16 mars 2023
Cour d’appel de Versailles
RG n°
21/01285
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
15e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 16 MARS 2023
N° RG 21/01285 – N° Portalis DBV3-V-B7F-UPGX
AFFAIRE :
[P] [M]
C/
S.A.S. ALTRAN TECHNOLOGIES
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 15 Mars 2021 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NANTERRE
N° Section : E
N° RG : F18/02176
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Chloé RINO de l’ AARPI ESTERRE AVOCATS
Me Gilles SOREL
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SEIZE MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant, initialement fixé au 19 janvier 2023, puis prorogé au 16 mars 2023, les parties ayant été avisées, dans l’affaire entre :
Monsieur [P] [M]
né le 11 Janvier 1970 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Chloé RINO de l’AARPI ESTERRE AVOCATS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0772
APPELANT
****************
S.A.S. ALTRAN TECHNOLOGIES
N° SIRET : 702 012 956
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentant : Me Frédéric AKNIN de la SELARL CAPSTAN LMS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0020, substitué par Me Julien BRU, avocat au barreau de PARIS – Représentant : Me Gilles SOREL, Constitué, avocat au barreau de TOULOUSE, vestiaire : 137
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 22 Novembre 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Régine CAPRA, Présidente chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Régine CAPRA, Présidente,
Monsieur Thierry CABALE, Président,
Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,
Greffier lors des débats : Madame Sophie RIVIERE,
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [P] [M] a été engagé à compter du 18 octobre 1999 par contrat de travail à durée indéterminée par la société Altior en qualité d’ingénieur consultant, statut cadre, position 2.1, coefficient 110, puis coefficient 115 à compter de mars 2003. Son contrat de travail a été successivement transféré à la société Altran Technologies à compter du 1er janvier 2007, à la société Axiem au 1er février 2007, puis à la société Altran CIS au 1er mai 2008, puis à la société Altran Technologies à compter du 1er octobre 2013. Son emploi est désormais mentionné sur ses bulletins de paie sous l’intitulé ‘Senior Consultant & Engineer’.
Les relations entre les parties sont soumises à la convention collective nationale des bureaux d’études techniques, cabinets d’ingénieurs-conseils et sociétés de conseils, dite Syntec.
Le salarié a été élu, le 22 mars 2006, délégué du personnel suppléant.
Il a été promu consultant senior, position 2.3, coefficient 150 au 1er octobre 2007.
Un accord de groupe Altran sur le dialogue social et le droit syndical a été conclu le 23 décembre 2008.
M. [M] a été désigné le 3 octobre 2008, puis le 21 avril 2009 délégué syndical CGT et représentant syndical auprès du comité d’entreprise de la société Altran CIS. Il a été désigné le 26 avril 2010 délégué syndical CGT de l’établissement de Gouvion de l’UES composée d’Altran Technologies et d’Altran CIS.
Il a été élu le 23 novembre 2011 membre titulaire du comité d’établissement Altran CIS [Localité 6], qui l’a élu le 29 novembre 2011 secrétaire et représentant titulaire au comité central d’entreprise.
Il a été inscrit à compter de 2013 sur la liste des conseillers du salarié.
M. [M] a saisi le 22 décembre 2010 le conseil de prud’hommes de Paris de diverses demandes. Il a interjeté appel du jugement prononcé par cette juridiction le 8 avril 2013 et, par arrêt du 4 mai 2016, après débats à l’audience du 13 janvier 2016, la cour d’appel de Paris a :
¿ confirmé le jugement entrepris en ce qu’il a :
– pris acte de l’accord de la société Altran CIS, aux droits de laquelle vient la société Altran Technologies, de payer à M. [M] la somme de 2 234,86 euros au titre de jours de fractionnement, 223,48 euros de congés payés afférents, ainsi que 46 euros de solde d’indemnités de congés payés, en l’y condamnant en tant que de besoin ;
– débouté M. [M] de sa demande relative à la clause de non-concurrence ;
– condamné la société Altran CIS à payer la somme de 100 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens ;
¿ infirmé pour le surplus le jugement entrepris et statuant à nouveau, a jugé nulle la convention individuelle de forfait et condamné en conséquence la société Altran Technologies à verser à M. [M] la somme de 62 780,01 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires et celle de 6 278 euros de congés payés afférents ;
¿ y ajoutant, a :
– condamné la société Altran Technologies à payer à M. [M] la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts pour discrimination syndicale ;
– débouté M. [M] de sa demande en paiement d’un rappel de salaires au visa de l’accord de groupe Altran ;
– condamné la société Altran Technologies à verser à M. [M] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– rappelé que les créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation, soit le 24 décembre 2010, et que les créances à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de l’arrêt.
