COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
6e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 02 FEVRIER 2023
N° RG 20/01166 –
N° Portalis DBV3-V-B7E-T4PL
AFFAIRE :
S.E.L.A.R.L. [T].[B]
C/
[G] [X] [M] [K]
Association AGS CGEA IDF OUEST
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 avril 2020 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOULOGNE-BILLANCOURT
N° Section : AD
N° RG : F 19/00748
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Mélina PEDROLETTI
Me Norbert GOUTMANN
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DEUX FEVRIER DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
S.E.L.A.R.L. [T].[B] pris en la perseonne de Me [T] [B] mandataire liquidateur de la SARL AMKG-AUDIREP
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentants : Me Sabine GUEROULT de la SELARL SELARL INTER BARREAU CABINET SGTR, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1491 et Me Mélina PEDROLETTI, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626
APPELANTE
****************
Monsieur [G] [X] [M] [K]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentant : Me Norbert GOUTMANN de la SCP NORBERT GOUTMAN, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, vestiaire : PC 2
Association AGS CGEA IDF OUEST
[Adresse 1]
[Localité 5]
INTIMES
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 01 décembre 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Président,
Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,
Madame Isabelle CHABAL, Conseiller,
Greffier en pré-affectation lors des débats : Domitille GOSSELIN
Rappel des faits constants
La société AMKG, dont le siège social était situé à [Localité 7] dans les Hauts-de-Seine, était spécialisée dans les études de marché et sondage. Elle appliquait la convention collective nationale des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987, dite Syntec.
Par jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 16 mai 2019, cette société a fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire. La société [T]. [B], prise en la personne de Me [T] [B], a été désignée en qualité de liquidateur.
M. [G] [X] [M] [K], né le 7 janvier 1968, a été engagé par la société Audirep Marketing, devenue AMKG, selon divers contrats de travail à durée déterminée (CDD) d’usage successifs, en qualité d’enquêteur vacataire, à compter du 1er mars 2016.
Antérieurement, à compter du 20 octobre 2011, M. [K] avait conclu divers CDD d’usage en la même qualité, avec la société Semaai, devenue Hexacall.
Les CDD d’usage de M. [K] se sont succédé jusqu’au 18 janvier 2019, date de la fin du dernier CDD et dernier jour travaillé de M. [K].
M. [K] a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en requalification des CDD en de travail à durée indéterminée (CDI) par requête reçue au greffe le 5 juin 2019.
La décision contestée
Par jugement contradictoire rendu le 14 avril 2020, la section activités diverses du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt a :
– prononcé la requalification des CDD d’usage de M. [K] en CDI à compter du 20 octobre 2011,
– dit que la rupture des relations de travail le 18 janvier 2019 s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– fixé la créance de M. [K] au passif de la liquidation judiciaire de la société AMKG représentée par Me [B] de la société [T]. [B], mandataire liquidateur de ladite société, aux sommes suivantes :
. 1 522 euros à titre d’indemnité de requalification de CDD en CDI,
. 10 654 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. 3 044 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
. 304,40 euros au titre des congés payés afférents au préavis,
. 2 822 euros à titre d’indemnité de licenciement,
le tout avec intérêts au taux légal à compter de la notification de la demande en ce qui concerne les créances salariales et à compter du prononcé du jugement en ce qui concerne les indemnités, avec capitalisation des intérêts,
– rappelé qu’en vertu des dispositions de l’article R. 1454-28 du code du travail, les sommes visées par l’article R. 1454-14 sont exécutoires de plein droit dans la limite de neuf mois de salaire, calculés sur la base du salaire mensuel moyen,
– fixé cette moyenne à la somme de 1 522 euros,
– ordonné l’exécution provisoire sur le tout en vertu de l’article 515 du code de procédure civile, dans la limite de trois mois, la moyenne des trois derniers mois de salaire étant fixée à 1 522 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la date de saisine du conseil de prud’hommes,
– condamné la société AMKG, représentée par Me [B], mandataire liquidateur, à verser à M. [K] la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonné la remise d’un certificat de travail, d’une attestation Pôle emploi et d’un bulletin de salaire récapitulatif, conformes au présent jugement,
– déclaré le jugement opposable à l’Unedic Délégation AGS CGEA Île-de-France Ouest, sauf en ce qui concerne l’article 700 du code de procédure civile, et ce, dans la limite de ses obligations légales,
– débouté M. [K] du surplus de ses demandes,
– débouté la société AMKG, représentée par Me [B], mandataire liquidateur, de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonné l’emploi des dépens en frais privilégiés de la liquidation judiciaire.
