés de la Société Altran Technologies, cette liste étant non exhaustive.’

La cour observe que la clause susmentionnée est précédée d’une clause de non-concurrence qui s’applique sur un périmètre géographique déterminé, pendant 12 mois suivant le départ effectif de M. [D] quel que soit le motif de rupture du contrat de travail et moyennant une contrepartie financière calculée en pourcentage du dernier salaire fixe mensuel brut hors primes et intéressement, dont le taux varie en fonction de l’ancienneté acquise.

L’objet des clauses stipulées aux articles 9 et 10 du contrat diffère fondamentalement puisque si la clause de non-concurrence vise à interdire au salarié, pendant les 12 mois suivant la rupture du contrat de travail, d’exercer une activité concurrente dans certaines limites et conditions.

La clause de loyauté prohibe quant à elle uniquement les manquements à l’obligation de loyauté contractuelle ainsi que l’utilisation d’informations et de contacts dont M. [D] pourrait avoir connaissance dans le cadre de son activité professionnelle au sein de la société Altran Technologies, sans qu’il soit question d’une quelconque interdiction d’exercer une activité professionnelle concurrente postérieurement à la rupture du contrat de travail.

Or, le seul fait de prohiber la négociation d’une éventuelle embauche au travers des relations commerciales entretenues avec les clients de l’entreprise dans le cadre des missions confiées au salarié, ne saurait constituer une limite apportée à la liberté d’exercer une activité professionnelle à l’issue de la relation contractuelle de travail. Dans ces conditions, la clause de loyauté est régulière.

En tout état de cause, le salarié ne produit aucun élément de nature à établir un quelconque préjudice résultant de l’application de la clause de loyauté.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté M. [D] de sa demande de dommages et intérêts pour clause de loyauté nulle.

2- Sur la rupture du contrat de travail

À titre liminaire, il sera rappelé qu’en application de l’article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.

Si M.[D] sollicite, aux termes de ses dernières conclusions, la réformation du jugement rendu, il convient de constater que la SA Altran technologies, appelante incidente, sollicite la confirmation du jugement en ce qu’il a ‘reconnu que le licenciement de Monsieur [D] disposait d’une cause réelle et sérieuse’.

Partant, la cour est uniquement saisie d’une demande relative au bien fondé du licenciement pour cause réelle et sérieuse de M. [D].

1-1 Sur le bien fondé du licenciement pour cause réelle et sérieuse

La SA Altran soutient le bien fondé du licenciement de M. [D], au motif qu’il aurait refusé à plusieurs reprises de se rendre en mission au sein des clients de la société. La société indique que M. [D], en sa qualité d’ingénieur consultant, était soumis à une clause de mobilité sur l’ensemble du territoire français et qu’il était informé que les frais professionnels engagés durant les missions était indemnisés selon la politique de frais applicable au sein de la société.

L’intimée soutient que M. [D] a toujours été en situation de convenance personnelle de sorte que sa situation n’a pas été modifiée lors du changement de politique de frais.

En tout état de cause, la société indique qu’il est inconcevable pour un salarié de conditionner sa prise de poste à la prise en charge de ses frais professionnels dès lors qu’il était informé qu’il serait nécessaire de se déplacer pour effectuer ses missions.

La société Altran technologies a notifié à M. [D] un avertissement pour refus d’exécuter une première mission à [Localité 13] et lui a proposé une nouvelle mission à [Localité 13] ; cependant, le salarié ne s’est pas présenté sur le site du client, n’a pas justifié de son absence et n’a aucunement informé son manager de sorte que son refus réitéré constitue une faute grave.

Pour infirmation à ce titre, M. [D] soutient que son refus de se rendre sur une mission était légitime. Il indique que lors de son embauche, sa résidence habituelle était située à [Localité 5] et que son ordre de mission établi le 23 octobre 2013 prévoyait une prise en charge des trajets effectués de son domicile à son lieu de mission situé à [Localité 8] et ce, sans prise en compte de la distance parcourue.

