AFFAIRE PRUD’HOMALE
RAPPORTEUR
N° RG 20/00921 – N° Portalis DBVX-V-B7E-M3AP
[H]
C/
Société E-DENTIC
APPEL D’UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LYON
du 09 Janvier 2020
RG : 17/02639
COUR D’APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE A
ARRÊT DU 18 JANVIER 2023
APPELANT :
[D] [H]
né le 22 Mars 1971 à [Localité 5]
[Adresse 3]
[Localité 2]
représenté par Me Marine VARLET, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Marie-valérie FERRO, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉE :
Société E-DENTIC
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Pierre LAMY de la SELARL CABINET PIERRE LAMY DE SAINT JULIEN ET ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 07 Novembre 2022
Présidée par Nathalie ROCCI, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
– Joëlle DOAT, présidente
– Nathalie ROCCI, conseiller
– Anne BRUNNER, conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 18 Janvier 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Joëlle DOAT, Présidente et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********************
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La société E-DENTIC exerce une activité de création et de maintenance de logiciels de vidéo traçabilité dans le domaine de la logistique et développe également des solutions WIFI et d’exploitation des terminaux de lecture de code-barres.
Elle emploie moins de 11 personnes dans son établissement unique situé à [Adresse 7] (69).
Au cours de l’année 2014, la société E-DENTIC a souhaité développer son activité en structurant l’équipe par l’embauche d’un directeur technique susceptible d’apporter un support technique au dirigeant dans ses fonctions commerciales.
Suivant un contrat de travail à durée indéterminée, la société E-DENTIC a embauché M. [H] à compter du 10 octobre 2014 en qualité de Directeur Technique au statut de cadre position 2.2 et coefficient 130 de la convention collective SYNTEC, moyennant une rémunération annuelle brute de 48 000 euros, payable en 12 mensualités de 4 000 euros, à laquelle s’ajoutait une prime annuelle brute représentant 10 % du bénéfice HT annuel de la société après impôts.
À partir du 1er août 2015, M.[H] se voyait attribuer un véhicule de fonction, ajoutant
ainsi à sa rémunération, un montant mensuel de 278,99 euros à titre d’avantage en nature.
Par courrier du 8 juillet 2016, M. [H] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement , fixé à la date du 18 juillet 2016 et auquel le salarié se présentait seul.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 28 juillet 2016, la société E-DENTIC a notifié à M. [H] son licenciement pour insuffisance professionnelle.
Par acte du 6 septembre 2017, M. [H] a saisi le conseil des prud’hommes de Lyon pour contester son licenciement.
Par jugement du 9 janvier 2020, le conseil de prud’hommes de Lyon a débouté M. [H] de ses demandes principales et a :
– Jugé irrecevables les demandes additionnelles de M. [H] au titre du travail dissimulé,
– Débouté M. [H] de sa demande de nullité de licenciement,
– Dit et jugé que le licenciement de M. [H] repose sur une cause réelle et sérieuse,
En conséquence,
– Débouté M. [H] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– Jugé que le licenciement est irrégulier mais sans caractère vexatoire,
En conséquence,
– Condamné la société SAS E-DENTIC à verser à M. [H] la somme de 1 000,00 euros à titre de dommages- intérêts pour licenciement prononcé avant l’entretien préalable,
– Débouté M. [H] de sa demande de dommages- intérêts pour licenciement vexatoire,
– Jugé qu’il n’y a pas lieu de prononcer l’exécution exécutoire,
– Condamné la SAS E-DENTIC à verser à M. [H] la somme de 1 700,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Débouté la SAS E-DENTIC de sa demande reconventionnelle,
– Condamné la SAS E-DENTIC aux entiers dépens de la présente instance.
La cour est saisie de l’appel interjeté le 5 février 2020 par M. [H].
