AFFAIRE PRUD’HOMALE : COLLÉGIALE
N° RG 17/04187 – N° Portalis DBVX-V-B7B-LCBX
[J]
C/
Société AKKA INGENIERIE PRODUIT
APPEL D’UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LYON
du 15 Mai 2017
RG : 13/00967
COUR D’APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE B
ARRÊT DU 16 SEPTEMBRE 2022
APPELANTE :
[I] [O]
née le 03 Avril 1980 à [Localité 6]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Fabien ROUMEAS, avocat au barreau de LYON substitué par Me Christopher REINHARD, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
SAS AKKA INGENIERIE PRODUIT
RCS de NANTERRE N° 378 587 414
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représentée Me Emmanuelle POHU, avocat au barreau de LYON, et
par Me Nathalie ATTIAS de la SCP SCP ATTIAS, avocat, plaidant au barreau de PARIS , substituée par Me Olivier LADREGARDE, avocat au barreau de PARIS,
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 02 Juin 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Patricia GONZALEZ, Présidente
Sophie NOIR, Conseiller
Catherine CHANEZ, Conseiller
Assistés pendant les débats de Gaétan PILLIE, Greffier.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 16 Septembre 2022, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Patricia GONZALEZ, Présidente, et par Ludovic ROUQUET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*************
EXPOSE DU LITIGE
La société AKKA Ingénierie Produit venant aux droits de la société AKKA Ingénierie Process exerce une activité d’assistance et de conseil dans le domaine des nouvelles technologies d’ingénierie, d’études techniques et hydrauliques, électroniques et pneumatiques.
Elle applique la convention collective nationale Syntec.
Mme [I] [O] a été embauchée par la société AKKA Ingénierie Process dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 27 septembre 2010, en qualité de technicienne logistique, statut ETAM.
La pratique de la société en matière de frais de déplacement a varié. Ainsi, du 1er janvier 2009 au 31 mars 2013, elle a fait application d’une franchise kilométrique de 30 kilomètres par aller-retour pour les petits déplacements, le montant de l’indemnité kilométrique étant fixé à 0,34 centimes, outre les frais de péage.
A compter du 1er avril 2012, la franchise est passée à 15 km par trajet. Elle a été supprimée au 1er janvier 2013. Le montant de l’indemnité kilométrique était fixé à 0,39 euros, outre les frais de péage.
Puis, à compter du 17 février 2014, elle a adopté un système de triangulation, la distance prise en compte pour le remboursement des frais consistant en la différence entre la distance domicile-lieu de la mission et la distance domicile-lieu de travail habituel.
Enfin, à partir du 17 février 2014, la société a adopté un système de triangulation afin de déterminer la distance à prendre en compte pour le remboursement des frais, soit la différence entre la distance domicile-lieu de mission et la distance domicile-lieu de travail habituel. Ce delta définit en outre la catégorie de déplacement (déplacement local, petit déplacement, grand déplacement, très grand déplacement). Le barème prévoit que les indemnités kilométriques lors d’un petit déplacement sont de 0,39 centimes par kilomètre.
Par requête du 19 février 2013, Mme [O] a saisi le conseil de prud’hommes de Lyon aux fins d’obtenir le paiement des frais de déplacement lors de ses déplacements en missions sans franchise et de ses heures supplémentaires.
Par courrier recommandé avec avis de réception du 12 juillet 2013, Mme [O] a informé la société de son intention de mettre un terme au contrat de travail à compter du 12 septembre suivant, en ces termes :
« Je suis employée au sein de la société AKKA depuis le 22 septembre 2010 en tant que technicienne logistique.
Je vous informe par la présente de mon intention de mettre un terme à mon contrat de travail.
Cette décision est motivée par plusieurs raisons.
‘Mission PSA [Localité 6] : indemnisation des frais (transport + repas) / incohérence entre les heures effectuées en mission (38,5 heures) et celles de mon contrat de travail (36 heures).
