QARRET
N°
S.A.R.L. GROUPE [U]
C/
[D]
le 02 mars 2023
à
Me Simon
Me Bourhis
CPW/MR/IL
COUR D’APPEL D’AMIENS
5EME CHAMBRE PRUD’HOMALE
ARRET DU 02 MARS 2023
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N° RG 22/00697 – N° Portalis DBV4-V-B7G-ILEI
JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE BEAUVAIS DU 20 JANVIER 2022 (référence dossier N° RG F19/00283)
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
S.A.R.L. GROUPE [U] agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège :
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée et concluant par Me Murielle SIMON, avocat au barreau de BEAUVAIS
ET :
INTIMEE
Madame [Y] [D]
née le 23 Octobre 1974 à [Localité 2]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée et concluant par Me Yann BOURHIS de la SCP BOURHIS ET ASSOCIES, avocat au barreau de BEAUVAIS substitué par Me ETTORI
DEBATS :
A l’audience publique du 12 janvier 2023, devant Mme Caroline PACHTER-WALD, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, l’affaire a été appelée.
Mme Caroline PACHTER-WALD indique que l’arrêt sera prononcé le 02 mars 2023 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Malika RABHI
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme Caroline PACHTER-WALD en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :
Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,
Mme Corinne BOULOGNE, présidente de chambre,
Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,
qui en a délibéré conformément à la Loi.
PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :
Le 02 mars 2023, l’arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Caroline PACHTER-WALD, Présidente de Chambre et Mme Malika RABHI, Greffière.
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DECISION :
Le 27 juin 2017, Pôle emploi, Mme [D] et la société Groupe [U] ont conclu un contrat de mise en situation de quinze jours, au terme duquel, suivant contrat de travail à durée indéterminée du 17 juillet 2017, Mme [D] a été embauché par la société en qualité de responsable des ressources humaines indice III-3-1 coefficient 400.
La convention collective applicable est celle du personnel des bureaux techniques des cabinets d’ingénieurs conseils et des sociétés de conseil (SYNTEC). L’effectif de la société est de moins de 11 salariés.
A compter du 9 avril 2019, la salariée a été placée en arrêt de travail de droit commun.
Le 6 mai 2019 Mme [D] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, prévu le 22 mai 2019, avec mise à pied conservatoire, reporté au 5 juin suivant par lettre du 17 mai 2019. Son licenciement pour cause réelle et sérieuselui a été notifié le 12 juin 2019, par lettre ainsi libellée:
« (…) nous sommes au regret de vous notifier votre licenciement pour cause réelle et sérieuse pour les motifs suivants: non respect des échéances de déclaration des effectifs à la médecine du travail sur P’op’éclair et A3 services depuis le 01/01/2019, dossiers de mutuelle obligatoire de 10 salariés non à jour sur Prop’éclair, erreur sur les accords de congés d’une salariée sur Prop’éclair, congés des salariés A3 services non soldés au 31/12/2018 suite à l’arrêt de la modulation, erreur dans le calcul des majorations de paie d’une salariée sur Prop’éclair. Embauche d’un salarié étranger qui n’avait pas de titre de séjour autorisant son travail sur le territoire français, verrouillage de certains fichiers que vous avez élaborés ne permettant pas leur exploitation, modification du cahier des charges de nos demandes initiales au prestataire ID logique pour le paramétrages de la paie sur le nouveau logiciel, ce qui a établi une relation conflictuelle avec ce prestataire, ce qui a également chamboulé tout le paramétrages du logiciel Pégase. Votre insuffisance, votre manque de professionnalisme ainsi que votre insubordination dans votre courrier du 23 avril 2019 envers votre dirigeant sont inacceptables. »
Le 13 décembre 2019, Mme [D] a saisi le conseil de prud’hommes de Beauvais, qui par jugement du 20 janvier 2022 a :
débouté la salariée de ses demandes au titre du harcèlement moral, du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat et d’heures supplémentaires ;
dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
condamné la société Groupe [U] à payer à Mme [D]:
– 1 723,43 euros à titre de rappel de salaire sur la mise à pied à titre conservatoire, outre 172,34 euros au titre des congés payés afférents,
– 3 584,20 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 358,42 euros au titre des congés payés afférents,
– 4 040 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour remise tardive d’une attestation Pôle emploi conforme ;
– 270,60 euros au titre des indemnités de prévoyance après régularisation du taux d’indemnisation pour la période du 8 juillet 2019 au 30 septembre 2020,
– 737,41 euros au titre du non reversement des indemnités de prévoyance perçues par la société pour la période du 9 juillet au 13 août 2019,
– 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
ordonné la remise par la société des bulletins de paie, d’un certificat de travail et d’une attestation Pôle Emploi conformes à la décision, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
débouté la société Groupe [U] et Mme [D] du surplus de leurs demandes;
condamné la société Groupe [U] aux dépens.
Le 15 février 2022, société Groupe [U] a interjeté appel partiel de ce jugement dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas discutées par les parties.