M. [D] fait valoir qu’à compter du 1er janvier 2014, la politique de frais applicable au sein de la société prévoyait que les salariés étaient considérés comme étant en grand déplacement dès lors que le salarié en mission ne pouvait regagner sa résidence le soir et que la distance séparant le lieu de domicile du lieu de déplacement soit supérieur à 70 km et supérieur à 1h30 en transports en commun. Il indique à ce titre que la distance à prendre en considération est celle séparant le lieu de domicile du lieu de déplacement et non le lieu de rattachement administratif du salarié.

Enfin, l’appelant soutient avoir accepté les différentes missions, sous réserve du remboursement des frais liés à sa situation de grand déplacement et indique avoir précisé qu’il se tenait à la disposition de son employeur, de sorte qu’il n’était pas en absence injustifiée. La société ayant maintenu son refus de prise en charge des frais, M. [D] informait son employeur de son impossibilité de déménager au risque de mettre en péril son intégrité physique, mental et son équilibre familial.

L’article L. 1232-1 du code du travail subordonne la légitimité du licenciement à l’existence d’une cause réelle et sérieuse.

La cause doit ainsi être objective et exacte et les griefs reprochés doivent être suffisamment pertinents pour justifier la rupture du contrat de travail.

La lettre de licenciement doit être suffisamment motivée et énoncer des motifs précis et matériellement vérifiables, sous peine de rendre le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.

Le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige doit être apprécié au vu des éléments fournis par les parties, étant précisé que, si un doute subsiste, il profite au salarié.

En l’espèce, la lettre de licenciement, datée du 1er décembre 2015, qui fixe les limites du litige est rédigée comme suit :

‘Vous avez été embauché par la société Altran Technologies, à compter du 20 août 2012, et êtes actuellement au poste de Consultant/Engineer, statut Cadre, position 1.2, coefficient 100.

Depuis, notre relation professionnelle s’est détériorée.

Nous avons été contraint de vous convoquer à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 24 novembre 2015 à l’agence d'[Localité 11], entretien auquel vous vous êtes présenté assisté de Monsieur [F] [U], délégué syndical Altran. Cette convocation était assortie d’une mise à pied à titre conservatoire.

Lors de cet entretien, nous vous avons exposé les faits qui vous sont reprochés et avons recueilli vos explications.

Après réflexion, nous avons décidé ce jour de procéder à votre licenciement pour faute grave, pour les raisons suivantes :

Une nouvelle mission vous a été assignée au sein de l’établissement Stelia [Localité 13], mission devant débuter le 5 octobre 2015.

Vous avez alors refusé de vous rendre chez Stelia [Localité 13] pour accomplir cette mission, au prétexte que vous souhaitiez la prise en charge de vos frais de déplacement.

Suite à ce refus de mission, vous avez été reçu le 19 octobre 2015 par [W] [T] et [W] [G], dans le cadre d’un entretien préalable en vue d’une éventuelle sanction.

Nous vous avons indiqué que ce déplacement s’inscrivait dans le cadre habituel de vos fonctions de consultant, et que nous faisons application de la politique de frais en vigueur, laquelle est la même pour tous nos consultants.

Il vous a été clairement expliqué durant cet entretien que votre situation au vu de la politique de frais applicable relevait de la situation de ‘convenance personnelle’ et que les frais de déplacement depuis votre domicile ne pouvaient pas être pris en charge.

Il vous était également précisé que la notion de ‘convenance personnelle’ était déjà existante dans la politique de frais en 2008, en vigueur au jour de votre embauche.

Ils vous a également été rappelé les termes des articles 6.5.1 et 6.2 de votre contrat de travail, lesquels articles prévoient que vous réalisiez les missions confiées et que vous suiviez les directives de vos responsables hiérarchiques.

Les dispositions de l’article 6.2 contenues dans votre contrat de travail ne laissent place à aucune ambiguïté, quant au fait que compte tenu de la spécificité des missions qui vous sont confiées, vous acceptez des déplacements professionnels ponctuels en France et à l’étranger.

Vous aviez d’ailleurs confirmé avoir parfaitement connaissance des clauses de votre contrat de travail.

Espérant que ce refus de vous rendre sur une mission reste exceptionnel, il a été décidé de ne vous adresser qu’un simple avertissement, lequel vous a été notifié le 23 octobre 2015.