Au cours de cette première mission, j’ai fait face à deux problèmes majeurs.
Je ne reviendrai pas sur le premier point, l’indemnisation des frais, car une procédure au tribunal des Prud’hommes est déjà en cours.
Deuxième point : l’incohérence entre les heures effectuées en mission (38,5 heures) et celles de mon contrat de travail (36 heures).
Depuis le début de ma mission j’ai appliqué les plages horaires client mais après plusieurs mois je me suis aperçue que j’effectuais 38,5 heures par semaine alors que les horaires fixés par AKKA pour les ETAM sont de 36 heures hebdomadaire. (Voir document interne AKKA « horaire de travail ETAM productif et commercial et cadres dont salaires
Après plusieurs mails échangés (hiérarchie et ressources humaines), il s’est avéré que les temps de pose n’étaient pas comptabilisés dans les 36 heures de mon contrat et qu’il fallait donc y ajouter 1,75 heures par semaine. Soit un total hebdomadaire de 37,75 heures à effectuer.
Le 25 juillet, la société AKKA a donc bien admis que j’effectuais des heures supplémentaires à hauteur de :
38,5h -37,75h = 0.75h / semaine soit 0,15h / jour travaillé
Mon responsable m’a remis un document (voir lettre en annexe) que j’ai signé à contrec’ur, convaincue que mes droits n’étaient pas totalement respectés.
En effet, avec un peu de recul sur cette affaire, je me suis aperçue que les heures officielles ETAM en vigueur au sein de la société AKKA était de 36,25 heures.
En se référant au document interne AKKA ‘horaire de travail ETAM productif et commercial & cadres dont salaires
Je suppose que les temps de pose sont de 0,25 heure par semaine soit 0,05 heure par jour travaillé.
En travaillant 38,5 heures par semaine et en prenant cette base de 36,25 heures (travail effectif avec poses inclues), au cours de cette première mission j’effectuais donc :
38,5h – 36,25h = 2,25 heures supplémentaires par semaine
Avec la majoration légale de 25% j’aurais donc dû avoir 2,8125 heures par semaine ou 0,5625 heures à récupérer par jour travaillé.
J’ai effectué 389,5 jours au cours de cette mission et d’après cette base, j’aurais donc dû récupérer :[389,5 jours x 0,5625 heures = 219,1 heures
Et j’ai seulement récupéré : 389,5 jours x 0,15 heures = 58,425 heures
Soit un delta de 160,675 heures
Pourquoi ‘
‘Arrangement oral avec Mr [S] pour justifier le fait de rester à la maison pendant ma période d’inter-contrat
A la fin de cette première mission, mon ingénieur d’affaire, Mr [S] n’ayant pas de nouvelle mission à me confier, m’a proposé (oralement) de poser tous mes congés payés et tous mes RTT en contrepartie de quoi il me proposait de rester à mon domicile pendant ma période d’inter-contrat. Cela permettait également de justifier le fait que je reste à la maison vis-à-vis de mes autres collègues.
Cet arrangement me convenait du fait que mon domicile est situé à deux heures aller/ retour de [Localité 4], mon agence de rattachement. J’ai donc posé tous mes jours :
‘6 jours de congés payés (juin) et 5 jours de RTT (du 9 au 13 juillet).
‘Mission manquée chez Alstom
Etant en RTT (imposé) le 13 juillet, Mme [P] m’a laissé un message sur mon répondeur m’indiquant que je devais me rendre à l’agence le lundi 16 juillet à 8h30 afin qu’elle me parle d’une mission chez Alstom Transport à [Localité 4].
Comme convenu je me suis rendu à l’agence à l’heure indiquée et après plusieurs dizaines de minutes d’attente, j’ai appris que :
‘Mme [P] était en congés.
‘Que je devais signer dans la foulée un ordre de mission pour commencer chez Alstom Transport le matin même pour une mission dont je ne savais rien.
‘Que j’avais un rendez-vous le jour même chez Alstom Transport à 9h30 et qu’une formation sécurité était prévue à 10h00.
