Convention collective SYNTEC : 20 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/04271

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Convention collective SYNTEC : 20 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/04271

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 11

ARRET DU 20 JUIN 2023

(n° , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/04271 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDV47

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Avril 2021 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 19/10502

APPELANTE

Madame [Y] [G]

[Adresse 2]

[Localité 3]

née le 30 Mars 1968 à [Localité 5]

Représentée par Me Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

INTIMEE

Société ERNST & YOUNG ADVISORY

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Emmanuelle FARTHOUAT – FALEK, avocat au barreau de PARIS, toque : G097

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 18 Avril 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre

Madame Isabelle LECOQ CARON Présidente de chambre

Madame Catherine VALANTIN, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Manon FONDRIESCHI

ARRÊT :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre, et par Madame Manon FONDRIESCHI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Mme [Y] [G], née en 1968, a été engagée par la S.A.S Ernst & Young Advisory, ci-après la société EY , par un contrat de travail à durée indéterminée signé le 6 septembre 2018, à effet au 5 novembre 2018, en qualité d’ « associate partner ». Elle soutient toutefois avoir commencé à travailler dès le 6 septembre 2018.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective dite SYNTEC.

Sa période d’essai de trois mois a été renouvelée le 4 janvier 2019 portant son terme au 4 mai 2019 avec l’accord de Mme [G] donné le 14 janvier 2019.

Le 25 avril 2019, la société Ernst & Young Advisory a mis fin à la période d’essai de Mme [G].

A la date de la rupture, Mme [G] avait une ancienneté de 5 mois, et la société Ernst & Young Advisory occupait à titre habituel plus de dix salariés.

Contestant à titre principal la validité en contestant la date de la rupture de la période d’essai et à titre subsidiaire sa légitimité et réclamant diverses indemnités, outre des dommages et intérêts pour le non respect de l’obligation de sécurité de son employeur, Mme [Y] [G] a saisi le 3 juin 2019 le conseil de prud’hommes de Paris qui, par jugement du 6 avril 2021, auquel la cour se réfère pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a statué comme suit :

– in limine litis, rejette l’exception d’incompétence au profit du conseil de prud’hommes de Nanterre et se déclare compétent,

– déboute Mme [Y] [G] de l’ensemble de ses demandes,

– déboute la société Ernst & Young Advisory de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamne Mme [Y] [G] aux dépens.

Par déclaration du 06 mai 2021, Mme [G] a interjeté appel de cette décision, notifiée par lettre du greffe adressée aux parties le 14 avril 2021.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 14 mars 2023, Mme [G] demande à la cour de :

– recevoir Mme [G] en ses écritures et l’y déclarer bien fondée ;

– infirmer le jugement sur le fond rendu le 6 avril 2021 en ce qu’il a débouté Mme [G] de l’intégralité de ses demandes ;

et statuant à nouveau,

– juger que Mme [G] a subi une discrimination en raison de son sexe ;

– juger la nullité de la rupture de son contrat de travail Mme [G] pour discrimination en raison de son sexe, et à tout le moins dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

en conséquence,

à titre principal :

– juger que la rupture du contrat de travail de Mme [G] est nécessairement nulle ;

– ordonner la réintégration de Mme [G] dans les anciennes fonctions au statut d’« associate partner » au sein de la société EY Advisory ;

– assortir la condamnation de la reconstitution de carrière et d’une astreinte de 1.000 € par jour de retard à compter de la notification du jugement et se réserver le droit de liquider l’astreinte ;

à titre subsidiaire :

– condamner la société EY Advisory au paiement de la somme de 300.000 euros nets au titre de dommages et intérêts pour licenciement nul et à tout le moins dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

– condamner la société EY Advisory au paiement de la somme de 42.500 euros au titre de d’indemnité compensatrice de préavis de 42.500 euros et 4.250 € au titre des congés payés afférents ;

en toute hypothèse :