Nous espérions que cet avertissement suffirait à la reprise des relations professionnelles normales.

Ayant perdu la confiance du client Stelia [Localité 13], il n’a plus été possible de vous positionner sur ce projet.

Il vous a donc été proposé une nouvelle mission au sein de la société AIRBUS à [Localité 13] devant débuter le 28 octobre 2015.

Or, dans un mail adressé à Madame [X] [A] le 26 octobre, vous avez indiqué de nouveau refuser d’intervenir sur cette nouvelle mission, si nous ne prenions pas en charge vos frais de déplacement.

Manifestement les explications données lors de l’entretien du 19 octobre et l’avertissement qui s’en est suivi, n’ont pas porté leurs fruits.

Nous vous avons alors rappelé, comme cela avait été fait dans le cadre de votre entretien, que nous appliquions strictement la politique de frais et que compte tenu de votre situation de convenance personnelle, vous ne pouviez bénéficier d’une prise en charge de vos frais, autre que celle prévue pour les frais de transports en commun.

Vous avez refusé la possibilité de prendre les transports en commun.

Vous ne vous êtes effectivement pas rendu sur cette nouvelle mission le 28 octobre.

Madame [X] [A] vous a alors renvoyé le 29 octobre 2015 un nouvel ordre de mission, vous confirmant notre position, et vous précisant votre démarrage sur site le 9 novembre 2015, car vous étiez en congés du 28 octobre au 30 octobre, puis en RTT du 2 au 5 novembre.

Le 6 novembre vous nous avez signifié, par mail, un nouveau refus de vous rendre sur le projet à compter du lundi 9 novembre 2015 et nous avons de fait dû déplorer votre absence chez notre client, sans plus justifier votre absence.

Nous avons donc dû déplorer votre refus de vous rendre sur une mission une nouvelle fois.

Face à un tel comportement caractérisant une volonté claire et non équivoque d’enfreindre une consigne directe de votre hiérarchie, nous avons été contraints de vous convoquer à un entretien préalable, par courrier du 12 novembre 2015, pour un entretien fixé au 24 novembre 2015, avec Monsieur [W] [T], Directeur de Division.

Lors de cet entretien, il vous a de nouveau été exposé que la politique de frais en vigueur s’appliquait à l’ensemble des salariés et donc à fortiori à vous, et que vos absences sur les sites des missions qui vous ont été confiées, constituaient un refus réitérés d’exécuter vos obligations contractuelles et une forme d’insubordination grave.

Nous vous avons rappelé que les missions qui vous ont été proposées s’inscrivaient dans le cadre habituel de vos fonctions.

La répétition de ce comportement alors même que vous aviez été sanctionné par un avertissement pour le refus d’une précédente mission, démontre une volonté évidente de provocation.

En conséquence, compte tenu de la nature de vos fonctions, du fait que votre absence a perturbé

de manière significative le travail de votre Business Unit de rattachement, et a terni l’image d’Altran chez deux clients importants et que votre comportement a constitué une violation grave de vos obligations contractuelles, il est inenvisageable de poursuivre notre collaboration y compris dans le cadre d’un préavis durant lequel vous continueriez à refuser de vous rendre sur les sites clients.

Au vu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, nous ne pouvons-nous permettre de continuer à travailler avec vous.

Votre licenciement pour faute grave, sans préavis, ni indemnité de licenciement, prendra effet à compter de la date de première présentation de cette lettre envoyée en recommandé à votre domicile. [… ]’

Pour établir la réalité et le sérieux des griefs, la SA Altran verse aux débats :

– Le contrat de travail mentionnant que : ‘M. [D] est rattaché administrativement à l’agence de [Localité 11] dont l’adresse est au jour des présentes : [Adresse 14][Localité 11]

Le lieu de travail habituel de M. [D] sera localisé sur les sites clients en fonction des missions qui lui seront confiées, ou à défaut sur son lieu de rattachement administratif.’