Je me suis donc rendue en retard (faute d’informations) au rendez-vous chez Alstom Transport, sans signer mon ordre de mission car je trouvais complètement inconcevable de ne connaître aucun détail.
Sur le site d’Alstom, j’ai rapidement été prise en charge par Mr [C] [Z], coordinateur AKKA sur le site Alstom. Mr [Z] m’a alors conduit dans le service où je devais effectuer ma mission. C’est à ce moment précis que j’ai appris que je devais remplacer une salariée AKKA qui venait de démissionner. Cependant, mes compétences du moment ne me permettaient pas d’assurer une telle mission. J’ai malgré tout suivi la formation sécurité pour laquelle j’étais inscrite puis Mr [Z] m’a raccompagné à l’agence et j’ai été écartée définitivement de cette mission.
Mme [P], ou un autre ingénieur d’affaire aurait dû être présent ce matin là afin de me
présenter la mission, très vite nous nous serions aperçus que mon profil ne correspondait pas à ce qui était attendu par le client.
Suite à quoi, je suis de nouveau en disponibilité maison…
‘Inter-contrat à l’agence
Début septembre, Mr [S] m’apprend qu’il y a une nouvelle directive et que toutes les personnes en inter-contrat doivent venir à l’agence tous les jours. L’accord passé en juin avec Mr [S] ne tenait donc plus mais tous mes jours de congés étaient tout de même posés.
Mon responsable, m’a donc fait venir à l’agence (2 heures aller / retour) et pendant neuf jours je suis restée assise à un bureau à ne rien faire.
Deux entretiens sont venus entrecouper ces jours à l’agence, notamment un sur [Localité 5], un soir à 17h00 (5 heures aller / retour de [Localité 6]) où j’ai eu le sentiment de m’être déplacé dans le seul but de rassurer ma hiérarchie sur ma mobilité.
Courant octobre et novembre, j’ai eu un ordre de mission sur le plateau AKKA au 17D à Alstom Transport pour travailler avec Mr [D] afin de réaliser quelques documents de présentation de service ainsi que quelques standards. Cela m’a occupé quelque temps puis j’ai effectué des travaux de saisie à l’agence.
Fin novembre, Mr [S], m’a demandé de me former sur le logiciel Autocad 3D avec Mr [E], salarié AKKA également en inter-contrat.
Mr [E] devait me former mais lui-même n’avait jamais reçu de formation en bonne et due forme. En effet, il a acquit quelques bases 2D en auto-formation dans une de ces précédente mission. Aucun document ne nous a été fourni par notre hiérarchie. Nous ne disposions que de quelques plans d’atelier [1] sur lesquelles nous pouvions nous entraîner avec une version d’essai téléchargée sur interne. Après 4 jours de « formation » avec Mr [E], je me suite retrouvée seule avec le logiciel jusqu’à mi décembre à pratiquer de « l’auto-formation ».
Trouvant le logiciel plutôt intéressant, j’ai essayé de faire quelques exercices et d’écrire un tutoies afin de rassembler toutes les notions que j’avais pu acquérir mais sans support concret cela reste malgré tout très limité.
Au terme de la version d’essai du logiciel, Mr [S], m’a indiqué que je devais faire une journée de présence à l’agence et quatre jours à la maison. Pendant mes journées de présence à l’agence, Mr [T], salarié AKKA en inter-contrat, a été missionné pour mettre à profit ce temps disponible afin d’échanger avec nous en anglais. L’idée était bonne mais cette personne n’est pas qualifiée pour dispenser des heures de formation et malgré sa bonne volonté, ces heures ne pouvaient pas être bénéfiques, ni pour lui, ni pour ceux qui y participaient.
‘Divers manquements au droit du travail pendant ma mission chez Faurecia [R]
Comme vous le savez, début février, j’ai démarré une mission à Faurecia [R] pour un remplacement de congés maternité au poste de responsable ordonnancement / gestion client.