Estimant être victime d’une discrimination syndicale ou, subsidiairement d’une inégalité de traitement, avoir réalisé des heures supplémentaires et ne pas être rempli de ses droits, M. [M] a saisi, par requête reçue au greffe le 14 août 2018, le conseil de prud’hommes de Nanterre afin d’obtenir la condamnation de la société Altran Technologies à lui payer diverses sommes.
Un accord sur le dialogue social et la mise en place du Comité Social et Économique de l’UES Altran Technologies-Altran Lab-Altran Education Services et Altran Prototypes Automobiles a été conclu le 28 octobre 2019.
M. [M] a été élu le 20 décembre 2019 membre titulaire du Comité Social et Économique Altran IDF (CSE Altran IdF), qui l’a élu le 29 janvier 2020 secrétaire, membre de la commission santé et sécurité et condition de travail (CSSCT) et représentant de proximité de l’établissement de [Localité 8] au Comité Central Social et Économique (CCSE) de l’UES Altran Technologies-Altran Lab-Altran Education Services et Altran Prototypes Automobiles.
Par jugement du 15 mars 2021, auquel renvoie la cour pour l’exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud’hommes de Nanterre a :
– fixé le salaire moyen de M. [M] à 5 478,17 euros bruts mensuels,
– ordonné la compensation des dettes réciproques entre les parties,
– acté que la société Altran Technologies doit à M. [M] la somme de 2 552,54 euros bruts à titre de rappel de salaire pour l’année 2016, ainsi que la somme de 255,25 euros bruts pour les congés payés afférents,
– dit que M. [M] n’a pas été victime de discrimination syndicale ni de rupture d’égalité de traitement,
– débouté M. [M] de sa demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires pour la période allant du 1er janvier 2017 au jour du jugement,
– débouté M. [M] de l’ensemble de ses demandes,
– débouté M. [M] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– dit qu’il n’y a lieu à exécution provisoire,
– débouté la société Altran technologies de sa demande reconventionnelle,
– laissé les dépens à chacune des parties en ce qui les concerne.
M. [M] a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe du 30 avril 2021.
Le salarié a été promu à la position 3.1, coefficient 170 à compter du 1er janvier 2022 et son salaire mensuel brut a été porté à compter de cette date avec effet rétroactif au 1er octobre 2021 à 5 503,42 euros brut, puis à 5 625,44 euros au 1er avril 2022.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 11 octobre 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens, M. [M] demande à la cour de le déclarer recevable et bien fondé en ses demandes, fins et prétentions, et de :
¿ infirmer le jugement entrepris en ce qu’il :
– a fixé son salaire de référence à la somme de 5 478,17 euros bruts ;
– a ordonné la compensation des dettes réciproques entre les parties ;
– l’a condamné à payer la somme de 2 829,81 euros au titre des 11,5 jours non travaillés (JNT) en 2016 ;
– a fixé à 5 382,35 euros le quantum des rappels de salaires qui lui sont dus par la société Altran technologies au titre des heures supplémentaires effectuées du 15 janvier 2016 au 31 décembre 2016 ;
– a acté que la société Altran technologies lui doit la somme de 2 552,54 euros bruts au titre de rappels de salaire pour l’année 2016 ainsi que la somme de 255,25 euros pour les congés payés afférents ;
– l’a débouté de sa demande de paiement de dommages et intérêts au titre de la discrimination syndicale ou à défaut de la rupture d’égalité de traitement ;
– l’a débouté de sa demande de rappels de salaire pour heures supplémentaires pour la période du 1er janvier 2017 à la date du délibéré ;
– l’a débouté de sa demande de fixation, pour l’avenir, de son salaire de base brut à la somme de 6 426,16 euros ;
– l’a débouté de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile :
¿ Statuant de nouveau :
– fixer son salaire de référence à la somme de 5 977,35 euros bruts ;
– à titre principal, condamner la société Altran technologies à lui payer la somme de 170 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice né de la discrimination syndicale ;
– à titre subsidiaire, condamner la société Altran technologies à lui payer la somme de 170 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice né de la rupture d’égalité de traitement ;
– en tout état de cause :
*fixer, pour l’avenir, son salaire brut de base à la somme de 6 426,16 euros ;
