Convention collective SYNTEC : 2 février 2023 Cour d’appel de Chambéry RG n° 21/01653

·

·

Convention collective SYNTEC : 2 février 2023 Cour d’appel de Chambéry RG n° 21/01653

COUR D’APPEL DE CHAMBÉRY

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 02 FEVRIER 2023

N° RG 21/01653 – N° Portalis DBVY-V-B7F-GYWS

S.A.R.L. SKIINFO.FR dont l’ancien siège social encore mentionné au RCS est sis [Adresse 3], et dont le nouveau siège social est sis [Adresse 6], actuellement en cours de modification auprès du RCS

C/ [O] [W] [K]

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’ANNECY en date du 29 Juin 2021, RG 20/00164

APPELANTE ET INTIMEE INCIDENTE

S.A.R.L. SKIINFO.FR dont l’ancien siège social encore mentionné au RCS est sis [Adresse 3], et dont le nouveau siège social est sis [Adresse 6], actuellement en cours de modification auprès du RCS

[Adresse 7],

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représentée Me Guillaume BAUFUME de la SARL GUILLAUME BAUFUME, avocat postulant, inscrit au barreau de CHAMBERY

et par Me Jilali MAAZOUZ, avocat plaidant, inscrit au barreau de PARIS, et substitué par Me Anne-Lorraine MEREAUX

INTIME ET APPELANT INCIDENT

Monsieur [O] [W] [K]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représenté par Me Laurence MAYBON, avocat au barreau d’ANNECY

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 17 Novembre 2022 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Frédéric PARIS, Président,

Monsieur Cyril GUYAT, Conseiller, chargé du rapport

Madame Isabelle CHUILON, Conseiller,

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Sophie MESSA,

Copies délivrées le :

********

FAITS ET PROCÉDURE

M. [O] [W] [K] a été engagé par la société CyberAction en contrat à durée indéterminée à temps plein par contrat du 8 avril 1998.

Le 1er septembre 2000, il a été engagé par la société Skiinfo.fr sous contrat à durée indéterminée en qualité de développeur multimédia par contrat à durée indéterminée à temps plein. Son ancienneté au service de CyberAction a été reprise au 8 avril 1998.

Un avenant au contrat de travail du 2 septembre 2002 mentionnait une rémunération mensuelle calculée sur la base de 35 heures, la société s’engageant à veiller à ce que les travaux confiés au salarié, travailleur à domicile, et les délais y afférent, n’entraînent pas une violation des dispositions légales en matière de durée du travail.

A compter d’août 2012, il occupait les fonctions de rédacteur en chef.

La société exploite un site internet qui promeut le ski dans les stations de ski françaises, nord-américaines et européennes.

Elle fait partie du groupe MNC, comprenant trois autres sociétés basées en Allemagne, en Italie et en Slovaquie.

Le salarié percevait au dernier état de la relation contractuelle un salaire mensuel brut de 3640,32 euros, et bénéficiait de la classification Etam, position 3.2, coefficient 450 de la convention collective Syntec.

L’effectif de la société est de quatre salariés.

Le salarié a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement économique fixé au 17 juin 2020 par lettre datée du 4 juin 2020.

Un contrat de sécurisation professionnelle a été soumis au salarié le 16 juin 2020.

Le salarié a accepté ce contrat le 1er juillet 2020.

Son contrat de travail prenait fin le 8 juillet 2020.

Les documents de fin de contrat (solde de tout compte, certificat de travail et attestation Pôle emploi) ont été remis au salarié.

Ce dernier a perçu une indemnité de licenciement et une indemnité compensatrice de congés payés.

Contestant son licenciement, M. [O] [W] [K] a saisi le conseil de prud’hommes d’Annecy le 29 juillet 2020 à l’effet d’obtenir un rappel d’heures supplémentaires, une indemnité compensatrice de préavis, des dommages et intérêts pour licenciement abusif, pour non respect du temps de repos, des indemnités au titre de la contrepartie obligatoire en repos non prise et au titre du travail dissimulé.

Par jugement du 29 juin 2021, le conseil de prud’hommes d’Annecy a :

– jugé que le licenciement était dépourvu de toute cause économique réelle et sérieuse,

– condamné la Sarl Skiinfo.fr à verser à M. [O] [W] [K] la somme de 60110,42 euros à titre d’indemnité pour licenciement abusif,

– débouté le salarié de ses autres demandes,

– débouté la Sarl Skiinfo.fr de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la Sarl Skiinfo.fr à verser à M. [O] [W] [K] la somme de 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la Sarl Skiinfo.fr aux dépens.

La Sarl Skiinfo.fr a interjeté appel par déclaration du 5 août 2021 au réseau privé virtuel des avocats. M. [O] [W] [K] a formé appel incident.

Par dernières conclusions notifiées le 16 septembre 2022, auxquelles la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens, la Sarl Skiinfo.fr demande à la cour de :

– infirmer le jugement du 29 juin 2021 en ce qu’il a dit que la rupture du contrat de travail est sans cause réelle et sérieuse, en ce qu’il l’a condamnée à verser des dommages et intérêts à ce titre, et en ce qu’il l’a condamnée à verser une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté le salarié du surplus de ses demandes,

Statuant à nouveau :

– débouter le salarié de l’ensemble de ses demandes,

En tout état de cause :

– condamner le salarié au paiement d’une somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner le salarié aux dépens de première instance et d’appel.