– condamner la société EY Advisory au paiement de la somme de 28.233 euros au titre de rappel de salaire pour les mois de septembre et octobre 2018 et 2.833 euros au titre de congés payés afférents

– condamner la société EY Advisory à la somme de 85.000 euros au titre de l’indemnité pour travail dissimulé ;

– condamner la société EY Advisory au paiement de la somme de 30.000 euros au titre de de rappel de variable ;

– juger que la société EY Advisory n’a pas exécuté loyalement ses obligations contractuelles à l’égard de Mme [G] ;

– juger que Mme [G] a subi un préjudice moral qu’il convient de réparer

en conséquence,

– condamner la société EY Advisory au paiement de la somme de 100.000 euros au titre de dommages et intérêts pour violation de l’obligation de sécurité et d’exécution de bonne foi du contrat de travail ;

– condamner la société EY Advisory au paiement de la somme de 100.000 euros au titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ;

– condamner la société EY Advisory à verser à Mme [G] la somme de 5.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et dépens ;

– condamner la société EY Advisory à verser à Mme [G] la somme de 5.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre de l’appel et dépens ;

– ordonner pour l’ensemble de ces condamnations, les intérêts de droit à compter de l’introduction de la demande et l’anatocisme ;

– ordonner la transmission du jugement à intervenir au procureur de la république ;

– ordonner la publication du jugement dans la revue Capital et le journal Le Monde ;

– débouter la société EY Advisory de sa demande reconventionnelle.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 9 mars 2023, la société Ernst & Young Advisory demande à la cour de :

– recevoir Mme [G] en son appel mais l’y déclarer mal fondée,

– l’en débouter ainsi que de toutes ses demandes, fins et conclusions,

en conséquence,

à titre principal,

– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Paris du 6 avril 2021 en toutes ses dispositions,

à titre subsidiaire,

– ramener les demandes de Mme [G] à de plus justes proportions,

en tout état de cause,

– déduire des sommes qui lui seraient allouées :

– toute éventuelle condamnation à une indemnité compensatrice de préavis ainsi que les congés payés afférents,

– le montant des salaires ou allocations Pôle-emploi perçues entre la rupture de sa période d’essai et sa réintégration,

en tout état de cause,

– condamner Mme [G] à payer à la société Ernst & Young Advisory la somme de 5.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 15 mars 2023 et l’affaire a été fixée à l’audience du 18 avril 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR :

Sur l’existence d’une relation de travail avant le 6 novembre 2018

Pour infirmation du jugement déféré, Mme [G] soutient que si la date d’effet de son contrat de travail était fixée au 5 novembre 2018, elle a travaillé pour la société EY entre début septembre et le 26 octobre 2018 comme en témoignent d’une part les 263 courriels dont elle a été destinataire de l’équipe EY durant cette période, impliquant son intervention dans les dossiers, et d’autre part le décompte horaire de travail pendant le même laps de temps qu’elle produit.

Elle en déduit que le renouvellement de la période d’essai le 4 janvier 2019 était tardif puisqu’il aurait du intervenir au plus tard pour le 5 décembre 2018 en tenant compte d’une embauche le 6 septembre 2018.

Pour confirmation du jugement, la société EY oppose que l’appelante a bien pris ses fonctions, le 5 novembre 2018, date fixée contractuellement comme en témoignent les différents courriels d’accueil à cette date. Elle souligne qu’avant cette date elle travaillait encore pour son ancien employeur et que la lecture des courriels qui lui ont été adressés à sa demande sur sa messagerie personnelle ou sur son téléphone révèlent qu’aucune prestation de travail n’était réalisée et ne lui a jamais été demandée et qu’ils étaient destinés à son appropriation des méthodes EY. Elle précise en outre que la salariée a expressément accepté le renouvellement de la période d’essai sans la contester.

Il est constant que la période d’essai démarre à la prise de fonctions.

