Convention collective SYNTEC : 16 septembre 2022 Cour d’appel de Lyon RG n° 17/04167

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Convention collective SYNTEC : 16 septembre 2022 Cour d’appel de Lyon RG n° 17/04167

AFFAIRE PRUD’HOMALE : COLLÉGIALE

N° RG 17/04167 – N° Portalis DBVX-V-B7B-LCAP

[E]

C/

SAS AKKA INGENIERIE PRODUIT

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LYON

du 15 Mai 2017

RG : 13/03847

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 16 SEPTEMBRE 2022

APPELANT :

[O] [E]

né le 10 Août 1968 à [Localité 7]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Fabien ROUMEAS, avocat au barreau de LYON substitué par Me Christopher REINHARD, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

SAS AKKA INGENIERIE PRODUIT

RCS de NANTERRE N° 378 587 414

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée Me Emmanuelle POHU, avocat au barreau de LYON, et

par Me Nathalie ATTIAS de la SCP SCP ATTIAS, avocat, plaidant au barreau de PARIS , substituée par Me Olivier LADREGARDE, avocat au barreau de PARIS,

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 02 Juin 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Patricia GONZALEZ, Présidente

Sophie NOIR, Conseiller

Catherine CHANEZ, Conseiller

Assistés pendant les débats de Gaétan PILLIE, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 16 Septembre 2022, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Patricia GONZALEZ, Présidente, et par Ludovic ROUQUET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

EXPOSE DU LITIGE

La société AKKA Ingénierie Produit venant aux droits de la société Hysys Service, exerce une activité d’assistance et de conseil dans le domaine des nouvelles technologies d’ingénierie, d’études techniques et hydrauliques, électroniques et pneumatiques.

Elle applique la convention collective nationale Syntec.

M. [O] [E] a été embauché par la société Hysys Service à compter du 20 mars 2000 dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de technicien, catégorie ETAM.

La pratique de la société AKKA Ingénierie Produit en matière de frais de déplacement a varié. Ainsi, du 1er janvier 2009 au 31 mars 2013, elle a fait application d’une franchise kilométrique de 30 kilomètres par aller-retour pour les petits déplacements, le montant de l’indemnité kilométrique étant fixé à 0,34 centimes, outre les frais de péage.

A compter du 1er avril 2012, la franchise est passée à 15 km par trajet. Elle a été supprimée au 1er janvier 2013. Le montant de l’indemnité kilométrique était fixé à 0,39 euros, outre les frais de péage.

Puis, à compter du 17 février 2014, elle a adopté un système de triangulation, la distance prise en compte pour le remboursement des frais consistant en la différence entre la distance domicile-lieu de la mission et la distance domicile-lieu de travail habituel.

Enfin, à partir du 17 février 2014, la société a adopté un système de triangulation afin de déterminer la distance à prendre en compte pour le remboursement des frais, soit la différence entre la distance domicile-lieu de mission et la distance domicile-lieu de travail habituel. Ce delta définit en outre la catégorie de déplacement (déplacement local, petit déplacement, grand déplacement, très grand déplacement). Le barème prévoit que les indemnités kilométriques lors d’un petit déplacement sont de 0,39 centimes par kilomètre.

Par requête du 26 juillet 2013, M. [E] a saisi le conseil de prud’hommes de Lyon de demandes relatives aux frais de déplacement ainsi que de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

Par jugement rendu le 15 mai 2017, le conseil de prud’hommes de Lyon a :

-débouté M. [E] de l’intégralité de ses demandes’;

-débouté la société de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;

-condamné M. [E] aux dépens de l’instance.

Par déclaration du 6 juin 2017, M. [E] a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions, M. [E] demande à la cour de :

-réformer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

-condamner la société à lui payer les sommes suivantes :

-17 561,70 euros au titre des frais de déplacement,

-à titre subsidiaire, 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture d’égalité,

– 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat,

-4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

-condamner la société aux dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions, la société demande à la cour de :

-confirmer le jugement,

-débouter M. [E] de l’intégralité de ses demandes,

-condamner M. [E] à lui payer la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles, outre les entiers dépens.

L’ordonnance de clôture de la procédure a été signée le 25 février 2020, puis révoquée par ordonnance du 1er février 2022 afin de permettre la communication de nouvelles pièces. Cette même ordonnance a fixé la clôture au 12 avril suivant.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour rappelle qu’elle n’est pas tenue de statuer sur les demandes de «’constatations’» ou de « dire » qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions dans la mesure où elles ne sont pas susceptibles d’emporter des conséquences juridiques ou qu’elles constituent en réalité des moyens.

1-Sur les frais de déplacement

Il résulte de l’article 50 de la convention collective Syntec que :

‘Les déplacements hors du lieu de travail habituel nécessités par le service ne doivent pas être pour le salarié l’occasion d’une charge supplémentaire ou d’une diminution de salaire.

