COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
6e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 17 NOVEMBRE 2022
N° RG 20/01126
N° Portalis DBV3-V-B7E-T4GE
AFFAIRE :
S.A.S.U. OPERANTIC
C/
[L] [R]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 27 mai 2020 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MONTMORENCY
N° Section : E
N° RG : 19/00062
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Mamadou DIALLO
Me Benjamin KRIEF
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX SEPT NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
S.A.S.U. OPERANTIC
SIRET N° : 817 410 871
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Mamadou DIALLO, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C 2079
APPELANTE
****************
Monsieur [L], [Y] [R]
né le 05 septembre 1987 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentant : Me Benjamin KRIEF, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS
INTIME
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 04 octobre 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Président chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Président,
Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,
Madame Isabelle CHABAL, Conseiller,
Greffier placé lors des débats : Madame Virginie BARCZUK
Vu le jugement rendu le 27 mai 2020 par le conseil de prud’hommes de Montmorency,
Vu la déclaration d’appel de la société Operantic du 15 juin 2020,
Vu les conclusions de la société Operantic du 10 septembre 2020,
Vu les conclusions de M. [L] [R] du 25 septembre 2020 ,
Vu l’ordonnance de clôture du 21 septembre 2020,
EXPOSE DU LITIGE
La société Operantic ayant son siège social [Adresse 3], est spécialisée dans la programmation informatique. Elle emploie moins de onze salariés.
La convention collective nationale applicable est celle des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils (Syntec) du 15 décembre 1987.
M. [L] [R], né le 5 septembre 1987, a été engagé par la société TK technologies représentée par M. [I] [C], par contrat de travail à durée indéterminée à effet au 1er juin 2017 en qualité d’ingénieur études et développement.
Par avenant au contrat de travail du 1er juin 2017, le contrat de travail de M. [R] a été transféré à la société Operantic également représentée par M. [I] [C].
Par avenant du 16 mars 2018, une clause de non-concurrence a été intégrée au contrat de travail de M. [R].
Par courrier du 10 septembre 2018, M. [R] a démissionné de ses fonctions au sein de la société Operantic.
Le 18 septembre 2018, la société Operantic a pris acte de la décision de M. [R] et a fixé la fin de la relation contractuelle au 13 décembre 2018.
Par courrier du 26 décembre 2018, M. [R] a sollicité le règlement de son solde de tout compte ainsi que la remise de ses documents de fin de contrat.
Par courrier du 9 janvier 2019, la société Operantic a reproché à M. [R] la violation de sa clause de non-concurrence.
Par courrier du 27 février 2019, le conseil de M. [R] a écrit à la société Operantic afin de solliciter le règlement des éléments manquants du solde de tout compte de son client, et contester la validité de la clause de non-concurrence.
Par requête en date du 4 février 2019, la société Operantic a saisi le conseil de prud’hommes de Montmorency aux fins que soit constatée la violation de la clause de non-concurrence de M. [R] et a sollicité sa condamnation à lui verser diverses sommes.
M. [R] a conclu, quant à lui, au débouté de la société Operantic et sollicité sa condamnation à lui verser diverses sommes.
Par jugement rendu le 27 mai 2020, la section encadrement du conseil de prud’hommes de Montmorency a :
– débouté la société Operantic de l’ensemble de ses demandes,
– condamné la société Operantic à payer à M. [R] :
. 18 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
. 363 euros à titre de rappel de prime de vacances,
. 1 150 euros à titre de rappel de la prime de fin d’année,
. 856,74 euros à titre de rappel de RTT,
. 504 euros à titre de prélèvement indu concernant la mutuelle,
. 850 euros au titre de l’attribution d’un ordinateur portable,
. 1 200 euros à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté M. [R] du surplus de ses demandes.
Par déclaration du 15 juin 2020, la société Operantic a interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de ses conclusions en date du 10 septembre 2020, la société Operantic demande à la cour de :
– infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
– condamner M. [R] à payer à la société Operantic les sommes suivantes :
. 18 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de sa clause de non-concurrence,
. 15 000 euros à titre de remboursement de salaire indument perçus de juin 2017 à décembre 2018,
. 823,35 euros à titre de remboursement des jours de congés payés indument perçus de juin 2017 à décembre 2018,
. 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner M. [R] aux entiers dépens.