Mme [G] soutient avoir commencé à travailler pour la société EY dès le 6 septembre 2018 ce qui revient à revendiquer l’existence du contrat de travail avant la date contractuellement fixée.

La cour rappelle qu’il résulte des articles L. 1221-1 et suivants du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d’autrui moyennant rémunération et que l’existence d’un contrat de travail dépend, non pas de la volonté manifestée par les parties ou de la dénomination de la convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité du travailleur.

Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres directifs, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

En l’absence d’un contrat apparent, il appartient à celui qui revendique l’existence d’un contrat de travail d’en apporter la preuve.

Au soutien de la preuve qui lui incombe, Mme [G] s’appuie sur de nombreux courriels émanant de l’équipe EY dont pour la plupart elle a été mise copie et dans lesquels parfois il lui était demandé son avis ou des participations à des « calls » (appel téléphonique groupé) sur des dossiers précis. S’il est incontestable qu’elle a été consultée sur de nombreux sujets et si elle a été invitée à plusieurs reprises à des conférences téléphoniques afin de se familiariser tant avec les dossiers qu’avec les process EY, il n’en ressort toutefois, aucune instruction ou ordre ou commande de travail dont l’inexécution aurait pu être sanctionnée, ni aucun délai ni aucune restitution concrète de la part de Mme [G], contrairement à ce qu’elle prétend. La cour relève également qu’il n’a été justifié d’aucune rémunération pour l’investissement de Mme [G] laquelle, ainsi que le souligne l’intimée sans être contredite sur ce point, était encore engagée chez son ancien employeur. Enfin, la cour relève qu’il est produit aux débats les différents courriels d’accueil annonçant l’arrivée officielle de Mme [G] au sein de l’équipe EY tant du service RH évoquant une arrivée le 5 novembre 2018 (pièce 2, employeur) mais aussi de présentation de son assistante (pièce 3, employeur) et enfin le courriel de présentation aux équipes par M. [U] en date du 6 novembre 2018 évoquant l’arrivée de Mme [Y] [G] qui a « commencé hier » qui corroborent tous une prise de fonctions officielle début novembre 2018.

La cour retient, par confirmation du jugement déféré, que le contrat de travail de Mme [G] a bien débuté le 5 novembre 2018 et que le renouvellement de la période d’essai le 4 janvier 2019 n’était pas tardif.

Il s’en déduit également que Mme [G] n’est pas fondée à réclamer le paiement d’un rappel de salaire pour cette période ni d’une indemnité pour travail dissimulé.Le jugement querellé est confirmé sur ce point.

Sur la rupture de la période d’essai

Pour infirmation du jugement déféré, Mme [G] soutient que la rupture de sa période d’essai procède à tout le moins d’une discrimination prohibée homme/ femme alors même qu’il n’est pas justifié de qualités professionnelles insuffisantes ni pour imposer une période d’essai, ni pour la prolonger, ni pour rompre le contrat de travail. Elle expose qu’elle n’a jamais eu de parrain dans le cadre de son intégration, ni eu d’évaluation de son travail, qu’elle a apporté un chiffre d’affaires conséquent, développé une vision stratégique permettant à la société EY de se positionner dans le secteur de la santé, structuré une politique de développement, et s’est investie dans le management interne. Elle en conclut que ce n’est qu’en raison du fait qu’elle était une femme qu’elle a vu sa période d’essai rompue, ce qui justifie sa demande de nullité de la rupture de son contrat de travail compte-tenu du caractère abusif et discriminatoire de cette décision ou qu’elle soit jugée sans cause réelle et sérieuse.

Pour confirmation du jugement déféré, la société conteste toute discrimination et rappelle qu’elle n’a pas à motiver la rupture intervenant en période d’essai.

Aux termes de l’article L.1221-20 du code du travail, la période d’essai permet à l’employeur d’évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience, et au salarié, d’apprécier si les fonctions occupées lui conviennent.