M. [K] avait présenté les demandes suivantes :
– requalifier ses contrats de travail à durée déterminée successifs en un contrat à durée indéterminée,
– dire la rupture du CDD dépourvue de cause réelle et sérieuse,
– fixer la créance au passif de la liquidation judiciaire de la société AMKG, représentée par Me [B], mandataire liquidateur, aux sommes suivantes :
. 1 522 euros à titre d’indemnité de requalification de CDD en CDI,
. 12 176 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. 3 044 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
. 304,40 euros au titre des congés payés afférents,
. 3 044 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,
– condamner la société AMKG, représentée par Me [B], à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonner la remise des documents sociaux conformes au jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document,
– déclarer le jugement opposable à l’AGS CGEA Île-de-France,
– ordonner l’exécution provisoire sur le fondement de l’article 515 du code de procédure civile, les intérêts au taux légal et condamner les défendeurs aux dépens.
La société AMKG, prise en la personne de Me [B], avait quant à elle conclu au débouté du salarié et avait sollicité sa condamnation à lui verser la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
La procédure d’appel
La société C. [B] a interjeté appel du jugement par déclaration du 19 juin 2020 enregistrée sous le numéro de procédure 20/01166.
Par ordonnance rendue le 21 septembre 2022, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 1er décembre 2022.
Prétentions de la société [T]. [B], appelante
Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 9 mars 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la société [T]. [B], conduite par Me [B] en qualité de mandataire liquidateur de la société AMKG, demande à la cour d’appel de :
– la déclarer recevable et bien fondée en son appel,
– infirmer purement et simplement le jugement entrepris,
statuant à nouveau,
– débouter M. [K] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
– condamner M. [K] à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens dont le montant sera recouvré par Me Mélina Pedroletti, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,
subsidiairement,
– limiter les condamnations aux sommes suivantes :
. indemnité de requalification : 1 397,78 euros,
. indemnité conventionnelle de licenciement : 990 euros,
. préavis (deux mois) : 2 796 euros,
. congés payés sur préavis : 279,60 euros,
. indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 4 194 euros.
Prétentions de M. [K], intimé
Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 15 décembre 2020, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, M. [K] demande à la cour d’appel de :
– le recevoir en son argumentation,
– le dire bien fondé,
– confirmer le jugement entrepris,
– requalifier les contrats successifs de CDD en un CDI,
– dire la rupture du contrat dépourvu de cause réelle et sérieuse,
en conséquence,
– fixer la créance au passif de la société AMKG, représentée par Me [B], mandataire liquidateur, les montants dus au salarié, soit :
. 10 654 euros : dommages-intérêts pour rupture abusive (7 mois),
. 3 044 euros : préavis (2 mois),
. 304,40 euros : congés payés afférents au préavis (10%),
. 2 822 euros : indemnité légale de licenciement,
. 1 522 euros : indemnité de requalification,
avec intérêts au taux légal,
– remise des documents sociaux conformes sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document à compter de l’arrêt à intervenir,
– condamner la société AMKG, représentée par Me [B], mandataire liquidateur, à lui verser une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– déclarer le présent jugement opposable à l’Unedic, délégation AGS-CGEA Île-de-France Ouest,
– condamner l’appelant aux entiers dépens.
Prétentions de l’Unedic, délégation AGS-CGEA Île-de-France Ouest
L’Unedic, délégation AGS-CGEA Île-de-France Ouest, n’a pas constitué avocat. La déclaration d’appel lui a été signifiée le 31 juillet 2020, l’acte ayant été remis à une personne habilitée à le recevoir.