*condamner la société Altran Technologies à lui payer :
» 6 397,67 euros à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires effectuées en 2016, outre 639,77 euros au titre des congés payés afférents,
» 24 351,83 euros à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires effectuées du 1er janvier 2017 au 30 septembre 2020, outre 2 435,18 euros au titre des congés payés afférents,
» 10 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice né du refus persistant de lui régler les heures supplémentaires effectuées ;
*débouter la société Altran Technologies de l’intégralité de ses demandes ;
*condamner la société Altran Technologies à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 25 octobre 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens, la société Altran Technologies demande à la cour de :
¿ confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, ce faisant :
– sur la rémunération, fixer le salaire moyen de M. [M] à hauteur de 6 267,54 euros bruts mensuels ;
– sur les heures supplémentaires concernant la période allant du 14 janvier au 31 décembre 2016 : *diminuer les demandes adverses au titre de cette période à 5 382,35 euros bruts ;
*condamner M. [M] à lui régler la somme de 2 829,81 euros bruts pour les 11,5 jours non-travaillés et indûment payés durant cette période ;
*en conséquence, ordonner la compensation des dettes réciproques entre les parties et acter qu’elle reconnaît devoir à M. [M] 2 552,54 euros bruts de rappel de salaire au titre de l’année 2016, outre 255,25 euros de congés payés afférents ;
– sur les heures supplémentaires concernant la période allant du 1er janvier 2017 au mois d’octobre 2020 : débouter M. [M] de sa demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires pour la période allant du 1er janvier 2017 à ce jour ;
– sur la discrimination syndicale et l’inégalité de traitement :
*débouter M. [M] de sa demande de dommages-intérêts en réparation d’une prétendue discrimination syndicale ;
*débouter M. [M] de sa demande de dommages-intérêts en réparation d’une prétendue inégalité de traitement ;
– sur les demandes accessoires :
*débouter M. [M] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
*débouter M. [M] de l’ensemble de ses demandes ;
¿ sur la demande nouvelle introduite en appel :
– débouter M. [M] de sa demande indemnitaire en réparation du préjudice tiré du refus persistant de lui régler les heures supplémentaires effectuées ;
¿ reconventionnellement, condamner M. [M] à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 26 octobre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande en paiement d’heures supplémentaires pour la période du 15 janvier au 31 décembre 2016
Il est constant que durant la période du 15 janvier au 31 décembre 2016, la société Altran Technologies a appliqué à M. [M] la convention de forfait consistant en une convention horaire sur une base hebdomadaire de 38h30, avec un nombre de 218 jours travaillés dans l’année, ce qui avait pour effet de générer des jours non travaillés payés dits jours de RTT. Les bulletins de paie délivrés au salarié pour la période considérée mentionnent ainsi la modalité ‘ 2A-Cadre 38h30 218j’, un salaire de base de 5 331,51 euros ainsi que l’acquisition de jours de RTT.
Considérant qu’aucune convention individuelle de forfait n’a été établie par écrit entre les parties, la cour d’appel de Paris a, par arrêt du 4 mai 2016, jugé nulle la convention individuelle de forfait appliquée à M. [M] et condamné en conséquence la société Altran Technologies à payer au salarié la somme de 62 780,01 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires pour la période de janvier 2006 au 13 janvier 2016, date de l’audience, ainsi que la somme de 6 278 euros au titre des congés payés afférents.
M. [M] sollicite la condamnation de la société Altran Technologies à lui payer la somme de 6 397,67 euros à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires effectuées du 15 janvier au 31 décembre 2016 ainsi que la somme de 639,77 euros au titre des congés payés afférents. Il présente à l’appui de sa demande le décompte suivant :
[(38,5 heures/5jours = 0,7 heures par jour x 218 jours) = 152,6 heures] – [(2 semaines x 3,5 heures) = 7 heures déjà réglées] = 145,60 heures, sur la base d’un taux horaire de 35,15 euros (5 331,51 euros/151,67 heures), majoré de 25%, soit 43,94 euros.