Aux termes de ses conclusions en date du 25 septembre 2020, M. [L] [R] demande à la cour de :
– confirmer le jugement rendu le 27 mai 2020 par le conseil de prud’hommes de Montmorency en ce qu’il a débouté la société Operantic de l’ensemble de ses demandes,
– confirmer le jugement rendu le 27 mai 2020 par le conseil de prud’hommes de Montmorency en ce qu’il a fait droit aux demandes formées par M. [R] au titre du rappel de prime de vacances, du rappel de prime de fin d’année, du rappel de RTT, du prélèvement concernant la mutuelle,
– infirmer le jugement rendu le 27 mai 2020 par le conseil de prud’hommes de Montmorency :
– en ce qu’il a alloué à M. [R] [L] une somme de 850 euros au titre de l’attribution d’un ordinateur portable et, statuant à nouveau, condamner la société Operantic à payer à ce titre la somme de 1 700 euros,
– en ce qu’il a alloué à M. [R] [L] une somme de 18 000 euros au titre de la procédure abusive et, statuant à nouveau, condamner la société Operantic à verser la somme de 40 000 euros,
– en ce qu’il a débouté M. [R] [L] au titre de ses demandes relatives aux travaux supplémentaires qu’il a effectués et, statuant à nouveau, condamner la société Operantic à verser les sommes de :
. 9 752,8 euros à titre de rappels d’heures supplémentaires,
. 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité de l’employeur,
. 18 777,18 euros au titre du travail dissimulé,
– condamner la société Operantic à verser à M. [R] [L] la somme de 3000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions déposées, soutenues à l’audience et rappelées ci-dessus.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 21 septembre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1-Sur les demandes de la société Operantic
a- sur la demande de dommages-intérêts pour violation de la clause de non- concurrence
La société Operantic soutient que la clause de non-concurrence insérée à l’avenant au contrat de travail de M. [R] a été violée par ce dernier en contractant avec un concurrent direct de la société Operantic.
M. [R] fait valoir que la clause de non-concurrence insérée à l’avenant du contrat de travail est nulle car elle ne comporte ni contrepartie financière, ni limitation géographique.
Une clause de non-concurrence n’est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise, limitée dans le temps et dans l’espace, qu’elle tient compte des spécificités de l’emploi du salarié et comporte l’obligation pour l’employeur de verser au salarié une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives.
En l’espèce, la clause de non-concurrence insérée à l’avenant du contrat de travail en date du 16 mars 2018 est ainsi rédigée:
‘obligation de non-concurrence : M. [L] [R] s’interdit expressément pendant 6 mois suivant son départ de la société, d’entrer directement ou indirectement au service des clients auprès desquels il sera intervenu au cours de la dernière année précédant la rupture de son contrat. Toutefois la société Operantic peut librement décider de lever cette clause de non-concurrence. En cas de violation, M. [L] [R] règlera à la société Operantic sans autre forme de formalité, 6 mois de salaire brut.’
Cette clause de non-concurrence ne comporte aucune contrepartie financière et n’est pas limitée dans l’espace.
En conséquence, le conseil de prud’hommes a, à bon droit, considéré que la clause de non-concurrence était nulle et débouté la société Operantic de sa demande de dommages-intérêts pour violation de la clause de non-concurrence.
Le jugement sera confirmé de ces chefs.
b- sur le remboursement des salaires indûment perçus
L’employeur fait valoir que M. [R] a donné de fausses informations sur ses diplômes, prétendant être ingénieur et titulaire d’un diplôme bac +5, n’a pas fourni ses diplômes malgré les demandes répétées et ne pouvait donc avoir le statut cadre, trompant ainsi son employeur. Ce dernier a fixé le salaire annuel à 33 000 euros alors qu’il aurait dû être de 18 000 euros et réclame le remboursement de la différence.
Le salarié soutient que la demande n’a aucun fondement juridique. Le salaire a été versé en toute connaissance de cause. Il indique que c’est l’employeur qui a modifié son CV afin de le présenter aux clients. Sa rémunération correspondait en outre à son niveau de responsabilités et de connaissances conformément à l’article 39 de la convention collective Syntec. La rémunération de 18 000 euros par an revendiquée par l’employeur, correspond à 1 500 euros par mois soit un salaire inférieur au smic.
M. [R] produit son CV et ses échanges de messages des 4 et 5 mai 2017 avec M. [I] [C], mentionné dans le contrat de travail du 9 mai 2017 et l’avenant du 16 mars 2018 comme président de la SASU TK technologies puis de la SASU Operantic (pièce intimé n°24).