L’arrêt sera réputé contradictoire, conformément aux dispositions de l’article 473 du code de procédure civile.
MOTIFS DE L’ARRÊT
Sur l’ancienneté
M. [K] revendique une ancienneté de 7 ans et 5 mois, depuis le 20 octobre 2011. Il prétend que la société Hexacall a repris son ancienneté en février 2015, que le 1er mars 2016, la société Audirep a succédé à Hexacall, ces deux sociétés exerçant dans les mêmes locaux de [Localité 7]. Il souligne que depuis le début de son activité en 2011, il dispose d’un numéro d’enquêteur unique et que son activité s’est poursuivie sans discontinuer de 2011 à 2019.
La société [T]. [B] ès qualités conteste cette ancienneté. Elle prétend que M. [K] a effectué, en mars 2016, sa première mission pour la société AMKG, anciennement Audirep Marketing, que les bulletins de salaire antérieurs au mois de mars 2016 ont été établis par la société Hexacall, anciennement Semaai, que ces sociétés sont juridiquement totalement distinctes et indépendantes d’AMKG. Elle soutient que les missions effectuées par M. [K] pour le compte d’un autre employeur ne sauraient être prises en compte dans le cadre de la présente instance, quand bien même M. [K] se serait vu attribuer par ces sociétés un numéro d’enquêteur identique. Elle ajoute que les éléments mentionnés sur les bulletins de salaire de la société Hexacall sont inopposables à la société AMKG et que pour qu’il y ait reprise d’ancienneté, il faut qu’existent des éléments permettant de caractériser la volonté claire et commune des parties de ce faire.
L’ancienneté de M. [K] au 1er mars 2016 à partir du moment où il a commencé à travailler pour Audirep devenu AMKG, n’est pas contestée par la société C. [B] ès qualités.
M. [K] revendique cependant une ancienneté plus importante, à compter du 20 octobre 2011, quand il a commencé à travailler pour la société Hexacall.
L’examen des extraits K-bis des deux sociétés montre que celles-ci sont enregistrées au RCS sous des numéros différents (pièces 3 et 4 du liquidateur).
Contrairement à ce qu’a retenu le conseil de prud’hommes, le fait que M. [K] ait bénéficié d’un numéro d’enquêteur unique depuis 2011 ne suffit pas à caractériser une reprise d’ancienneté.
Le fait que la société Hexacall ait établi le bulletin de salaire de janvier 2016 en mentionnant une ancienneté au 20 octobre 2011, n’est pas de nature à engager la société AMKG, anciennement Audirep.
Il n’est par ailleurs pas démontré que la société AMKG, anciennement Audirep, ait accepté une reprise d’ancienneté, ni que les sociétés se soient succédé en application des dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail.
Au regard de ces éléments, il sera retenu une ancienneté de 3 ans, à compter du 1er mars 2016 jusqu’au 15 mars 2019, incluant les deux mois de préavis, par infirmation du jugement entrepris.
Sur la requalification des CDD
Pour solliciter la requalification des CDD, M. [K] prétend que les multiples contrats qu’il a conclus confirment que ceux-ci avaient pour objet et effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise et qu’à l’inverse, l’entreprise n’établit pas le caractère par nature temporaire de l’emploi.
La société C. [B] ès qualités conteste cette argumentation. Elle soutient que le caractère temporaire de l’emploi occupé par un salarié est avéré dès lors que l’employeur justifie que le nombre d’enquêteurs travaillant journellement varie considérablement de mois en mois et même de semaine en semaine, établissant ainsi le caractère éminemment fluctuant de son activité. Elle prétend que chaque contrat de M. [K] mentionne des missions et des clients différents. Elle ajoute que M. [K] ne travaillait pas uniquement pour la société AMKG et qu’il a refusé le CDI qui lui a été proposé.