Elle fait valoir que le chifffre d’affaires et l’Ebitda étaient en baisse constante. L’Ebitda est l’expression américaine de l’excédent de bénéfice brut avant intérêts et impôts.

Le chiffre d’affaires s’est dégradé et l’Ebitda devait être négatif en 2021.

En raison de nombreux concurrents et de l’évolution rapide du marché, le modèle commercial et l’approche produit sont devenus obsolètes et MNC n’était plus en situation de suivre le rythme du secteur.

L’activité de la société est fortement liée à celle de MNC car elle n’a qu’une activité commerciale consistant en des fonctions de production de contenu et de comptabilité, avec le soutien des Etats-Unis pour l’informatique et le développement et les opérations publicitaires.

Sans ce soutien la société ne peut fonctionner, et le projet de réorganisation de MNC a eu un impact direct sur la société.

Les indicateurs financiers se sont dégradés.

Pour 2019, l’Ebitda était de 165 784 euros alors que sur l’exercice précédent il était de 326422 euros, soit une variation de – 49 %.

En 2020 l’Ebitda était de 157 182 euros, soit une variation, de – 8602 euros par rapport à 2019.

L’évolution du chiffre d’affaires entre 2019 et 2020 est de – 394461 euros soit – 42,8%.

Il suffit que la durée de baisse du chiffre d’affaire comparée au chiffre d’affaires de l’année précédente à la même période soit d’au moins un trimestre, ce qui est le cas en l’espèce puisqu’ entre 2019 et 2020 la baisse concerne les quatre trimestres de l’année.

Elle a constaté en outre que la crise sanitaire entraînant une diminution du tourisme allait gravement obérer son activité déjà en baisse.

Les aides mises en place ne concernaient pas la société au début de leur mise en place et ne permettaient qu’une indemnisation partielle des préjudices subis.

Le fait qu’une cessation d’activité envisagée ne soit pas intervenue n’enlève en rien la réalité des difficultés économiques. La cessation d’activité n’est pas en l’espèce la cause économique.

Si les difficultés économiques ne doivent pas résulter d’une attitude intentionnelle ou frauduleuse de l’employeur, le juge n’a pas à contrôler les choix de gestion de l’employeur et la faute doit être particulièrement caractérisée.

La faute de gestion ne prive un licenciement de cause réelle et sérieuse que si elle résulte d’une attitude frauduleuse ou d’une légèreté blâmable, et la faute doit avoir un lien de causalité avec les difficultés rencontrées.

La pratique des ‘Managements Fees’, consistant dans la fourniture de prestations relatives à la direction, à la stratégie et à l’organisation est licite et admise lorsque leur montant n’est pas surévalué et que la prestation est réelle.

Le salarié met en cause les facturations de prestations sur la période 2014/2016 établies par le groupe Vail Resort. Si l’administration fiscale a opéré un redressement, c’est en raison d’une erreur de déduction de taux, la société a en effet déduit 40 % des ‘managements fees’ du résultat imposable au lieu de déduire 30 %.

Cette erreur ne concerne en rien une stratégie d’appauvrissement de la société Skiinfo.fr, et il n’y avait aucune opération de Cash Pooling ou de remontées de bénéfices via des ‘managements Fees’.

Aucune surfacturation n’est à déplorer. Elle a justifié de sa gestion à l’administration fiscale.

Sur la pratique du cash pooling, ce système permet la gestion centralisée des comptes de filiales d’un même groupe et la trésorerie des filiales est centralisée au sein d’une entité, la filiale détient une créance, et les fonds étaient disponibles. Ce systéme n’a appauvri en rien la société et aucune faute ne peut lui être reprochée.

Le salarié critique les choix de gestion qui sont la prérogative de l’employeur, et qui ne peuvent constituer une légereté blâmable.

Sur la prétendue volonté cachée du groupe MNC de céder la société à moindre frais, l’acquisition de la société par M. [E] est intervenue bien après la rupture du contrat de travail.

Le motif économique s’apprécie lors de la rupture du contrat de travail, et tout élément postérieur doit être écarté.

Ce n’est qu’après la rupture que des repreneurs se sont manifestés, et il n’y a eu aucun stratagème de la société et du repreneur.

A la date de la rupture, aucune cession n’était envisagée, et c’est pourquoi aucune information n’a été délivrée sur la cession au moment de la rupture sur le fondement de l’article L 2310-1 du code de commerce.

Enfin, l’article L 1224-1 du code du travail n’avait pas vocation à s’appliquer. Il n’y avait pas de transfert d’une entitité économique autonome et de maintien de l’identité de l’entité transféreré avec poursuite ou reprise de l’activité de cette entité par le repreneur.

Le changement d’actionnaire ne constitue pas un transfert d’une entité ou d’une activité.

La partie adverse cite des arrêts relatifs à un tranfert d’activité et non à un simple changement d’actionnaire.

Le préjudice résultant du licenciement n’est pas établi.

La demande de paiement du préavis est infondée, le salarié ayant fait le choix du CSP.

Sur les heures supplémentaires, le salarié n’apporte pas la preuve explicite d’une demande de l’employeur, et ne fournit pas plus la preuve d’un accord même implicite.