Ma première interrogation : pourquoi mettre un ETAM avec un contrat de 36 heures pour un poste de cadre au forfait ‘
Les premiers dépassements d’horaires ont eu lieu très rapidement, certaines semaines j’ai même fait jusqu’à 49 heures.
J’en ai informé très rapidement Mr [H] par mail (le 2 mars). J’évoquai aussi le fait que je ne pouvais pas respecter le temps de repos de 11 heures entre deux jours de travail mais que si je voulais satisfaire le client, je n’avais pas le choix.
Après plusieurs relances de ma part, une réunion a été provoquée, le 14 mars avec vous-même, Mr [H] et moi. Il a été décidé que je devais faire 42 heures maximum par semaine avec récupération (en partie) des heures supplémentaires pendant le mission (et le reste à l’issue de la mission).
Le client en a été informé par le biais d’une réunion tenu quelques jours plus tard mais sa position a été très claire : il avait payé pour un poste précis et non pour un volume d’heures; ce qu’approuva Mr [H]. Selon eux, il n’y avait que 4 mois à faire et ‘je pouvais faire un effort’. Vous trouverez. en annexe le compte rendu par mail que je vous avais adressé.
En résumé, cette mission m’a déjà fait manquer au moins à trois articles de la convention Syntec et du Code de Travail :
Manquement à l’article : L. 212-8-5 2ième alinéa du Code du travail qui précise que « lorsque des heures supplémentaires sont effectuées au-delà des limites prévues par la convention ou l’accord étendu ou par la convention ou l’accord d’entreprise ou d’établissement, les rémunérations correspondantes sont payées avec le salaire du mois considéré ».
Par conséquent, les heures qui dépassent le plafond de 46 heures ou autre plafond fixé par l’entreprise doivent être payées en tant qu’heures supplémentaires dans le mois concerné.
Manquement à l’article 33B de la Convention Syntec :
a – Rémunération des heures supplémentaires :
Les heures supplémentaires de travail contrôlées, effectuées par le personnel E.T.A.M., sont payées avec les majorations légales.
Des repos compensateurs seront attribués conformément aux dispositions légales.
b – Contingent annuel :
Il est prévu un contingent annuel de 130 heures supplémentaires utilisables sans autorisation de l’inspecteur du Travail.
Manquement à l’article L. 3131-1 du Code du travail qui précise que tout salarié bénéficie d’un repos quotidien d’une durée minimale de onze heures consécutives.
Je suis totalement consciente de ses manquements mais j’ai tout effectué en informant ma hiérarchie. Mes relevés horaires (que je vous joint) ont été envoyés toutes les semaines à mon ingénieur d’affaire afin d’attester des heures effectuées tout au long de ma mission. Je l’ai fait dans le seul but de satisfaire le client.
Vous m’avez indiqué que mes heures doivent être récupérées à l’issue de ma mission mais, Mr [H] m’a indiqué dans un mail que je devais poser un minimum de 10 jours de congés payés cet été mais comment pourrais-je poser tous mes jours ‘
Au 5 juillet au soir, j’ai déjà fait 135,44 heures supplémentaires (avec les majorations : 174,72 heures supplémentaires) et récupéré seulement 28,8 heures, il me reste donc 145 heures à récupérer soit plus de 20 jours.
D’autre part, mon lieu de mission, [R], se situe à 85 km de mon domicile soit 1h22. C’est-à-dire 11 minutes de plus de trajet que mon domicile-agence de [Localité 4].(soit 22 minutes par jour travaillés). Fin juin (fin de mission à fin juillet), je comptabilisais déjà 93 jours de travail, ce qui porte le nombre d’heures de trajet à 34,1 heures.