La société AMKG, en tant que société d’enquêtes, relève d’un secteur d’activité visé à l’article D. 1251-1 du code du travail, pour lequel il est d’usage de ne pas recourir au CDI, cette question n’étant pas discutée par les parties.
La possibilité de conclure des CDD d’usage est prévue et encadrée par la convention collective Syntec.
Toutefois, conformément aux dispositions de l’article L. 1242-1 du code du travail, le recours au CDD ne peut avoir ni pour objet, ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise, quel que soit son motif.
S’agissant de l’enchaînement des CDD d’abord, les parties s’accordent pour retenir que le premier CDD remonte au 1er mars 2016 et le dernier s’est terminé le 15 janvier 2019.
M. [K] produit les contrats souscrits en 2018 et l’ensemble de ses bulletins de paie.
La chronologie des contrats montre que ceux-ci se sont enchaînés de manière régulière, voire se sont chevauchés. Par exemple, au mois de mars 2018, il a travaillé du 5 au 9, du 12 au 16, du 15 au 23 et du 26 au 9 avril ou encore au mois de juin 2018, il a travaillé du 4 au 8, du 5 au 27, du 11 au 15, du 18 au 22, du 19 au 22, du 26 au 30.
Il est établi, en premier lieu, que M. [K] exerçait une activité identique d’enquêtes, même si les missions pouvaient être différentes et les clients également.
Le liquidateur expose que la société AMKG était une société d’études de marché et de comportement de la clientèle, qu’elle avait pour clients des sociétés et des enseignes intervenant dans des domaines très divers comme la téléphonie, la banque, la grande consommation, la santé ou le transport,
L’analyse des contrats montre qu’ils mentionnent certes des clients différents mais indiquent comme objet, très majoritairement une enquête par téléphone, parfois une étude, plus rarement une relecture d’étude ou le management d’une équipe d’enquêteurs, qu’ils sont rédigés sur un imprimé type identique, avec toujours la même rémunération, à savoir « En contrepartie de l’exécution de ses fonctions, M. [K] percevra une rémunération de 10,00 euros bruts/H [ hors congés payés (10%) et précarité (4%)]. Tout travail effectué du 1er au dernier jour du mois sera payé le 20 du mois M +1 », ce dont il se déduit que le salarié exerçait toujours le même emploi d’enquêteur, en lien avec l’activité normale et permanente de l’entreprise.
Il est également démontré, en deuxième lieu, que la réalisation d’enquête relevait de l’activité normale et permanente de l’entreprise.
Le liquidateur expose que l’activité de la société AMKG était marquée par une grande irrégularité et une faible visibilité, qu’elle était contrainte d’adapter ses ressources à son activité, par nature fluctuante, que le nombre d’enquêteurs auquel elle avait recours était fonction du nombre et de l’ampleur des missions qu’elle se voyait confier par ses clients, que l’effectif moyen, en équivalent temps plein, en 2018, était très variable d’un mois à l’autre, qu’elle était une petite entreprise, sans commune mesure avec les instituts d’enquêtes et de sondages leaders du secteur.
L’analyse du tableau reprenant le nombre total d’enquêteurs par mois produit par le liquidateur montre certes une variation très importante des enquêteurs engagés mais ne permet pas de connaître la structuration de l’emploi au sein de l’entreprise et donc de vérifier que la société avait engagé des salariés en CDI pour son activité structurelle et des CDD uniquement pour son activité conjoncturelle (pièce 9 de l’employeur), de sorte qu’il doit être retenu que l’employeur, sur qui pèse la charge de la preuve, ne démontre par aucune pièce utile le caractère temporaire de l’emploi.
En outre, il ne peut être utilement opposé à M. [K], lequel ne réclame pas le paiement des périodes interstitielles, que la fluctuation des missions lui permettait de consacrer du temps à ses autres activités ‘ il est scénariste consultant d’une équipe High concept qui propose une méthode professionnelle d’écriture de fictions et professeur de Krav maga – et de conserver la souplesse que lui offrait le statut d’enquêteur, cette circonstance n’étant pas de nature à faire échec à la requalification sollicitée.