Il ne prouve pas que les heures supplémentaires étaient nécessaires.

Le salarié n’a jamais demandé le paiement d’heures supplémentaires depuis son entrée dans la société.

Le salarié ne fournit pas d’éléments précis quant aux heures qu’il aurait effectuées.

Les mails produit n’établissent aucune urgence et ne sont que de brefs échanges. Certains portent sur des sujets personnels. Ils sont rédigés à l’initiative du salarié.

Il réclame des heures supplémentaires sur des périodes pendant lesquelles il était en congés.

Le salarié ne produit des saisies de bulletins neige qu’à raison d’un week-end par mois, certaines plages d’entrée étant extrêmement courtes et d’autres inexistantes, certains mois il ne justifie d’aucune plage d’entrée.

Le salarié est systématiquement à l’initiative des échanges s’agissant des conversations Skype. Il ne produit que trois conversations qui ne présentent aucun caractère d’urgence.

Ces éléments n’apparaissent pas suffisants pour justifier l’accomplissement d’heures supplémentaires.

Le travail dissimulé n’est pas établi en l’absence d’heures supplémentaires. En tout état de cause, l’élément intentionnel n’est pas caractérisé.

Par dernières conclusions notifiées le 1er juin 2022, auxquelles la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens, M. [O] [W] [K] demande à la cour de :

– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a dit que son licenciement était sans cause économique réelle et sérieuse, en ce qu’il a condamné la Sarl Skiinfo.fr à lui verser la somme de 60110,42 euros à titre d’indemnité pour licenciement abusif et en ce qu’il a débouté cette dernière de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– infirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté de ses autres demandes,

Statuant à nouveau :

– condamner la Sarl Skiinfo.fr à lui verser:

* 932,10 euros brut et 93,21 euros brut de congés payés au titre des heures supplémentaires 2017,

* 4427,47 euros brut et 442,74 euros brut de congés payés au titre des heures supplémentaires 2018,

* 4455,66 euros brut et 445,56 euros brut de congés payés au titre des heures supplémentaires 2019,

* 3600,24 euros brut et 360,02 euros brut de congés payés au titre des heures supplémentaires 2020,

* 7280,64 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 728,06 euros brut de congés payés afférents,

* 3000 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect des temps de repos et des limites maximales de travail,

* 21 841,92 euros net à titre d’indemnité pour travail dissimulé,

* 512,60 euros à titre d’indemnisation de la contrepartie obligatoire en repos non prise,

En tout état de cause :

– condamner la Sarl Skiinfo.fr à lui verser la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouter la Sarl Skiinfo.fr de sa demande à ce titre, et la condamner aux dépens.

Il expose en substance que la société fait partie du groupe Mountain News Corporation exploitant trois autre sociétées en Allemagne, en Italie et en Slovaquie, groupe appartenant lui-même au groupe américain Vail Ressorts qui exploite 37 stations de ski dans le monde entier.

La société Skiinfo.fr était bénéficiaire en juin 2020, avec une rentabilité de 8% à la date de juillet 2020 en dépit des procédures de licenciement débutées en juin et de la période de non-activité du dernier trimestre.

A la lecture des motifs du licenciement évoquant que l’Ebitda, indicateur financier américain, serait négatif en 2021, de l’anticipation d’un Ebitda négatif en 2020 et d’une estimation de baisse du chiffre d’affaires, l’employeur n’avait aucune justification économique avérée et certaine, c’est à dire réelle et sérieuse pour le licencier.

Il était mentionné que la fermeture de l’entreprise était envisagée et que la cessation d’activité était potentielle.

Il n’a reçu aucune explication lors de l’entretien préalable, la lettre de licenciement lui a été lue en anglais, et traduite par un traducteur.

Il n’a reçu aucune proposition de reclassement.

Après avoir rappelé les règles du licenciement économique, de la cessation d’activité, et du transfert du contrat de travail, de l’information préalable des salariés en cas de cession, et la jurisprudence de la chambre sociale en matière de licenciement économique, et de légèreté blâmable dans le cas de la fermeture d’une filiale in bonis au seul motif d’améliorer la rentabilité (Cass soc 1er février 2011 n° 10-30. 045), il soutient que les difficultés économiques ne sont pas avérées.

La société a toujours été rentable au vu des chiffres d’affaires des exercices de 2017 à 2019 et du bénéfice net positif au cours de ces années.

Il est normal que le chiffre d’affaires ait baissé en 2020 puisqu’un trimestre de mai à juillet a été tronqué et que l’avant dernier trimestre a été aussi tronqué par le soudain confinement du 16 mars 2020.

La société ne connaissait aucune difficulté financière et était leader sur le marché français de l’information sur les conditions de ski.

D’ailleurs tous les postes d’immobilisation (locaux, véhicule, parc informatique) ont été renouvelés quelques mois avant les licenciements.

Les prétendus difficultés économiques exposées par la lettre de licenciement devront être établies par l’employeur qui n’a évoqué que des hypothèses de baisse de chiffres d’affaires.

En outre ces difficultés concernaient le groupe MNC et non la société.

Bien que l’activité du ski ait été impactée par la crise sanitaire, le secteur a bénéficié d’un soutien financier massif de l’Etat, ce dont la société n’a pas cherché à bénéficier.