L’importance des frais dépend du lieu où s’effectuent les déplacements, ils ne sauraient être fixés d’une façon uniforme. Ils seront remboursés de manière à couvrir les frais d’hôtel et de restaurant du salarié. Ils pourront faire l’objet d’un forfait préalablement au départ, soit par accord particulier, soit par règlement spécifique approprié…’

Il résulte de l’article 53 de la convention collective que :

‘Le salarié dont la lettre d’engagement mentionne qu’il doit travailler tout ou partie de l’année en déplacement continu aura droit, outre son salaire, à une indemnité de remboursement de frais pendant la durée de ce déplacement.

Cette indemnité sera :

– soit forfaitaire, auquel cas, elle représentera la différence entre les frais de séjour et les dépenses normales du salarié s’il vivait au lieu où il a été engagé, et sera fixée par accord préalable entre l’employeur et le salarié, sauf règlement spécifique conformément à l’article 50;

– soit versée sur pièces justificatives.’

L’article 60 de la convention collective énonce enfin que : ‘Lorsque le salarié utilise pour les besoins du service un véhicule automobile, une motocyclette ou un cyclomoteur, les frais occasionnés sont à la charge de l’employeur, à condition qu’un accord écrit ait précédé cette utilisation. Cet accord peut être permanent.

Le remboursement de ces frais tiendra compte de l’amortissement du véhicule, des frais de garage, de réparations et d’entretien des frais d’assurances et, éventuellement, des impôts et taxes sur le véhicule.’

1 Le contrat de travail de M. [E] contient les stipulations suivantes :

Article 7 – lieu d’exécution

‘Le salarié exercera normalement ses fonctions à [Localité 6]’.

Article 8 – clause de mobilité géographique

‘ Le salarié accepte d’ores et déjà tout changement de lieu de travail sur l’ensemble du secteur géographique où la société exercera son activité, sur une courte ou longue distance, pour une brève ou longue durée, étant précisé que la mobilité géographique du salarié et son détachement à l’étranger sans changement de résidence sont des conditions fondamentales du présent contrat.’

2 Article 14 – Moyen de transport

‘La société décidera des moyens de transport les plus appropriés aux déplacements qu’effectuera le salarié (avion, train, automobile).

Le salarié pourra être amené à utiliser pour l’exécution du présent contrat, son véhicule personnel ou tout autre moyen de transport appartenant à un tiers.

(…) Le salarié sera remboursé mensuellement des frais entrainés par ses fonctions et déplacement sur justifications remises à la société et dans la limite habituellement adoptée par celle-ci et dont le salarié a pris connaissance.’

Article 15 – Frais professionnels

‘Les frais professionnels qui seront engagés par le salarié pour l’accomplissement de ses fonctions et dans le cadre des instructions qui lui seront données seront pris en charge par la société, dans les conditions fixées par la société dont le salarié aura pris connaissance.’

3 M. [E] expose que la société AKKA a appliqué un système de franchise kilométrique contraire aux dispositions conventionnelles applicables, en ce sens qu’elle n’a pas procédé au remboursement de l’ensemble des frais professionnels exposés lors de ses trajets vers ses différents lieux de mission avec son véhicule personnel, et ce alors qu’un accord écrit avait précédé l’utilisation de son véhicule personnel.

Subsidiairement, M. [E] soutient que le système de franchise kilométrique n’existait pas au sein des autres entités du groupe et sollicite le versement de dommages et intérêts en réparation du préjudice né de la rupture d’égalité entre lui et ses collègues de travail.

4 La société réplique que la loi ainsi que les dispositions de la convention collective n’imposent pas la prise en charge intégrale par l’employeur des frais de déplacement, même si elle a autorisé son salarié à utiliser son véhicule personnel, ni même des indemnités kilométriques. Elle ajoute qu’en application de la convention collective, l’employeur peut organiser le remboursement des frais professionnels soit par un accord particulier soit par un règlement spécifique approprié et qu’il n’existe aucun accord écrit avec le salarié concernant un remboursement intégral des frais ou des indemnités kilométriques en raison de l’utilisation de son véhicule personnel.

5 Elle expose également que la demande au titre de la rupture d’égalité avec les salariés du groupe est non seulement irrecevable, mais mal fondée en ce que notamment le principe d’égalité ne s’applique pas entre salariés du même groupe mais uniquement entre salariés de la même entité.

1-1-Sur la demande de remboursement

1-1-1-Sur la période de mars 2000 à janvier 2014

M. [E] sollicite le paiement d’indemnités kilométriques pour 3 missions mais ne produit aucun document permettant de justifier des missions, de leur durée et des indemnités qu’il a pu percevoir.

La cour ne pourra donc que confirmer le jugement qui l’a débouté de cette demande.

1-1-2-Sur la période postérieure au 17 février 2014

La société verse aux débats le barème de frais de déplacement applicable en France métropolitaine à compter du 17 février 2014, qui prévoit que les frais de déplacement seront calculés selon un système de triangulation afin de déterminer la distance à prendre en compte pour le remboursement des frais, soit le delta entre la distance domicile-lieu de mission et la distance domicile-lieu de travail habituel. Ce delta définit en outre la catégorie de déplacement’: déplacement local, petit déplacement, grand déplacement, très grand déplacement.

