Convention collective SYNTEC : 20 avril 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/07467

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Convention collective SYNTEC : 20 avril 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/07467

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 8

ARRET DU 20 AVRIL 2023

(n° , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/07467 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCT2U

Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Septembre 2020 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 19/00054

APPELANTE

SOCIETE DE CONSEIL D’ASSISTANCE ET DE GESTION DES ECHANGES COMMERCIAUX (SCAGEC)

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Aïcha CONDE, avocat au barreau de PARIS, toque : E0023

INTIMÉE

Madame [Y] [L]

[Adresse 2]

[Adresse 2] (MAROC)

Représentée par Me Houda MARFOQ, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Nathalie FRENOY, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Nathalie FRENOY, présidente

Madame Nicolette GUILLAUME, présidente

Madame Emmanuelle DEMAZIERE, vice-présidente placée

Greffier, lors des débats : Mme Nolwenn CADIOU

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

– signé par Madame Nathalie FRENOY, présidente et par Madame Nolwenn CADIOU, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [Y] [L], qui avait déjà été mise à disposition de l’Office du Tourisme d’Afrique du Sud par la société Imag’in, a fait l’objet d’une déclaration préalable à l’embauche établie le 27 novembre 2017 par la Société de Conseil, d’Assistance et de Gestion des Echanges Commerciaux (SCAGEC) en vue d’un poste d’assistante administrative à compter du 1er janvier 2018.

Madame [L], qui a travaillé du 1er janvier 2018 au 20 février 2018 au sein de l’Office du Tourisme d’Afrique du Sud, soutient avoir été engagée par la SCAGEC, alors que cette dernière affirme que ce recrutement, conditionné à la régularisation de la situation administrative de l’intéressée dont le titre de séjour expirait le 1er janvier 2018, n’ a pas eu lieu, faute d’autorisation de travail délivrée.

Affirmant n’avoir jamais obtenu de salaire pour le travail effectué, Madame [L] a saisi le 4 janvier 2019 le conseil de prud’hommes de Paris pour obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Par jugement rendu le 25 septembre 2020, notifié aux parties par lettre du 5 octobre 2020, le conseil de prud’hommes de Paris :

-s’est déclaré compétent territorialement,

-a dit qu’un contrat à durée déterminée de 6 mois liait les parties,

-a condamné la Société de Conseil, d’Assistance et de Gestion des Echanges Commerciaux à payer à Madame [L] les sommes suivantes :

-4 440 euros à titre de rappel de salaire,

-11 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture anticipée du CDD,

-a ordonné la remise des documents sociaux conformes au jugement,

-a ordonné l’exécution provisoire de la décision en application de l’article 515 du code de procédure civile,

-a condamné la société à payer à Madame [L] 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

-a débouté Madame [L] du surplus de sa demande,

-a débouté la société de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

-a condamné la Société de Conseil, d’Assistance et de Gestion des Echanges Commerciaux aux entiers dépens.

Par déclaration du 5 novembre 2020, la société de Conseil, d’Assistance et de Gestion des Echanges Commerciaux a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 15 mars 2021, la SCAGEC demande à la cour de :

-la recevoir en son appel,

-l’y déclarer bien fondée,

statuant à nouveau

-infirmer le jugement querellé,

statuant à nouveau

-débouter Madame [L] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

-de recevoir la concluante en sa demande reconventionnelle,

ce faisant :

-condamner Madame [L] à lui verser la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

-condamner Madame [L] à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique au greffe le 27 avril 2021, Madame [L] demande à la cour de :

à titre principal :

-rejeter les moyens et demandes formées par la Société de Conseil, d’Assistance et de Gestion des Echanges Commerciaux,

-infirmer le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a rejeté la requalification du contrat de travail en contrat de travail à durée indéterminée, et en ce qu’il a rejeté la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail,

-constater l’existence d’un contrat de travail entre la Société de Conseil, d’Assistance et de Gestion des Echanges Commerciaux et Madame [L],

-juger que ce contrat de travail est à durée indéterminée,

-prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail entre Madame [L] et la