Il résulte de ces pièces que M. [C] a lui-même procédé à des modifications du CV de M. [R] qui apparaissent en rouge sur le CV comme en atteste le message adressé à M. [C] du 5 mai 2017: ‘Salut [I], je te fais retour de mon CV avec les corrections que tu y as apportées […]’.
Le CV de M. [R] (p.2 de la pièce n°24) est intitulé ‘concepteur développeur informatique & infographiste multimédia webdesigner’, sans aucune référence au statut cadre ou ingénieur. Il est mentionné que M. [R] a reçu en 2016 une formation Bac +4 ‘conception et développement informatique’.
Le salarié justifie avoir obtenu le titre professionnel de concepteur développeur informatique le 22 décembre 2016 (pièce n°25).
L’employeur n’établit donc pas que le salarié lors de son engagement a fourni de fausses informations concernant sa formation ou ses diplômes. La société Operantic, tout en affirmant que le salarié s’est rendu coupable de ‘fausses déclarations, avec faux et usage de faux, utilisant des manoeuvres dilatoires pour être embauché’, ne justifie pas ni même allègue avoir déposé plainte.
L’employeur a donc en toute connaissance de cause engagé M. [R] avec le statut de cadre ou ingénieur, étant observé que le contrat de travail stipule expressément que l’engagement est soumis aux dispositions de la convention collective nationale des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs conseils et des sociétés de conseils (SYNTEC) laquelle prévoit en son article 39 relatif à la classification des emplois, notamment ‘la classification des cadres sera effectuée en tenant compte des responsabilités assumées et des connaissances mises en application.’
Enfin, les avenants au contrat de travail du 20 septembre 2017 et du 1er août 2017 portant la rémunération annuelle fixée à l’origine à 33 008 euros, respectivement à 38 000 euros et 40 004 euros démontrent que l’employeur a accordé à M. [R] un salaire en fonction de ses responsabilités et de ses compétences.
Le jugement sera confirmé en ce que le conseil de prud’hommes a débouté la société Operantic de sa demande de remboursement de salaires indûment perçus.
c-sur le remboursement du trop perçu au titre des congés payés
L’employeur soutient que pour la période de juin 2017 à décembre 2018, le salarié aurait dû bénéficier de 14,56 jours au lieu de 17,5 jours soit une différence de 2,94 jours en trop et que pour la période de janvier 2018 au 13 décembre 2018, il aurait dû bénéficier de 23,36 jours, soit 4,73 jours en trop, et ce sur la base de 2,08 jours par mois en jours ouvrés selon la convention collective Syntec. Le salarié a pris 19 jours de congés sur toute la période. Son indemnité compensatrice de congés payés aurait dû être calculée sur 19,19 jours pour un montant de 2302,80 euros, alors qu’il a perçu la somme de 3 126,15 euros (pièce appelante n°15).
Le salarié fait valoir que l’article 23 de la convention collective prévoit qu’il disposait de 25 jours ouvrés de congés soit 30 jours ouvrables. L’employeur ne peut réclamer le remboursement des sommes que le salarié a perçues sauf versement indu ce qui n’est pas le cas en l’espèce, l’employeur ayant versé ces sommes avec une intention libérale.
Aux termes de l’article 1302-1 du code civil, ‘celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l’a indûment reçu.’
Dès lors que des sommes ne sont pas dues, le solvens est en droit sans être tenu à aucune autre preuve d’en obtenir restitution.
En outre, le paiement effectué en connaissance de cause ne fait pas obstacle à l’exercice par son auteur de l’action en répétition de l’indu.
En l’espèce, le salarié ne conteste pas le calcul de l’indemnité de congés payés en fonction de ses droits réels à congé conformément à l’article 23 de la convention collective, notamment du nombre de congés dus, de celui des congés pris et des congés restants.
L’intention libérale de l’employeur d’attribuer une indemnité compensatrice de congés payés au salarié démissionnaire supérieure à ce qui est dû, n’est ni caractérisée, ni démontrée.
En conséquence, il convient d’infirmer le jugement en ce que le conseil de prud’hommes a débouté la société Operantic de sa demande de remboursement de la somme de 823,35 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés indue.
M. [R] sera condamné à payer ladite somme à la société Operantic.
2- sur les demandes de M. [R]
a- sur les rappels de salaire au titre du solde de tout compte
– sur la prime de vacances
Le salarié fait valoir que la prime de vacances prévue à son contrat de travail ne lui a pas été réglée pour l’année 2018 et en réclame le paiement prorata temporis.