La baisse de rentabilité alléguée est liée à la légèreté blâmable de l’employeur.

La cessation d’activité ne peut résulter d’une attitude fautive ou d’une légèreté blâmable de l’employeur.

La trésorerie de la société a servi à combler le déficit des autres sociétés du groupe. Cela aurait pu servir à supprimer les difficultés économiques alléguées.

Le groupe Vail Resort a aussi facturé sans raison ou surfacturé la société, ce qui a amoindrie sa trésorerie.

La société a d’ailleurs subi à ce sujet un redressement fiscal en décembre 2018 de 100 000 € pour la période 2014/2016.

En outre la société n’avait aucune vision stratégique de son activité, ni de gouvernance cohérente, elle n’a réalisé aucun investissement marketing en huit années, a baissé son

budget création, a très peu investi dans les réseaux sociaux pourtant stratégiques dans un environnement concurrentiel, a réduit le nombre de vendeurs.

Si une baisse de rentabilité a pu être identifiée au cours de la dernière année, elle résulte de la mauvaise gestion de la société et de sa légéreté blâmable.

Cette légèreté est aussi caractérisée par le refus de bénéficier de mesures d’activité partielle lors du confinement.

La cessation d’activité annoncée n’a pas eu lieu, et le deuxième élément causal fait donc défaut.

En réalité la véritable cause du licenciement réside dans le fait que le groupe Vail Resort voulait vendre son activité en licenciant au préalable les salariés.

Aucune cessation d’activité n’était en réalité projetée et la société devait être cédée.

Les salariés licenciés n’ont pas été au préalable informés de cette cession alors que l’article L 2310-1 du code de commerce prévoit cette information.

Lui-même et un autre salarié licencié ont toutefois fait valoir leur candidature, mais la société n’a pas donné suite.

M. [P] [E], qui a racheté l’ensemble des sociétés du groupe MNC, avait la volonté d’acquérir la société Skiinfo.fr mais a tardé en raison du risque de condamnation de la société devant le conseil de prud’hommes.

Depuis le 8 décembre 2020, M. [E] a racheté la société en obtenant manifestement une garantie du passif de la part de Vail Resorts.

Au jour des licenciements, le cessionnaire de la société Vail Resorts n’a jamais eu l’intention de cesser l’activité du groupe MNC et de la société Skiinfo.fr. La société Vail Resorts et la société Skiinfo.fr ont orchestré une fraude à l’article L 1224-1 du code du travail, en licenciant trois des quatre salariés avant la cession.

Les salariés licenciés ont été remplacés.

Il subit un préjudice important, il avait une ancienneté de 22 ans, il s’est retrouvé au chômage et s’y trouvait toujours à la date de rédaction des conclusions d’appel. il est donc sans emploi depuis le 13 février 2022. Il est en couple et à deux enfants à charge.

Compte tenu de ces éléments et de la mauvaise foi de l’employeur, la cour devra appliquer le maximum du barème de l’article L 1235-3 du code du travail.

Il a aussi droit à une indemnité compensatrice de préavis, quand bien même celle-ci a déjà été reversée à Pôle Emploi dans le cadre du CSP, en application de la jurisprudence constante de la cour de cassation.

S’il travaillait selon des horaires normales hors saison hivernale, il travaillait beaucoup plus du 1er décembre au 30 avril, car il devait garantir une mise à jour des infos neige, des webcams et des flux météos en tout début de matinée et 7 jours sur 7.

Il lui était par ailleurs nécessaire de maintenir un lien quotidien avec l’équipe technique aux Etats-Unis, afin d’éviter les éventuelles pannes et ‘bugs’, ce qu’il ne pouvait faire qu’en fin de journée compte-tenu du décalage horaire de 7 ou 8 heures.

Ces deux missions lui imposaient de travailler le samedi et le dimanche de 8h30 à 10h00.

Il produit des tableaux semaine par semaine établis en se basant sur les courriels qu’il a envoyés et les conversations Skype qu’il a eues en dehors de ses heures de travail rémunérées. Il produit également des bulletins d’enneigement qu’il a postés à des heures et jours non rémunérés.

L’employeur ne verse aucun élément sur le temps de travail et se contente de contester l’utilité des mails plusieurs années après, alors qu’il était nécessaire d’être réactif ce qui entraînait une amplitude horaire de travail importante.

Les pièces qu’il produit démontrent qu’il travaillait très régulièrement durant les week-end, de sorte que l’employeur ne respectait pas les temps de repos hebdomadaires prévus par les articles L 3132-1 et 3132-2 du code du travail.

Il a effectué des heures supplémentaires au-delà du contigent conventionnel annuel de 130 heures, et il n’a bénéficie d’aucun repos compensateur.

Le travail dissimulé est constitué, l’employeur ne pouvant ignorer les heures supplémentaires.

L’instruction de l’affaire a été clôturée le 4 octobre 2022. L’affaire a été appelée à l’audience du 17 novembre 2022. A l’issue, elle a été mise en délibéré au 24 janvier 2023, délibéré prorogé au 2 février 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le licenciement économique

Aux termes de l’article L 1233-3 du code du travail, « constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques caractérisées soit par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.Une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l’année précédente, au moins égale à un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés’.