Société de Conseil, d’Assistance et de Gestion des Echanges Commerciaux,

en conséquence

-condamner la Société de Conseil, d’Assistance et de Gestion des Echanges Commerciaux à verser à Madame [L] la somme de 56 980 euros au titre des arriérés de salaires dus sur la période du 1er janvier 2018 au 20 février 2018 et du 20 février 2018 à octobre 2019,

-condamner la Société de Conseil, d’Assistance et de Gestion des Echanges Commerciaux à indemniser le préjudice subi de Madame [L] à hauteur de 15 000 euros au titre de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse et correspondant à sa perte de chance d’être régularisée par la Préfecture et son préjudice moral,

-condamner la Société de Conseil, d’Assistance et de Gestion des Echanges Commerciaux à verser à Madame [L] la somme de 1184,92 euros au titre de son indemnité de licenciement,

-condamner la Société de Conseil, d’Assistance et de Gestion des Echanges Commerciaux à verser à Madame [L] la somme de 2 590 euros au titre de son indemnité compensatrice de congés payés,

-condamner la société SCAGEC à verser à Madame [L], la somme de 259 euros correspondant respectivement à l’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis;

-condamner la Société de Conseil,d’Assistance et de Gestion des Echanges Commerciaux à verser à Madame [L] la somme de 5 698 euros au titre des congés payés sur arriérés de salaires,

-condamner la Société de Conseil, d’Assistance et de Gestion des Echanges Commerciaux à verser à Madame [L] l’allocation forfaitaire pour travail dissimulé à hauteur de 6 mois de salaires : 15 540 euros,

-enjoindre à la Société de Conseil, d’Assistance et de Gestion des Echanges Commerciaux de verser à Madame [L] les bulletins de salaires sur la période du 1er janvier 2018 au 8 octobre 2019 et son certificat de travail sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du jugement à venir,

à titre subsidiaire :

-confimer le jugement du conseil de prud’hommes de Paris en ce qu’il a jugé que le

contrat liant les parties était un contrat à durée déterminée et confirmer l’ensemble des

condamnations prises par le conseil de prud’hommes à l’encontre de la Société de Conseil, d’Assistance et de Gestion des Echanges Commerciaux,

en conséquence,

-condamner la Société de Conseil, d’Assistance et de Gestion des Echanges Commerciaux à verser à Madame [L] la somme de 4 440 euros correspondant aux arriérés de salaires que celle-ci aurait dû percevoir au terme des deux premiers mois du CDD et donc de sa période de travail effective du 1er janvier 2018 au 20 février 2018,

-condamner la Société de Conseil, d’Assistance et de Gestion des Echanges Commerciaux à verser la somme de 11 100 euros correspondant au reste des salaires que celle-ci aurait pu percevoir si le contrat à durée déterminée avait été mené à son terme sans la rupture,

en toute hypothèse :

-condamner la Société de Conseil, d’Assistance et de Gestion des Echanges Commerciaux à verser à Madame [L] la somme de 3 600 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de condamner la Société de Conseil, d’Assistance et de Gestion des Echanges Commerciaux aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 3 janvier 2023 et l’audience de plaidoiries a été fixée au 14 mars 2023.

Il convient de se reporter aux énonciations de la décision déférée pour plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure, ainsi qu’aux conclusions susvisées pour l’exposé des moyens des parties devant la cour.

MOTIFS DE L’ARRET

Sur l’existence d’une relation salariale :

Contestant toute relation salariale – malgré le projet monté à la demande de M. [N], représentant l’Office du Tourisme de l’Afrique du Sud, qui l’a conduite à faire une DPAE et à renseigner une demande d’autorisation de travail -, la Société de Conseil, d’Assistance et de Gestion des Echanges Commerciaux soutient que ni les échanges WhatsApp, ni les mails produits par son adversaire ne permettent d’établir qu’un contrat de mise à disposition ait été effectif à compter du 1er janvier 2018, relevant qu’il n’y a aucun échange avec le gérant de la société et que Madame [L], pourtant convoquée par la Préfecture, n’a pas obtenu de titre de séjour.