Par conclusions notifiées le 22 octobre 2020, auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé, M. [H] demande à la cour de :
– Confirmer la décision sur le caractère irrégulier du licenciement et sur la somme allouée en conséquence
– Réformer la décision pour le surplus
1. In limine litis, dire et juger recevables ses demandes additionnelles
en conséquence :
– Dire et juger que la relation contractuelle a commencé le 27 juin 2014,
– Condamner la société E-DENTIC à lui régler la somme de 43 920,00 euros au titre de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
2. Sur le fond, à titre principal, sur le licenciement nul :
– Dire et juger que le licenciement pour insuffisance professionnelle est nul,
En conséquence,
– Condamner la société E-DENTIC à lui régler la somme de 66 000,00 euros de dommages et intérêts pour licenciement nul,
3. À titre subsidiaire, sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse et irrégulier:
– Dire et juger que son licenciement pour insuffisance professionnelle est infondé et irrégulier,
En conséquence,
– Condamner la société E-DENTIC à lui régler la somme de 66 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif
– Condamner la société E-DENTIC à lui régler la somme de 1 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement prononcé avant l’entretien préalable,
4. En tout état de cause,
– Dire et juger que son licenciement est vexatoire
– Condamner la société E-DENTIC à lui régler la somme de 5 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire,
– Condamner la société E-DENTIC à lui régler la somme de 4 000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,
Par conclusions notifiées le 9 juillet 2020, auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé, la société E-DENTIC demande à la cour de :
– Confirmer le jugement attaqué en qu’il a jugé irrecevable, sur le fondement de l’article 70
du code de procédure civile, la demande additionnelle présentée en cours de procédure,
relative à la dissimulation d’emploi salarié
– À titre subsidiaire, dire et juger que les relations commerciales établies entre les parties
ainsi que l’absence de tout lien de subordination excluaient la reconnaissance d’une
relation salariale à compter du 27 juin 2014, et a fortiori toute intention de la dissimuler.
– Débouter M. [H] de sa demande présentée sur le fondement de l’article
L.8223-1 du code du travail.
– Constater que la déclaration d’appel établie par M. [H] ne fait pas mention de la critique du chef du jugement tenant à la nullité de son licenciement et en conséquence
déclarer irrecevable sa demande au titre de la nullité du licenciement.
En tout état de cause,
– confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a débouté M. [H] de sa demande de nullité du licenciement, faute de texte prévoyant cette nullité et par ailleurs de manquement de l’employeur.
– Confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a dit et jugé que le licenciement de M. [H] repose sur une cause réelle et sérieuse de licenciement et débouté le salarié de ses demandes à ce titre.
– Confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a jugé le licenciement de M. [H]
dépourvu de caractère vexatoire et débouté le salarié de sa demande à ce titre.
Au titre de l’appel incident :
– Infirmer le jugement attaqué en ce qu’il a jugé le licenciement de M. [H]
irrégulier et condamné la société E-DENTIC à lui verser la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêt pour licenciement prononcé avant l’entretien préalable.
– Débouter M. [H] de sa demande à ce titre.
En tout état de cause :
– Débouter M. [H] de sa demande d’indemnisation présentée en appel au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
– Réformer le jugement attaqué en ce qu’il l’a condamnée à verser à M. [H] la somme de 1 000 euros sur ce fondement.
– Condamner M. [H] au paiement de la somme de 4 000 euros sur le même fondement.
– Le condamner aux entiers dépens de première instance et d’appel.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 13 octobre 2022.
MOTIFS
– Sur le travail dissimulé :
M. [H] soutient qu’à la suite de recherches effectuées dans le cadre de la présente procédure, il a retrouvé des échanges permettant de fixer la date de début de la relation contractuelle au 27 juin 2014.
Il produit un échange de courriels entre lui et M. [X], dirigeant de la société, daté du 26 juin 2014, portant sur un descriptif de poste.
M. [H] soutient :
– qu’il s’est investi dans son travail de salarié, sous le contrôle de M. [X] dés le mois de juin 2014 ;
– que n’étant pas indemnisé pour son travail et ses déplacements, il a réfléchi à une facturation dans l’attente de la régularisation du contrat de travail, expliquant ainsi l’unique facture établie ;
– que dés le 28 juin 2014 il a été présenté comme faisant partie intégrante de la société et s’est vu confier le dossier Chronopost ;
– qu’il a perçu une rémunération de sa prestation entre le 27 juin 2014 et le 10 octobre 2014, ainsi qu’en atteste un virement opéré sur son compte bancaire le 16 mars 2015 ;
– que l’insuffisance professionnelle qui lui et reprochée porte aussi sur la gestion de ce client, de sorte que le lien est établi entre ses demandes principales et sa demande additionnelle au titre du travail dissimulé pour la période précédant la signature du contrat de travail.