Vu les dernières écritures notifiées par la voie électronique le 5 décembre 2022, dans lesquelles société Groupe [U] demande à la cour confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu’il a dit le licenciement de Mme [D] sans cause réelle et sérieuse et en ce qu’il a condamné la société à payer à la salariée diverses sommes, ordonné à la société la remise de documents sous astreintes et condamné la société aux dépens, et de :
– débouter Mme [D] de l’ensemble de ses demandes,
– condamner la salariée à lui payer 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
Vu les dernières écritures notifiées par la voie électronique le 19 décembre 2022, dans lesquelles Mme [D] demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société à lui payer diverses sommes à l’exception des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse dont elle conteste le montant, de l’infirmer en ce qu’il a dit ses demandes partiellement fondées, dit son licenciement sans cause réelle et sérieuse et a limité la condamnation de la société au paiement de 4 040 euros à titre de dommages et intérêts et de :
– juger qu’elle a été victime d’agissements constitutifs de harcèlement moral et en conséquence juger son licenciement nul, ou subsidiairement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
– condamner la société à lui payer les sommes suivantes :
29 196,07 euros au titre des heures supplémentaires pour les années 2017, 2018 et 2019, outre 2 919,60 euros au titre des congés payés afférents,
25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ou subsidiairement sans cause réelle et sérieuse,
15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l’obligation de sécurité,
127,20 euros au titre des indemnités de prévoyances après régularisation du taux d’indemnisation pour la période du 1er octobre 2019 au 30 avril 2021,
3 900,70 euros à titre de dommages et intérêts compensatoires de prévoyance pour la période du 8 juillet 2019 au 13 janvier 2020 ;
– débouter la société de toutes ses demandes, et la condamner à lui payer 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens d’appel.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 28 décembre 2022.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé aux dernières conclusions susvisées.
MOTIFS
1. Sur l’exécution du contrat de travail
1.1. Sur les heures supplémentaires
Mme [D] fait valoir qu’elle a réalisé des journées de travail en moyenne de 10h par jour et donc bien au-delà de la durée légale contractuellement définie, travaillant régulièrement en soirée et en week-end alors que son horaire journalier devait se terminer à 18h. A ce titre, elle se prévaut de tableaux reprenant les heures de travail réalisées chaque semaine ainsi que des relevés de connexion au serveur de la société. Elle affirme, enfin, que son activité intense n’est pas sérieusement contestée par son employeur et qu’elle justifie de la réalité des heures supplémentaires.
La société Groupe [U] soutient que les éléments fournis par la salariée ne sont pas suffisamment précis quant aux heures effectivement réalisées et repris à travers un document qu’elle s’est établi à elle-même. Elle ajoute que ce document ne présente aucun visa de l’employeur, se contente de reprendre les heures d’ouverture et de fermeture, et ne comporte aucun détail précis lui permettant d’y répondre.
Sur ce,
Aux termes de l’article L.3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l’article L.3171-3 du même code, l’employeur tient à la disposition des membres compétents de l’inspection du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
Enfin, selon l’article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires , il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
En l’espèce, le contrat de travail de Mme [D] prévoit une durée hebdomadaire de travail de 35 heures. L’étude des bulletins de paie de la salariée permet d’établir une base mensuelle de salaire pour 151,67 heures, confirmant une durée hebdomadaire de travail contractuelle rémunérée de 35 heures.
La salariée, qui soutient avoir réalisé 1 414,51 heures supplémentaires entre 2017 et 2019 (533,09 heures supplémentaires au taux majoré de 25%, 474,61 heures supplémentaires au taux majoré de 50%, 406,81 heures supplémentaires réalisées un dimanche ou un jour férié au taux majoré de 100%), verse à l’appui de sa demande :
– des tableaux récapitulatifs mensuels du mois de juillet 2017 au mois d’avril 2019 indiquant les heures de travail réalisées chaque jour, week-ends compris, distinguant celles effectuées sur son lieu de travail et à distance, ainsi qu’un décompte hebdomadaire ;
– pour la même période, des journaux de connexion à distance et une synthèse de ses connexions à distance au serveur de la société et des courriels traités à cette occasion ;
– ses bulletins de salaire ne laissant apparaître aucun paiement d’heures supplémentaires ;
– et un rapport d’activité reprenant les tâches précises réalisées sur certaines journées de travail.
Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre. La prétention de la salariée étant ainsi étayée, il appartient donc à l’employeur de se conformer à son obligation de fournir les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par la salariée.
Pour contester les affirmations de la salariée, la société Groupe [U] ne produit pas le moindre document permettant d’établir la réalité des horaires effectivement travaillés par Mme [D], en l’absence de mise en place au sein de l’entreprise d’un décompte des horaires de travail notamment par un système d’enregistrement automatique et n’allègue ni ne justifie lui avoir réglé les heures supplémentaires réclamées.
Au vu du décompte produit, auquel il ne peut être fait droit intégralement, dans la mesure où il apparaît que la salariée a procédé à un calcul des heures supplémentaires pour les semaines 18, 19 et 52 de l’année 2018 sans lien avec la durée légale de travail au regard du total d’heures indiqué alors encore qu’elle tient compte d’un temps de présence sur site non établi des jours où elle était en congé notamment la semaine 52 de l’année 2018, et après imputation des temps de pause que la salariée a nécessairement pris au cours de ces journées de travail à distance et qu’elle ne retire pas au regard des pièces transmises, il convient en conséquence d’allouer à la salariée la somme de 26 253,18 euros à titre de rappel de salaires, outre les congés payés afférents.
Le jugement sera de ce chef infirmé.