Ses heures sont-elles récupérables ‘ Quelle est la limite pour que les heures de trajet soient récupérables’
Enin d’année dernière, une formation DIF d’anglais m’a enfin été accordée. Aux vues des heures que j’effectue actuellement, il m’a été impossible de la commencer. Cependant, mes heures DIT ont malgré tout été débitées. Ne les ayant pas utilisées, pouvez-vous me les recréditer ‘
Concernant cette formation d’anglais, j’avais demandé une immersion totale ; financée en partie par le solde de mon compteur DIT de mon ancien employeur et par mon compteur AKKA. Je ne comprends pas pourquoi mon responsable n’a pas voulu valider cette formation, ni pourquoi mes neuf mois d’inter-contrat n’ont pas été utilisé dans ce but.
Comme vous avez pu le constater, j’ai toujours répondu présente aux diverses demandes de mes hiérarchiques. Cependant, je n’ai jamais pu trouver de soutient auprès d’eux quand j’en avais besoin.
Toutes ces raisons me motive donc à mettre fin à mon contrat de travail, cette décision sera effective à l’issue de mon préavis de 2 mois, soit le 12 septembre. »
Par jugement rendu le 15 mai 2017, statuant tant sur la demande portant sur les frais de déplacement que sur une demande tendant à voir qualifier la démission de la salariée en prise d’acte, le conseil de prud’hommes de Lyon a :
-débouté Mme [O] de l’intégralité de ses demandes,
-débouté la société de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,
-condamné Mme [O] aux dépens.
Par déclaration du 6 juin 2017, Mme [O] a interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions, Mme [O] demande à la cour de :
-réformer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
-condamner la société à lui payer les sommes suivantes :
-795,60 euros au titre du paiement des temps de déplacement (année 2012),
-7 747,75 euros au titre du paiement des heures supplémentaires et 774,77 euros au titre des congés payés afférents,
-5 409,45 euros au titre du paiement des temps de déplacement (années 2013/2014),
-à titre subsidiaire, 800 euros nets à titre de dommages et intérêts pour rupture d’égalité,
-20 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,
-1 848,75 euros au titre de l’indemnité de licenciement,
-4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-condamner la société à lui remettre des bulletins de salaire établis en fonction des condamnations prononcées, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l’arrêt à intervenir, la cour se réservant le pouvoir de liquider ladite astreinte,
-condamner la société aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions, la société demande à la cour de :
-prendre acte de ce qu’elle vient aux droits de la société AKKA Ingénierie Process,
-confirmer le jugement entrepris et débouter Mme [O] de l’intégralité de ses demandes,
-condamner Mme [O] à lui payer la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles, outre les entiers dépens.
L’ordonnance de clôture de la procédure a été signée le 25 février 2020, puis révoquée par ordonnance du 1er février 2022 afin de permettre la communication de nouvelles pièces. Cette même ordonnance a fixé la clôture au 12 avril suivant.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, la cour rappelle qu’elle n’est pas tenue de statuer sur les demandes de « constatations » ou de « dire » qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions dans la mesure où elles ne sont pas susceptibles d’emporter des conséquences juridiques ou qu’elles constituent en réalité des moyens.
1-Sur les frais de déplacement
Il résulte de l’article 50 de la convention collective Syntec que :
‘Les déplacements hors du lieu de travail habituel nécessités par le service ne doivent pas être pour le salarié l’occasion d’une charge supplémentaire ou d’une diminution de salaire.
L’importance des frais dépend du lieu où s’effectuent les déplacements, ils ne sauraient être fixés d’une façon uniforme. Ils seront remboursés de manière à couvrir les frais d’hôtel et de restaurant du salarié. Ils pourront faire l’objet d’un forfait préalablement au départ, soit par accord particulier, soit par règlement spécifique approprié.
En ce qui concerne les chargés d’enquête, s’il résulte d’un transfert de la résidence d’un chargé d’enquête un accroissement systématique de frais de déplacement nécessités par le service, ces frais supplémentaires restent entièrement à la charge du chargé d’enquête, sauf accord de l’employeur pour les prendre à sa charge.’
de l’article 53 que : ‘Le salarié dont la lettre d’engagement mentionne qu’il doit travailler tout ou partie de l’année en déplacement continu aura droit, outre son salaire, à une indemnité de remboursement de frais pendant la durée de ce déplacement.