– La politique de frais de la société applicable à compter du 1er janvier 2008 dans laquelle il est stipulé à l’article 3 Modalités d’application de la présente politique de frais : ‘Le salarié se verra appliquer la politique de frais de son lieu de rattachement administratif.’ ;

puis à l’article 5.5 Grand déplacement : ‘Le salarié est amené à changer pour une durée déterminée de lieu de travail à la demande de la Direction, tout en conservant le même lieu de rattachement administratif. Ce changement est formalisé par l’établissement d’une ordre de mission.

Le grand déplacement est la situation professionnelle répondant aux 4 conditions cumulatives suivantes :

– la société a établi un ordre de mission,

– le salarié concerné est empêché de regagner sa résidence le soir,

– le trajet aller ‘domicile-lieu de travail’ est au moins égal à 70km,

– les transports en commun ne permettent pas d’effectuer ce trajet en moins d’1H30 aller.

La situation d’éloignement ou le fait que le salarié ne puisse pas regagner sa résidence le soir, ne doit pas résulter d’une convenance personnelle.’ ;

L’article 5.6 Convenance personnelle stipule : ‘La convenance personnelle, au sens de la politique de frais, correspond à la situation dans laquelle un salarié s’est placé en choisissant son lieu de résidence à plus de 50 kms aller de son établissement (ou agence) de rattachement. Les frais supplémentaires engagés pour convenance personnelle ne seront pas pris en charge par l’employeur. La définition de convenance personnelle s’applique à tout salarié nouvellement embauché ainsi qu’au salarié ayant déménagé sur leur propre initiative.

Ce n’est pas, par conséquent, le cas du salarié ayant déménagé à plus de 50km de son lieu de rattachement administratif en raison d’une contrainte professionnelle imposée par l’entreprise.

Afin de déterminer si le salarié est à plus de 50 km de son lieu de rattachement administratif, le site de référence est le suivant : viamichelin.fr

L’établissement de rattachement est l’établissement de rattachement à l’embauche ou celui figurant sur l’avenant à son Contrat de travail, dans le cas où ce dernier déménagerait, à la demande de l’entreprise.’ (pièce n°60);

– Un extrait du site viamichelin.fr indiquant 114 km, environ 1h25 de trajet, correspondant à la distance entre le domicile de M. [D], situé à [Localité 5], et son lieu de rattachement administratif, situé à [Localité 11] (pièce n°61) ;

– La politique de frais applicable à compter du 1er janvier 2014 mentionnant à l’article Convenance personnelle que : ‘On entend par convenance personnelle, tout lieu d’habitation situé à plus de 50 km du lieu d’emploi, sauf si cette localisation est consécutive à la demande de l’employeur dans le cadre d’un projet. Dans ce cas-là, à l’issue du projet, le déménagement sera à la charge d’Altran pour revenir dans les 50 km de son lieu d’emploi.’;

L’article Frais de déplacement stipulant que : ‘Les frais de déplacement comprennent les frais liés au déplacement exceptionnel et au grand déplacement tels que définis ci-après :

[…]

Grand déplacement

Le collaborateur est en grand déplacement lorsqu’il accomplit une mission professionnelle et qu’il est empêché de regagner chaque soir sa résidence sous réserve que :

– la distance séparant le lieu de domicile du lieu de déplacement soit au moins égale à 70 km trajet aller) ;

– et que les transports en commun ne permettent pas de parcourir cette distance dans un temps inférieur à 1h30 (trajet aller).

Cette situation d’éloignement ne doit pas résulter d’une convenance personnelle du collaborateur, cette dernière ne pouvant ouvrir droit à indemnisation au titre des frais professionnelles.’ (pièce n°62) ;

– Des mails échangés entre M. [D], M. [R], manager, M. [B], directeur, et Mme [L], chargée de missions RH, sur la période du 22 septembre 2015 au 02 octobre 2015 ; la réponse de Mme [L] indiquant: ‘Bonjour [P],

D’après les différents éléments que tu m’as donné voici ce que je peux te dire sur ta situation actuelle :

– Ton domicile se trouve à plus de 50km de ton agence de rattachement ([Localité 11]) et il ne s’agit pas d’une localisation consécutive à la demande de l’employeur, tu es donc en situation de convenance personnelle selon la politique de frais.