L’employeur soutient que la prime a été réglée en juin 2018 à hauteur de 733,33 euros.
Le contrat de travail prévoit en son article VI une rémunération brute globale annuelle fixée à la somme forfaitaire de 33 008 euros payée selon les modalités suivantes:
– 12 mois à 2 584 euros pour un salaire annuel de 31 008 euros
– une prime de vacances d’un montant de 800 euros réglée fin juin de chaque année
– une prime de fin d’année d’un montant de 1200 euros fin décembre de chaque année.
Il est ajouté que la prime est versée au prorata du temps de présence en nombre de mois travaillés dans l’année et pour les collaborateurs ayant moins d’un an de présence, sous réserve d’être présent en fin de chaque semestre.
La prime de vacances comme la prime de fin d’année sont des primes annuelles entrant dans la rémunération brute globale annuelle.
Les avenants au contrat de travail relatifs à la rémunération ont modifié le montant du salaire brut annuel comme indiqué précédemment sans modifier le montant des primes de vacances et de fin d’année et les modalités de leur règlement.
En conséquence, la prime de vacances était due pour une année de juillet 2017 à juin 2018, puis de juillet 2018 à juin 2019.
M. [R] ayant plus d’un an d’ancienneté à la date de son départ effectif, la prime de vacances est due prorata temporis de juillet 2018 au 13 décembre 2018.
Le salarié a perçu en juin 2017 une prime de 66,67 euros et en juin 2018 une prime de 733,33 euros (pièces intimé n°27).
La prime de juillet 2018 au départ du salarié n’a pas été réglée par l’employeur.
Le jugement sera confirmé en ce que le conseil de prud’hommes a condamné l’employeur au paiement d’une somme de 363 euros au titre de la prime de vacances.
– sur la prime de fin d’année
Le salarié soutient que la prime de fin d’année prévue au contrat de travail aurait dû lui être réglée, le contrat ne prévoyant pas de condition particulière au paiement.
L’employeur soutient que la prime est conditionnée par la présence du salarié en fin d’année.
Il résulte de l’article VI précité du contrat de travail que la prime de fin d’année est versée au prorata du temps de présence.
En conséquence, la prime de fin d’année d’un montant annuel de 1 200 euros est due prorata temporis de la présence du salarié soit du 1er janvier au 13 décembre 2018.
Le jugement sera confirmé en ce que le conseil de prud’hommes a condamné la société Operantic à payer à M. [R] la somme de 1 150 euros au titre de la prime de fin d’année.
– sur les RTT
M. [R] fait valoir que son contrat de travail prévoyait 10 jours de RTT. Il réclame le paiement de 856,74 euros, n’ayant pris que 5,94 jours de RTT.
L’employeur affirme que les RTT ne sont dus que si le salarié est encore dans l’entreprise. Ayant démissionné, M. [R] n’était plus dans l’entreprise.
En l’espèce, selon le bulletin de salaire du mois de novembre 2018, sur 7,94 jours de RTT, il restait un solde de 5,94 jours de RTT, le salarié ayant pris 2 jours.
Le bulletin de décembre 2018 mentionne tant pour les congés payés que pour les RTT 0 acquis, 0 pris et solde 0, sans que l’employeur ne s’explique sur cette anomalie.
M. [R] affirme, sans être sérieusement démenti par la société Operantic, qu’il n’a pris aucun jour de RTT en décembre, étant observé qu’il a exécuté son préavis de démission de 3 mois. Le bulletin de décembre 2018 confirme à tout le moins que des jours de RTT n’ont pas été pris.
Le salarié est donc en droit de réclamer le solde de jours de RTT.
Le jugement sera confirmé en ce que le conseil de prud’hommes a condamné la société Operantic à payer la somme de 856,74 euros à ce titre.
– sur la régularisation mutuelle famille
Le salarié soutient que l’employeur lui a prélevé indûment la somme de 504 euros au titre d’une régularisation mutuelle famille, alors qu’il a réglé la cotisation de la mutuelle d’entreprise prise en charge par l’entreprise.
La société Operantic fait valoir que ‘la mutuelle ne prend en charge uniquement que les salariés et ses enfants (pas pour les époux ou épouses)’ [sic].