Il en conclut que le lien entre les demandes additionnelles et les demandes principales est parfaitement démontré, que son ancienneté doit être calculée à compter du 27 juin 2014 et que sa demande présentée au titre du travail dissimulé devra être déclarée recevable.
La société E-DENTIC soutient que M. [H] a collaboré avec son dirigeant dans le cadre d’une mission de consultant avant de postuler sur le poste objet du contrat de travail ; que M. [H] est intervenu dans le cadre de la société de son père, en qualité de consultant indépendant et apporteur d’affaires, lui facturant ses interventions, frais et mises en relation.
La société E-DENTIC soulève à titre principal l’irrecevabilité de la demande additionnelle au visa des dispositions de l’article 70 du code de procédure civile. Elle soutient que :
– la demande additionnelle relative à la dissimulation d’emploi salarié, qui survient plus de quatre ans après la période litigieuse, n’a aucun lien avec les prétentions d’origine résultant du licenciement ;
– concernant le client Chronopost, le manquement invoqué dans la lettre de licenciement ne date pas de 2014 et la lettre de licenciement expose clairement le grief formulé à ce sujet, qui n’a rien à voir avec la collaboration antérieure au mois d’octobre 2014 :
« Le projet de logiciel Tracking Video n’a pas non plus abouti. Nous avons perdu de ce fait
environ 15 000 euros de développement. Le manque à gagner a affecté directement les ventes CHRONOPOST pour lesquelles nous devons acheter en urgence des licences 3 fois plus cher.»
A titre subsidiaire, la société E-DENTIC soutient qu’elle n’a jamais cherché à se soustraire intentionnellement à l’une des prescriptions de l’article L. 8221-5 du code du travail et invoque ses échanges avec M. [H] pour démontrer d’une part, l’absence de dissimulation d’emploi et a fortiori de tout caractère intentionnel, d’autre part, l’absence de lien de subordination entre M. [H] et la société E-DENTIC avant la signature du contrat de travail.
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L’article 70 du code de procédure civile énonce que les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.
La demande de M. [H] qui tend à l’obtention de l’indemnité forfaitaire prévue par l’article L. 8223-1 du code du travail pour travail dissimulé et qui vise une période antérieure à la signature du contrat de travail ne présente pas de lien suffisant avec les demandes du salarié au titre du licenciement. Il s’agit en effet de demandes totalement indépendantes et M. [H] ne peut invoquer la survenance ou la révélation d’un fait au seul motif qu’il aurait retrouvé des échanges de mails dés lors que ces échanges sont relatifs à une situation de fait parfaitement connue de M. [H] à la date à laquelle il a introduit sa requête.
Le jugement déféré sera par conséquent confirmé en ce qu’il a jugé irrecevable la demande additionnelle de M. [H] au titre du travail dissimulé.
– Sur le licenciement :
Il résulte des articles L.1232-1 et L.1232-6 du code du travail que le licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse et résulte d’une lettre de licenciement qui en énonce les motifs.
En vertu de l’article L.1235-1 du code du travail, le juge à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure de licenciement suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.
La lettre de licenciement fixe les limites du litige.
En l’espèce, il ressort de la lettre de licenciement dont les termes ont été restitués ci-dessus que la société E-DENTIC a licencié M. [H] pour cause réelle et sérieuse en invoquant les griefs suivants :
– un management inapproprié,
– l’absence de suivi des projets confiés,
– la perte de dossiers et l’insatisfaction des clients.
I- M. [H] soulève à titre principal, la nullité de son licenciement pour non respect des garanties de fond. Il soutient qu’il n’a pu bénéficier de la faculté de se défendre dés lors que la décision de le licencier a été prise bien avant l’entretien préalable. M. [H] soutient que tous les salariés ont été convoqués le 10 juillet 2016 soit deux jours après la remise de la convocation à l’entretien préalable et que M. [X], dirigeant de l’entreprise E-DENTIC leur a annoncé à cette occasion qu’il avait ‘dégagé’ le directeur technique. M. [H] s’appuie sur le témoignage de M. [M].
