COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
11e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 02 JUIN 2022
N° RG 21/00699 – N° Portalis DBV3-V-B7F-ULD4
AFFAIRE :
[H] [C]
C/
S.A.S. EFFILAB
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 18 Février 2021 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOULOGNE-BILLANCOURT
N° Section : E
N° RG : 19/00171
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Maxime AUNOS de l’AARPI VERSANT AVOCATS
Me Caroline QUENET de l’AARPI C3C
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DEUX JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur [H] [C]
né le 03 Mai 1991 à [Localité 6]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me Maxime AUNOS de l’AARPI VERSANT AVOCATS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0115
APPELANT
****************
S.A.S. EFFILAB
N° SIRET : 531 205 565
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Caroline QUENET de l’AARPI C3C, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P138
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 11 Avril 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Hélène PRUDHOMME, Président,
Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,
Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,
Greffier lors des débats : Madame Sophie RIVIERE,
Le 1er février 2016, M. [H] [C] était embauché par la société Effilab en qualité de Digital Trader, par contrat à durée indéterminée. Selon avenant du 1er avril 2018, M. [C] a été promu en qualité de directeur des opérations.
Le contrat de travail était régi par la convention collective nationale Syntec.
M. [C] se plaignait auprès de sa hiérarchie de ses conditions de travail et de la dégradation de son état de santé. Après l’annulation d’une formation à laquelle il pensait prétendre, M. [C] était placé en arrêt maladie.
Le 8 février 2019, M. [C] saisissait le conseil des prud’hommes de [Localité 5] aux fins d’obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur ainsi que le rappel d’heures supplémentaires.
Postérieurement à cette saisine, l’entreprise licenciait le salarié le 4 avril 2019 pour faute grave en raison de sa non présentation au travail malgré la fin supposée de son arrêt de travail.
Vu le jugement du 18 février 2021 rendu en formation paritaire par le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt qui a’:
– Confirmé le licenciement dont M. [C] a fait l’objet de la part de la société Effilab pour faute grave.
– Débouté en conséquence M. [C] de l’ensemble de ses demandes.
– Débouté la société Effilab de sa demande reconventionnelle.
– Dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens.
Vu l’appel interjeté par M. [C] le 27 février 2021
Vu les conclusions de l’appelant, M. [H] [C], notifiées le 27 mai 2021 et soutenues à l’audience par son avocat auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, et par lesquelles il est demandé à la cour d’appel de :
– Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Boulogne Billancourt le 18 février 2021 en ce qu’il a confirmé le licenciement dont M. [C] a fait l’objet pour faute grave et en ce qu’il l’a débouté M. [C] de l’ensemble de ses demandes.
Statuant à nouveau :
A titre principal :
– Prononcer la résiliation du contrat de travail de M. [C] aux torts de l’employeur ;
A titre subsidiaire :
– Dire et juger que le licenciement de M. [C] est sans cause réelle et sérieuse ;
En tout état de cause
– Dire et juger que M. [C] est bien fondé dans l’ensemble de ses demandes à l’encontre de la société Effilab relatives à l’exécution et à la rupture de son contrat de travail ;
– Condamner la société Effilab à payer à M. [C] les sommes suivantes portant intérêts au taux légal à compter de l’introduction de la demande :
– Dommages et intérêts pour non-respect des conditions de conclusion de la convention individuelle de forfait jours, non-respect des obligations de suivi et non-respect des temps de repos minimum : 20’000 euros
– Rappel d’heures supplémentaires : 33’515,52 euros
– Congés payés afférents : 3’351,55 euros
– Contrepartie obligatoire en repos : 18’050,59 euros
– Violation des durées maximales de travail : 11’142,84 euros
– Indemnité pour travail dissimulé : 33’428,52 euros
– Rappel de prime de vacances : 1’591,17 euros
– Exécution déloyale du contrat de travail : 6’500 euros
– Violation de l’obligation de sécurité : 5’000 euros
– Indemnité de licenciement : 5’571,42 euros
– Indemnité compensatrice de préavis : 16’714,26 euros
– Congés payés afférents : 1’671,43 euros
– Licenciement sans cause réelle et sérieuse : 22’285,68 euros
– Ordonner à la société Effilab de remettre à M. [C], sous astreinte de 50 euros par document et par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir :
– ses documents de fin contrat rectifiés
– un bulletin de paie conforme au jugement à intervenir
– Se réserver la liquidation de l’astreinte
– Ordonner la capitalisation des intérêts
– Dire et juger que les condamnations produisent intérêts à compter de l’introduction de la demande
– Condamner la société Effilab à payer à M. [C] la somme de 3’500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Vu les écritures de l’intimée, la SAS Effilab, notifiées le 5 août 2021 et développées à l’audience par son avocat auxquelles il est aussi renvoyé pour plus ample exposé, et par lesquelles il est demandé à la cour d’appel de’:
– Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
– En conséquence, débouter M. [C] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
– Le condamner au versement de la somme de 4’000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens.