Enfin, le fait qu’il ait refusé le CDI (précisément de CEIGA c’est à dire de Contrat d’Enquêteur Intermittent à Garantie Annuelle) que lui a proposé la société AMKG en novembre 2018, ne peut non plus lui être opposé, cette offre tendant au contraire à démontrer que son emploi pouvait relever d’un CDI.
Il se déduit de ces constatations que le recours au CDD d’usage dans le cas de M. [K] n’était pas justifié par la nature temporaire de son emploi et visait au contraire à pourvoir un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise, de sorte qu’il convient de faire droit à la demande de requalification formulée par le salarié, par confirmation du jugement entrepris.
Sur les conséquences de la requalification
Conséquence de la requalification des CDD en un CDI, M. [K] peut d’abord prétendre à une indemnité de requalification prévue par l’article L. 1245-2 du code du travail, à la charge de l’employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire.
Au vu des bulletins de salaire, le salaire brut mensuel doit être fixé à la somme de 1 522 euros.
L’indemnité de requalification sera évaluée à la somme de 1 522 euros, conformément à la demande, par confirmation du jugement entrepris.
M. [K] peut également prétendre aux indemnités de rupture et à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, dès lors qu’aucune procédure de licenciement n’a été mise en ‘uvre pour rompre le contrat de travail.
Le préavis, équivalent à deux mois de salaire, sera arrêté à la somme de 3 044 euros, outre les congés payés afférents.
L’indemnité légale de licenciement, sur la base d’une ancienneté de 3 ans, ressort à 1 141,50 euros.
Enfin, M. [K] peut prétendre à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
L’article L. 1235-3 du code du travail, dans sa version applicable au litige, prévoit au profit du salarié bénéficiant d’une ancienneté supérieure à deux ans dans une entreprise de plus de dix salariés, dont le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, à « une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés » en fonction de l’ancienneté dans l’entreprise.
Pour un salarié ayant 3 ans d’ancienneté, comme M. [K], cette indemnité se situe, selon le barème légal, entre trois mois et quatre mois de salaire.
Au regard des circonstances de la cause, telles qu’elles ont été retenues précédemment, eu égard à l’ancienneté de M. [K], à son âge au moment de la rupture des relations contractuelles, à la rémunération qui lui était versée mais en l’absence de pièces produites sur sa situation après la rupture, la cour dispose des éléments nécessaires pour évaluer les dommages-intérêts dus au salarié en réparation de la perte de son emploi, à la somme de 4 566 euros correspondant à trois mois de salaire.
Sur la procédure collective
Il est rappelé que par jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 16 mai 2019, la société AMKG a fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire. La société C. [B], prise en la personne de Me [T] [B], a été désignée en qualité de liquidateur.
En application des dispositions de l’article L. 622-21 du code de commerce, le jugement d’ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part des créanciers, tendant à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent.
En application des dispositions des articles L. 622-22 et L. 625-1 du même code, les éventuelles créances du demandeur ne pourront faire l’objet, le cas échéant, que d’une fixation au passif de la liquidation judiciaire.
Sur la garantie de l’Unedic, délégation AGS-CGEA Île-de-France Ouest
Aux termes de l’article L. 3253-8 du code du travail, l’assurance mentionnée à l’article L. 3253-6 couvre les sommes dues aux salariés à la date du jugement d’ouverture de toute procédure de redressement ou de liquidation judiciaire ainsi que les créances résultant de la rupture du contrat de travail intervenant pendant la période d’observation.
Compte tenu de la nature des sommes allouées, l’AGS-CGEA doit sa garantie dans les termes des articles L. 3253-8 et suivants du code du travail.
Le présent arrêt sera déclaré opposable à l’Unedic, délégation AGS-CGEA Île-de-France Ouest.
Sur les intérêts moratoires
Le créancier peut prétendre aux intérêts de retard calculés au taux légal, en réparation du préjudice subi en raison du retard de paiement de sa créance par le débiteur.
Les condamnations prononcées produisent en principe intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l’employeur de la convocation devant le Bureau de Conciliation et d’Orientation pour les créances contractuelles, soit en l’espèce nécessairement après le 5 juin 2019 (date de saisine du conseil de prud’hommes, la seule figurant sur le jugement) et à compter de la décision qui en fixe le principe et le montant pour les créances indemnitaires.
Toutefois, l’article L. 622-28 du code de commerce dispose : « Le jugement d’ouverture arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que de tous intérêts de retard et majorations, à moins qu’il ne s’agisse des intérêts résultant de contrats de prêt conclus pour une durée égale ou supérieure à un an ou de contrats assortis d’un paiement différé d’un an ou plus. Les personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie peuvent se prévaloir des dispositions du présent alinéa. Nonobstant les dispositions de l’article 1343-2 du code civil, les intérêts échus de ces créances ne peuvent produire des intérêts.
Le jugement d’ouverture suspend jusqu’au jugement arrêtant le plan ou prononçant la liquidation toute action contre les personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie. Le tribunal peut ensuite leur accorder des délais ou un différé de paiement dans la limite de deux ans.
Les créanciers bénéficiaires de ces garanties peuvent prendre des mesures conservatoires. »
En vertu de cet article, les intérêts moratoires sont dus jusqu’à l’ouverture de la procédure collective, soit en l’espèce jusqu’au 16 mai 2019.
Cette date étant antérieure au point de départ des intérêts, tel que retenu dans le cadre de la procédure prud’homale, M. [K] sera débouté de sa demande au titre des intérêts moratoires.
Sur la remise des documents de fin de contrat de travail conformes au présent arrêt
M. [K] est bien fondé à solliciter la remise par la société C. [B] ès qualités des documents sociaux de fin de contrat de travail conformes au présent arrêt.
Il n’y a pas lieu, en l’état des informations fournies par les parties, d’assortir cette obligation d’une astreinte comminatoire. Il n’est en effet pas démontré qu’il existe des risques que la société [T]. [B] puisse se soustraire à ses obligations.
Sur les dépens et les frais irrépétibles de procédure
La société C. [B] ès qualités, qui succombe pour l’essentiel dans ses prétentions, supportera les dépens en application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile.
La société C. [B] ès qualités sera en outre tenue de payer à M. [K] une indemnité sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, que l’équité et la situation économique respective des parties conduisent à arbitrer à la somme de 1 000 euros.
Compte tenu de la procédure collective en cours, il y a lieu à fixation au passif.
Le jugement de première instance sera confirmé en ses dispositions concernant les dépens et les frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La COUR, statuant publiquement, en dernier ressort et par arrêt réputé contradictoire,
CONFIRME le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt le 14 avril 2020, excepté en ce qu’il a retenu une ancienneté de 7 ans et 5 mois depuis le 20 octobre 2011, en ce qu’il a fixé au passif de la liquidation de la société AMKG la somme de 2 822 euros à titre d’indemnité légale de licenciement et la somme de 10 654 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
FIXE l’ancienneté de M. [G] [K] à 3 ans,
FIXE au passif de la liquidation judiciaire de la société AMKG les créances suivantes :
1 141,50 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,
4 566 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
DÉBOUTE M. [G] [K] de sa demande au titre des intérêts de retard,
ORDONNE à la société C. [B] en qualité de mandataire liquidateur de la société AMKG de remettre à M. [G] [K] les documents sociaux conformes au présent arrêt,
DÉBOUTE M. [G] [K] de sa demande d’astreinte,
DÉCLARE le présent arrêt opposable à l’Unedic, délégation AGS-CGEA Île-de-France Ouest dans les limites de sa garantie légale,
FIXE au passif de la liquidation judiciaire de la société AMKG les entiers dépens,
FIXE au passif de la liquidation judiciaire de la société AMKG la créance de M. [G] [K] à la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Catherine Bolteau-Serre, président, et par Mme Domitille Gosselin, greffier en pré-affectation, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER EN PRE-AFFECTATION, LE PRESIDENT,