Durant cette période, chacune des parties dispose, en principe, d’un droit de résiliation unilatéral, sans avoir à alléguer de motif.

Le droit de rompre l’essai ne doit cependant pas dégénérer en abus et la rupture ne doit pas procéder d’un motif discriminatoire.

Il est constant que la période d’essai qui a été imposée à Mme [G] résulte d’une disposition expresse du contrat de travail conclu, lequel prévoyait également une possibilité de renouvellement de celle-ci. C’est en vain que Mme [G] soutient que l’antériorité des relations professionnelles entre les parties lesquelles se sont connues alors qu’elle était engagée auprès d’un autre employeur, la société Evocare, rendait superflue cette période d’essai puisqu’il est constant que la finalité de celle-ci est de vérifier en situation réelle, c’est à dire dans le cadre d’un lien de subordination, la capacité des parties à travailler ensemble. C’est tout aussi vainement que l’appelante fait valoir que la convention collective Syntec prévoit, par son article 7, que tout cadre est soumis à une période d’essai de trois mois qui pourra être prolongée exceptionnellement d’une période de même durée, après accord écrit du salarié. Contrairement à ce que soutient Mme [G], cette disposition prévoit la possibilité, à titre exceptionnel, d’un renouvellement de la période d’essai, sans exiger de l’employeur qu’il justifie des motifs, à caractère exceptionnel, le conduisant à envisager ce renouvellement.

Il est de droit que les dispositions de l’article L.1132-1 du code du travail relatives aux discriminations illicites sont applicables à la période d’essai.

S’il est établi que le salarié a été délibérément évincé pour un motif prohibé par le texte précité, la rupture de la période d’essai est nulle.

Aux termes des dispositions de l’article L.1132-1 du code du travail « Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de nomination ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, d’horaires de travail, d’évaluation de la performance, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe,(…) ».

L’article L.1134-1 du code du travail prévoit que lorsque survient un litige en raison d’une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 précité, qu’au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs à toute discrimination et que le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Mme [G] soutient qu’elle a été discriminée, humiliée et mise à l’écart dans l’exercice de ses fonctions uniquement en raion du fait qu’elle était une femme et dénonce les faits qu’elle considère comme discriminatoires suivants :

-le fait que M. [U] préférait travailler avec des hommes comme M. [D] [T] arrivé en septembre 2018 chez EY en qui il voyait son parfait successeur masculin, en développant avec ce dernier une grande proximité et le poussant à des comportements hostiles à son égard.

– le fait que M. [U] l’a rapidement mise à l’écart en limitant ses échanges avec elle alors même que leur périmètre commun nécessitait une communication fluide,

-le fait qu’aucune répartition des tâches ni délégation n’ait été faite entre eux y compris en ce qui concerne les grands comptes,

– le fait que M. [U] a poussé les équipes à ne pas la considérer comme un interlocuteur fiable ou l’a mise dans des situations d’humiliation publique,

– le fait que le comportement discriminant de M. [U] ait été connu de son supérieur hiérarchique M. [P] lequel n’a rien fait,

– le fait qu’elle n’ait pas bénéficié du dispositif d’intégration tel que prévu par EY avec la mise en place d’un parrain et d’entretiens à l’égard des femmes dirigeantes.

– l’abence d’entretien de renouvellement de sa période d’essai,

– le fait que M. [U] ait empêché toute entrevue avec M. [P].

-qu’il n’est pas démontré que des homologues maculins aient été traités comme elle, ni que la décision de se séparer d’elle repose sur un motif autre que la discrimination.