Le contrat a été rompu par lettre du 6 juillet 2020 après acceptation du salarié du contrat de sécurisation professionnelle.

L’employeur dans ce courrier rappelle les motifs économiques l’ayant amené à envisager la rupture du contrat de travail et qui avaient été exposés au salarié dans une note du 16 juin 2020.

Il rappelle le contexte économique relatif à MNC possédant des entités juridiques opérationnelles aux Etats Unis, en France et en Allemagne, que les performances financières sont à la baisse, en dépit de la réduction des coûts, que le chiffre d’affaires s’est dégradé et que l’EBITDA pour l’exercice 2021 devrait être négatif avec un impact supplémentaire causé par les répercussions de la pandémie Covid-19.

L’employeur ajoute que :

– la société a de nombreux concurrents et que du fait de l’évolution rapide du marché et de la technologie, le modèle et ses produits étant devenus obsolètes, elle n’est pas en mesure de suivre le rythme du secteur,

– la société subit une érosion des marges, le paysage marketing s’étant déplacé vers des programmes à rendement plus faible, l’engagement des utilisateurs a chuté depuis 2016 mettant à mal le trafic et la collecte des données, à mesure que les concurrents font progresser leurs services,

– la société est confrontée à des obstacles liés au RGPD et à la loi sur la protection du consommateur en Californie qui nécessitent un niveau élevé d’efforts et d’investissements pour faire évoluer les programmes en matière de confidentialité des données,

– en raison de la situation de crise telle qu’aggravée par la crise sanitaire, les salariés de MNC aux Etats Unis ont vu leurs contrats de travail suspendus ou leurs salaires réduits et leur plan retraite suspendu,

– le chiffre d’affaires et l’EBITDA de MNC sont en baisse constante en raison de la dynamique concurrentielle et de l’évolution rapide des marchés, le niveau de l’EBITDA actuel n’est dû qu’à la réduction des coûts et des effectifs.

L’employeur précise qu’au vu de ces difficultés économiques, une réorganisation est envisagée, et qu’un arrêt d’activité de MNC est envisagé d’ici fin 2020.

Il expose ensuite la situation économique de la société Skiinfo.fr comme suit :

‘Bien que le marché du numérique soit un marché en pleine croissance, il reste un marché en pleine évolution car les consommateurs sont difficilement fidélisés. Ces enjeux ont été compris et pris en compte par les entreprises captant la majeure partie du marché. L’activité de SKIINFO.FR est fortement lié à celle de MNC car elle n’a qu’une activité commerciale. Elle consiste en des fonctions de production de contenu et de comptabilité avec le soutien des Etats-Unis pour l’informatique/le développement(IT/Dev) et les opérations publicitaires.

Sans le soutien du service IT/Dev et opérations publicitaires de MNC, SKIINFO.FR et le site SKIINFO.FR ne pourraient pas fonctionner.

Le projet de réorganisation de MNC a donc un impact direct sur SKIINFO.FR.

Par ailleurs pour 2019, l’exercice s’est clôturé sur un EBITDA de 165 784 euros contre un EBITDA de 326 422 euros pour l’exercice précédent soit une variation de – 160 638 euros (-49 %).

Pour 2020, SKIINFO.FR anticipe un EBITDA de 157 182 euros soit une variation de – 8602 euros pr rapport à 2019, en partie due à l’épidémie du Covid-19, qui, selon les estimations de SKIINFO.FR, réduira le chiffre d’affaires de 100 000 euros.

Le chiffre d’affaires a considérablement diminué. L’environnement concurrentiel et la situation économique ont entraîné une réduction importante du chiffre d’affaires entre 2019 et les prévisions pour 2020 (tenant compte de l’impact du Covid-19) de 920 461 euros à environ 526 000 euros, soit une variation de – 394 461 euros (- 42,8 %).

Sans tenir compte de l’impact de la pandémie Covid-19, la diminution du chiffre d’affaires entre 2019 et 2020 est estimée à -294 461 euros (-31,96 %).

Pour faire face à la pandémie Covid-19, Skiinfo.fr a mis en place un gel des dépenses non essentielles, y compris les frais de déplacement et de séjour, toutes les dépenses de plus de 200 dollars devant être approuvées (à l’exception du loyer, de l’assurance et des charges fixes) et le télétravail.

Malgré les efforts déployés par SKIINFO.FR, sa situation économique est préoccupante.

A ce titre, et dans le cadre du projet de réorganisation globale de MNC, la fermeture de SKIINFO.FR est envisagée.

Après avoir précisé l’absence de possibilités de reclassement, l’employeur a confirmé que la rupture du contrat de travail prendra effet automatiquement à l’expiration du délai de réflexion, soit le 8 juillet 2020.

Au regard de ces éléments, le salarié a été parfaitement informé des difficultés économiques prises en compte par l’employeur pour le licencier pour motif économique avant d’accepter le contrat de sécurisation professionnelle (CSP).

La situation telle qu’exposée par l’employeur porte sur des difficultés économiques rencontrées par la société. Il cite expressément la baisse du chiffre d’affaires et la baisse de la rentabilité (réduction de l’EBITDA).