Les bulletins de salaires produits par le salarié (pièces n°28) de juin 2017 à décembre 2018 mentionnent effectivement une somme mensuelle de 30 euros prélevée de juin à décembre 2017, une somme de 68 euros en janvier 2018 et de 50 euros de février à décembre 2018 sans qu’aucune explication soit fournie par l’employeur sur ces montants.
Il en est de même de la retenue de 504 euros au titre d’une ‘régularisation mutuelle’ qui apparaît sur le bulletin de salaire de décembre 2018.
Le jugement sera confirmé en ce que le conseil de prud’hommes a condamné l’employeur à payer à M. [R] la somme de 504 euros à ce titre.
– sur l’attribution d’un ordinateur portable ou de la somme équivalente
Le salarié fait valoir que conformément à ce qui avait été prévu lors de son engagement, il aurait dû conserver l’ordinateur portable qui avait été mis à sa disposition puisqu’il avait plus d’un an d’ancienneté dans l’entreprise. Il a cependant dû le restituer.
La société Operantic soutient qu’il s’agissait d’un matériel mis à disposition qui devait être restitué.
La pièce n°8 de l’intimé intitulée ‘complément’ portant le nom de la société Operantic en bas de page sans date mentionne :
‘- prime repas : 10 euros par jour
– ordinateur portable macbook pro offert après 12 mois d’ancienneté dans l’entreprise
– mutuelle d’entreprise familiale prise en charge par l’entreprise
– remboursement 100% du titre de transport
– 10 jours de RTT’.
Suit un tableau intitulé ‘formations pour le salarié’ mentionnant 11 formations avec une date à définir avec le salarié.
Le salarié affirme qu’il s’agit d’un complément au contrat de travail, l’employeur ne contestant pas l’existence de ce document sur lequel sont indiqués des avantages confirmés par d’autres documents tels le contrat de travail et les bulletins de salaire.
Or, selon le courrier de la société Operantic du 18 septembre 2019 (pièce intimé n°10), l’employeur a exigé la restitution à la fin du préavis de l’ordinateur portable après l’avoir réinitialisé, contrevenant ainsi à l’engagement pris lors de l’embauche du salarié.
Il est établi que M. [R] a effectivement restitué l’ordinateur portable (pièces intimé n°10 et 11) le 13 décembre 2018 sans aucune protestation. Sa lettre du 26 décembre 2018 réclamant la délivrance d’un solde de tout compte et des documents de fin de contrat fait état de la remise du matériel sans contester le bien-fondé de cette remise.
Son courrier non daté (pièce n°5) aux termes duquel il conteste le montant de son solde de tout compte ne mentionne pas l’ordinateur portable, de même que celui de son conseil du 27 février 2019 (pièce n°7).
Aux termes de ses écritures, il n’en demande toujours pas la restitution mais ‘la somme équivalente’ qu’il fixe à 1 700 euros sans apporter le moindre élément permettant d’apprécier la demande, notamment sa valeur et son ancienneté, tout en contestant le montant alloué à ce titre par les premiers juges.
Il ne justifie pas d’un préjudice particulier subi du fait de l’obligation de remettre le matériel.
Il résulte de ces éléments que M. [R] sera débouté de sa demande de condamnation au paiement d’une ‘somme équivalente’ laquelle n’est pas justifiée.
b- sur les travaux supplémentaires, les heures supplémentaires, le travail dissimulé et le manquement à l’obligation de sécurité
M. [R] soutient qu’il a dû effectuer pour l’employeur des travaux sans lien avec ses missions contractuelles, en dehors de son temps de travail et des missions qu’il effectuait chez le client STVA. Il indique avoir ainsi été contraint de réaliser de nombreuses heures supplémentaires, l’employeur ne s’étant pas préoccupé de préserver sa santé physique et mentale.
L’employeur conteste l’argumentation et les demandes, faisant valoir que les tâches à effectuer le lendemain et aux heures de travail étaient envoyées à tous les salariés dans la soirée, que le salarié avait beaucoup de lacunes techniques et du retard dans l’exécution de ses tâches.
– sur les travaux effectués par M. [R] :
Il résulte des pièces produites (n°13 à 20) que M. [R] réalisait à la demande de l’employeur des travaux dont certains étaient effectivement sans lien avec la société Operantic.
Le salarié établit ainsi avoir conçu les cartes de visites et la plaquette commerciale de la société Operantic. Au regard de ses compétences de concepteur, développeur informatique et d’infographiste multimédia webdesigner telles que mentionnées sur son CV, ce travail a un lien avec l’employeur (pièces n°14, 17, 19).