Cette indemnité sera :
– soit forfaitaire, auquel cas, elle représentera la différence entre les frais de séjour et les dépenses normales du salarié s’il vivait au lieu où il a été engagé, et sera fixée par accord préalable entre l’employeur et le salarié, sauf règlement spécifique conformément à l’article 50;
– soit versée sur pièces justificatives.’
Et de l’article 60 que : ‘Lorsque le salarié utilise pour les besoins du service un véhicule automobile, une motocyclette ou un cyclomoteur, les frais occasionnés sont à la charge de l’employeur, à condition qu’un accord écrit ait précédé cette utilisation. Cet accord peut être permanent.
Le remboursement de ces frais tiendra compte de l’amortissement du véhicule, des frais de garage, de réparations et d’entretien des frais d’assurances et, éventuellement, des impôts et taxes sur le véhicule.’
Le contrat de travail de Mme [O] contient les stipulations suivantes :
Article 4 – Lieu de travail-mobilité
« Vous exercerez vos fonctions au sein de l’établissement de la société situé à [Localité 4] ainsi que dans la zone géographique qui vous a été attribuée.
La société se réserve toutefois la possibilité de muter Mme [O] dans d’autres établissements de l’entreprise en fonction des nécessités de l’entreprise. Les établissement sont situés dans la zone géographique suivantes : France Métropolitaine. (…)
Article 6 – Modalités des déplacements professionnels
‘(…) Vous serez indemnisé des frais professionnels occasionnés selon les modalités en vigueur au sein de la société et dont vous déclarez avoir été informé.
Les conditions de déplacements pourront être modifiées sans vous prévaloir d’une modification du contrat de travail.
Ces déplacements pourront s’effectuer par différents moyens retenus par la société.
Vous pourrez être amené à utiliser votre véhicule personnel dans le cadre de vos déplacements.
Vous communiquerez alors lors de votre embauche à la société une copie de votre permis de conduire, de votre carte grise et de votre contrat d’assurance ‘déplacements professionnels’.
(…) La société rembourse les frais kilométriques sur la base du barème diffusé par note de service en vigueur dans la société. Les frais exposés pour souscrire la police d’assurance ‘déplacement professionnels’ sont compris dans le cadre du remboursement des indemnités kilométriques. »
Mme [O] expose que la société a appliqué un système de franchise kilométrique contraires aux dispositions conventionnelles applicables, en ce sens qu’elle n’a pas procédé au remboursement de l’ensemble de ses frais professionnels exposés lors de ses trajets vers ses différents lieux de mission avec son véhicule personnel, et ce alors qu’un accord écrit avait précédé l’utilisation de son véhicule.
Subsidiairement, elle soutient que le système de franchise kilométrique n’existait pas au sein des autres entités du groupe et sollicite le versement de dommages et intérêts en réparation du préjudice né de la rupture d’égalité entre elle et ses collègues de travail.
La société réplique que ni la loi ni les dispositions de la convention collective n’imposent la prise en charge intégrale par l’employeur des frais de déplacement, ni même des indemnités kilométriques, et ce même lorsque le salarié a été autorisé à utiliser son véhicule personnel. Elle ajoute qu’en application de la convention collective, l’employeur peut organiser le remboursement des frais professionnels soit par un accord particulier soit par un règlement spécifique approprié et qu’il n’existe aucun accord écrit avec le salarié concernant un remboursement intégral des frais ou des indemnités kilométriques en raison de l’utilisation de son véhicule personnel.
Subsidiairement, elle souhaite contester le montant des demandes formulées par le salarié, et fait valoir que les montants sont excessifs et que la salariée ne présente pas tous les justificatifs nécessaires.