L’intimée, qui reproche à la société appelante de ne pas avoir effectué de démarches auprès de la Préfecture pour l’obtention de l’autorisation de travail, produit diverses discussions entre M. [C] [N], responsable de la mission, et elle-même concernant le travail qu’elle fournissait dans l’intérêt de la société SCAGEC et soutient que cette dernière en tant qu’employeur, la mettait ainsi à disposition de l’Office de Tourisme d’Afrique du Sud à qui elle facturait la prestation. Selon elle, n’ayant jamais signé de contrat de travail, la relation devrait être requalifiée en contrat à durée indéterminée à compter du 1er janvier 2018.

A titre subsidiaire, elle invoque un contrat à durée déterminée.

Les parties s’accordent sur l’absence de contrat de travail signé par elles, mais aussi sur une prestation de travail effectuée au sein de l’Office du Tourisme d’Afrique du Sud du 2 janvier au 20 février 2018.

En l’état des éléments produits relativement à cette prestation de travail, à savoir la déclaration préalable à l’embauche du 24 novembre 2017 et la demande d’autorisation de travail adressée à la Préfecture par la société SCAGEC au sujet de Mme [L]

( l’attestation de l’expert-comptable mais aussi la convocation de la salariée peu après par l’administration rendant vaine sa contestation sur l’effectivité de l’envoi de ladite demande), il y a à tout le moins apparence de contrat, nonobstant l’absence de bulletin de salaire.

Dans ce cas, il appartient à celui qui invoque son caractère fictif d’en apporter la preuve.

La SCAGEC, société ayant pour activité l’assistance, le conseil et la représentation dans le cadre d’échanges commerciauxentre l’Europe et l’Afrique, invoque avoir été contactée par un représentant de l’Office du Tourisme de l’Afrique du Sud en France pour poursuivre sa collaboration avec une salariée, Madame [L],qui avait donné satisfaction depuis le mois de septembre 2017 mais pour laquelle la société Imag’in, son précédent employeur, ne souhaitait pas renouveler le contrat de mise à disposition.

Si son projet, défini dans la lettre adressée le 27 novembre 2017 à la Préfecture de police en vue d’obtenir une autorisation de travail pour Mme [L], consistait à mettre l’intéressée à disposition de l’Office du Tourisme d’Afrique du Sud au poste d’assistante administrative et marketing pour une durée de six mois, une fois sa situation administrative régularisée, force est de constater que sans attendre ladite régularisation administrative, une déclaration préalable à l’embauche pour une relation salariale à compter du 1er janvier 2018 a été établie et adressée à l’organisme concerné.

Il convient de relever que dans sa réponse au courriel du 2 janvier 2018 de Mme [L] questionnant sur son autorisation administrative de travail, ladite société a simplement indiqué ‘se rapprocher immédiatement de son cabinet comptable’, entendant la tenir au courant de la situation à venir, sans lui demander d’attendre avant de commencer à travailler, sans faire état de son projet contrarié, ni même émettre aucune contestation quant à la possibilité pour la salariée de fournir une prestation de travail au sein de l’Office du Tourisme d’Afrique du Sud.

Force est de constater en outre qu’à compter de cette date, aucune réserve n’a été émise quant à l’activité de la salariée – dont la société SCAGEC était informée -, qu’il en a été de même lors de la transmission le 8 janvier 2018 à Monsieur [N], représentant de l’Office du Tourisme, de différentes pièces administratives concernant Mme [L] (et notamment de son inscription URSSAF), et même lorsque le gérant de la société appelante dans son courriel du 31 janvier 2018 questionnait sur la situation administrative de la salariée, envisageant même l’absence d’autorisation de travail.

Il s’avère au contraire que par courriel du 3 janvier 2018, en réponse au courriel de Mme [L] relatif au ‘dossier de mise à disposition temporaire de personnel’, la Société de Conseil, d’Assistance et de Gestion des Echanges Commerciaux a adressé à l’Office du Tourisme d’Afrique du Sud sa facture et lui a rappelé le règlement à effectuer de la précédente transmise le 19 décembre 2017, que par courriel du 22 janvier 2018, elle lui a confirmé avoir envoyé ladite facture, la remerciant ‘par avance de (sa) diligence’.