L’EBITDA, notion comptable américaine signifiant ‘Bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement’ constitue un critère économique comparable à l’excédent brut d’exploitation, qui est l’un des critères pris en compte par l’article L 1233-3 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi du 8 août 2016 n° 2016-1088.

L’article L 1233-3 permet de prendre en compte tout autre élément que la baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation.

L’employeur est donc légitime à citer la réduction de l’Ebitda au titre des difficultés économiques.

Par ailleurs, il ressort du bilan de Skiinfo.fr que le résultat courant avant impôt était de 351571 euros en 2018, de 429949 euros en 2019. Le résultat net après impôt s’élevait à 234 105 euros au 31 juillet 2018, 157 635 euros en 2019, 79056 euros en 2020. Cependant, la baisse du résultat net entre 2018 et 2019 résulte d’une augmentation des impôts sur les bénéfices entre 2018 et 2019 (117316 euros en 2018, 264837 euros en 2019) qui ne peut trouver son origine que dans la transaction passée en décembre 2018 relative à un contentieux fiscal ayant conduit la société à verser aux impôts en 2019 une somme supplémentaire de 103969 euros.

Les ventes s’élevaient entre juillet 2017 et juillet 2018 à 872003 euros, à 920461 euros entre juillet 2018 et juillet 2019, à 642859 euros entre juillet 2019 et juillet 2020.

Les chiffres ci-dessus établissent que la société a connu une progression de son chiffre d’affaires et de son résultat courant avant impôt entre 2018 et 2019. Ce n’est qu’entre l’année 2019 et l’année 2020 qu’elle a enregistré une baisse significative de son chiffre d’affaires, ce pendant plus d’un trimestre, ce qui s’est traduit par une baisse de son résultat.

Il résulte de l’article 1233-2 du code du travail que tout licenciement économique est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Il appartient ainsi au juge de contrôler le caractère réel et sérieux du motif économique du licenciement, de vérifier l’adéquation entre la situation économique de l’entreprise et les mesures affectant l’emploi ou le contrat de travail envisagées par l’employeur.

Les bilans produits permettent de constater que :

– la société a accordé 30396 euros de prêts pour l’exercice 2019, et 687 503 euros pour l’année 2020,

– elle détenait sur l’exercice 2019 des créances pour un montant de 641 653 euros, et pour l’année 2020 de 170220 euros,

– ses disponibilités se montaient à 253319 euros sur l’exercice 2019, 161 384 euros sur l’exercice 2020,

– ses réserves sont passées de 521905 euros pour l’exercice 2019 à 679 540 euros pour l’exercice 2020,

– ses dettes sont restées stables entre 2019 et 2020, passant de 154 099 euros à 163 638 euros,

– la société n’était pas déficitaire même à l’issue du premier confinement, puisqu’elle a enregistré à juillet 2020 un bénéfice net de 79 056 euros.

Il résulte de ces éléments qu’en dépit de la réduction significative du chiffre d’affaires de l’entreprise sur l’exercice 2020 et de la période de confinement ayant fortement diminué l’activité économique sur le dernier trimestre de l’exercice, Skiinfo.fr enregistrait néanmoins toujours un bénéfice net conséquent au terme de ce dernier. La société bénéficiait par ailleurs d’une assise financière solide, de garanties de solvabilité importantes avec notamment des capitaux propres, disponibilités et créances bien supérieures à ses dettes, éléments de nature à lui permettre de résister à la situation exceptionnelle provoquée par le Covid 19.

Il sera en outre relevé que la société, bien que soutenant au sein de la lettre de licenciement être dans une situation économique préoccupante, a consenti pour 687503 euros de prêts sur l’exercice 2020.

La société disposait en fait, à la date du licenciement, de sommes conséquentes immédiatement disponibles. En actionnant ses créances, réserves et autres disponibilités, elle pouvait sans aucune difficulté poursuivre son activité sans supprimer des postes, étant précisé que les charges de personnel (salaires et charges sociales) se montaient à environ 286000 euros pour l’exercice 2019-2020.

La viabilité financière de l’entreprise à la date du licenciement est attestée par le fait que celle-ci est toujours en activité et continue pleinement à fonctionner avec une salariée comptable et des contributeurs extérieursfreelance ou salariés de MNC.

L’employeur n’a produit aucune explication quant à ses éléments, qui conduisent à dire que les difficultés économiques soulevées par celui-ci, résidant dans la baisse significative du chiffre d’affaires et de l’EBITDA, ne constituaient pas une cause réelle et sérieuse de licenciement économique à la date où cette décision a été prise.

Le jugement sera dès lors confirmé en ce qu’il a jugé le licenciement économique sans cause réelle et sérieuse.

Le salarié a droit à une indemnité compensatrice de préavis, la chambre sociale de la cour de cassation jugeant que ‘en l’absence de motif économique de licenciement, le contrat de sécurisation professionnelle n’a pas de cause et l’employeur est alors tenu à l’obligation de préavis et des congés payés afférents’. (Cass soc 30 novembre 2017, n° 16-24227).

Le jugement sur ce point du conseil de prud’hommes sera dès lors infirmé. Il sera alloué au salarié l’indemnité compensatrice de préavis demandée, celle-ci étant justifiée par les pièces produites aux débats.

S’agissant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié percevait un salaire mensuel brut moyen de 3640,32 euros et bénéficiait d’une ancienneté de 22 ans.