Elle répond que le salarié n’ayant jamais formulé de demande concernant une rupture d’égalité en première instance, celle-ci est irrecevable en cause d’appel et que la demande est mal fondée en ce qu’il ne démontre pas l’absence d’application de la franchise dans les autres entités du groupe et que le principe d’égalité ne s’applique pas entre salariés du même groupe.
Enfin, elle soutient que la demande est partiellement prescrite, au motif qu’elle ne peut porter sur une période antérieure au 19 février 2011, en application de la prescription biennale prévue par l’article L1471-1 du code du travail portant sur les actions au titre de l’exécution du travail.
Sur ce point, il résulte de l’article L3245-1 du code du travail dans sa version antérieure à la loi du 14 juin 2013, que son action se prescrit par cinq ans. Mme [O] ayant introduit son action devant le conseil de prud’hommes de Lyon le 19 février 2013, elle est donc recevable à faire porter ses demandes relatives à l’exécution du contrat de travail sur une période débutant le 19 février 2008.
1-1-Sur la demande de remboursement
Mme [O] développe des moyens au soutien d’une demande de remboursement de ses frais de déplacement. Or aucune demande à ce titre ne figure dans le dispositif de ses conclusions.
En application de l’article 954 du code de procédure civile, la cour n’en est donc pas saisie.
1-2-Sur la demande de dommages et intérêts au titre de la rupture d’égalité
La société conclut à l’irrecevabilité de cette demande au motif que cette prétention est nouvelle en cause d’appel.
Il convient toutefois de rappeler que l’article R. 1452-6 du code du travail, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2016-660 du 20 mai 2016, disposait que « toutes les demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties font, qu’elles émanent du demandeur ou du défendeur, l’objet d’une seule instance. » et que le principe d’unicité d’instance édicté par ce texte imposait aux parties de présenter lors de la même procédure toutes leurs demandes afférentes à une même relation de travail, ce qui entraînait une dérogation au principe de prohibition des demandes nouvelles en cause d’appel posé par l’article 564 du code de procédure civile.
Si l’article R. 1452-6 du code du travail a été abrogé par l’article 8 du décret précité du 20 mai 2016, il résulte toutefois des dispositions de l’article 45 de ce même décret que « les articles 8, 12 et 23 sont applicables aux instances introduites devant les conseils de prud’hommes à compter du 1er août 2016. »
En l’espèce, la présente instance a été introduite devant le conseil de prud’hommes le 19 février 2013, si bien que la demande est recevable.
Sur le fond, la cour relève que Mme [O] ne justifie aucunement des barèmes de remboursement des frais professionnels applicables au sein des autres sociétés du groupe, et notamment de l’absence d’application d’une franchise kilométrique.
Il convient, donc, de la débouter de sa demande de dommages et intérêts pour rupture d’égalité.
2-Sur la demande en paiement des heures supplémentaires
La durée légale du travail effectif des salariés est fixée à 35 heures par semaine soit 151.67 heures par mois.
Les heures effectuées au-delà sont des heures supplémentaires qui donnent lieu à une majoration de salaire de 25% pour chacune des 8 premières heures (de la 36ème à la 43ème incluse) et de 50% à partir de la 44ème heure.
La durée du travail hebdomadaire s’entend des heures de travail effectif et des temps assimilés.
Aux termes de l’article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l’article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l’employeur tient à la disposition de l’inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
Mme [O] affirme qu’elle accomplissait 38,25 heures de travail par semaine soit 3,25 heures supplémentaires par semaine non rémunérées correspondant à ses temps de pause. Elle ajoute qu’elle a effectué de nombreuses heures supplémentaires à raison de 42 heures de travail par semaine dans le cadre de la mission Faurecia [R] du 8 février au 26 juillet 2013. Enfin, elle soutient qu’elle a effectué des trajets d’une durée de 1h22 afin de se rendre sur son lieu de mission, lesquels ne lui ont pas été rémunérés.