En revanche, les travaux demandés (pièces n° 15, 16, 18, 20) ne concernent pas l’employeur mais des sociétés, association, site web dirigés ou créés par M. [I] [C] comme en atteste la pièce de l’intimé n°22.
– sur les heures supplémentaires :
Aux termes des articles L. 3121-27, L. 3121-28 et L. 3121-36 du code du travail :
‘La durée légale de travail effectif des salariés à temps complet est fixée à trente-cinq heures par semaine.’
‘Toute heure accomplie au delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent.’
‘A défaut d’accord, les heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale hebdomadaire fixée à l’article L. 3121-27 ou de la durée considérée comme équivalente donnent lieu à une majoration de salaire de 25 % pour chacune des huit premières heures supplémentaires. Les heures suivantes donnent lieu à une majoration de 50 %.’
L’article L. 3171-4 du même code dispose que, ‘en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.’
Au visa de ces textes, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences légales ainsi rappelées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
En l’espèce, le salarié réclame le paiement d’heures supplémentaires en raison des travaux effectués hors les missions contractuelles et au-delà de son temps de travail.
A l’appui de sa demande, il évalue le temps de travail consacré à la réalisation des cartes de visite, des logos, des documents promotionnels, des maquettes de sites web (80 heures pour le site Operantic, 160 heures pour le site messeassurances, 15 heures pour le site de M. [C]), des maquettes des sites web et mobile pour ‘O terre d’espérance’ soit un total de plus de 300 heures.
Cependant, cette évaluation du temps de travail qui aurait été consacré à ces travaux supplémentaires dont une partie seulement sont sans lien avec la société Operantic, n’est établie par aucun document, tel un agenda électronique ou agenda papier permettant de confirmer les heures consacrées par le salarié à ces travaux.
Il justifie cependant avoir envoyé par message :
– le travail pour la conception de cartes de visites de la société Tkeco services le samedi le 5 mai 2018 à 22 heures 14 (pièce n°15),
– celui concernant le site web de ‘o terre d’espérance’ le dimanche 26 novembre 2017 à 22 heures 39 (pièce n°16),
– celui relatif aux cartes de visite Operantic le dimanche 25 février 2018 à 16 heures 22 (pièce n°17),
– celui concernant le logo et les maquettes de ‘o terre d’espérance’ le lundi 4 septembre 2017 à 1 heure 37 (pièce n°18),
– celui concernant la plaquette commerciale de Tkecoservice le 2 mai 2018 à 22 heures 11 répondant au message de M. [C] du même jour à 21 heures 34.
Le salarié produit également une attestation d’un ancien salarié M. [J] aux termes de laquelle ce dernier indique que M. [R] a réalisé pour le compte de M. [C] les travaux suivants en dehors de son temps de travail et en dehors de ses fonctions contractuelles : création de maquettes, cartes de visite, maquettes commerciales, logos et sites web, et ce sans aucune rémunération.
Cependant, M. [R] affirmant avoir exécuté ces travaux en dehors de son temps de travail, notamment le samedi et le dimanche et tard le soir, M. [J] n’en a pas été témoin direct et ne fait que rapporter les propos de M. [R].
L’employeur quant à lui ne produit aucune pièce à l’exception d’un document (pièce n°14) mentionnant ‘si vous recevez ce courriel pendant vos temps non travaillés il ne requiert ni prise de connaissance ni réponse immédiate de votre part’ avec le logo d’Operatic et celui de [I] [C].
Cette mention n’apparaît pas sur les messages de M. [C] adressés à M. [R], même si néanmoins le fait que M. [C] adresse lui-même des messages tard ou le week-end au salarié, ne constitue pas une obligation pour ce dernier d’y répondre.
En outre, l’employeur ne peut sérieusement prétendre à des lacunes techniques et à un retard dans l’exécution de ses tâches par le salarié, alors même que la société Operantic a régulièrement sur 18 mois augmenté le salaire de ce dernier et lui a confié les tâches rappelées ci-dessus.
Au regard des seuls éléments produits par le salarié, notamment de travaux exécutés le week-end ou tard le soir (pièces n°15 à 18 et 20) lesquels étaient ponctuels, sur une période de plus de 18 mois, de l’absence d’agenda ou document permettant d’établir le temps de travail allégué, il convient d’évaluer à 1 500 euros le montant des heures supplémentaires effectuées par M. [R].