Le barème de l’article L 1235-3 du code du travail prévoit pour 22 ans d’ancienneté un minimum de 3 mois de salaire et un maximum de 16,5 mois.

Le salarié n’est plus couvert par le contrat de sécurisation professionnelle depuis août 2021. Il justifie qu’il était toujours sans emploi en janvier 2021, percevant à cette date 2765 euros brut par mois d’allocation de sécurisation professionnelle. Il ne produit aucun autre élément quant à sa situation personnelle, n’a pas actualisé cette dernière à la date de ses dernières conclusions.

L’employeur justifie de ce que M. [O] [W] [K] a crée un cabinet de consultant en avril 2021, et qu’il travaille également depuis avril 2022 comme chef de projet pour l’entreprise Skiperformance AS. Le salarié n’a communiqué aucun élément quant aux revenus tirés de ces activités.

Au vu de ces éléments, il lui sera alloué une indemnité de 36403 € net correspondant à 10 mois de salaire.

En application de l’article L 1235-4 du code du travail, il convient d’ordonner d’office le versement par l’employeur des indemnités de chômage du jour du licenciement jusqu’au jour du présent arrêt dans la limite de 6 mois.

Sur les heures supplémentaires

Il résulte de l’article L 3171-4 du code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n’incombe spécialement à aucune des parties ; l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande.

Au dernier état de la jurisprudence de la cour de cassation (Cass soc 18 mars 2020 n°18-10.919 P+B+R) ‘le salarié doit présenter des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur qui assure le contrôle des heures effectuées d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments’ ; après analyse des pièces produites par l’une et l’autre partie, ‘dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, le juge évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant’.

Le salarié reproduit dans ses écritures des récapitulatifs annuels en notant par semaine le nombre d’heures supplémentaires qu’il estime avoir effectuées, à chaque fois identique, soit cinq heures supplémentaires du lundi au vendredi et trois heures supplémentaires le week-end.

Ces heures correspondraient selon le salarié :

– en semaine au temps passé pour traiter les mails qu’il recevait ou envoyait en soirée en raison des liens nécessaires avec ses collègues des Etats-Unis et du décalage horaire,

– le week-end à 1h30 chaque samedi et chaque dimanche de 8h30 à 10h pour mettre à jour les bulletins météo.

Il doit être constaté que le salarié soutient avoir effectué des heures supplémentaires y compris durant ses périodes de congés payés:

– en congés du jeudi 1er mars au vendredi 9 mars 2018, il soutient pourtant avoir effectué trois heures supplémentaires le week-end du 3 et 4 mars et cinq heures supplémentaires la semaine du 4 au 9 mars;

– en congés du lundi 11 février au vendredi 22 février 2019, il soutient pourtant avoir effectué trois heures supplémentaires le week-end du 16 et 17 février, cinq heures supplémentaires la semaine du 11 au 15 février et cinq heures supplémentaires la semaine du 18 au 22 février.

Le salarié produit environ 90 messages Skype qu’il a envoyés, sur une période allant d’octobre 2017 à mars 2020, dans le cadre de son travail avant 9h ou après 18h.

Il produit également des courriels envoyés entre le 8 avril et le 3 juin 2020, ne mentionnant que leur date et leur heure, à l’exclusion de leur contenu.

Aucune pièce ne permet d’apprécier le temps nécessaire pour rédiger ou répondre à un message Skype ou à un courriel. Le salarié, qui avait une très large autonomie dans l’organisation de son travail, ne produit aucun élément de nature à démontrer que sa charge de travail ou la nature de celui-ci l’obligeait à envoyer ces messages Skype ou des courriels en dehors de ses horaires de travail.

Le caractère ‘forfaitaire’ des heures supplémentaires sollicitées par le salarié pour la période du lundi au vendredi et les messages Skype et courriels produits ne constituent ainsi pas, en l’absence d’autre élément de nature à les corroborer, des éléments suffisamment précis quant aux heures supplémentaires alléguées de nature à permettre à l’employeur d’y répondre utilement.

Le salarié produit par ailleurs des captures d’écran des journaux de saisie des bulletins neige, dont il ressort qu’il effectuait le week-end, très majoritairement en tout début de matinée, une actualisation des bulletins neige des stations. L’actualisation des bulletins neige à destination des skieurs fréquentant le site internet Skiinfo.fr faisait partie des missions du salarié.

L’employeur ne conteste pas ce point, se contentant de dire que les captures d’écran produites ne permettent pas de mesurer le volume de travail nécessaire. L’employeur ne conteste également pas que la publication des bulletins neige était un des indicateurs de performance du salarié, ce qui démontre l’importance de cette mission parmi celles qui lui étaient dévolues.

Compte-tenu de la nature de cette mission, actualisation des données météo à destination des skieurs, le salarié était nécessairement amené à la remplir également les week-end.

L’employeur ne pouvait ignorer ce point, il doit ainsi être retenu qu’il a implicitement donné son accord sur ce point.

Les journaux de saisie produits par le salarié démontrent que l’actualisation des bulletins neige pouvait l’occuper le week-end sur une période en continu variant de 30 minutes à 4 heures (à une seule reprise, le 24 novembre 2018).