La société E-DENTIC fait valoir, à titre principal, que la demande de nullité du licenciement est irrecevable, au visa des dispositions de l’article 901 du code de procédure civile, le chef du jugement ayant débouté M. [H] de sa demande de nullité du licenciement n’étant pas expressément contesté dans la déclaration d’appel du 5 février 2020.
A titre subsidiaire, la société E-DENTIC soulève l’absence de fondement légal de la demande en l’absence de dispositions légales prévoyant la nullité du licenciement dont la décision aurait été actée avant l’envoi de la lettre de notification.
La société E-DENTIC soutient en outre que :
– le simple fait d’évoquer en présence du salarié au cours d’une réunion, son éventuel licenciement ne caractérise pas un licenciement verbal sans motif ;
– la notification d’un licenciement verbal ne peut se concevoir que s’il est prononcé directement devant la personne concernée ;
– M. [H] n’apporte pas la preuve valable de ses allégations, l’attestation de M. [M], rédigée un an après les faits, étant formellement contestée au motif que ce dernier aurait démissionné de ses fonctions le 16 juin 2016 et n’a plus assisté aux réunions du personnel après cette date.
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Aux termes de l’article 901 du code de procédure civile, la déclaration d’appel doit contenir à peine de nullité, les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.
En l’espèce, la déclaration d’appel vise expressément la demande d’infirmer la décision et de la réformer, sur la contestation du licenciement dans les termes suivants :
‘ a- à titre principal : – dire et juger que le licenciement de M. [H] est nul et en conséquence lui allouer la somme de 66 000 euros à titre de dommages-intérêts (…)’ .
Dés lors, la société E-DENTIC n’es pas fondée à soutenir que l’appelant aurait limité son appel aux seuls chefs du jugement suivants :
‘- jugé irrecevable ses demandes additionnelles,
– dit et jugé que le licenciement de Monsieur [H] reposait sur une cause réelle et sérieuse, était irrégulier mais sans caractère vexatoire.’
La cour est bien saisie de la critique du jugement qui a rejeté la demande aux fins de nullité du licenciement.
Le juge peut annuler un licenciement dans les cas prévus par le code du travail, notamment en cas de discrimination ou de harcèlement moral et de façon plus générale en cas de violation d’une liberté fondamentale découlant du bloc de constitutionnalité et notamment de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Le licenciement verbal qui est invoqué par M. [H] en l’espèce, n’est pas un cas de nullité du licenciement.
Le jugement déféré sera par conséquent confirmé en ce qu’il a débouté M. [H] de sa demande de nullité du licenciement pour non respect des garanties de fond.
II- A titre subsidiaire, M. [H] soutient que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse au motif que les griefs retenus contre lui sont infondés, qu’ils ne lui sont pas imputables et qu’ils sont, pour certains d’entre eux, insignifiants.
a) sur le management inapproprié :
Il est reproché à M. [H] de :
– ne pas avoir su fédérer l’ensemble des métiers de la société et de ne pas avoir apporté l’organisation du travail nécessaire à la qualité de service,
– l’absence de suivi et d’organisation des projets,
– les départs successifs de trois salariés en quatre mois
– l’absence de réactivité à l’occasion du départ de M. [M] pour recruter et transmettre la compétence de M. [M]
– l’absence de procédure ou dossier technique clients.
M. [H] soutient pour sa part que le management du personnel n’était pas une de ses prérogatives et que M. [M] a expliqué que sa démission était motivée par des relations complexes et un management des équipes particulier de la part de M. [X] de sorte qu’il est parfaitement étranger au départ de ce salarié.
Les pièces produites pour illustrer ce grief, soit quelques échanges de mails révélant notamment un retard de transmission par M. [H] des compte-rendus des entretiens individuels des techniciens et chefs de projet, courant mars 2016, ainsi que les lettres de démission de [U] [F] et [E] [M], ne sont pas significatives d’un management inapproprié.
b) sur l’absence de suivi des projets confiés :
La société E-DENTIC soutient que les différents projets ou prestations dont M. [H] avait la charge n’ont pas abouti ou n’ont pas donné satisfaction aux clients. L’employeur cite d’une part le logiciel de gestion commerciale lequel était non opérationnel à la date du licenciement; d’autre part le développement de la migration du logiciel de vidéo tracking E-VISIOM qui s’est avéré non compatible avec les fonctionnalités du logiciel existant. Enfin, la société E-DENTIC cite également l’échec du projet de logiciel tracking vidéo.