1.2. Sur le harcèlement moral
Mme [D] soutient en substance avoir subi une souffrance au travail et une grave dégradation de ses conditions de travail en raison d’une surcharge démontrée par le rapport d’activité rédigé le 29 janvier 2019 mettant en lumière la réalisation de nombreuses tâches annexes étrangères à ses fonctions. Elle précise que, dans ce contexte de surcharge de travail, M. [U], le dirigeant de la société, ainsi que Mme [K], n’ont eu de cesse de dénigrer, rabaisser et dévaloriser son travail par l’organisation d’un pseudo conseil de discipline, des recadrages récurrents, sa mise à l’écart des recrutements, une contestation systématique de ses décisions, le retrait de ses accès informatiques, le changement de ses horaires de travail et la relégation dans une pièce sans fenêtre. Elle ajoute que ces agissements ont entrainé une dégradation de son état de santé physique et psychique démontrée par les documents médicaux versés aux débats.
La société Groupe [U] réplique en substance que Mme [D] n’établit pas la matérialité et la réalité de faits précis concordants et répétés au soutien de ses allégations de harcèlement moral. A ce titre, elle affirme que si la salariée prétend avoir été initialement installée dans un bureau spacieux et lumineux avant d’être reléguée dans un petit bureau sans fenêtre, ce choix de l’employeur se justifiait en raison du regroupement du service exploitation et de la demande de changement de Mme [D] elle-même, alors que la salariée a d’ailleurs ensuite systématiquement refusé les propositions tendant à reprendre sa place dans son bureau initial. Par ailleurs, la société indique que les différents départs de salariés n’ont pas affecté la charge de travail de Mme [D] dont l’augmentation alléguée n’est pas prouvée. Elle affirme que la salariée n’établit pas que ses fonctions principales seraient devenues difficilement réalisables, que l’accueil téléphonique et physique des salariés faisait partie des fonctions du service des ressources humaines, et que la réception de paniers de linge relevait d’une tâche très accessoire. S’agissant de la relation de travail que la salariée entretenait avec M. [U], le dirigeant, elle soutient que celle-ci se déroulait dans le cadre normal du pouvoir de direction, les échanges de courriels dont se prévaut la salariée consistant uniquement en des remarques et des consignes sur la manière dont les tâches devaient être exécutées. Elle ajoute que ne constitue pas non plus des agissements de harcèlement moral le fait de demander par messages les codes d’accès des fichiers de l’entreprise. Enfin, elle indique que les documents médicaux constatant l’existence d’un syndrome anxio-dépressif au préjudice de Mme [D] n’établissent aucun lien avec le travail et que la demande de reconnaissance de cette pathologie au titre de la législation professionnelle a fait l’objet d’une décision de rejet par la Caisse d’assurance maladie.
Sur ce,
Selon l’article L.1l52-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en ‘uvre par l’employeur ou un supérieur hiérarchique dès lors qu’elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d’entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En vertu de l’article L.1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L.1152-1 à L.1152-3 et L.1153-1 à L.1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié soumet au juge des éléments qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Il résulte de ces dispositions que pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Il résulte enfin des articles L.1152-1, L.4121-1 et L.4121-2 du même code que ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, notamment en matière de harcèlement moral, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail et qui, informé de l’existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, a pris les mesures immédiates propres à le faire cesser.
En l’espèce, la salariée reproche à l’employeur un harcèlement moral résultant d’une surcharge de travail du fait de la réalisation de nombreuses tâches annexes étrangères à ses fonctions, et résultant également des agissements répétés suivant : des pressions de la part de l’employeur, la dévaloration systématique de son travail et le dénigrement se manifestant notamment par l’organisation d’un pseudo conseil de discipline et des recadrages récurrents, sa mise à l’écart des recrutements, une contestation systématique de ses décisions par l’employeur, le retrait de ses accès informatiques, mais encore le changement de ses horaires de travail et la relégation dans une pièce sans fenêtre.
Elle ajoute que ces agissements répétés ont eu pour conséquence d’altérer son état de santé.