Il ressort par ailleurs du courriel du 20 février 2018 de Monsieur [N] préconisant de cesser toute collaboration avec l’intimée ‘ jusqu’à nouvel ordre’, que ‘[Y] ne peut pas faire partie de l’équipe d’un point de vue fonctionnel. En effet nous ne la payons pas (Scagec). Ces deux derniers mois, Scagec a retiré son dossier de l’URSSAF’, que la Société de Conseil, d’Assistance et de Gestion des Echanges Commerciaux était en charge de payer les salaires de l’intimée, dans le cadre du contrat de mise à disposition.

Il convient de relever que ce n’est que le 5 mars 2018, c’est-à-dire après la relation de travail de l’espèce – achevée le 20 février 2018 – que la société SCAGEC a conditionné expressément l’embauche de Mme [L] à l’obtention d’un titre de séjour et de travail, indiquant même dans un courriel du 2 mars 2018 ‘je suis d’accord pour assurer l’embauche de Mme [Y] [L] comme je m’y suis engagé depuis plusieurs mois. Toutefois cela fait plusieurs fois que je te pose la même question à laquelle tu n’as jamais répondu. Avant tout, dis-moi si l’autorisation de travail et la carte de séjour de Mme [L] sont maintenant à jour  »

Il convient donc de constater l’existence d’une relation de travail entre Mme [L] et la Société de Conseil, d’Assistance et de Gestion des Echanges Commerciaux à compter du 2 janvier 2018.

Sur la durée du contrat de travail :

La SAGEC sollicite à titre subsidiaire l’infirmation du jugement de première instance qui a dit que la relation de travail était à durée déterminée.

La salariée sollicite que son contrat de travail soit requalifé en contrat à durée indéterminée, invoquant l’article L1245-1 dans sa version nouvelle applicable au litige, selon elle.

Selon l’article L. 1251-42 du code du travail , ‘lorsqu’une entreprise de travail temporaire met un salarié à la disposition d’une entreprise utilisatrice, ces entreprises concluent par écrit un contrat de mise à disposition, au plus tard dans les deux jours ouvrables suivant la mise à disposition.’

Comme les contrats à durée déterminée et conformément à l’article L1242-12 du code du travail, le contrat de l’espèce devait être établi par écrit et comporter notamment la définition précise de son motif.

Ce texte dispose qu’ ‘à défaut’, le contrat ‘est réputé conclu pour une durée indéterminée.’

De même , la signature du contrat de mise à disposition est une prescription d’ordre public dont l’omission entraîne la requalification en contrat de droit commun à durée indéterminée.

N’ayant pas été établi par écrit, le contrat de travail à durée déterminée de l’espèce est réputé conclu pour une durée indéterminée, sans que la SCAGEC ne puisse écarter la présomption légale ainsi instituée.

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail :

La Société de Conseil, d’Assistance et de Gestion des Echanges Commerciaux rappelle qu’aucun contrat de travail ne la lie à l’intimée, laquelle – prétendant avoir travaillé pendant deux mois sans être payée- n’a jamais jugé utile d’adresser le moindre mail ou message pour réclamer le paiement de sa rémunération.

Madame [L] soutient avoir travaillé deux mois sans être payée et sans que son employeur lui demande de cesser de travailler au regard de sa situation administrative qui ne pouvait être régularisée, faute pour ce dernier d’avoir fait les démarches nécessaires. Elle estime que ces manquements sont suffisamment graves pour solliciter la résiliation judiciaire de son contrat de travail.

S’il est établi qu’ à compter du 20 février 2018, l’Office du Tourisme d’Afrique du Sud a cessé de collaborer avec Madame [L], il n’est pas démontré de rupture du lien contractuel intervenue à l’initiative de la salariée, ni de son employeur.