[…]

– Ton nouveau lieu de mission se trouve à plus de 70km de ton domicile mais tu es en situation de convenance personnelle, donc comme indiqué dans la politique de frais tu ne peux pas bénéficier du grand déplacement lorsque tu es éloigné de plus de 70km de ton lieu de mission en raison de la situation de convenance personnelle.

[…]

Dans le cas de la convenance personnelle nous regardons donc si les 70km sont atteints parce que le lieu de mission est effectivement éloigné de l’agence de rattachement, ou bien parce que c’est l’éloignement du domicile du consultant qui implique le dépassement des 70km.

Dans le cas de ta nouvelle mission à [Localité 13], la distance [Localité 11]-[Localité 13] est de 58 km, ce n’est pas un grand déplacement.

En revanche lorsque tu étais à [Localité 10] ou à [Localité 12], la distance [Localité 11]-lieux de mission était supérieure à 70km et tu bénéficiais donc du grand déplacement malgré le fait que tu sois en convenance personnelle. Les 70km ne résultaient pas de ta convenance personnelle mais bien de l’éloignement de ton projet par rapport à l’agence de rattachement.

Je te donne l’explication chiffrée pour bien comprendre:

Distance [Localité 5] à [Localité 13] = 120km mais [Localité 11] à [Localité 13]= 58km donc tu es éloigné de plus de 70 km du fait de l’éloignement de ton domicile et donc par convenance personnelle, tu n’es donc pas en situation de grand déplacement puisque la distance utilisée pour déterminer le grand déplacement dans le cas de la convenance personnelle est l’agence de rattachement, donc inférieure à 70km.

Mais dans le cas de ta précédente mission [Localité 5] à [Localité 10] = 130 km et [Localité 11] à [Localité 10]=160 km, tu étais en situation de grand déplacement car tu étais à plus de 70km de ton lieu de mission mais que cette distance ne résultait pas de ton éloignement puisque si tu avais été sur [Localité 11] tu aurais également été à plus de 70km.’ (pièce n°63) ;

– Les ordres de mission pour lesquels M. [D] était en grand déplacement s’agissant de lieux de missions situées à [Localité 10] et [Localité 12] (pièces n°64 et 65) ;

– L’ordre de mission Airbus située à [Localité 13], pour la période du 30 août au 21 décembre 2012, ne mentionnant aucun frais de déplacement, outre un ticket restaurant (pièce n°66) ;

– Les ordres de mission situées à [Localité 13] refusées par M. [D] (pièce n°65 et 67) ;

– Un courriel de M. [N] [R], manager, daté du 05 octobre 2015, selon lequel : ‘Bonjour [P], Il était prévu que tu démarres ce matin 05/10 sur le site de STELIA [Localité 13] (44), sur une mission en tant que consultant en Qualité Fournitures Extérieures.

Or, tu ne t’es pas présenté, sans en aviser, ni moi, ni [Z] [H], référent site ALTRAN pour STELIA à [Localité 13]. De plus, j’ai refusé ta demande de déplacement Minos ce matin pour la réunion d’intercontrat au motif que tu n’est PAS en intercontrat. A ce titre, tu es donc en absence injustifiée, n’appelant pas de rémunération.[…] ‘ (pièce n°68) ;

– Un courriel de M. [R] daté du 06 octobre 2015 selon lequel : ‘Bonjour [P], Je reviens vers toi en réponse à ton mail de ce jour reçu à 00H36 dans lequel tu me précises ne pas vouloir accepter de démarrer sur le projet STELIA [Localité 13] (44) dans les conditions de frais que je t’ai exposé.

Suite aux différentes échanges que nous avons eu ensemble, ainsi qu’avec le service RH, je te confirme que tu es bien en situation de convenance personnelle au regard de la politique de frais en vigueur depuis le 1er janvier 2014. Par conséquent, cette situation d’éloignement ne te permet pas de bénéficier du forfait grand déplacement pour cette mission.