A l’appui de ses allégations, la salariée verse aux débats en particulier les éléments pertinents suivant :
– un courriel de M. [U] du 2 janvier 2018 adressé à plusieurs de ses salariés, dont Mme [D] qui, même si elle ne semble pas directement visée par certaines critiques, peut légitimement avoir ressenti une pression anormale à sa lecture puisqu’il en ressort que le directeur y exprime son « grand regret » de ne pas disposer de collaborateurs qui « tiennent la route », « motivés », comprenant « la vision et la stratégie du changement », avant de poursuivre qu’il avait besoin de « locomotives car les wagons dans le staff ne servent à rien » ;
– un courriel que M. [U] lui adressé le 7 juillet 2018 mettant directement en cause son initiative sur la gestion des paies ;
– un courriel que M. [U] lui a adressé le 10 octobre 2018 par lequel il lui a exprimé son exaspération quant à son organisation de travail, au constat de la voir « noyée » sans en comprendre la raison, et à l’issue duquel il lui « impose » de « pondre » une nouvelle organisation pour le bon fonctionnement de l’entreprise ;
– un rapport non-daté de Mme [K], responsable du service exploitation, adressé à M. [U], reprochant notamment à Mme [D] un dysfonctionnement dans la communication entre leurs services, ou encore « l’absence de vision globale » dans le fonctionnement de son service ;
– un courriel de Mme [K] daté du 12 mars 2019 lui demandant, en substance, d’assurer ses tâches de travail durant son absence ;
– des échanges de courriels et des copies d’écran pour la période de janvier à février 2019 dont il ressort que la salariée s’est vue opposer sans raison apparente un refus d’accès au dossier commun de plusieurs sociétés, des dossiers « scan » et « fax », et du logiciel de paie qu’elle utilisait pourtant habituellement ;
– les messages échangés avec M. [U] le 9 avril 2019 faisant suite à son malaise survenu le matin même et dont elle venait de l’informer, dont il ressort qu’il lui a d’abord répondu sur un ton inapproprié « tu es enceinte [Y]. Non je plaisante », avant de poursuivre le même jour, une fois informé par l’intéressée de son placement en arrêt de travail, par l’envoi d’un message sollicitant des informations sur l’état d’avancement de son travail avant son arrêt, puis par l’envoi toujours le même jour de plusieurs messages pour solliciter une conversation téléphonique de manière insistante et inadaptée au vu de l’état de santé de la salariée dont il était informé et alors même qu’elle lui avait confirmé que la réalisation des payes était à jour ;
– un historique d’appels permettant d’observer qu’en dépit de son arrêt de travail, M. [U] a encore appelé la salariée à 6 reprises entre le 9 et le 15 avril 2019, ces appels insistants alors que la salariée était en arrêt de travail ayant été immédiatement suivis d’une lettre recommandée avec avis de réception du conseil de la société Groupe [U] datée du 16 avril 2019 la mettant en demeure de fournir les codes d’accès des fichiers de l’entreprise ;
– une lettre du 11 juillet 2019 signée par M. [U] qui, en réponse au courrier de la salariée du 25 juin 2019 relatif au paiement du préavis et des heures supplémentaires, reprend les griefs exposés dans la lettre de licenciement en y ajoutant qu’en dépit de « nombreux rappels oraux » elle avait « créé un fossé entre les agents d’entretien et la direction », qu’elle n’avait « aucune vision globale de l’entreprise », qu’elle avait été « incapable de tenir son poste », et que « sa lenteur » ne lui avait pas permis de réaliser correctement ses missions ;
– des photographies du bureau qu’elle occupait à son arrivée dans l’entreprise et de celui dans lequel elle a été transférée au cours de la relation de travail qui, moins spacieux, est dépourvu de fenêtre.
En outre, au regard des pièces qu’elle produit (notamment le courriel de Mme [K] du 12 mars 2019) la salariée a assuré un certain nombre de tâches étrangères aux fonctions décrites par sa fiche de poste.
Il a encore été retenu dans les développements qui précèdent qu’elle s’est ainsi trouvée contrainte de réaliser un nombre d’heures de travail conséquent.
Il est également versé aux débats un avis d’arrêt de travail de la salariée à compter du 9 avril 2019 motivé par le constat d’un syndrome anxio-dépressif, plusieurs avis de prolongation jusqu’au 7 décembre 2019, ainsi qu’une attestation du 21 mai 2019 rédigée par son médecin traitant dont il ressort que le syndrome dont elle est atteinte est réactionnel au travail. Elle produit encore une lettre de Mme [V], psychologue clinicienne dont il ressort qu’elle indique au médecin du travail qu’elle a comme convenu reçu la salariée dans le cadre d’une évaluation de la souffrance au travail, qu’elle a observé un envahissement de la problématique du travail dans la sphère privée et que la salariée a développé de nombreux signes de burn out qu’elle décrit, que Mme [D] prend des antidépresseurs et des anxiolytiques depuis son arrêt maladie initial et va continuer les séances. Si l’ensemble de ces éléments témoignent indiscutablement de l’altération de l’état de santé de Mme [D], il sera néanmoins précisé que le témoignage du médecin traitant quant à un lien entre l’état de santé de sa patiente et ses conditions de travail sans, à l’évidence, pouvoir témoigner de faits réels personnellement constatés, ne sera pas retenu sur ce seul point.
La salariée présente ainsi des éléments de fait qui, pris dans leur ensemble, sont de nature à laisser supposer l’existence d’une situation de harcèlement moral en présence de laquelle l’employeur se doit d’établir que les comportements et faits qui lui sont reprochés étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral.
L’existence de difficultés relationnelles entre Mme [D] et certains salariés telles qu’exposées par l’employeur, même à les considérer démontrées, ne peuvent raisonnablement constituer des éléments objectifs permettant de justifier les éléments ci-dessus et d’écarter l’existence d’un harcèlement moral.
Pour le reste, la société se borne à contester tout fait de harcèlement sans pour autant démontrer que les agissements à l’égard de Mme [D] seraient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral.
Il apparaît au contraire que la société ne justifie pas avoir mis en oeuvre les mesures de prévention prévues par les articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail et notamment celles permettant d’adapter le travail à l’homme en particulier en ce qui concerne les méthodes de travail et de production.
La cour relève ainsi notamment que la société Groupe [U], qui ne produit pas d’éléments permettant une critique utile ceux de la salariée quant à l’existence d’une surcharge de travail, n’apporte sur ce point aucune explication pertinente. La société ne justifie pas non plus par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral les raisons de la pression anormale exercée sur la salariée, appuyée régulièrement par des critiques sur les capacités professionnelles de la salariée au demeurant injustifiées au regard des pièces communiquées, critiques qui se trouvaient même parfois ponctuées de propos inappropriés et humiliants. Ces agissements de l’employeur ne sauraient s’inscrire dans le cadre d’un usage normal du pouvoir de direction comme le prétend sans preuve l’employeur.