La résiliation judiciaire, en raison du caractère synallagmatique du contrat, permet à l’une ou l’autre des parties au contrat de travail de demander au juge de prononcer sa rupture sans faire usage de son droit de résiliation unilatérale (démission pour le salarié, licenciement pour l’employeur).

Il convient de vérifier si les manquements invoqués par la salariée au soutien de sa demande de résiliation judiciaire sont imputables à la société SCAGEC et suffisamment graves pour la rendre responsable de la rupture du contrat.

En l’espèce, le premier grief fait par Madame [L] à la SCAGEC, tenant au non-paiement de la rémunération en échange de la prestation de travail, est démontré et d’ailleurs non contesté; ce manquement à une obligation pourtant fondamentale, car touchant à la finalité première du contrat de travail, s’avère suffisamment grave pour justifier la résiliation judiciaire sollicitée.

Sans même analyser les autres griefs, il y a donc lieu de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de Madame [L].

Sur les indemnités de rupture et rappels de salaire:

En l’état de cette résiliation judiciaire, la salariée est en droit d’obtenir les indemnités de rupture inhérentes à un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le formulaire de déclaration préalable à l’embauche mentionne un montant de 2 580 € au titre du salaire devant être contractualisé. Aucun élément versé aux débats ne permet de retenir un autre montant.

Selon l’article L1234-9 du code du travail dans sa version applicable au litige, ‘ le salarié titulaire d’un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu’il compte 8 mois d’ancienneté ininterrompus au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement.

Les modalités de calcul de cette indemnité sont fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait antérieurement à la rupture du contrat de travail.[…]’

En vertu de l’article R1234-2 du code du travail dans sa version applicable au litige, ‘l’indemnité de licenciement ne peut être inférieure aux montants suivants :

1° Un quart de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années jusqu’à dix ans ;

2° Un tiers de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années à partir de dix ans.’

La demande présentée par Mme [L] doit donc être accueillie telle qu’elle est chiffrée.

Relativement à l’indemnité compensatrice de préavis, par application des articles L1234-5 du code du travail dans sa version applicable au litige et 15 de la convention collective Syntec, il y a lieu de faire droit à la demande de la salariée, à hauteur du montant réclamé.

Il en va de même pour les congés payés y afférents.

En ce qui concerne le rappel de salaire, il convient d’accueillir la demande pour les mois de janvier et février 2018 – jusqu’au 20- , pendant lesquelles la preuve d’une prestation de travail est démontrée par les pièces produites.

En revanche, eu égard au courriel de Monsieur [N] en date du 20 février 2018 conseillant de ‘cesser toute collaboration avec [Y] jusqu’à nouvel ordre’, aucun élément n’est produit par la salariée – qui a constaté et déploré la situation dans son mail en réponse- permettant de vérifier qu’elle est restée à la disposition de son employeur à compter de cette date et ensuite ; en effet, aucun élément n’est produit démontrant qu’elle est ne serait-ce que demeurée en contact avec son employeur pour effectuer une prestation de travail.

Il convient donc de condamner la société SCAGEC à lui verser la somme de 4 422,86 € et de rejeter le surplus de la demande.

Enfin, s’agissant de l’indemnisation de la rupture, il y a lieu de rappeler que les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail, dans leur rédaction issue de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, qui permettent raisonnablement l’indemnisation de la perte injustifiée de l’emploi et assurent le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l’employeur, sont de nature à permettre le versement d’une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de la Convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail (OIT).

Il en résulte que les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de la Convention précitée et ce d’autant qu’en l’espèce, s’agissant d’une résiliation judiciaire équivalant à un licenciement sans cause réelle et sérieuse opéré dans une entreprise employant un effectif très réduit, et donc moins de onze salariés, les dispositions de l’article L 1235-3 du code du travail dans sa version applicable au litige ne fixent qu’une indemnité minimale.

Par application de ce texte et au vu des éléments de la cause, il convient de fixer à 4 000 € la juste réparation du préjudice subi par Mme [L] du fait de sa perte d’emploi.

Sur le travail dissimulé :

La société SCAGEC conteste tout travail dissimulé et conclut au rejet de la demande d’indemnité à ce titre.