D’autre part, je te rappelle à tes obligations contractuelles, que tu peux retrouver également dans ton contrat de travail et qui précisent que tu dois réaliser les projets ou missions confiées par ta hiérarchie […]

Ton contrat de travail précise également que tu es soumis à une clause prévoyant des déplacements professionnels et une mobilité dans le cadre des projets et missions qui te son confiés […]

Par conséquent, au vu de tous ces éléments, tu ne peux pas refuser d’intervenir pour le projet STELIA [Localité 13] que je te demande de réaliser, sous peine de sanction.

Je te demande donc, de nouveau de te présenter chez notre client STELIA [Localité 13] au [Adresse 1], [Localité 13], à compter de ce jour, mardi 6 octobre 2015 à 14h.’ (pièce n°68) ;

– Un avertissement notifié à M. [D] le 23 octobre 2015 dans lequel il est indiqué : ‘[…] la Société peut vous proposer des missions impliquant des déplacements hors de votre établissement de rattachement, en France et à l’étranger. Le refus de prendre en charge une mission constitue donc un manquement aux obligations liées à votre contrat de travail. Suite à votre refus de mission nous ne pouvons que regretter que vous avez manqué à vos obligations contractuelles.

[…] Un tel comportement est donc incompatibles avec vos fonctions de consultant Engineer qui pour rappel requiert votre intervention sur les missions confiées par votre employeur en fonction de vos compétences et votre expérience.

Nous espérons que ce courrier engendrera des changements dans votre comportement et que de tels faits ne se renouvelleront plus.’ (pièce n°69) ;

– Des courriels échangés entre M. [D] et Mme [A], manager senior, cette dernière indiquant le 27 octobre 2015 : ‘[…] J’ai bien entendu ta sollicitation au regard d’une prise en charge de frais professionnels.

Cependant, comme tu as pu le constater, je t’ai fait parvenir le 26/10/2015 toutes les informations relatives à ton ordre de mission pour ce projet.

Aussi, je ne peux que te confirmer qu’en raison de ta situation de convenance personnelle, ta demande de prise en charge de frais en dehors de ce qui est prévu par la politique de frais n’est pas recevable. […] Je te confirme que je compte sur toi et re remercie pour ta bonne prise en compte de ces éléments. Ton démarrage est prévu le 28/10/2015 à 09H00 sur le site client Airbus.’ (pièce n°70) ;

– Un courriel de M. [D] adressé à Mme [A] le 06 novembre 2015 : ‘Bonjour [X],

Je suis tout à fait d’accord avec toi que conformément à mon contrat de travail, je ne suis pas opposé à me déplacer et à changer de projet, bien au contraire.

Cependant, je ne peux prendre à ma charge des frais liés et associés à cette mobilité suite à votre demande.

[…]

Soit, suite à ton refus de la prise en charge des frais et indemnités associés à la mission, je ne peux accepter ces conditions et par conséquent démarrer la mission à Airbus [Localité 13].’ (pièce n°71).

En réplique, M. [D] verse aux débats :

– Les ordres de mission arrêtés à la date du 18 novembre 2015 (pièce n°9) ;

– Des échanges de mails entre M. [R] et M. [D], du 22 au 30 septembre 2015, ce dernier indiquant : ‘[…] Je ne comprends pas pourquoi vous avez accepté le grand déplacement pour mes missions sur [Localité 10] et [Localité 12] avec comme résidence principale [Localité 5], alors qu’aujourd’hui vous ne l’acceptez plus.

Ma résidence principale, que vous avez reconnu jusqu’à aujourd’hui est à plus de 70 Km de mon futur lieux d’intervention et rentre dans le cadre d’un grand déplacement (comme énoncé dans la politique de frais).’ (pièce n°10);

– Des échanges de mails entre M. [R] et M. [D] sur la période du 28 septembre au 06 octobre 2015, ce dernier indiquant : ‘[…] Merci pour ton ordre de mission, car je n’ai aucune information concrète à ce sujet à ce jour.

Vous aviez convenu d’un démarrage le 5/10, or je n’avais aucun ordre de mission validé de mon côté, aucun mail de ta part stipulant cette demande.

N’ayant pas d’information formelle de ta part, je t’ai fait donc une demande de déplacement pour rejoindre mon lieux de travail administratif.