L’employeur ne prouve pas non plus que, comme il le prétend, l’installation de Mme [D] dans un bureau moins spacieux et sans fenêtre relevait de sa propre initiative et qu’elle aurait opposé un refus pour un retour dans son bureau initial.
S’agissant des difficultés d’accès de la salariée aux dossiers informatiques communs des sociétés pour lesquelles elle exerçait, dont certains apparaissent essentiels pour l’accomplissement de ses missions, l’employeur n’a pas entendu apporter d’explication sur les raisons pour lesquelles l’accès ne lui était pas autorisé.
Enfin, l’employeur s’abstient d’apporter des observations sur la nécessité, et notamment l’urgence, d’obtenir les codes d’accès de certains fichiers informatiques dès le premier jour d’arrêt de travail de Mme [D] et de procéder à une mise en demeure par l’intermédiaire de son avocat, alors même qu’il avait été informé tant de l’état de santé fragile de la salariée que du fait que l’ensemble des payes du mois avaient bien été traitées. De plus, l’employeur qui ne présente qu’une capture d’écran dont il s’évince qu’un code d’accès était nécessaire pour ouvrir une simple fiche méthodologique sur l’absence des salariés, ne justifie pas de l’urgence de cette démarche.
Il résulte de l’ensemble de ces éléments que les méthodes de gestion mises en place au sein de la société, autoritaires, vexatoires et parfois même humiliantes ont ainsi imposé à Mme [D] une surcharge de travail par l’accomplissement d’heures supplémentaires non rémunérées et ont eu pour effet d’entraîner une dégradation de ses conditions de travail et de sa santé.
En conséquence, la cour retient que Mme [D] a été victime d’un harcèlement moral.
Mme [D] ayant subi un préjudice résultant des conséquences du harcèlement, la société Groupe [U] sera condamnée à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en application de l’article L.1152-1 du code du travail.
Le jugement sera donc infirmé sur ce point.
1.3. Sur le manquement à l’obligation de sécurité de résultat
Mme [D] formule une demande indemnitaire fondée sur le harcèlement moral dont elle a été victime, sans même évoquer l’existence d’un préjudice distinct.
L’employeur s’oppose à la demande qu’il estime injustifiée.
Sur ce,
Quand bien même le manquement de la société Groupe [U] à son obligation de sécurité serait démontré, Mme [D], dont le préjudice résultant des conséquences du harcèlement moral effectivement subi est entièrement réparé par la somme indiquée ci-dessus, ne justifie pas d’un préjudice distinct résultant de l’absence de prévention ou de mesure prise par l’entreprise.
En conséquence, la salariée doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts complémentaire, et le jugement déféré sera confirmé de ce chef.
2. Sur la nullité du licenciement
Mme [D] sollicite de la cour qu’elle juge son licenciement nul en raison du harcèlement moral qu’elle a subi. Elle ajoute que sa surcharge de travail pouvait expliquer les erreurs ayant le cas échéant pu être commises.
En réponse, la société Groupe [U] soutient que les griefs retenus dans la lettre de licenciement sont parfaitement justifiés et que la salariée et ajoute que la salariée n’établit pas la réalité du harcèlement moral qu’elle prétend avoir subi.
Sur ce,
Selon l’article L. 1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.
Aux termes de l’article L.1152-3 du code du travail, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L.1152-1 et L.1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.
Pour décider que le licenciement est nul en application de ce texte, il appartient aux juges du fond d’apprécier souverainement l’existence d’un lien de causalité entre les agissements de harcèlement moral et le licenciement.
En l’espèce, la cour a retenu que Mme [D] a été victime d’un harcèlement moral au cours de la relation de travail ayant persisté jusqu’à son licenciement, caractérisé notamment par une surcharge de travail et des pressions excessives exercées par l’employeur sur sa salariée y compris pendant son arrêt de travail qui s’est poursuivi jusqu’au licenciement qui ont nécessairement pu conduire la salariée à commettre des erreurs. Dès lors, le licenciement au motif d’erreurs commises par la salariée dans l’exercice de ses fonctions intervenu dans ce contexte apparaît indiscutablement en lien avec le harcèlement moral, de sorte qu’il est nul. Il s’ajoute que l’insubordination également reprochée concerne la réponse de Mme [D] à l’employeur dans son courrier du 23 avril 2019 intervenu alors qu’elle était en arrêt maladie et avait répondu aux multiples interpellations de l’employeur dès son premier jour d’arrêt. Or, d’une part aucune insubordination ne résulte du courrier en cause, alors que d’autre part même à retenir la façon de répondre de la salariée inappropriée, elle serait en tout état de cause à mettre en lien avec le harcèlement moral subi y compris pendant son arrêt de travail alors que, dès le premier jour de celui-ci, l’employeur avait été informé de la fragilité de son état de santé et de son épuisement.
Par conséquent, le jugement sera réformé sur ce point également et sur le rejet des demandes financières subséquentes.
La société Groupe [U] soutient que la salariée n’établissant pas la réalité des faits de harcèlement moral qu’elle prétend avoir subis ne saurait, de surcroît, obtenir l’octroi d’une indemnité dépassant les barèmes prévus à l’article L.1235-3 du code du travail. Elle affirme que la salariée ne peut prétendre au paiement d’une indemnité compensatrice de préavis compte-tenu de son arrêt maladie concomitant et durant lequel elle percevait des indemnités journalières de l’assurance maladie. Elle ajoute que la salariée, en raison de son arrêt de travail pour maladie, ne saurait prospérer en sa demande tendant au paiement de salaire pendant la période de mise à pied à titre conservatoire et qui, de surcroît, est irrecevable en ce qu’elle relève d’une demande nouvelle.