La société Altran Technologies demande à la cour :
– de réduire le montant du rappel de salaire pour heures supplémentaires revendiqué par le salarié à 5 382,35 euros bruts, compte-tenu de 15 semaines incomplètement travaillées sur la période de 50 semaines considérées, selon le décompte suivant tenant : [(3,5 heures x 35 semaines) = 122,5 heures x 35,15 x 1,25] ;
– de condamner M. [M] à lui régler la somme de 2 829,81 euros bruts pour les 11,5 jours non-travaillés et indûment payés durant cette période ;
– d’ordonner la compensation des dettes réciproques entre les parties et d’acter qu’elle reconnaît devoir à M. [M] 2 552,54 euros bruts de rappel de salaire au titre de l’année 2016, outre 255,25 euros de congés payés afférents.
M. [M] soutient que les semaines incomplètement travaillées ne doivent pas être déduites de la demande, le contrat de travail impliquant une durée de travail systématique de 38h30, de telle sorte qu’il s’agit d’heures de travail structurelles qui ont été contractualisées.
Lorsqu’une convention de forfait est invalidée, le décompte et le paiement des heures supplémentaires doit s’effectuer selon le droit commun, au regard de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente.
En application des dispositions des articles L. 3121-22 puis L. 3121-28 du code du travail, toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur.
Le salarié est mal fondé à prétendre que les 3,5 heures supplémentaires par semaine dont il revendique le paiement ont été contractualisées alors que la durée de travail de 38,5 heures par semaine mise en oeuvre dans le cadre de la convention individuelle de forfait dont la société Altran Technologies se prévalait était indivisible du nombre de jours travaillé, limité à 218 jours travaillés dans l’année, et que cette convention individuelle de forfait à laquelle les bulletins de paie se référaient mais à laquelle M. [M] n’avait pas valablement consenti a été jugée nulle par arrêt la cour d’appel de Paris du 4 mai 2016, ce qui l’a anéanti rétroactivement et pour l’avenir. La régularité de l’accomplissement d’heures supplémentaires ne suffit pas à elle seule à les contractualiser.
Si le salarié ayant accompli de manière habituelle ces 3,5 heures supplémentaires par semaine, celles-ci constituent des heures supplémentaires structurelles, de sorte que le maintien du salaire durant les jours fériés, les congés payés et les congés maladie doit englober ces heures supplémentaires et leurs majorations, de manière à ce qu’il ne subisse pas de perte de salaire au titre de ces absences, cela ne signifie pas que ces heures doivent entrer dans la détermination de l’assiette de calcul des heures supplémentaires.
Les jours fériés et les jours d’arrêt maladie, même s’ils donnent lieu au maintien du salaire à 100%, ne peuvent en effet, en l’absence de dispositions légales ou conventionnelles, être assimilées à du temps de travail effectif, de sorte qu’ils ne sauraient être pris en compte dans la détermination de l’assiette de calcul des droits à majoration pour heures supplémentaires. En revanche, les heures correspondant à la période de congé annuel payé pris par le salarié doivent être prises en compte en tant qu’heures de travail accomplies pour déterminer si le seuil des heures travaillées donnant droit à majoration pour heures supplémentaires est atteint, au regard de l’interprétation qui doit être faite de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88, lu à la lumière de l’article 31, paragraphe 2 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
Au vu du relevé des jours travaillés au cours de la période du 15 janvier au 31 décembre 2016 versé aux débats, il convient d’infirmer le jugement entrepris et de condamner la société Altran Technologies à payer à M. [M] la somme de 5 997,72 euros brut à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires ainsi que la somme de 599,77 euros brut au titre des congés payés afférents.
Dans le cadre de la convention de forfait hebdomadaire en heures, le salarié bénéficiait compte-tenu d’un nombre de jours travaillés réduit à 218 jours par an, de jours de repos intitulés sur les relevés d’activité du salarié et sur les bulletins de paie jours de RTT, dont le nombre exact variait en fonction du nombre de jours chômés dans l’année.
Le salarié n’ayant pas valablement donné son consentement à la convention d’un forfait en heures, le paiement des jours de RTT accordés en exécution de la convention devient indu.
Ce qui a été payé sans être dû est sujet à répétition, la même règle étant applicable lorsque le paiement est devenu ultérieurement indu. L’absence de faute de celui qui a payé ne constitue pas une condition de mise en oeuvre de l’action en répétition de l’indu. Le paiement effectué en connaissance de cause ne fait pas non plus obstacle à l’exercice par son auteur de l’action en répétition de l’indu.
Le salarié est mal fondé à invoquer en l’espèce le principe nemo auditur.
Le paiement des jours de RTT doit en conséquence être restitué. Il convient en conséquence de condamner M. [M] à payer à la société Altran Technologies la somme de 2 829,81 euros bruts pour les 11,5 jours non-travaillés et indûment payés durant la période considérée.