Le jugement sera infirmé en ce qu’il a débouté M. [R] de sa demande à ce titre.
La société Operantic sera condamnée à payer à M. [R] la somme de 1 500 euros au titre des heures supplémentaires.
M. [R] sera débouté du surplus de sa demande à ce titre.
– sur le travail dissimulé :
L’article L. 8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l’article L. 8221-3 du même code relatif à la dissimulation d’activité ou exercé dans les conditions de l’article L. 8221-5 du même code relatif à la dissimulation d’emploi salarié.
Aux termes de l’article L. 8223-1 du code du travail, le salarié auquel l’employeur a recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 du même code relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
L’article L. 8221-5 2° du code du travail dispose notamment qu’est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié, le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli.
En l’espèce, le salarié se borne à indiquer que l’absence de rémunération et de paiement de charges sociales constitue une dissimulation d’emploi.
Cependant, au regard du nombre restreint d’heures supplémentaires retenu sur une période de 18 mois, il n’est pas suffisamment démontré l’intention de l’employeur de se soustraire à ses obligations relatives aux heures supplémentaires effectuées par le salarié.
Le jugement sera confirmé en ce que le conseil de prud’hommes a débouté M. [R] de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé.
– sur l’obligation de sécurité :
Le salarié soutient que l’employeur a manqué à son obligation de sécurité de résultat en lui imposant une charge de travail supplémentaire qui s’ajoutait au travail dont il était chargé au titre de ses missions contractuelles.
Aux termes de l’article L. 4121-1 du code du travail, ‘l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1° des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l’article L. 4161-1,
2° des actions d’information et de formation,
3° la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.’
En l’espèce, eu égard au nombre limité d’heures supplémentaires retenu et en l’absence de tout élément justifiant de la charge de travail alléguée en dehors du temps de travail légal, il n’est pas démontré que la société Operantic a manqué à son obligation de sécurité.
c- sur les dommages-intérêts pour procédure abusive
Aux termes de l’article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.
L’exercice d’une action en justice de même que la défense à une telle action, constitue en principe un droit et ne dégénère en abus de droit que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d’erreur grossière équipollente au dol ou de légèreté blâmable;
L’appréciation inexacte qu’une partie fait de ses droits n’est pas en soi constitutive d’une faute.
En l’espèce, la société Operantic a fait une appréciation inexacte de ses droits relatifs à la clause de non-concurrence, qui ne justifie pas l’octroi de dommages-intérêts, en l’absence de la démonstration d’un abus de droit, étant observé que lors de la saisine du conseil de prud’hommes elle sollicitait également à juste titre un rappel de congés payés.
Le jugement sera infirmé en ce que le conseil de prud’hommes a condamné la société Operantic à payer la somme de 18 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive.
M. [R] sera débouté de sa demande à ce titre.
3- sur les frais irrépétibles et les dépens
Le jugement sera confirmé sur les frais irrépétibles, le conseil de prud’hommes ne s’étant pas prononcé sur les dépens.
La société Operantic sera condamnée à payer à M. [R] la somme de 1 300 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, pour la procédure d’appel.
Elle sera déboutée de sa demande à ce titre et condamnée aux dépens de première instance et d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Montmorency le 27 mai 2020, sauf en ce qu’il a :
– débouté la société Operantic de sa demande de remboursement de congés payés,
– condamné la société Operantic à payer à M. [L] [R] la somme de 850 euros au titre de l’attribution d’un ordinateur portable,
– débouté M. [L] [R] de sa demande de rappel de salaires au titre d’heures supplémentaires,
– condamné la société Operantic à payer à M. [L] [R] la somme de 18 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
Condamne M. [L] [R] à rembourser à la société Operantic la somme de 823,35 euros à titre d’indemnité de congés payés indue,
Condamne la société Operantic à payer à M. [L] [R] la somme de 1 500 euros à titre de rappel de salaires pour heures supplémentaires,
Déboute M. [L] [R] de ses demandes au titre de l’attribution d’un portable et de dommages-intérêts pour procédure abusive,
Condamne la société Operantic à payer à M. [L] [R] la somme de 1 300 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel,
Condamne la société Operantic aux dépens de première instance et d’appel.
Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Catherine BOLTEAU-SERRE, président, et par Mme Virginie BARCZUK, greffier placé, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER placé, LE PRÉSIDENT,