Mme [D] réplique être bien fondée à solliciter l’infirmation du jugement déféré ayant limité à 4 040 euros la condamnation de son ancien employeur à titre de dommages et intérêts, et de la porter à 25 000 euros en raison de la nullité du licenciement prononcé à son encontre. Elle affirme pouvoir prétendre au paiement de l’indemnité compensatrice de préavis telle que prévue à l’article 15 de la convention collective applicable, peu important l’indemnisation perçue au titre des indemnités journalières de l’assurance maladie. Elle ajoute être en droit d’obtenir un rappel de salaire pour la période correspondant à sa mise pied conservatoire injustifiée.
Il résulte des dispositions de l’article L.1235-3-1 du code du travail qu’en cas de nullité du licenciement en raison de faits de harcèlement moral dans les conditions mentionnées aux articles L.1152-3 et L.1153-4, les barèmes prévus à l’article L.1235-3 du même code ne sont pas applicables et le salarié est en droit de percevoir une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
En application de l’article L.1234-5 du même code, le salarié ayant été dispensé d’exécuter son préavis est en droit de percevoir une indemnité compensatrice de préavis, peu important que celui-ci observait déjà un arrêt de travail pour maladie lors de la dispense d’exécution.
En l’espèce, la cour ayant retenu que le licenciement prononcé à l’encontre de Mme [D] est nul en ce qu’il est fondé sur des faits constitutifs du harcèlement moral, la salariée est en droit de percevoir des dommages et intérêts en application de l’article L.1235-3-1 du code du travail.
Compte-tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à la salariée, de son âge, de son ancienneté dans l’entreprise et de l’effectif de celle-ci, la cour dispose des éléments nécessaires pour fixer à 13 306,37 euros les dommages et intérêts destinés à réparer le préjudice résultant pour Mme [D] du licenciement nul.
Par ailleurs, il ressort de la lettre de licenciement du 12 juin 2019 que l’employeur a expressément dispensé la salariée d’exécuter son préavis. Ainsi, peu important que Mme [D] se trouvait alors en arrêt de travail indemnisé, son employeur était tenu de lui payer une indemnité compensatrice de préavis qui, compte-tenu des dispositions conventionnelles prévues à l’article 15 de la convention collective Syntec et de son coefficient hiérarchique, correspond à deux mois de salaires.
Le montant exactement retenu par le conseil n’étant pas spécifiquement contesté par l’employeur, la société Groupe [U] sera, par confirmation de la décision déférée, condamnée à payer à Mme [D] une indemnité compensatrice de préavis s’élevant à la somme de 3 584,20 euros, outre 358,42 euros au titre des congés payés afférents.
Enfin, s’agissant de la demande de la salariée tendant au paiement du salaire pour la période de mise à pied conservatoire, l’employeur ne peut sérieusement soutenir qu’elle est irrecevable car nouvelle, la lecture du jugement entrepris permettant de vérifier que les premiers juges avaient été régulièrement saisis de cette demande.
Mme [D] est donc fondée à réclamer le paiement de la somme de 1 723,43 euros à titre de rappel de salaire sur la mise à pied à titre conservatoire, outre 172,34 euros au titre des congés payés afférents le paiement de son salaire pour la période de mise à pied conservatoire, peu important son arrêt de travail indemnisé concomitant. Le jugement entrepris sera de ce chef confirmé.
3. Sur la remise tardive d’une attestation Pôle emploi
En application de l’article R.1234-9 du code du travail, le salarié peut solliciter l’octroi de dommages et intérêts en raison du défaut de remise ou de remise tardive des documents de fin de contrat. Il lui revient, à cette fin, de prouver l’existence du préjudice subi.
En l’espèce, la cour relève que si Mme [D] reproche à son employeur de lui avoir remis à plusieurs reprises des documents de fin de contrat portant des informations erronées de sorte qu’elle aurait subi un préjudice financier sur le versement de ces prestations chômage, elle ne produit cependant pas d’élément justifiant de la réalité de ce préjudice.
Dès lors, par infirmation du jugement déféré, Mme [D] sera déboutée de sa demande indemnitaire.
4. Sur les indemnités de prévoyance et la responsabilité de l’employeur
Mme [D] réclame le paiement par l’employeur d’indemnités de prévoyance après régularisation du taux d’indemnisation pour la période du 8 juillet 2019 au 30 avril 2021 (période actualisée qui était demandée en première instance jusqu’au 30 septembre 2020) et le paiement d’une somme au titre d’un non reversement par l’employeur des sommes qu’il a pourtant reçues de la part de l’organisme de prévoyance pour la période du 9 juillet 2019 au 13 août 2019. Elle réclame également nouvellement en cause d’appel des dommages intérêts visant à compenser le préjudice résultant du non paiement des indemnités prévoyance auxquelles elle avait droit, en raison du comportement fautif de son employeur dès lors qu’elle a perçu des indemnités complémentaires partielles avec 6 mois de retard.
La société Groupe [U] réplique en substance que les demandes ici formées par la salariée ne figuraient pas dans sa requête initiale et subsidiairement que la première demande procédait d’un calcul abscons et d’un raisonnement incompréhensible. Elle soutient que la demande telle qu’elle est ici présentée procède de simples suppositions alors que contrairement à ces suppositions non établies de la salariée, il n’a aucunement conservé des indemnités versées par l’organisme de prévoyance.