Concernant le déploiement du logiciel de gestion commerciale GESTIMUM, M. [H] expose que :
– la société E-DENTIC a commandé auprès de la société NDS ( NEXT DAYS SOLUTIONS), une offre technique et commerciale incluant la dernière version de GESTIMUM ERP disponible,
– la société NDS a commencé cette installation et implantation de sorte que le module comptabilité soit intégré,
– les difficultés sont imputables à M. [X] qui en choisissant un module externe permettant de faire travailler ses amis (M. [S] et Mme [I] de la société NDS), plutôt que d’utiliser les modules intégrés au logiciel, a exposé un surcoût auprès de l’intégrateur NDS,
– les retards pris par la société NDS ne lui ont pas permis de voir si la solution fonctionnait puisqu’il a quitté la société avant la réunion prévue le 19 juillet 2016 pour finaliser le dossier et donc le cahier des charges.
Indépendamment du choix technique réalisé par la société E-DENTIC, sur la pertinence duquel la cour n’est pas en mesure de se prononcer, il apparaît que la mise en place du logiciel GESTIMUM a donné lieu à plusieurs courriels de M. [X] à M. [H], exigeant de très nombreuses précisions notamment sur les prix, l’état des licences, le planning de mise en place, une vision claire des fonctionnalités et du cahier des charges entre NDS/GESTIMUM et E-DENTIC. Une première demande du 4 avril 2016 a été suivie d’une demande générale datée du 2 mai 2016, d’une première relance le 30 mai 2016 et d’une seconde relance datée du 29 juin 2016 dans laquelle M. [X] indique :
‘Il nous faut le cahier des charges de toutes les fonctionnalités attendues sur le module SAV.
J’attends de ta part :
– un support complet reprenant les fonctionnements identifiés à mettre en place dans le nouveau logiciel – je pense que tu as déjà du faire tout ça (…)
Analyse de tous ces éléments le mardi 19 juillet à 10H00″
M. [H] ne justifie d’aucune réponse à ces différentes demandes et la société E-DENTIC produit l’attestation de M. [S] ( société NDS) qui indique :
‘ Monsieur [H] nous a commandé la mise en place de la dernière version de la gestion commerciale GESTIMUM pour la société E-DENTIC. A charge pour lui ensuite de mettre en oeuvre l’activité SAV ( service après-vente) au sein du logiciel sans développement supplémentaire.
Au fur et à mesure de la découverte de nouvelles problématiques, il nous a demandé de trouver des solutions pour lesquelles nous avons passé beaucoup de temps et finalement dû développer des modules complémentaires. Cette pratique, sans maîtrise du projet par Monsieur [H] a duré prés d’un an et n’a pas permis d’aboutir.’
Concernant le projet de migration du logiciel E-VISIOM vers le fabricant AXIS, la société E-DENTIC verse aux débats le courriel que M. [X] a adressé à M. [H] le 1er juillet 2016 dont il ressort que :
– la validation du logiciel gérée par M. [H] est irréalisable
– la société E-DENTIC aurait perdu plus de 10 Keuros
– il est reproché à M. [H] l’absence de cahier des charges vers AXIS sur les besoins fonctionnels,
– M. [X] a repris la conduite du projet et demandé à M. [H] de ne plus intervenir sur ce dossier.
M. [H] soutient que rien ne peut lui être reproché sur ce dossier dés lors d’une part que l’employeur a pris l’initiative de modifier le cahier des charges de manière substantielle, d’autre part que l’employeur a pris la main sur ce dossier.
Mais, il résulte des débats que M. [H], qui ne conteste pas avoir été en charge des projets de développement ou de migration des logiciels GESTIMUM et E-VISIOM sus-visés et qui a fait l’objet de courriels récurrents pendant plusieurs mois, témoignant de la part de l’employeur d’attentes non satisfaites notamment quant à l’élaboration d’un cahier des charges, n’apporte aucun élément sur le travail qu’il a effectué, se contentant d’opposer à l’employeur la critique de ses choix techniques.