Suite à ton retour, je ne peux accepter les conditions associées à cette nouvelle mission en vue de la non prises en charges des frais occasionné au grand déplacement. Cela met en péril mes ressources et conditions familiales.’ (pièce n°13);

– Les ordres de mission des 13 et 14 octobre 2015 (pièces n°19 et 20) ;

– Un courrier recommandé avec accusé de réception daté du 10 novembre 2015 dans lequel M. [D] conteste son avertissement notifié le 23 octobre 2015 et indique : ‘[…] A 14H, pendant mon déplacement, je reçois le retour de [N] par mail (pièce n°10) comme quoi aucun frais ne me sera remboursé. J’ai donc arrêté mon déplacement en cours de route pour cette raison. Je ne vois pas pourquoi je tiendrais mes engagements à mes frais pour aller à ce rendez-vous, alors que mon responsable hiérarchique ne les tient pas (par rapport à ceux validés dans l’ordre de mission, puis annulé par son mail).’ (pièce n°30).

Il résulte des écritures de M. [D] et des divers éléments produits par l’employeur que M. [D], résidait [Localité 5] au moment de son embauche, commune située à environ 114 km de l’agence d'[Localité 11] désignée comme son lieu de rattachement administratif ; qu’il a été embauché en qualité d’ingénieur consultant et était à ce titre, soumis à une clause de mobilité stipulant que ‘M. [D] accepte le principe d’une clause de mobilité, sur l’ensemble du territoire français ou, le cas échéant, à l’étranger, permettant à la Société de modifier le lieu d’exercice en fonction des nécessités de service liées à l’exécution des missions confiées à M. [D].’ et que son contrat de travail stipulait également que ‘M. [D] sera indemnisé de ses frais professionnels dans les conditions présentées dans la politique de frais applicable au sein d’Altran Technologies librement consultable sur l’intranet du groupe Altran.’.

Il résulte de la comparaison des politiques de frais applicables au sein de la société Altran technologies en vigueur à compter du 1er janvier 2008, puis à compter du 1er janvier 2014, que dès son embauche en 2012, le salarié était en situation de ‘convenance personnelle’ puisqu’il avait choisi ‘son lieu de résidence à plus de 50 kms aller de son établissement (ou agence) de rattachement’, de sorte que ‘les frais supplémentaires engagés pour convenance personnelle ne seront pas pris en charge par l’employeur’.

Il est également établi que nonobstant l’établissement d’ordres de missions, divers échanges avec ses supérieurs hiérarchiques et le service des ressources humaines de la société Altran, ainsi que la notification d’un avertissement le 27 octobre 2015, M. [D] a maintenu son refus de rejoindre sa nouvelle mission située à [Localité 13] au motif que l’employeur avait refusé de prendre en charge les frais de déplacement.

Il ressort de la lecture des politiques de frais susmentionnées et des divers mails explicatifs du service des ressources humaines que le point de départ du calcul de la distance à prendre en compte est le lieu de rattachement administratif du salarié et non son lieu de domicile de sorte que M. [D], en situation de convenance personnelle, ne peut pas se prévaloir de la distance entre son domicile et le lieu de ses nouvelles missions pour invoquer une situation de grand déplacement.

Il résulte des éléments d’appréciation dont dispose la cour et dans la limite de sa saisine concernant la cause réelle et sérieuse du licenciement, qu’ il convient de considérer que le refus réitéré et non légitime de M. [D] de rejoindre sa nouvelle mission constitue une violation de ses obligations contractuelles qui caractérise une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement ayant considéré que le licenciement de M. [D] repose sur une cause réelle et sérieuse.

1-2 Sur les conséquences financières

Le conseil de prud’hommes n’ayant pas tiré les conséquences de la requalification du licenciement pour cause réelle et sérieuse, qui aux termes du dispositif de ses écritures n’est pas remise en cause devant la cour par la société Altran Technologie, le salarié est en droit de solliciter le paiement des sommes suivantes :

– 7 752 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 775,20 euros brut pour les congés payés y afférents,

– 1 679,60 euros net à titre d’indemnité de licenciement,

– 1 785,31 euros brut à titre de rappel de salaire pour mise à pied conservatoire,

– 178,53 euros brut pour les congés payés y afférents.