Ce barème est en accord avec les dispositions de la convention collective, dont l’alinéa 2 de l’article 50 prévoit expressément la possibilité de prévoir un forfait préalable au départ.

Il convient d’ailleurs de préciser qu’aucune disposition légale ou conventionnelle n’impose à l’employeur de prendre en charge la totalité des frais professionnels exposés lors des trajets de ses salariés vers leurs différents lieux de mission.

6 M. [E] verse aux débats les ordres de mission suivants :

-Renault SA au centre technique d’Aubevoye (27), du 24 novembre au 21 décembre 2014, mentionnant que la distance domicile-lieu de mission est de 261 km, et que la société lui verse une indemnité journalière de grand déplacement d’un montant de 63,60 euros, et prend à sa charge un voyage de détente par semaine,

-RATP situé à [Localité 5] (94), 23 mars au 22 septembre 2015, mentionnant que la distance lieu domicile-lieu de mission est de 226 km, et qu’il sera remboursé des frais réels, à la suite de sa réservation du train et de l’hôtel via le portail EGENCIA et qu’il dispose d’un forfait journalier de 30 euros pour le repas du lundi au jeudi et de 15 euros pour le repas du vendredi midi.

7 Sur la première période, M. [E] a perçu des indemnités de grand déplacement qui sont exclusives du remboursement des indemnités kilométriques journalières de petit déplacement, en raison de la situation d’éloignement du salarié qui ne peut regagner son domicile chaque jour et pour lequel la société prend à sa charge ses frais supplémentaires de nourriture et de logement ainsi qu’un trajet aller-retour hebdomadaire pour regagner son domicile dénommé ‘voyage détente’.

Sur la seconde période, M. [E] ne justifie pas qu’il n’a pas bénéficié de la prise en charge de ses frais réels de train et d’hôtel ainsi que du paiement de forfaits pour ses repas.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il l’a débouté de ses demandes.

1-2-Sur la demande de dommages et intérêts au titre de la rupture d’égalité

8 La société conclut à l’irrecevabilité de cette demande au motif que cette prétention est nouvelle en cause d’appel.

Il convient toutefois de rappeler que l’article R. 1452-6 du code du travail, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2016-660 du 20 mai 2016, disposait que toutes les demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties font, qu’elles émanent du demandeur ou du défendeur, l’objet d’une seule instance.’ et que le principe d’unicité d’instance édicté par ce texte imposait aux parties de présenter lors de la même procédure toutes leurs demandes afférentes à une même relation de travail, ce qui entraînait une dérogation au principe de prohibition des demandes nouvelles en cause d’appel posé par l’article 564 du code de procédure civile.

Si l’article R. 1452-6 du code du travail a été abrogé par l’article 8 du décret précité du 20 mai 2016, il résulte toutefois des dispositions de l’article 45 de ce même décret que ‘les articles 8, 12 et 23 sont applicables aux instances introduites devant les conseils de prud’hommes à compter du 1er août 2016.’

En l’espèce, la présente instance a été introduite devant le conseil de prud’hommes le 26 juillet 2013, si bien que la demande est recevable.

9 Sur le fond, la cour relève que M. [E] ne justifie aucunement des barèmes de remboursement des frais professionnels applicables au sein des autres sociétés composant l’unité économique et sociale, et notamment de l’absence d’application d’une franchise kilométrique.

Il convient donc de le débouter de sa demande de dommages et intérêts pour rupture d’égalité.

2- Sur l’exécution déloyale du contrat de travail

Tout contrat de travail comporte une obligation de loyauté qui impose à l’employeur d’exécuter le contrat de bonne foi.

La réparation d’un préjudice résultant d’un manquement de l’employeur suppose que le salarié qui s’en prétend victime produise en justice les éléments de nature à établir d’une part la réalité du manquement et d’autre part l’existence et l’étendue du préjudice en résultant.

M. [E] affirme que la société n’a pas exécuté de bonne foi le contrat de travail en l’absence de remboursement de ses frais de déplacement dans le respect des dispositions conventionnelles et légales.

Dans la mesure où il a été débouté de sa demande au titre du remboursement des frais de déplacement, l’exécution déloyale du contrat de travail par l’employeur n’est pas caractérisée.

La cour confirme le jugement déféré en ce qu’il a débouté le salarié de ce chef.

3- Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

M. [E] sera condamné aux dépens de l’instance d’appel.

L’équité commande de le condamner à payer à la société la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement prononcé par le conseil de prud’hommes de Lyon le 15 mai 2017 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Déclare recevable la demande de dommages et intérêts pour rupture d’égalité présentée par M. [E]’;

Déboute M. [O] [E] de cette demande ;

Condamne M. [O] [E] aux dépens de l’audience d’appel ;

Condamne M. [O] [E] à payer à la société AKKA Ingénierie Produit la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile’;

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

 


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