Sur ce,
4.1 sur le paiement d’indemnités du 8 juillet 2019 au 30 avril 2021
L’article 43 de la convention collective nationale des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987, dite Syntec’ instaure le principe du maintien du salaire dès les premiers jours d’absence pour maladie ou accident dûment constatés par certificat médical.
Cet article prévoit qu’en cas de maladie ou d’accident dûment constatés par certificat médical et contre-visite, s’il y a lieu, les ETAM recevront les allocations maladie nécessaires pour compléter, jusqu’à concurrence des appointements ou fractions d’appointements fixées ci-dessous, les sommes qu’ils percevront à titre d’indemnité, d’une part, en application des lois sur les accidents du travail et les maladies professionnelles et des lois sur l’assurance maladie, d’autre part, en compensation de perte de salaire d’un tiers responsable d’un accident.
Les indemnités versées par un régime de prévoyance auquel aurait fait appel l’employeur doivent également venir en déduction.
Dans les autres cas de maladie ou d’accident :
– pour l’ETAM ayant plus de 1 an d’ancienneté et moins de 5 ans :
– 1 mois à 100 % d’appointements bruts ;
– les 2 mois suivants : 80 % de ses appointements bruts ;
– pour l’ETAM ayant plus de 5 ans d’ancienneté :
– 2 mois à 100 % d’appointements bruts ;
– le mois suivant : 80 % de ses appointements bruts.
Il est précisé que l’employeur ne devra verser que les sommes nécessaires pour compléter ce que verse la sécurité sociale et, le cas échéant, un régime de prévoyance , ainsi que les compensation de perte de salaire d’un tiers responsable, jusqu’à concurrence de ce qu’aurait perçu, net de toutes charges l’Etam malade ou accidenté s’il avait travaillé à temps plein ou à temps partiel non compris prime et gratifications.
Si l’ancienneté fixée par l’un quelconque des alinéas précédents est atteinte par l’ETAM au cours de sa maladie, il recevra, à partir du moment où cette ancienneté sera atteinte, l’allocation ou la fraction d’allocation fixée par la nouvelle ancienneté pour chacun des mois de maladie restant à courir. Le maintien du salaire s’entend dès le premier jour d’absence pour maladie ou accident dûment constatés par certificat médical.
Les allocations fixées ci-dessus constituent le maximum auquel l’ETAM aura droit pour toute période de 12 mois consécutifs au cours de laquelle il aura eu une ou plusieurs absences pour maladie ou accident.
Pour les incapacités temporaires de travail supérieures à 90 jours consécutifs le relais des garanties sera assuré aux conditions prévues par l’accord prévoyance annexé à la présente convention collective.
Ainsi, aux termes de l’article’43:
‘ en cas de maladie non professionnelle, les ingénieurs et cadres ayant acquis un an d’ancienneté perçoivent les allocations maladie nécessaires pour compléter les sommes qui leur sont versées à titre d’indemnité, dans la limite de trois mois d’appointements mensuels ;
‘ l’employeur n’est tenu qu’au versement des sommes nécessaires pour compléter celles allouées par la sécurité sociale et, le cas échéant, un régime de prévoyance, ainsi que les compensations de perte de salaire d’un tiers responsable, jusqu’à concurrence de ce qu’aurait perçu, net de toute charge, le salarié malade s’il avait travaillé à temps plein ou à temps partiel, à exclusion des primes et gratifications.
L’article’44 de cette convention collective précise que les salariés ayant plus d’un an d’ancienneté dans l’entreprise à la date de leur arrêt de travail pour maternité conservent la totalité de leurs appointements mensuels pendant la durée du congé légal déduction faite des indemnités versées par la sécurité sociale et les régimes de prévoyance.
Il se déduit de ces stipulations conventionnelles prises ensemble que la partie variable de la rémunération devant être maintenue pendant les arrêts de travail pour maladie et durant le congé de maternité est déterminée en prenant en compte la moyenne des rémunérations versées au cours des douze mois précédant chaque arrêt de travail.
Il ressort d’ailleurs de l’annexe 8 prévoyance produite par Mme [D] et non remise en cause par l’employeur qu’il est prévu en son article 8 que le salaire annuel de référence représente le total des rémunérations brutes perçues au cours des 12 mois précédant l’événement, qui est calculé en tenant compte de tous les éléments contractuels du salaire soumis à cotisation.
Enfin, dès lors que l’ employeur est le souscripteur du contrat collectif de prévoyance, c’est sur ce dernier que pèse l’obligation d’informer l’organisme de prévoyance des arrêts de travail de ses salariés, et de tout autre événement entraînant la mise en oeuvre des garanties de prévoyance. En effet, le salarié n’est pas partie au contrat d’assurance collectif et n’en est que le bénéficiaire.
L’ employeur est également tenu de réclamer auprès du salarié faisant l’objet d’un arrêt maladie les documents nécessaires à l’instruction du dossier afin de les communiquer à l’organisme de prévoyance.
En l’espèce, il ressort des bulletins de paie des mois de juillet et août 2019 que l’employeur n’a pas versé d’indemnité de prévoyance.