Il en résulte que la société E-DENTIC s’appuie sur des faits précis auxquels M. [H] n’apporte aucun élément contraire.
c) sur la perte de dossiers et l’insatisfaction des clients, la société E-DENTIC soutient que de nombreux clients se sont plaints de la manière dont M. [H] traitait leur dossier et d’un manque de profondeur dans les éléments apportés et indique notamment qu’elle a perdu un marché de 60 000 euros avec la société Hermès.
La société E-DENTIC produit plusieurs courriels significatifs :
– courriel de M. [L] ( Boucheries [T]) du 16 mars 2015 adressé à M. [H] :
‘ Encore un cafouillage de votre part!
Il me semble que M. [X] est le DG d’e-Dentic. Mais, peut-être n’est-ce plus le cas’ Quand le DG d’une société fait une proposition, il me paraît aberrant qu’elle soit rediscutée par un subordonné; en tout cas face au client. Je vous conseille de régler vos différents en interne et de m’adresser des propositions fermes sur lesquelles je peux travailler.
Ces derniers quiproquos et surprises ne ressemblent en rien au partenaire avec lequel je travaille depuis de nombreuses années et en qui j’avais confiance. Ces derniers temps e-Dentic ne se démarque plus par sa valeur ajoutée et son accompagnement.’
– courriel de M. [X] d u 13 mai 2015 adressé à M. [L] :
‘ Je viens d’apprendre que vous ne passiez pas la location des terminaux via E-Dentic pour ce mois.
Suite aux dernier inventaire et à la faible performance de mes équipes, je ne peux que le comprendre et j’en aurait fait autant (..)’.
Réponse de M. [L] du 13 mai 2015 :
‘Je pense que tu as tout dit!
Cependant rien ne change pour moi, si ce n’est la confiance, la pertinence et le service d’E-dentic. Je continuerai à vous consulter pour la suite. ‘ ‘
– courriel de M. [L] du 1er septembre 2015 :
‘ Malheureusement, nous travaillons avec un nouveau partenaire qui nous donne satisfaction. Je te propose d’en reparler l’année prochaine.’
– courriel de M. [B] de la société Kuehne & Nagel du 24 juin 2015, signalant des soucis de paramétrage ou de délai dans certains dossiers qui a donné lieu, le même jour au message suivant de M. [X] à M. [H] :
‘ Suite à la convocation de ce jour par la société Kuehne & Nagel nous informons que nous risquons de perdre le contrat suite aux manques de qualité et aux erreurs générées par le service après-vente, je voudrais savoir qui était en charge des réparations associées au tickets ci-dessous.
La situation est grave et nous risquons de perdre notre plus important client (…)’.
– courriel de M. [N], responsable des systèmes d’information pour la holding textile Hermès du 24 mai 2016, adressé à M. [X]:
‘ Je vous remercie pour ces éléments.
Cependant nous n’avons pas été satisfait de votre soutenance car celle-ci ne répondait pas à nos critères de qualité.
Le document était imparfait, il manquait de proposition de solutions à nos yeux et surtout ne récapitulait pas l’ensemble des besoins.
Pour l’instant, nous reprenons le sujet en interne’.
Si M. [H] soutient que la société E-DENTIC n’a pas obtenu le marché Hermès en raison de son incapacité à faire une offre aussi attractive que celles des concurrents, il semble pourtant bien à la lecture du courriel de M. [N] que seule la mauvaise qualité de la prestation d’E-DENTIC soit en cause, et notamment un cahier des charges incomplet.
Or, M. [H] qui ne conteste pas avoir réalisé la proposition commerciale en réponse à l’appel d’offre du groupe Hermès est par conséquent en cause dans l’échec de cette présentation.
Il en résulte que l’insuffisance professionnelle est caractérisée par les éléments du débat. Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu’il a jugé que le licenciement de M. [H] repose sur une cause réelle et sérieuse et en ce qu’il a débouté le salarié de ses demandes à ce titre.
– Sur le licenciement irrégulier :
M. [H] demande la confirmation du jugement déféré en ce qu’il a jugé que le fait d’avoir annoncé son départ avant l’entretien préalable constituait une violation de la procédure de licenciement et en ce qu’il a, en conséquence, condamné la société E-DENTIC à lui payer la somme de 1 000 euros de dommages-intérêts pour procédure irrégulière.