L’intimée soutient que la société appelante a volontairement retiré sa DPAE, ce qui la plaçait dans une situation de travail dissimulé durant l’exercice de son activité professionnelle. De même jamais aucun bulletin de salaire n’a été versé à l’intimée pour les deux mois travaillés.

Selon l’article L8221-5 du code du travail ‘est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d’un bulletin de paie ou d’un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.’

L’article L8223-1 du code du travail dispose qu’ ‘en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.’

Il appartient au salarié d’apporter la preuve d’une omission intentionnelle de l’employeur.

En l’espèce, le simple courriel de Monsieur [N], de l’Office du Tourisme d’Afrique du Sud, informant le 20 février 2018 Mme [L] du retrait de la déclaration préalable à l’embauche la concernant ne saurait démontrer la réalité de cette démarche de la part de l’employeur.

Cependant, il est manifeste qu’en dépit de la déclaration préalable à l’embauche et de la demande d’autorisation de travail renseignée, la société SCAGEC a laissé Madame [L] travailler pour l’Office du Tourisme d’Afrique du Sud sans lui remettre de bulletin de salaire – alors qu’elle avait facturé la prestation – et en niant toute relation salariale à l’annonce de sa situation administrative non régularisée.

Ces éléments permettent de caractériser la volonté de dissimulation de la Société de Conseil, d’Assistance et de Gestion des Echanges Commerciaux et conduisent à accueillir la demande d’indemnité à hauteur de 15 480 €.

Le jugement de première instance doit donc être infirmé de ce chef.

Sur la remise de documents :

La remise d’un certificat de travail et d’un bulletin de salaire rectificatif conformes à la teneur du présent arrêt s’impose sans qu’il y ait lieu de prévoir une astreinte, aucun élément laissant craindre une résistance de la Société de Conseil, d’Assistance et de Gestion des Echanges Commerciaux n’étant versé au débat.

Sur la procédure abusive :

L’exercice d’une action en justice ou d’un recours constitue en son principe un droit qui ne dégénère en abus pouvant donner lieu à dommages-intérêts que s’il caractérise un acte de mauvaise foi ou de malice ou une erreur grossière équipollente au dol.

En l’absence de démonstration de la mauvaise foi, de la malice ou tout autre abus de la part de la salariée et eu égard à la teneur du présent arrêt, la demande de dommages-intérêts présentée par la Société de Conseil, d’Assistance et de Gestion des Echanges Commerciaux pour procédure abusive doit être rejetée.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

L’employeur, qui succombe, doit être tenu aux dépens de première instance, par confirmation du jugement entrepris, et d’appel.

L’équité commande de confirmer le jugement de première instance relativement auprès irrépétibles, de faire application de l’article 700 du code de procédure civile également en cause d’appel et d’allouer à ce titre la somme de 2 000 € à Madame [L].

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe à une date dont les parties ont été avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

INFIRME le jugement déféré, sauf en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

CONSTATE l’existence d’un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er janvier 2018 entre Madame [Y] [L] et la Société de Conseil, d’Assistance et de Gestion des Echanges Commerciaux,

PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de travail,

CONDAMNE la Société de Conseil, d’Assistance et de Gestion des Echanges Commerciaux à payer à Mme [L] les sommes de :

– 4 422,86 € à titre de rappel de salaire,

– 442,28 € au titre des congés payés y afférents,

– 2 590 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 259 € au titre des congés payés y afférents,

– 1 184,92 € à titre d’indemnité de licenciement,

– 4 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 15 480 € à titre d’indemnité pour travail dissimulé,

– 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

ORDONNE la remise par la Société de Conseil, d’Assistance et de Gestion des Echanges Commerciaux à Madame [L] d’un certificat de travail et d’un bulletin de salaire récapitulatif conformes à la teneur du présent arrêt, au plus tard dans le mois suivant son prononcé,

REJETTE les autres demandes des parties,

CONDAMNE la Société de Conseil, d’Assistance et de Gestion des Echanges Commerciaux aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

 


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