Vu l’ordonnance de clôture du 28 février 2022.
SUR CE,
Sur l’exécution du contrat de travail’:
Sur la convention de forfait en jours
M. [C] sollicite des dommages et intérêts pour non-respect des conditions de conclusion de la convention individuelle de forfait jours ;
Il fait valoir d’une part qu’il ne disposait pas d’une autonomie, même résiduelle, dans l’organisation de son emploi du temps et d’autre part, que la société Effilab n’a pas respecté les obligations mises à sa charge par l’accord collectif conclu le 1er avril 2018 et qu’il n’a pas bénéficié du suivi qu’exige la conclusion d’une convention individuelle de forfait ;
En application de l’article L. 3121-58 du code du travail : « Peuvent conclure une convention individuelle de forfait en jours sur l’année, dans la limite du nombre de jours fixé en application du 3° du I de l’article L. 3121-64 :
1° Les cadres qui disposent d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l’horaire collectif applicable au sein de l’atelier, du service ou de l’équipe auquel ils sont intégrés ;
2° Les salariés dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d’une réelle autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps pour l’exercice des responsabilités qui leur sont confiées. » ;
En l’espèce, selon avenant du 1er avril 2018, M. [C] a été promu en qualité de directeur des opérations et a accepté de voir son temps de travail décompté dans le cadre d’un forfait en jours ;
Ce poste impliquait une large autonomie ; le contrat de travail prévoyait d’ailleurs expressément en ce sens à l’alinéa premier de l’article 3 que «’compte tenu de la nature de sa fonction de directeur des opérations, M. [H] [C] organise son emploi du temps dans le respect des intérêts de sa mission avec une certaine initiative ‘dans le choix des moyens », avant de prévoir à l’alinéa suivant le forfait-jour ;
Compte tenu de ces éléments, M. [C] disposait de l’autonomie nécessaire pour entrer dans les conditions de conclusion de la convention individuelle de forfait jours ;
L’accord collectif relatif à l’aménagement du temps de travail au sein de la société prévoyait à l’article 3.8 que « le forfait annuel en jours s’accompagne d’un décompte des journées travaillées au moyen d’un suivi objectif, fiable et contradictoire mis en place par l’employeur. (‘) » et comportait en son article 3.10 des dispositions relatives au suivi régulier de la charge de travail et aux entretiens individuels ; il prévoyait notamment que :
« Le responsable hiérarchique assure le suivi régulier de l’organisation du travail du collaborateur sous convention de forfait jours, ainsi que le respect d’une amplitude et d’une charge de travail raisonnables, d’une bonne répartition du travail dans le temps, et ce dans l’objectif de permettre une réelle conciliation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale. (…)
L’évaluation et le suivi de la charge de travail par le supérieur hiérarchique sont réalisés par le biais de réunions d’équipes et d’entretiens périodiques avec chacun des salariés concernés, au cours desquels sont évoqués l’organisation du travail, la répartition du travail et les amplitudes de travail.
La périodicité des réunions et entretiens est fixée par le manager au sein de chaque service, en fonction des contraintes propres à l’activité exercée. Elle est a minima trimestrielle. (…)
« Outre un suivi régulier de son organisation du travail, de sa charge de travail et de l’amplitude de ses journées d’activité par son supérieur hiérarchique, les salariés bénéficieront chaque année, d’un entretien spécifique portant sur :
– Sa charge de travail,
– L’organisation de son travail au sein de l’entreprise,
– L’amplitude de ses journées de travail,
– La fréquence des semaines où la charge de travail a été anormale,
– La durée des trajets professionnels,
– L’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle et familiale,
– Sa formation et ses perspectives d’évolution au sein de la Société,
– Sa rémunération. (…) » ;
L’accord collectif prévoyait aussi en son article 3.11 que « conformément aux dispositions légales et réglementaires, et dans le respect de la santé et de la sécurité des salariés, les instances représentatives du personnel seront consultées chaque année sur le recours aux forfaits en jours dans l’entreprise ainsi que sur les modalités de suivi de la charge de travail des salariés. Ces informations (nombre de salariés en forfaits en jours, nombre d’alertes émises, synthèse des mesures prises) sont également transmises aux instances représentatives du personnel et seront consolidées dans la base de données économiques et sociales unique. » ;
Dans le cadre de son entretien professionnel réalisé le 25 juillet 2018, M. [C] a mentionné «’des deadlines très serrées’» et que «’l’équilibre vie pro/vie privée est parfois négligé’» et son supérieur a souligné «’une implication et une efficacité exemplaires’» ; Cet élément demeure insuffisant à justifier d’un suivi précis et conforme portant notamment sur la charge de travail, l’organisation du travail, et l’articulation entre activité professionnelle et vie personnelle et familiale ;
La société Effilab ne justifie pas avoir organisé l’entretien spécifique annuel portant sur ce suivi ; elle ne justifie pas non plus avoir consulté les IRP sur le recours aux forfaits jours ni sur les modalités de suivi de la charge de travail ;
Dans ces conditions, M. [C] est bien fondé à demander que la convention de forfait jours soit privée d’effet ;
Il est constaté qu’il ne sollicite pas de rappel d’heures supplémentaires sur cette période de travail mais uniquement des dommages et intérêts et ce, sans préciser ni démontrer avoir subi de préjudice spécifique à ce titre ; sa demande de dommages et intérêts sera en conséquence rejetée ;
Le jugement est confirmé de ce chef ;
Sur les heures supplémentaires
Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable ;
Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant ;
En l’espèce, M. [C] sollicite un rappel d’heures supplémentaires et des congés payés afférents sur les périodes de mars 2017 jusqu’au 31 janvier 2018 et de février 2018 à mars 2018, soit sur la période antérieure à l’avenant ;
Il expose avoir réalisé de très nombreuses heures supplémentaires au cours de sa relation de travail, dans un contexte de surcharge de travail ; il indique qu’il travaillait régulièrement entre 10 et 13 heures par jour au sein de la société, voire ponctuellement plus de 14 heures de travail par jour ;
Pour étayer ses dires, il produit notamment’:
– une attestation de son ancien supérieur hiérarchique, M. [M] selon laquelle « [H] a contribué au succès et au développement de celui-ci sans compter ses heures (‘). Il a systématiquement relevé les challenges et les objectifs qui lui étaient proposées, sans regarder les heures nécessaires » ;
– un tableau récapitulatif détaillant, jour par jour, les heures de travail effectuées, correspondant à sa pièce n°9 établie «’sur la base de l’outil de connexion au poste de travail de M. [C] (Metabase)’» ainsi qu’un tableau récapitulant, à partir du premier tableau, le nombres d’heures supplémentaires ;
Le salarié produit ainsi des éléments préalables suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement ;
L’employeur ne produit pas d’autre élément justifiant des temps de travail de M. [C] ; il fait toutefois justement valoir que les heures de connexion ne se confondent pas avec un temps de travail effectif ;
Au vu des éléments produits, la cour retient que le salarié a bien effectué des heures supplémentaires non rémunérées mais dans une proportion bien moindre que celle revendiquée ;
Il est alloué à M. [C] la somme de 3 225 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires sur la période de mars 2017 à mars 2018, outre celle de 322,50 euros au titre des congés payés y afférents ;
Le jugement est infirmé de ces chefs ;
Sur les autres demandes relatives au temps de travail
M. [C] forme aussi des demandes pécuniaires au titre de la contrepartie obligatoire en repos, de la violation des durées maximales de travail, outre une indemnité pour travail dissimulé ;
Il se déduit toutefois des motifs précités qu’il n’est pas justifié d’un dépassement du contingent annuel d’heures supplémentaires fixé à 220 heures ;
Il n’est pas non plus démontré de violation des durées maximales de travail ;
S’agissant de la demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé, la dissimulation d’emploi salarié prévue par l’article L.8221-5 du code du travail n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur les bulletins de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué ; une telle intention, qui ne peut se déduire de la seule absence de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie ;
En l’espèce, le caractère intentionnel du travail dissimulé n’est pas caractérisé par le salarié ;
Le jugement est en conséquence confirmé en ce qu’il a débouté le salarié de ces chefs de demandes ;
Sur le rappel de prime de vacances
Aux termes de l’article 31 de la convention collective Syntec, «’l’ensemble des salariés bénéficie d’une prime de vacances d’un montant au moins égal à 10 % de la masse globale des indemnités de congés payés prévus par la convention collective de l’ensemble des salariés.’
Toutes primes ou gratifications versées en cours d’année à divers titres et quelle qu’en soit la nature peuvent être considérées comme primes de vacances à condition qu’elles soient au moins égales aux 10 % prévus à l’alinéa précédent et qu’une partie soit versée pendant la période située entre le 1er mai et le 31 octobre. » ;
M. [C] a perçu une «’prime exceptionnelle’» de 500 euros en février 2017 et une «’prime annuelle’» de 3 000 euros en mars 2017, soit en dehors de la période située entre le 1er mai et le 31 octobre ;
En 2018, il n’est pas contesté qu’il a bénéficié d’une prime de vacances de 414,54 euros ;
Il lui sera alloué un rappel de prime de vacances d’un montant total de 1 020,54 euros au titre des seules années 2016 et 2017 ;
Le jugement est infirmé à cet égard ;
Sur la formation et l’exécution déloyale du contrat de travail
M. [C] sollicite la somme de 6 500 euros au titre d’ une exécution déloyale du contrat de travail ; il fait valoir qu’il a eu la surprise d’apprendre que la session de formation dont il devait bénéficier et qui avait été validée par sa hiérarchie notamment à l’occasion de son entretien professionnel de juillet 2018 avait été soudainement et unilatéralement annulée par son employeur, ce qui l’a contraint à financer par lui-même cette formation ;
Aux termes de l’article L. 1222-1 du code du travail, « le contrat de travail est exécuté de bonne foi. » ;
En application de l’article L. 6321-1 du même code, l’employeur doit assurer l’adaptation des salariés à leur poste de travail ;
M. [C] produit son compte-rendu d’entretien professionnel 2018 qui mentionne qu’il était ‘inscrit à la session d’octobre du Wagon’, l’attestation de M. [U], son ancien supérieur hiérarchique, qui indique « j’ai accepté en mai/juin 2018 sa demande de financement d’une formation au Wagon », ainsi que des échanges internes de courriels faisant ressortir la volonté de l’employeur de financer cette formation, sans précision sur la part de ce financement ;
En cause d’appel, M. [C] justifie avoir suivi effectivement la formation en produisant l’attestation de formation suivie du 15 octobre au 15 décembre 2018; il produit aussi la facture correspondante, pour un montant de 6’500 euros, éditée au nom de la société mais qu’il prouve avoir réglée sur ses deniers personnels, ce qui n’est pas contesté ; le comportement de l’employeur a causé au salarié un préjudice matériel et moral ; Il sera fait droit à sa demande de dommages et intérêts à hauteur de la somme de 2 000 euros ;
Le jugement est infirmé sur ce point ;
Sur l’obligation de sécurité
Aux termes de l’article L. 4121-1 du code du travail, « L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels ;
2° Des actions d’information et de formation ;
3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes » ;
M. [C] fait valoir que la société Effilab n’a pris aucune mesure pour prévenir la dégradation de ses conditions de travail, qu’elle ne pouvait valablement ignorer que son état de santé se dégradait et que «’du jour au lendemain il n’a plus été en capacité de travailler ni même de vivre normalement’» ;
Il produit seulement des arrêts de travail délivrés par son médecin généraliste et des justificatifs de traitement médicamenteux, ce qui demeure très insuffisant à établir un lien entre ces éléments médicaux et ses conditions de travail, ni la connaissance par l’employeur, en l’absence de toute alerte, d’une situation qui aurait justifié des mesures spécifiques de celui-ci dans le cadre de son obligation de sécurité ;
Le jugement est confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de dommages-intérêts formée de ce chef ;
Sur la rupture du contrat de travail’:
Lorsqu’un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur tout en continuant à travailler à son service et que ce dernier le licencie ultérieurement, le juge doit d’abord rechercher si la demande de résiliation du contrat de travail était justifiée ;
Si la demande de résiliation judiciaire est fondée, la rupture sera alors imputable à l’employeur et le licenciement prononcé par l’employeur postérieurement à la demande de résiliation judiciaire est considéré comme sans cause réelle et sérieuse ; si la demande de résiliation judiciaire est infondée, le juge doit alors se prononcer sur la validité du licenciement ;
Sur la résiliation judiciaire
M. [C] fonde sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail sur les manquements invoqués au titre de l’obligation de sécurité de l’employeur, des heures supplémentaires, du forfait-jours et des durées maximales de travail et de la formation ;
Il ressort des motifs précédents que les demandes formées au titre de l’obligation de sécurité de l’employeur, du forfait-jours et des durées maximales de travail ont été rejetées, que la somme de 3 225 euros a été allouée au salarié à titre de rappel d’heures supplémentaires sur la seule période de mars 2017 à mars 2018, celle de 1 020,54 euros a été allouée en rappel de prime de vacances au titre des seules années 2016 et 2017 tandis que la somme de 2 000 euros a été allouée au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail au regard du non-financement final par l’employeur de la formation suivie du 15 octobre au 15 décembre 2018 ;
En l’état de ces éléments, la cour estime qu’il n’est pas justifié de manquements graves ayant fait obstacle à la poursuite du contrat de travail et rejette la demande de résiliation du contrat de travail aux torts de l’employeur formée par M. [C] ; le jugement est confirmé de ces chefs ;
Sur le licenciement
En application de l’article L. 1232-1 du code du travail un licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse ;
Si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n’appartient spécialement à aucune des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toute mesure d’instruction qu’il juge utile, il appartient néanmoins à l’employeur de fournir au juge des éléments lui permettant de constater la réalité et le sérieux du motif invoqué ;
La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise même pendant la durée du préavis ; la charge de la preuve incombe à l’employeur qui l’invoque ;
En l’espèce, M. [C] a été licencié pour faute grave au motif de sa non présentation au travail malgré la fin supposée de son arrêt de travail ;
M. [C] conteste la validité de son licenciement en faisant valoir qu’à l’issue de son dernier arrêt de travail et alors qu’il était de nouveau à la disposition de l’entreprise, celle-ci n’a pas organisé de visite médicale de reprise comme elle y était tenue, de sorte que son contrat de travail demeurait suspendu et qu’il ne pouvait donc pas être licencié pour abandon de poste ;
Il se réfère aux dispositions de l’article R.4624-31 du code du travail, aux termes desquelles :
« Le travailleur bénéficie d’un examen de reprise du travail par le médecin du travail :
1° Après un congé de maternité ;
2° Après une absence pour cause de maladie professionnelle ;
3° Après une absence d’au moins trente jours pour cause d’accident du travail, de maladie ou d’accident non professionnel.
Dès que l’employeur a connaissance de la date de la fin de l’arrêt de travail, il saisit le service de santé au travail qui organise l’examen de reprise le jour de la reprise effective du travail par le travailleur, et au plus tard dans un délai de huit jours qui suivent cette reprise.»;
Cependant, la société Effilab fait justement valoir qu’avant d’organiser une visite médicale de reprise, l’employeur devait s’assurer que M. [C] souhaitait revenir dans l’entreprise et qu’il n’était pas à nouveau en arrêt de travail ;
Elle justifie avoir, par courrier du 22 février 2019, sollicité de M. [C] un justificatif de son absence, courrier demeuré sans réponse ; M. [C] ne lui a pas non plus transmis de prolongation d’arrêt de travail ;
Le contrat de travail prévoyait en son article 8 que « si l’absence est imprévisible, le salarié est tenu de prévenir immédiatement la société de toute absence (maladie, accident (‘). Il devra fournir un certificat médical ou tout autre document justifiant son absence dans les 48 heures. En cas de prolongation d’arrêts de travail, le salarié devra remettre dans les mêmes délais le document justifiant sa prolongation » ;
M. [C] a manqué à cette obligation et n’a pas répondu aux sollicitations de son employeur et ce pendant plus de deux mois.
Dans ces conditions, la société était fondée à lui faire grief d’une faute grave, laquelle est démontrée ;
En conséquence, le jugement sera aussi confirmé en ce qu’il a retenu que le licenciement pour faute grave est justifié et a, en conséquence, débouté M. [C] de l’ensemble de ses demandes au titre du licenciement ;
Sur les autres demandes :
Il y a lieu d’enjoindre à la société Effilab de remettre à M. [C], dans le mois suivant la signification du présent arrêt, un bulletin de salaire récapitulatif rectifié’; les autres demandes du salarié ne sont pas justifiées ;
Le prononcé d’une astreinte ne s’avère pas nécessaire, à défaut d’allégations le justifiant ;
Sur les intérêts
Les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale seront dus à compter de la réception de la convocation de l’employeur devant le bureau de conciliation ;
S’agissant des créances de nature indemnitaire, les intérêts au taux légal seront dus à compter du présent arrêt ;
Il y a lieu d’ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil à compter de la date de la demande qui en a été faite ;
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
Compte tenu de la solution du litige, la décision entreprise sera infirmée de ces deux chefs et par application de l’article 696 du code de procédure civile, les dépens d’appel seront mis à la charge de la société Effilab’;
La demande formée par M. [C] au titre des frais irrépétibles en cause d’appel sera accueillie, à hauteur de 2 000 euros ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement entrepris, sauf en ses dispositions relatives au rappel d’heures supplémentaires et congés payés y afférents, au rappel de prime de vacances et à l’exécution déloyale du contrat de travail,
Statuant de nouveau des dispositions infirmées et y ajoutant,
Condamne la SAS Effilab à payer à M. [H] [C] les sommes suivantes :
– 3 225 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires sur la période de mars 2017 à mars 2018 et 322,50 euros au titre des congés payés y afférents,
– 1 020,54 euros à titre de rappel de prime de vacances,
– 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
– 2 000 euros à titre d’indemnité pour frais irrépétibles de procédure,
Enjoint à la SAS Effilab de remettre à M. [C], dans le mois suivant la signification du présent arrêt, un bulletin de salaire récapitulatif des sommes allouées,
Dit que les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la convocation de l’employeur en conciliation et celles à caractère indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil,
Déboute les parties de leurs autres demandes,
Condamne la SAS Effilab aux dépens de première instance et d’appel.
Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
Signé par Mme Hélène PRUDHOMME, président, et Mme’Sophie RIVIERE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER Le PRÉSIDENT