Au soutien de sa mise à l’écart par M. [U], elle produit un message de ce dernier daté de janvier 2019 lequel il s’est engagé à passer plus de temps avec elle, ce qui ne s’est pas traduit par des réunions et les différentes demandes de rendez-vous qu’elle lui a envoyés entre novembre 2018 et mars 2019 et sur des messages qu’elle lui a adressé en février 2019 par lequel elle ‘trouve étrange que dans chaque dossier stratégique, il désigne un manager, se demandant si elle doit y voir un message caché’ et un autre du 22 février 2019, dans lequel elle se plaint du fait que certains salariés s’adressent directement à M. [U] notamment M. [I]. A l’appui de la grande complicité entre M. [U] et M. [W] contre elle, l’appelante verse aux débats un courriel dans lequel elle évoquait une forme d’hostilité de ce dernier sans susciter de réaction du premier et un autre où elle a relevé que M. [W] a répondu directement à M. [U] à une question qu’elle venait de lui poser. Elle dénonce également des propos qu’elle considère comme sexistes lorsqu’un courriel qui lui a été adressé le 6 octobre 2018 commence par ‘hello miss’ mais aussi le fait que le 22 février 2019, M.[U] a annulé au dernier moment une réunion qu’elle avait organisée avec un client Cerclh, avant de le confier à un autre manager (pièce 42). Elle invoque le fait que la news promise au service pour le 29 mars 2019 n’est partie que le 5 avril ce qui a contribué à la décrédibiliser auprès du service. Elle s’appuie également sur une note de bilan et perspective qu’elle a adressée à M. [U] dans laquelle elle a récapitulé ses remarques et en outre dénoncé son management de boudoir ‘one to one’ qui crée des tensions, le fait que ce dernier a pu laisser s’installer des suspicions à son égard sur son apport par des personnes ne connaissant pas son métier de consultant, note qui n’aura pas de réponse. Elle affirme que M. [U] a retardé les échanges avec M. [P] notamment sur l’intégration de la société Cekoïa et l’a empêchée de rencontrer ce dernier qui se contentera de lui écrire le 19 avril 2019 ‘ Désolé de ne pas avoir traité au bout d’un mois ou deux car cela me semble irrattrapable’. Elle souligne enfin que des études démontrent que des pratiques discriminantes avaient cours au sein de la société EY qui se signale par une présence de seulement 8% de femmes dans le partnership.(pièce 44, salariée) et qu’elle n’a bénéficié d’aucun accompagenemt pour faciliter son intégration.

S’il résulte des éléments rappelés ci-avant par Mme [G] que son intégration n’a pas été simple d’autant qu’elle n’a pas réellement été accompagnée, la cour relève toutefois qu’il ne peut être contesté aux termes des messages de bienvenue produits aux débats qu’elle a été bien accueillie et qu’elle était attendue (message de la DRH et de M. [U] lui-même) mais aussi que la lecture des différents courriels révèlent que les échanges y compris avec ce dernier l’étaient toujours sur un ton courtois. A cet égard, la cour estime que l’emploi unique de l’expression ‘ hello miss’ à l’occasion d’un courriel qui a été adressé à l’appelante qui relève plutôt d’un langage familier que d’un propos sexiste, d’autant que ledit message se poursuit par les propos suivants ‘encore merci pour ta proposition. Le sujet est intéressant (…)’ (pièce 39, salariée).

La cour retient ainsi que le soulève l’employeur que la salariée procède beaucoup par affirmation en s’appuyant essentiellement sur des courriels dont elle était elle-même l’auteur et que même si les relations avec M. [U] n’ont pas eu la fluidité sans doute espérée voire nécessaire, il n’en résulte pas en soi que cela procédait d’une intention de l’écarter car elle était une femme, ni que ce dernier préférait travailler avec des hommes, ni même l’existence d’une hostilité ou d’un front uni contre elle, entre celui-ci et différents managers (MM. [W] et [I]). L’annulation au dernier moment d’une réunion avec un client qu’elle avait organisée afin selon M. [U] de s’ajuster par rapport aux attentes du client (pièce 23 salariée) ne relève en soi pas d’une discrimination sexiste, même si cela a pû être mal vécu par la salariée. Il ne peut par ailleurs être déduit du courriel de M. [P] précité du 19 avril 2018, que celui-ci avait connaissance du comportement prétenduement discriminant de M. [U] et qu’il n’a délibérément rien fait. La cour observe enfin que l’intégration de la société Cekoïa initiée par Mme [G] a abouti au recutement de Mme [K] ancienne dirigeante de ladite société, comme consultante à compter de septembre 2019 dans des conditions similaires à l’appelante, même si les parties s’opposent sur le fait que celle-ci l’aurait remplacée, ce qui contredit en tout état de cause, une éventuelle discrimination homme/ femme en vigueur au sein de la société EY laquelle ne peut résulter concernant Mme [G] d’une simple étude ou d’un déficit de femmes dans le partnership à un instant T.