La société réplique que Mme [O] a accepté de prendre 4 jours de repos en compensation des heures supplémentaires réalisées en 2011, sans pouvoir revenir sur cet accord, et que lors de la mission Faurecia [R], il lui a été expressément demandé de ne pas dépasser les 42 heures de travail par semaine, pour lesquels elle a bénéficié de 7 jours de repos au mois de mai et juillet 2013.
Elle ajoute que les temps de trajet entre le domicile et le lieu de la mission effectués en France Métropolitaine, même anormaux, ne peuvent pas être assimilés à du temps de travail.
Subsidiairement, elle propose un mode de calcul pour la détermination de la contrepartie financière au temps de trajet « anormalement » long, car le temps de trajet n’étant pas du temps de travail effectif, le taux horaire du salarié ne peut être retenu pour le calcul.
2-1-Sur les temps de trajet
Il résulte de l’article L. 3121-4 dans sa version applicable au litige que le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas un temps de travail effectif, que, toutefois, s’il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l’objet d’une contrepartie soit sous forme de repos, soit financière.
La charge de la preuve de ce temps de trajet inhabituel n’incombe spécialement au salarié que pour la demande de contrepartie.
Outre le fait que les temps de trajet de Mme [O] ne peuvent être considérés comme anormalement longs, ils ne peuvent être assimilés à un temps de travail effectif et donner lieu à paiement d’heures supplémentaires.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
2-2-Sur les heures supplémentaires
Mme [O] produit notamment aux débats des tableaux reprenant les heures effectuées du 8 février au 26 juillet 2013 lors de la mission qu’elle a effectuée chez le client Faurecia [R].
Il ressort cependant des pièces communiquées par la société que Mme [O] a été clairement avertie qu’elle ne devait pas effectuer plus de 42 heures en moyenne par semaine, et ce dès le 14 février 2013, et qu’elle a bénéficié de 4 jours de repos compensateur, conformément à l’accord conclu le 3 août 2013 entre les parties.
Mme [O] a donc été remplie de ses droits et le jugement sera en conséquence de nouveau confirmé de ce chef.
3-Sur la rupture du contrat de travail
Il résulte de la combinaison des articles L1231-1, L1237-2 et L1235-1 du code du travail que la prise d’acte ne permet au salarié de rompre le contrat de travail qu’en cas de manquement de l’employeur à ses obligations revêtant une gravité suffisante pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail.
La prise d’acte de rupture du contrat de travail entraîne la cessation immédiate de la relation contractuelle qui ne peut plus ensuite être rétractée.
Il appartient dans ce cadre au salarié d’établir les faits qu’il allègue à l’encontre de l’employeur.
Ces faits sont ceux dont le salarié a eu connaissance avant de prendre acte de la rupture de son contrat de travail ; ils doivent donc être antérieurs ou contemporains à la démission.
L’écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige ; le juge est tenu d’examiner tous les manquements de l’employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit.
La rupture par prise d’acte produit, soit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou d’un licenciement nul, si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, les effets d’une démission.
Mme [O] soutient qu’elle a été contrainte de prendre acte de la rupture de son contrat en raison des graves manquements que la société a commis, en ne procédant pas au paiement de ses frais déplacement et de ses heures supplémentaires.
Elle échoue cependant à démontrer les défaillances de la société dans l’exécution du contrat de travail, si bien que le jugement sera confirmé en ce qu’il a considéré que la rupture était assimilable à une démission et en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes relatives à la rupture du contrat.
4-Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
Mme [O] sera condamnée aux dépens de l’instance d’appel.
L’équité commande de la condamner à verser la somme de 500 euros à la société sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour
Confirme le jugement prononcé par le conseil de prud’hommes de Lyon le 15 mai 2017 en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Déclare recevable la demande présentée par Mme [I] [O] au titre de la rupture d’égalité et l’en déboute ;
Condamne Mme [I] [O] aux dépens de l’instance d’appel ;
Condamne Mme [I] [O] à verser à la société AKKA Ingénierie Produit la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
LE GREFFIER LA PRESIDENTE