Il résulte du contrat de travail du salarié que celui-ci était rémunéré sur une base de 35 heures. Il n’est pas contesté par l’employeur que cet horaire devait être effectué du lundi au vendredi.

Ses bulletins de paye ne font apparaître aucune heure supplémentaire.

Ces éléments produits par le salarié quant aux heures suuplémentaires qu’il aurait effectuées le week-end apparaissent suffisament précis pour permettre à l’employeur d’y répondre. Or, ce dernier ne produit aucun élément sur ce point.

Au regard de ces éléments, les heures supplémentaires effectuées par le salarié peuvent être fixées à :

– 12 heures à 25% en 2017,

– 57 heures à 25% en 2018,

– 55 heures à 25% en 2019,

– 34 heures à 25% en 2020.

La décision du conseil de prud’hommes sur ce point sera donc infirmée, et la Sarl Skiinfo.fr sera condamnée à verser à M. [O] [W] [K] la somme de 4740 euros brut, outre 474 euros brut de congés payés afférents, à titre de rappel d’heures supplémentaires.

Sur le non respect des temps de repos hebdomadaires et des limites maximales de travail

Il résulte des articles L 3132-1 et L 3132-2 du code du travail qu’il est interdit de faire travailler un même salarié plus de six jours par semaine, et que le repos hebdomadaire a une durée minimale de 24 heures consécutives, auxquelles s’ajoutent les heures consécutives de repos quotidien.

Le salarié qui a été privé de repos hebdomadaire peut prétendre à des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.

En l’espèce, M. [O] [W] [K] a démontré avoir très régulièrement travaillé les samedis et dimanches, à raison d’une heure à une heure trente par jours, de novembre à avril.

La privation de repos hebdomadaire entraînée par cette situation a généré de fait un trouble dans sa vie personnelle qui justifie que lui soit allouée à ce titre une indemnité de 1000 euros net.

Sur la contrepartie obligatoire en repos

Le nombre d’heures supplémentaires retenu n’a pas dépassé le contingent annuel, de srote qu’il n’y a pas lieu de faire droit à la demande du salarié à ce titre.

Sur le travail dissimulé

Aux termes des dispositions de l’article L 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d’un bulletin de paie ou d’un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.

Aux termes des dispositions de l’article L. 8223-1 du même code : ‘ En cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel l’employeur a eu recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.’

Il appartient au salarié de démontrer le caractère intentionnel de la commission des faits prévus à l’article L 8221-5.

En l’espèce, l’employeur ne pouvait ignorer que M. [O] [W] [K] devait travailler le week-end afin d’actualiser les bulletins météo des stations à destination du site internet exploité par la société, cette actualisation étant une des missions qui lui étaient confiées dans le cadre de son contrat de travail.

Il ne pouvait donc ignorer que le salarié devait dans ce cadre effectuer des heures supplémentaires. Il n’a pourtant jamais ni déclaré ni rémunéré ces heures supplémentaires.

Ces éléments démontrent le caractère intentionnel de la commission des faits prévus à l’article L 8221-5 du code du travail.

En conséquence, la décision du conseil de prud’hommes sur ce point sera infirmée, et la Sarl Skiinfo.fr sera condamnée à verser à M. [O] [W] [K] une indemnité à ce titre de 6 mois de salaire, soit 21841,92 euros net.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

La Sarl Skiinfo.fr sera condamnée aux dépens. Elle sera également condamnée à verser à M. [O] [W] [K] la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi ;

DÉCLARE recevables les appel et appel incident de la Sarl Skiinfo.fr et de M. [O] [W] [K],

CONFIRME le jugement du 29 juin 2021 rendu par le conseil des prud’hommes d’Annecy en ce qu’il a :

– jugé que le licenciement de M. [O] [W] [K] est sans cause réelle et sérieuse,

– débouté M. [O] [W] [K] de sa demande au titre du non respect des temps de repos hebdomadaires et des limites maximales de travail,

– débouté M. [O] [W] [K] de sa demande au titre de la contrepartie obligatoire en repos,

– condamné la Sarl Skiinfo.fr à verser à M. [O] [W] [K] la somme de 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens,

INFIRME pour le surplus,

Et statuant à nouveau,

CONDAMNE la société Skiinfo.fr à verser à M. [O] [W] [K] les sommes suivantes :

* 7280,64 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 728,06 euros brut de congés payés afférents,

* 36 403 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

* 4740 euros brut, outre 474 euros brut de congés payés afférents, à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires,

* 1000 euros net à titre d’indemnité au titre du non respect des temps de repos hebdomadaires,

* 21 841,92 euros net à titre d’indemnité pour travail dissimulé,

ORDONNE d’office le remboursement par la société Skiinfo.fr à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à M. [O] [W] [K] , du jour de son licenciement au jour de la présente décision dans la limite de six mois d’indemnités de chômage.

DIT qu’à cette fin, une copie certifiée conforme du présent arrêt sera adressée à Pôle Emploi Rhône-Alpes – service contentieux – [Adresse 2].

CONDAMNE la société Skiinfo.fr aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Skiinfo.fr à payer à M. [O] [W] [K] une somme de 2000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Ainsi prononcé publiquement le 02 Février 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur Frédéric PARIS, Président, et Madame Capucine QUIBLIER, Greffier pour le prononcé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président

 


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x