La cour, après examen de la pertience des éléments présentés par la salariée, en déduit que Mme [G] ne présente pas des faits qui pris dans leur ensemble laissent supposer l’existence d’une discrimination homme/ femme à son égard et que c’est à bon droit qu’elle a été déboutée de sa demande de ce chef et de nullité de la rupture de la période d’essai de ce fait mais aussi de réintégration ainsi que de reconstitution de carrière.

***

A titre subsidiaire, ‘à défaut ou si la réintégration s’avère impossible’ Mme [G] réclame des dommages et intérêts pour licenciement nul ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse.

Il résulte de ce qui précède que la nullité de la rupture de la période d’essai n’a pas été retenue et Mme [G] ne s’explique pas en quoi elle invoque un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La cour rappelle que si chaque partie au contrat de travail est libre de le rompre, sans donner de motif, au cours de la période d’essai, il n’en résulte pas pour autant que cette rupture ne puisse être fautive.

Il est acquis qu’il appartient au salarié qui entend contester la rupture de la période d’essai de démontrer que l’employeur a commis un abus de droit en mettant un terme à la période d’essai.

Tel est le cas lorsque le véritable motif de la rupture est sans relation avec l’aptitude professionnelle ou personnelle du salarié à assumer les fonctions qui lui sont dévolues.

La cour observe que Mme [G], qui supporte la charge de la preuve d’un éventuel abus, n’allègue ni même ne démontre que la société EY a détourné la période d’essai de sa finalité, ni que la rupture du contrat est intervenue pour un motif non inhérent à sa personne, ni qu’elle est intervenue par légèreté blâmable, celle-ci n’étant pas intervenue très rapidement ou juste après la décision de renouvellement de cette période d’essai, mais le 5 avril 2019, soit au cours de la période de renouvellement de la période d’essai du contrat de « consultant » qui avait été renouvelée le 5 janvier précédent.

Il importe dès lors peu de savoir si l’exécution de toutes ses attributions relevant de son contrat de travail était, ou non, satisfaisante et si la rupture de la période d’essai était, ou non, justifiée à cet égard, ce d’autant qu’il a été rappelé que l’employeur a le droit de rompre le contrat pendant cette période sans être tenu d’alléguer un quelconque motif. Peu importe également que cette rupture ait été brutale eu égard de la situation personnelle de Mme [G] qui certes avait été débauchée de son emploi précédent et des espérances déçues, fussent-elles légitimes, de cette dernière, une telle caractéristique de la rupture étant inhérente à toute rupture en période d’essai.

Le jugement sera, dès lors, confirmé.

Sur la demande d’indemnité pour manquement de l’employeur à son obligation de sécurité et inexécution déloyale du contrat de travail

Pour infirmation du jugement déféré, Mme [G] réclame une indemnité de 100.000 euros en faisant valoir qu’elle n’a bénéficié d’aucun processus d’intégration et d’accompagnement, ni de fixation d’objectif ou d’évaluation de son travail d’autant qu’elle a été victime du comportement sexiste déplacé de M. [U].

Pour confirmation de la décision, la société EY réplique qu’aucun agissement sexiste ou discriminatoire n’est établi et que Mme [G] a bénéficié d’un processus conforme d’intégration habituel avec désignation d’une assistante mais aussi de l’appui du Dr [A] intervenant en qualité de prestataire.

S’il a été jugé plus avant que la discrimination homme/femme dénoncée par Mme [G] n’a pas été retenue, il n’en reste pas moins que l’employeur qui se prévaut d’un accompagnement de la salariée dans son intégration ne l’établit pas de façon incontestable, rien ne permettant de retenir l’existence de l’appui invoqué ni que celle-ci aurait bénéficié d’une évaluation de son travail qui aurait permise de l’avertir. La cour retient que l’employeur a manqué de ce fait à son obligation de bonne foi dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail justifiant l’octroi d’une indemnité de 10.000 euros.

Sur la demande d’indemnité pour préjudice moral

Pour infirmation du jugement déféré, Mme [G] réclame une indemnité de 100.000 euros pour préjudice moral en faisant valoir qu’elle n’a plus jamais retrouvé de travail dans ce domaine, sa réputation ayant été ternie, qu’elle a bénéficié des aides de Pôle Emploi jusqu’au 30 septembre 2021 et qu’elle a créé la société Onkare Conseil dont elle est la directrice générale.

Pour confirmation de la décision, la société EY conclut au débouté de la demande.

En l’absence de discrimination et au regard du bien-fondé de la rupture de la période d’essai, Mme [G] n’est pas fondée à se prévaloir d’un préjudice moral lié à la rupture de son contrat de travail. Par confirmation du jugement déféré, elle est déboutée de sa demande de ce chef.

Sur la demande de rappel de rémunération variable

Pour infirmation du jugement déféré, Mme [G] réclame le paiement d’une somme de 30.000 euros au titre du variable prévu au contrat de travail qu’elle est fondée à solliciter dans la mesure où la rupture était nulle ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse sans que puisse lui être opposée une condition de présence.

Pour confirmation de la décision, la société EY oppose à la demande les conditions contractuelles d’exigibilité de la prime.

L’article 5 du contrat de travail liant les parties était ainsi rédigé « (‘) Vous pourrez, éventuellement bénéficier d’une prime individuelle qui vous sera octroyée en fonction de vos performances en cours de l’exercice écoulé. Cette prime de performance étant allouée globalement pour l’année, elle ne rentrera pas dans l’assiette des congés payés.

Le versement de cette prime interviendra tous les ans après la fin de l’exercice, sous réserve de votre présence dans l’entreprise au moment du versement . Cette prime de performance vous sera exceptionnellement garantie la première année fiscale(1er juillet 2018 au 30 juin 2019), sous réserve de la confirmation de votre période d’essai. Le versement de cette prime interviendra après la fin de l’exercice fiscal, sous réserve de votre présence dans nos effectifs au moment du versement et que vous ne soyez pas en période de préavis à cette date (…) ».

Il s’en déduit que la période d’essai de Mme [G] ayant été valablement rompue le 25 avril 2019, elle ne peut prétendre à cette prime. Le jugement déféré est confirmé sur ce point.

Sur les autres dispositions

Rien ne justifie la publication du présent arrêt dans la revue Capital ou le journal Le Monde ni sa transmission au Procureur de la République.

Partie perdante partiellement la société EY Advisory est condamnée aux dépens d’instance et d’appel et à verser à Mme [G] une somme de 3.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement déféré sauf en ce qui concerne l’indemnité pour exécution déloyale du contrat de travail par l’employeur.

Et statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant :

CONDAMNE la SAS Ernst & Young à payer à Mme [Y] [G] les sommes suivantes :

-10.000 euros à titre d’indemnité pour exécution déloyale du contrat de travail.

-3.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes.

CONDAMNE la SAS Ernst & Young aux dépens d’instance et d’appel.

La greffière, La présidente.

 


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