La société E-DENTIC soutient que le non respect du délai de réflexion de deux jours entre l’entretien préalable au licenciement et la notification du licenciement prévu par l’article L. 1232-6 est sanctionné par l’article L. 1235-2 du code du travail et que cet article n’est pas applicable au licenciement d’un salarié ayant moins de deux ans d’ancienneté dans l’entreprise et au licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés.
La société E-DENTIC soutient en tout état de cause que:
– à supposer que le licenciement puisse être jugé sans cause réelle et sérieuse, M. [H] ne pourrait ajouter à sa réclamation principale celle découlant d’une irrégularité de procédure ;
– le salarié n’établit aucun préjudice;
– M. [H] n’apporte pas la preuve de ses allégations lesquelles reposent uniquement sur l’attestation d’un ancien salarié de la société, M. [M].
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Le licenciement verbal suppose une décision irrévocable de l’employeur de rompre le contrat de travail. Il appartient dés lors à celui qui se prétend licencié verbalement d’en établir l’existence. De façon générale, l’effectivité de la rupture se déduit des actes positifs de l’employeur, tels que l’ordre de quitter l’entreprise, l’injonction de restituer ses outils de travail par exemple.
En l’espèce, il résulte des éléments du débats que :
– l’annonce à l’ensemble de l’équipe, d’un licenciement à venir, à l’occasion d’une réunion du 10 juillet 2016 à laquelle M. [H] n’assistait pas, repose sur les déclarations de M. [M], à l’exclusion de tout autre témoignage ;
– la lettre de convocation à l’entretien préalable fixé au 18 juillet 2016 dispensait M. [G] de l’exécution de ses tâches dans l’attente de cet entretien, cette dispense étant justifiée selon l’employeur, par l’éloignement du domicile du salarié, ce dernier résidant à [Localité 6] dans la région bordelaise.
Il en résulte que le licenciement verbal ne peut résulter d’un témoignage isolé et contesté, ni de la dispense d’activité dans l’attente de l’entretien préalable.
En tout état de cause, le licenciement verbal n’affecte pas la régularité de la procédure.
Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu’il a condamné la société E-DENTIC à payer à M. [G] la somme de 1 000 euros de dommages-intérêts pour irrégularité de la procédure, cette demande devant être rejetée.
– Sur la demande de dommages-intérêts au titre du licenciement vexatoire :
M. [H] sollicite la somme de 5 000 euros au motif de la violence du licenciement résultant de la demande qui lui a été faite de quitter immédiatement son poste de travail sans possibilité de remettre les pieds dans les locaux ni de saluer ses collègues.
Il appuie cette demande sur le témoignage de M. [M] selon qui M. [X] aurait annoncé qu’il avait ‘dégagé’ le directeur technique [D] [H] en expliquant que ‘nous ne le reverrions pas, sauf le jour où il reviendrait récupérer ses affaires.’
La société E-DENTIC expose qu’elle a attendu la veille du week-end pour remettre en main propre la lettre de convocation à l’entretien préalable et que M. [H] étant domicilié en région bordelaise, elle l’a dispensé de se présenter à son poste de travail en attendant l’entretien préalable tout en maintenant sa rémunération.
Les circonstances vexatoires du licenciement ne sont pas démontrées par ces éléments, de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté M. [H] de sa demande d’indemnisation à ce titre.
– Sur les demandes accessoires :
Les dépens de première instance et d’appel, suivant le principal, seront supportés par M. [H], partie perdante au sens de l’article 696 du code de procédure civile et le jugement sera infirmé sur ce chef.
L’équité et la situation économique respective des parties justifient qu’il ne soit pas fait application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais en première instance et en cause d’appel. Le jugement sera infirmé sur ce chef
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement
CONFIRME le jugement déféré sauf en ce qu’il a jugé le licenciement irrégulier, a condamné la société E-DENTIC à payer à M. [H] la somme de 1 000 euros de dommages-intérêts pour licenciement prononcé avant l’entretien préalable, sauf sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile et sur les dépens
STATUANT à nouveau sur ces chefs
DIT que le licenciement est régulier
DÉBOUTE M. [H] de sa demande de dommages-intérêts au titre du licenciement irrégulier
DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en cause d’appel,
CONDAMNE M. [H] aux dépens de première instance et d’appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE