COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
11e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 02 JUIN 2022
N° RG 20/01486 – N° Portalis DBV3-V-B7E-T6ON
AFFAIRE :
[K] [L]
C/
S.A.S.U. HENSOLDT NEXEYA France anciennement dénommée NEXEYA France
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 Mai 2020 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOULOGNE-BILLANCOURT
N° Section : E
N° RG : F19/01247
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Clément SALINES de l’AARPI NOVIA
Me Laurence CIER
Expédition numérique délivrée à : PÔLE EMPLOI
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DEUX JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur [K] [L]
né le 03 Janvier 1966 à [Localité 5]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Clément SALINES de l’AARPI NOVIA, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS
APPELANT
****************
S.A.S.U. HENSOLDT NEXEYA France anciennement dénommée NEXEYA France
N° SIRET : 325 517 621
[Adresse 3]
[Adresse 6]
[Localité 2]
Représentant : Me Laurence CIER, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1613 substituée par Me Mandy COUZINIÉ, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 15 Avril 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Bérangère MEURANT, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Hélène PRUDHOMME, Président,
Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,
Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,
Greffier lors des débats : Madame Sophie RIVIERE,
Le 18 novembre 2013, M. [K] [L] était embauché par la SAS Nexeya Systems, en qualité de directeur commercial export, par contrat à durée indéterminée.
Le 16 septembre 2014, le contrat de travail de M. [L] faisait l’objet d’un transfert conventionnel au bénéfice de la SAS Nexeya.
Le 1er juillet 2019, la SAS Nexeya était absorbée par la SAS Nexeya France, aux droits de laquelle vient la SASU Hensoldt Nexeya France.
Le contrat de travail était régi par la convention collective nationale Syntec.
Le 25 février 2019, M. [L] était convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour motif économique. Toutefois, l’employeur ne donnait pas suite à cette procédure.
Le 17 juillet 2019, M. [L] portait à la connaissance de son employeur un certain nombre de griefs relatifs à l’exécution de son contrat de travail. Le 16 août 2019, M. [L] prenait acte de la rupture de son contrat de travail.
Le 23 septembre 2019, M. [L] saisissait le conseil des prud’hommes de Boulogne-Billancourt, afin de faire produire à sa prise d’acte les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Vu le jugement du 28 mai 2020 rendu en formation paritaire par le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt qui a’:
– Débouté M. [L] de l’intégralité de ses demandes.
– Rejeté les demandes de la société Nexeya.
– Mis les éventuels dépends à la charge de M. [L].
Vu l’appel régulièrement interjeté par M. [L] le 15 juillet 2020
Vu les conclusions de l’appelant, M. [L], notifiées le 19 mars 2021 et soutenues à l’audience par son avocat auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, et par lesquelles il est demandé à la cour d’appel de :
– Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a estimé que M. [L] ne justifiait pas d’une faute de l’employeur nécessitant la requalification de sa prise d’acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Et le réformant :
– Fixer le salaire de référence à la somme de 9’092,09 euros ;
– Constater la réalisation d’heures supplémentaires non rémunérées,
– Constater la violation par l’employeur de son obligation de loyauté,
– Constater la modification unilatérale du contrat de travail,
En conséquence :
– Dire et juger que la démission motivée de M. [L] s’analyse en une prise d’acte de la rupture du contrat, justifiée par les manquements de l’employeur,
Condamner la société Nexeya à :
– 27’276,27 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis (3 mois) ;
– 2’727,62 euros d’indemnités de congés payés ;
– 16’668,83 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement ;
– 54’552,54 euros nets pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (6 mois) ;
– 77’978 euros de rappel d’heures supplémentaires ;
– 7’797,80 euros au titre des congés payés afférents ;
– 30’274,75 euros de contrepartie obligatoire en repos ;
– 3’027,47 euros au titre des congés payés afférents ;
– 54’552,54 euros net d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;
– 10’000 euros nets de dommages et intérêts au titre du préjudice moral distinct ;
– L’exécution provisoire sur la totalité des chefs de demande ;
– Les intérêts légaux à compter de la saisine ;
– La condamnation de la société aux entiers dépens ;
– 4’000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Débouter la société Nexeya de sa demande incidente.
Vu les écritures de l’intimée, la SASU Hensoldt Nexeya France, notifiées 17 mars 2022 et développées à l’audience par son avocat auxquelles il est aussi renvoyé pour plus ample exposé, et par lesquelles il est demandé à la cour d’appel de’:
– Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt du 28 mai 2020 en ce qu’il a débouté M. [L] de l’ensemble de ses demandes,
– Juger que la prise d’acte du 19 août 2019 produit les effets d’une démission ;
– L’infirmer, en ce qu’il a débouté la société Hensoldt Nexeya France de l’ensemble de ses demandes,
Par conséquent,
– Recevoir la société en son appel incident
Statuant de nouveau
– Débouter M. [L] de l’ensemble de ses demandes formulées au titre tant de l’exécution que de la rupture de son contrat de travail,
– Condamner M. [L] à verser à la société Hensoldt Nexeya France les sommes suivantes :
– 27’276 euros au titre de dommages et intérêts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis ;
– 3’600 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
– le condamner aux entiers dépens.
Vu l’ordonnance de clôture du 4 avril 2022.
SUR CE,
Sur l’exécution du contrat de travail’:
Sur les heures supplémentaires
M. [L] explique qu’il était soumis à une durée moyenne de travail de 38h30 heures réparties sur une année, conformément à l’accord collectif applicable, mais qu’il a été rémunéré sur la base de 35 heures et n’a fait l’objet d’aucun mécanisme de contrôle de sa charge de travail. Il ajoute avoir accompli de nombreuses heures supplémentaires non rémunérées.
Selon l’article L.3171-4 du code du travail, «’En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable’».
Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
Au soutien de ses dires, le salarié communique’:
– des emails professionnels dont un certain nombre a été adressé tard le soir et quelques-uns tôt le matin,
– un décompte journalier de son temps de travail.
Le salarié présente ainsi des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies permettant à l’employeur d’y répondre utilement.
L’employeur répond que le salarié n’a jamais sollicité le paiement d’heures supplémentaires pendant la relation de travail. Il souligne que M. [L] se prévaut d’un décompte qu’il a lui-même réalisé, comportant des horaires fictifs non justifiés au regard du nombre très réduit de mails qui sont dénués d’urgence et ne correspondent pas à un travail effectif.
L’absence de réclamation formulée par le salarié durant la relation de travail à propos de la réalisation d’heures supplémentaires non rémunérées est indifférente, étant observé que la demande formulée dans le cadre de la présente instance porte sur la période non prescrite de 2016 à 2019.
Par ailleurs, si M. [L] est effectivement l’auteur du décompte des heures supplémentaires non rémunérées qu’il considère avoir accomplies, il incombe à l’employeur, qui doit assurer le contrôle des heures de travail effectuées, de répondre aux prétentions du salarié en justifiant des horaires réellement réalisés. Or, l’employeur ne communique aucun élément sur ce point.
Surtout, il ne fournit aucune explication sur la contradiction existant entre la durée contractuelle du travail fixée au contrat de travail à 38h50 par semaine et celle figurant sur les bulletins de salaire, limitée à 35 heures.
Néanmoins, comme le relève pertinemment la SASU Hensoldt Nexeya France, il ressort de l’examen des courriels produits par M. [L] qu’un certain nombre d’entre eux datent de 2014, période non visée par la demande, ne correspondent pas à un travail effectif, ne répondent à aucune demande urgente, sont envoyés à des horaires habituels de journée ou n’émanent pas du salarié sans qu’une réponse soit attendue de sa part (ex : mails des 29 septembre, 3, 22 novembre, 8 décembre 2016, 4 janvier, 6 mars, 7, 12 avril, 3 mai, 13 novembre 2017, 5 avril, 6 juin, 3 décembre 2018, 21 février 2019).
La cour constate au surplus que certaines semaines, M. [L] a formulé une demande de paiement d’heures supplémentaires alors qu’il a évalué son temps de travail à 35 heures ou moins (ex : semaines des 15, 22 août 2016, 15 mai, 7 août, 18, 25 décembre 2017, 30 avril, 25 juin 2018). Il a également, certaines semaines, comptabilisé un nombre d’heures supplémentaires supérieur à celui auquel il peut prétendre (ex : semaine du 30 octobre 2017, 5 heures supplémentaires comptabilisées pour 38 heures de travail)
Enfin, le tableau communiqué par le salarié en pièce n°15 ne porte que sur la période courant du 1er août 2016 au 26 juillet 2018 et non juillet 2019 comme indiqué en page n°21 de ses conclusions.
En conséquence,’la cour dispose des éléments suffisants permettant d’établir que M. [L] a réalisé des heures supplémentaires non rémunérées et d’évaluer le rappel de salaire dû à ce titre à la somme de 26 812,39 euros, outre les congés payés afférents, soit 2 681,24 euros.
La SASU Hensoldt Nexeya France sera condamnée au paiement de ces sommes et le jugement déféré sera infirmé sur ce point.
Sur la contrepartie obligatoire en repos
Si M. [L] se prévaut d’un contingent conventionnel de 90 heures supplémentaires par an, il doit être rappelé que l’article 33 de la convention collective Syntec fixe ce contingent à 130 heures.
Compte tenu du volume d’heures supplémentaires accomplies sur la période considérée, il apparaît que le contingent annuel a été dépassé, justifiant la condamnation de la SASU Hensoldt Nexeya France au paiement de la somme de 5 498,19 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos, outre les congés payés afférents, soit la somme de 549,82 euros. Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.
Sur le travail dissimulé
L’article’L.8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l’article L.8221-3 du même code relatif à la dissimulation d’activité ou exercé dans les conditions de l’article L.8221-5 du même code relatif à la dissimulation d’emploi salarié.
L’article’L.8221-5, 2°, du même code dispose notamment qu’est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli.
Aux termes de l’article L.8223-1 du code précité, le salarié auquel l’employeur a recours dans les conditions de l’article’L.8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article’L.8221-5 du même code relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
Il ressort des bulletins de paie que M. [L] a été payé sur la base de 151,67 heures alors que son contrat de travail fixait son temps mensuel de travail à 166,83 heures, de sorte que le travail dissimulé est caractérisé.
La SASU Hensoldt Nexeya France sera par conséquent condamnée à payer à M. [L] une somme de 51 250,02 euros à titre de dommages et intérêts. Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.
Sur la rupture du contrat de travail’:
Au soutien de sa prise d’acte, M. [L] invoque la déloyauté de l’employeur au travers des manquements suivants’:
– une menace de licenciement’: M. [L] explique malgré les bons résultats de l’entreprise en 2018, il a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour motif économique par courrier RAR du 25 février 2019, avec remise d’un contrat de sécurisation professionnelle, alors qu’au cours de l’entretien, l’employeur lui a indiqué différer sa décision jusqu’à la conclusion d’un important contrat en cours de négociation en Turquie. Le salarié précise que l’employeur a renoncé à la procédure sans même l’en informer.
L’employeur répond que c’est dans le cadre des difficultés économiques rencontrées par l’entreprise au dernier trimestre 2018, à la suite d’une perte importante d’un marché et de la baisse drastique de résultats commerciaux, qu’il a été contraint d’envisager la suppression du poste de M. [L]. Il explique qu’au cours de l’entretien, le salarié a indiqué qu’il était en capacité de redresser les mauvais chiffres et de mener à bien une importante affaire commerciale pour des clients en Turquie, de sorte qu’il a été décidé de tenter de conserver son emploi.
Pourtant, la SASU Hensoldt Nexeya France ne communique aucun élément de preuve permettant d’établir l’existence d’un des motifs économiques visés par l’article L.1233-3 du code du travail qui sont seuls susceptibles de fonder un licenciement économique, alors que le salarié produit une lettre du président directeur général de la société et une capture d’écran du site internet de l’entreprise évoquant les bons résultats de l’exercice 2017/2018 et l’augmentation de 7% du chiffre d’affaires dont le montant a été porté à 125,5 millions d’euros 7 %. M. [L] communique également la lettre de v’ux pour l’année 2019 faisant référence aux bons résultats de l’année 2018.
En outre, comme le soutient l’appelant, l’employeur ne justifie pas l’avoir informé de sa décision de renoncer à la procédure de licenciement, le laissant dans la crainte de la perte de son emploi. Le manquement est établi.
– une modification unilatérale de son contrat de travail’: M. [L] soutient avoir été embauché en qualité de directeur commercial export et rétrogradé au poste d’ingénieur commercial export à compter du 1er juillet 2018 sans son accord et sans en avoir été informé. Il précise que ce n’est que le 16 octobre 2018 que l’employeur a insidieusement tenté de régulariser la situation en lui faisant signer un plan de bonus 2018/2019 mentionnant la fonction d’ingénieur commercial export.
L’employeur conteste toute rétrogradation du salarié, expliquant que seul l’intitulé du poste de M. [L] a été modifié de aera manager à ingénieur commercial export dans la perspective du changement de convention collective. Il souligne que la modification est intervenue 10 mois avant la prise d’acte du salarié.
Il ressort du contrat de travail conclu entre parties le 12 septembre 2013 que M. [L] a été engagé en qualité de directeur commercial export, alors que le plan de bonus 2018/2019 évoque la fonction d’ingénieur commercial export. Néanmoins, la cour constate que les bulletins de paie se réfèrent jusqu’en novembre 2018 à la fonction d’area manager et que nonobstant le changement de dénomination, M. [L] a conservé le même statut de cadre, niveau 3.2, coefficient 210. Il a même vu sa rémunération fixe augmenter de 2,27 % en juillet 2018, passant de 88 000 à 90 000 euros par an. Dans ces conditions, la rétrogradation alléguée n’est pas démontrée.
– la signature d’un avenant sous la contrainte’: M. [L] fait valoir que l’employeur lui a imposé à l’été 2019, à l’occasion du transfert de son contrat de travail à la SAS Nexeya France et alors que l’article L.1224-1 du code du travail ne nécessite aucun avenant, la signature d’un avenant à son contrat de travail modifiant le socle de sa rémunération et la convention collective applicable. Il précise que l’employeur a refusé de tenir compte de sa rétractation pourtant émise dès le lendemain de la signature de l’avenant.
L’employeur répond que l’avenant signé par le salarié contractualisait une augmentation de sa rémunération fixe mais ne modifiait pas la rémunération variable du salarié.
Pour les motifs précités, le seul changement de dénomination de la fonction occupée par M. [L] ne permet pas de caractériser une rétrogradation. En revanche, l’avenant qui a été proposé au salarié entraînait une modification du socle de sa rémunération, puisqu’il n’y est plus fait référence au versement d’une rémunération variable :
«’Rémunération :
M. [K] [L] percevra pour 166,83 heures une rémunération mensuelle brute de 7 725,00 euros’».
Ces stipulations contractuelles ne sont nullement circonscrites à la rémunération fixe du salarié et n’évoquent pas le paiement d’un bonus. Il n’est pas davantage indiqué que les stipulations du précédent contrat de travail qui n’ont pas été modifiées, restent applicables.
Par ailleurs, l’avenant entrainait une modification de la convention collective applicable. Si l’employeur soutient que la convention collective de la métallurgie était plus favorable au salarié, il ne justifie pas ses dires.
Enfin, le courrier que M. [R], responsable des ressources humaines, a adressé à M. [L] le 25 juillet 2019 en réponse à sa lettre de rétractation de son accord concernant l’avenant, établit qu’il a fait pression sur le salarié pour obtenir sa signature, puisqu’il indique lui avoir précisé que son refus entraînerait un préjudice grave pour ses collègues, dès lors que cette proposition s’accompagne d’une révision de salaire significative pour les cadres et non cadres, ainsi que la mise en place d’une prime d’ancienneté pour les non cadres et qu’il convenait que M. [L] se montre solidaire car tous les autres salariés étaient favorables à cet avenant.
Dans ces circonstances, le manquement est établi.
– l’absence de tout contrôle de la charge de travail et la réalisation de nombreuses heures supplémentaires’:
Pour les motifs précités, le manquement est établi.
– le non versement de l’avantage en nature véhicule’: M. [L] explique qu’à l’occasion de son embauche, il lui a été proposé un avantage en nature véhicule qui n’a jamais été mis à sa disposition.
L’employeur répond que M. [L] ne justifie pas de son préjudice et que le grief opportuniste est trop ancien pour justifier la prise d’acte.
Il ressort du contrat de travail conclu entre les parties le 12 septembre 2013 que l’employeur avait pris l’engagement de mettre à la disposition du salarié un véhicule de fonction. Or, il est acquis que M. [L] n’en a pas bénéficié. M. [R], dans le courrier précité du 25 juillet 2019, explique qu’il appartenait au salarié de contacter le service de gestion de flotte. Toutefois, l’employeur ne démontre pas en avoir informé le salarié. Néanmoins, si M. [L] sollicite, dans les motifs de ses conclusions, une somme de 29 500 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi, la cour constate que cette demande n’est pas reprise au dispositif de sorte qu’en application de l’article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, il n’y a pas lieu à statuer sur cette demande.
Au regard des manquements caractérisés et notamment de ceux relatifs à la menace de licenciement et aux pressions exercées en vue de la signature d’un avenant modifiant la structure de la rémunération du salarié, la prise d’acte de ce dernier doit produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.
Au regard des bulletins de paie produits et de l’ancienneté du salarié, l’employeur doit être condamné au paiement des indemnités de rupture suivantes :
– 16 668,83 euros, dans la limite de la demande, au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,
– 25 625,01 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
– 2 562,50 euros au titre des congés payés afférents.
A la date de la rupture du contrat de travail, il n’est pas démontré que la SASU Hensoldt Nexeya employait moins de 11 salariés. Par ailleurs, M. [L] percevait un salaire mensuel moyen de 8 541,67 euros. Il était âgé de 53 ans et bénéficiait d’une ancienneté de 5 années complète au sein de l’entreprise. Le salarié ne communique aucun élément concernant sa situation personnelle et professionnelle à la suite de sa prise d’acte. Il convient en conséquence de lui allouer une somme de 25 700 euros de dommages et intérêts en application des dispositions de l’article L.1235-3 du code du travail.
Sur la demande reconventionnelle de l’employeur
Compte tenu de la solution du litige, la demande reconventionnelle de l’employeur tendant au remboursement du préavis ne peut aboutir.
Sur la demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral
Si M. [L] soutient avoir été soumis à un stress important du fait de la déloyauté de l’employeur, ayant provoqué un véritable traumatisme, la cour constate que le salarié ne produit aucun élément de preuve du préjudice moral invoqué, de sorte que sa demande indemnitaire ne peut prospérer. Le jugement déféré est confirmé sur ce point.
Sur le remboursement par l’employeur à l’organisme des indemnités de chômage
En application de l’article L. 1235-4 du code du travail, il convient d’ordonner d’office le remboursement par l’employeur à l’organisme concerné, du montant des indemnités de chômage éventuellement servies au salarié du jour de son licenciement au jour du prononcé de l’arrêt dans la limite de six mois d’indemnités.
Sur les intérêts
Les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale seront dus à compter de la réception de la convocation de l’employeur devant le bureau de conciliation. S’agissant des créances de nature indemnitaire, les intérêts au taux légal seront dus à compter de la décision les ayant allouées.
Sur l’exécution provisoire
La présente décision n’étant pas susceptible de voie de recours suspensive d’exécution, la demande formulée au titre de l’exécution provisoire est sans objet.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
Compte tenu de la solution du litige, la décision entreprise sera infirmée de ces deux chefs et par application de l’article 696 du code de procédure civile, les dépens de première instance et d’appel seront mis à la charge de la SASU Hensoldt Nexeya.
La demande formée par M. [L] au titre des frais irrépétibles en cause d’appel sera accueillie, à hauteur de 4 000 euros.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
statuant publiquement et contradictoirement
Infirme le jugement entrepris’sauf en celles de ses dispositions relatives au préjudice moral et à l’avantage en nature véhicule’;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Dit que la prise d’acte de M. [K] [L] du 16 août 2019 produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Condamne la SASU Hensoldt Nexeya à payer à M. [K] [L] les sommes suivantes :
– 26 812,39 euros de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires,
– 2 681,24 euros au titre des congés payés afférents,
– 5 498,19 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos,
– 549,82 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos,
– 51 250,02 euros de dommages et intérêts au titre du travail dissimulé,
– 16 668,83 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,
– 25 625,01 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
– 2 562,50 euros au titre des congés payés afférents,
– 25 700 euros de dommages et intérêts en application des dispositions de l’article L.1235-3 du code du travail ;
Déboute la SASU Hensoldt Nexeya de sa demande reconventionnelle en paiement du préavis ;
Ordonne le remboursement par la SASU Hensoldt Nexeya, aux organismes concernés, des indemnités de chômage versées à M. [K] [L] dans la limite de 6 mois d’indemnités en application des dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail’;
Dit que les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la convocation de l’employeur en conciliation et celles à caractère indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt’;
Dit que la demande au titre de l’exécution provisoire est sans objet ;
Condamne la SASU Hensoldt Nexeya aux dépens de première instance et d’appel’;
Condamne la SASU Hensoldt Nexeya à payer à M. [K] [L] la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
Signé par Mme Hélène PRUDHOMME, président, et Mme’Sophie RIVIÈRE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIERLe PRÉSIDENT