Il convient d’ordonner la compensation de cette créance de remboursement de jours de RTT reconnue à l’employeur avec la créance de rappel de salaire pour heures supplémentaires accomplies en 2016 reconnue au salarié par le présent arrêt.
Le jugement entrepris sera infirmé en ce que, après avoir ordonné la compensation des dettes réciproques entre les parties, il a acté que la société Altran Technologies doit à M. [M] la somme de 2 552,54 euros bruts à titre de rappel de salaire pour l’année 2016, ainsi que la somme de 255,25 euros bruts pour les congés payés afférents.
Sur la demande en paiement d’heures supplémentaires pour la période du 1er janvier 2017 au 30 septembre 2020
M. [M] sollicite la condamnation de la société Altran Technologies à lui payer la somme de 24 351,83 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires pour la période du 1er janvier 2017 au 30 septembre 2020 ainsi que la somme de 2 435,18 euros au titre des congés payés afférents.
A l’appui de sa demande, il présente le décompte suivant :
– 2017 : 5 844,03 euros, sur la base de 3,5 heures supplémentaires par semaine pour 38 semaines complètes travaillées, sur la base d’un taux horaire au taux majoré de 43,94 euros ;
– 6 950,09 euros pour l’année 2018, sur la base de 3,5 heures supplémentaires par semaine pour 45 semaines complètes travaillées, sur la base d’un taux horaire au taux majoré de 44,13 euros ;
– 6 663,33 euros pour l’année 2019, sur la base de 3,5 heures supplémentaires par semaine pour 43 semaines complètes travaillées, sur la base d’un taux horaire au taux majoré de 44,13 euros de janvier à septembre 2019 et de 44,70 euros d’octobre à décembre 2019 ;
– 4 894,39 euros pour la période du 1er janvier au 30 septembre 2020, sur la base de 3,5 heures supplémentaires par semaine pour 31 semaines complètes travaillées, sur la base d’un taux horaire au taux majoré de 45,11 euros.
La société Altran Technologies, contestant l’accomplissement d’heures supplémentaires par M. [M] au cours de la période considérée, demande à la cour de débouter le salarié de sa demande de ce chef.
Le 23 novembre 2016, l’employeur a proposé à M. [M] un avenant à son contrat de travail consistant en une convention de forfait hebdomadaire en heures à hauteur de 38h30 de travail par semaine en lui indiquant qu’à défaut de signature de celui-ci dans le délai de 15 jours imparti, il sera considéré comme ayant refusé la convention de forfait, qu’elle tirera toutes conséquences de l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 4 mai 2016 et lui appliquera la durée légale du travail de 35 heures sans le bénéfice de jours non travaillés.
Le 1er décembre 2016, M. [M] a estimé que pour que le forfait soit valable, il fallait qu’il prévoit un salaire augmenté à hauteur de 3,5 heures supplémentaires payées avec majoration.
Le 8 décembre 2016, la société Altran Technologies a refusé ce qu’il a qualifié de demande d’augmentation de salaire de M. [M] et l’a informé qu’à défaut de signature de l’avenant dans le délai imparti, qui court jusqu’au 15 décembre 2016, il lui appliquera le droit commun, à savoir la durée légale de 35 heures sans le bénéfice de jours non travaillés, à compter du 1er janvier 2017.
Les bulletins de paie délivrés au salarié mentionnent :
– pour les mois de janvier 2017 à mai 2019 ‘1N-Cadre 35H’, avec un salaire de base de 5 331,51 euros pour 151,67 heures de travail en janvier 2017 et de 5 354,26 euros pour 151,67 heures de travail en mai 2019, sans acquisition de jours de RTT ;
– à compter du mois de juillet 2019, ‘Cadre 35 H’, avec un salaire de base de 5 354,26 euros pour 151,67 heures de travail, porté à 5 424 euros à compter d’octobre 2019, puis a 5 473,42 euros de janvier 2020 à septembre 2020, sans acquisition de jours de RTT ;
– à compter du mois d’octobre 2020, le paiement d’heures supplémentaires.
M. [M] soutient que de janvier 2017 à septembre 2020, il a continué à travailler 38h30 par semaine mais n’a été rémunéré que pour 35 heures par semaine.