1-3 Sur le rappel de salaire au titre des jours d’absence injustifiée

Pour conclure à l’infirmation du jugement à ce titre, M. [D] fait valoir qu’il se trouvait en situation d’inter-contrat de sorte que l’employeur ne pouvait pas procéder à une retenue sur son salaire pour les jours dits d’absence injustifiée. En tout état de cause, la société lui ayant notifié un avertissement, il ne saurait être sanctionné de nouveau.

La SA Altran indique que l’absence de M. [D] était injustifiée de sorte qu’il était attendu en mission chez un client de la société. Elle précise que le salarié ne se trouvait pas en inter-contrat et qu’il a d’ailleurs été informé de cette situation.

L’article L. 1331-2 du code du travail prohibe les amendes ou autres sanctions pécuniaires. Cependant, il est acquis que la retenue opérée par un employeur sur le salaire en raison de l’absence du salarié et à proportion de la durée ne constitue pas une sanction disciplinaire.

Il résulte des précédents développements que M. [D] ne pouvait pas se prévaloir de la non-prise en charge de ses frais de déplacements en application de la politique de frais de la société pour justifier ses absences.

De plus, contrairement aux allégations de M. [D], il résulte expressément du mail daté du 05 octobre 2015, de M. [R], que le salarié ne se trouvait pas en situation d’intercontrat mais en ‘ en absence injustifiée, n’appelant pas de rémunération.’ (pièce n°68 employeur).

Enfin, si les sanctions pécuniaires sont interdites, la retenue sur le salaire de M. [D] n’étant pas une sanction disciplinaire, il ne saurait se prévaloir de l’avertissement notifié le 23 octobre 2015 pour prétendre au rappel de salaire au titre des jours d’absence.

Dès lors, il y a lieu d’infirmer le jugement déféré en ce qu’il a fait droit à la demande de rappel de salaire de M. [D].

3- Sur les dépens et frais irrépétibles

En application de l’article 696 du code de procédure civile, la SA Altran, partie perdante, sera condamnée aux dépens d’appel.

Elle sera en conséquence déboutée de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

L’équité commande en revanche de condamner la SA Altran technologies à payer de ce chef à M. [D] une indemnité d’un montant de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a dit que le licenciement de M. [P] [D] est fondé sur une cause réelle et sérieuse, qu’il l’a débouté de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé et de sa demande de dommages et intérêts pour clause de loyauté nulle ;

Statuant de nouveau sur les chefs infirmés et y additant,

Dit que la convention de forfait contenue dans le contrat de travail conclu entre la société Altran Technologies et M. [D] s’analyse comme une convention de forfait en heures assortie de la garantie d’un nombre maximal annuel de jours de travail, relevant de la modalité 2 de l’accord du 22 juin 1999 annexé à la convention collective nationale du personnel des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs conseils et des sociétés de conseil, dite Syntec, en date du 15 décembre 1987 ;

Déclare la dite convention de forfait inopposable à M. [D] ;

Condamne la société Altran Technologies à payer à M.[D] les sommes suivantes:

– 9 104,40 euros brut à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires,

– 910,44 euros brut pour les congés payés y afférents,

– 112 euros brut à titre de rappel de prime de vacances,

– 11,20 euros brut pour les congés payés y afférents,

– 7 752 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 775,20 euros brut pour les congés payés y afférents,

– 1 679,60 euros net à titre d’indemnité de licenciement,

– 1 785,31 euros brut à titre de rappel de salaire pour mise à pied conservatoire,

– 178,53 euros brut au titre des congés payés y afférents.

Déboute M. [D] de sa demande de rappel de salaire au titre des absences injustifiées;

Déboute la société Altran Technologies de sa demande de restitution des jours RTT;

Déboute la société Altran Technologies de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Altran Technologies à payer à M. [D] la somme de 1 500 euros à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile;

Condamne la société Altran Technologies aux dépens de première instance et d’appel.

Le Greffier Le Président

 


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