Il est constant que Mme [D], qui avait alors plus d’un an d’ancienneté, a été placée en arrêt de travail continu à compter du 9 avril 2019. Il est établi qu’elle était éligible à recevoir des indemnités et qu’elle a ainsi été payée le 9 janvier 2020 par l’Union nationale mutualiste interprofessionnelle (UNMI) d’une somme de 2 344,72 euros pour la période du 14 août au 20 décembre 2019.
Il ressort du courrier de l’UNMI du 9 janvier 2020 que son calcul a cependant été opéré sur la base des informations communiquées par Mme [D] dans son courrier du 16 août 2019, à savoir les trois derniers mois de salaire ayant précédé l’arrêt de travail (janvier à mars 2019), alors que le calcul devait s’opérer sur la base des douze derniers mois et donc d’avril 2018 à mars 2019.
Le salaire moyen retenu par l’UNMI étant de 2 020,24 euros alors qu’au regard des bulletins de paie produits le salaire moyen calculé sur la base des douze derniers mois est de 2 042,96 euros. Il s’ensuit qu’un reliquat reste dû de 270,60 euros brut pour la période du 8 juillet au 30 septembre 2020 et 127,20 euros pour la période du 1er octobre 2020 au 30 avril 2021, les montants n’étant d’ailleurs pas spécifiquement contestés par l’employeur à titre subsidiaire.
L’employeur sera donc, par voie de confirmation, condamné à payer le premier montant, et la cour actualisera cette condamnation avec le second montant dans le dispositif.
4.2 Sur les indemnités du 8 juillet au 13 août 2019 retenues par l’employeur
Mme [D] soutient que l’employeur a perçu des indemnités du 8 juillet au 13 août 2019 qu’il s’est abstenu de lui reverser, ce qu’il conteste en soulignant que la salariée procède là par suppositions.
Or, l’échange de courriel du 15 janvier 2020 entre Mme [D] et l’UNMI, dont il ressort uniquement qu’elle a interrogé l’organisme sur des éléments techniques à savoir en particulier le détail des deux versements perçus, la période indemnisée, et le salaire de référence retenu, et que le centre de prestation lui a répondu par un envoi du décompte de prestations pour la période du 14 août au 20 décembre 2019, la renvoyant vers son ancien pour ses autres demandes, ne démontre aucunement que la société Groupe [U] a comme elle le prétend perçu des sommes qu’elle se serait abstenue de reverser. Par conséquent, la demande en paiement sera rejetée, et le jugement de ce chef infirmé.
4.3 Sur la demande de dommages et intérêts
Les carences et manquements de l’employeur ayant eu pour conséquence d’empêcher Mme [D] de bénéficier des garanties de prévoyance prévues par la convention collective ou de retarder le paiement en découlant, constituent un litige dont l’ employeur est responsable vis-à- vis de la salariée.
Toutefois, même à retenir la recevabilité de la demande nouvelle de dommages et intérêts et l’existence d’une négligence fautive de l’employeur dans le cadre de la déclaration du cas de Mme [D] à l’organisme de prévoyance, la salariée ne pourra qu’être déboutée de sa demande indemnitaire faute de preuve d’un préjudice résultant d’un retard dans la perception d’indemnités complémentaires. La demande indemnitaire est rejetée.
5. Sur la demande de remise des documents de fin de contrat
Il convient de confirmer l’obligation à la charge de la société de remettre des bulletins de paie, un certificat de travail et une attestation Pôle emploi conformes au présent arrêt sans l’assortir de l’astreinte fixée par les premiers juges, qui ne se justifie pas.
6. Sur les autres demandes
Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement déféré en ses dispositions sur les dépens et les frais irrépétibles.
La société Groupe [U] succombant à titre principal, sera condamnée aux dépens d’appel. Il ne serait pas équitable de laisser à la charge de Mme [D] les frais qu’elle a dû exposer en cause d’appel, et qui ne sont pas compris dans les dépens et il convient donc de lui allouer une somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Infirme le jugement déféré en ses dispositions sur les heures supplémentaires, sur le harcèlement moral, sur la requalification du licenciement, sur les dommages et intérêts alloués pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sur une remise tardive d’une attestation Pôle emploi conforme, sur le non reversement des indemnités prévoyance perçues par la société pour la période du 8 juillet au 13 août 2019, sur l’astreinte prévue pour la remise des documents de fin de contrat rectifiés ;
Confirme sur le surplus le jugement entrepris en ses dispositions soumises à la cour ;
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
Dit que Mme [D] a été victime d’un harcèlement moral ;
Dit nul le licenciement de Mme [D] ;
Condamne la société Groupe [U] à verser à Mme [D] les sommes suivantes:
– 26 253,18 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires, outre 2 919,60 euros au titre des congés payés afférents;
– 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;
– 13 306,37 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul;
– 127,20 euros au titre du reliquat d’indemnités de prévoyance dû pour la période du 1er octobre 2020 au 30 avril 2021 ;
Déboute Mme [D] de sa demande indemnitaire pour remise tardive d’une attestation Pôle emploi conforme ;
Déboute Mme [D] de sa demande au titre d’un non reversement des indemnités prévoyance perçues par la société pour la période du 8 juillet au 13 août 2019 ;
Déboute Mme [D] de sa demande indemnitaire au titre de la prévoyance ;
Rejette la demande d’astreinte au titre de la remise des documents de fin de contrat ;
Condamne la société Groupe [U] à verser à Mme [D] 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;
Condamne la société Groupe [U] aux dépens d’appel.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.