La société Altran Technologies le conteste, soutenant que le salarié était soumis à l’horaire collectif affiché dans l’entreprise, fixé comme suit : 9h00-12h30 et 14h-17h30, soit 35 heures par semaine.
Selon l’article D. 3171-1 du code du travail, lorsque tous les salariés d’un atelier, d’un service ou d’une équipe travaillent selon le même horaire collectif, un horaire établi selon l’heure légale indique les heures auxquelles commence et finit chaque période de travail.
Selon l’article D. 3171-2, l’horaire collectif est daté et signé par l’employeur ou, sous la responsabilité de celui-ci, par la personne à laquelle il a délégué ses pouvoirs à cet effet. Il est affiché en caractère lisible et apposé de façon apparente dans chacun des lieux de travail auquel il s’applique. Lorsque les salariés sont employés à l’extérieur, cet horaire est affiché dans l’établissement auquel ils sont attachés.
Selon l’article D. 3171-3, toute modification de l’horaire collectif donne lieu, avant son application, à une rectification affichée dans les mêmes conditions.
Selon l’article D. 3171-4, un double de cet horaire collectif et des rectifications qui y sont apportées est préalablement adressé à l’inspecteur du travail.
La société Altran Technologies se borne à produire en pièce 12 un document intitulé ‘Altran technologies-Pôle IT [Localité 6], mise à jour affichage septembre 2019″, mentionnant, outre diverses informations, les horaires collectifs suivants : 9 heures-12 heures 30/ 14 heures-17heures 30.
Elle n’établit pas que tous les salariés occupés dans le service Altran Research ou à tout le moins au sein de l’équipe du projet Altran Research Mira travaillaient selon un même horaire collectif durant la période de janvier 2017 à juin 2020. Elle n’établit pas non plus qu’au cours de la période de juillet à septembre 2020, durant laquelle M. [M] était affecté au mécénat SNSM, il était soumis à un horaire collectif. Il ressort au contraire des pièces produites que les consultants affectés au service Altran Research étaient généralement soumis à un forfait en jours sans référence horaire ou à un forfait hebdomadaire en heures avec un nombre de jours de travail dans l’année.
Aux termes de l’article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée du travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l’article L. 3171-3 du même code, l’employeur tient à la disposition de l’agent de contrôle de l’inspection du travail mentionné à l’article L. 8112-1, les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction, après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
En alléguant qu’il travaillait 38,5 heures par semaine et en produisant l’ensemble de ses relevés d’activité pour la période de janvier 2016 à septembre 2020, faisant ressortir les jours consacrés à l’exercice de ses mandats et les jours consacrés aux projets Altran Research ou Mécénat SNSM, dont il ressort que l’ampleur de ses missions n’a pas été réduite, M. [M] présente des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies.
Au cours de la période du 1er janvier 2017 au 30 septembre 2020, le logiciel mis en place au sein de l’entreprise permettait uniquement au salarié de mentionner les journées et demi-journées travaillées et ce n’est qu’à compter du mois d’octobre 2020 qu’un nouveau logiciel a permis au salarié de déclarer les heures supplémentaires effectuées, ainsi qu’il ressort des synthèses mensuelles d’activité relatives à la période d’octobre 2020 à mai 2021 produites par M. [M]. La société Altran Technologies a dès lors payé à M. [M], dont ni la charge de travail, ni le nombre d’heures de délégation n’ont été modifiées à compter du mois d’octobre 2020, de nombreuses heures supplémentaires.
L’employeur, tenu d’assurer le contrôle des heures de travail effectuées, s’est abstenu, jusqu’en septembre 2020, en violation de l’obligation qui lui était faite, de procéder à l’enregistrement de l’horaire accompli par le salarié et ne verse aucun élément de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par celui-ci et à remettre en cause son respect de l’horaire de 38,5 heures par semaine. La preuve de l’accomplissement par M. [M] d’heures supplémentaires est dès lors rapportée, dont il appartient à la cour d’évaluer l’importance.
Les heures supplémentaires effectuées par M. [M] au-delà de 35 heures jusqu’à 38,5 heures par semaine n’étaient pas incluses dans la rémunération mensuelle de base versée à l’intéressé.
Le salarié a droit dès lors au paiement d’un rappel de salaire pour les heures non payées accomplies au-delà de 35 heures par semaine, avec la majoration légale de 25% dès lors que ces heures constituent des heures supplémentaires.
Le salarié ne revendique le paiement d’heures supplémentaires que pour les semaines complètes travaillées. Il peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l’accord au moins implicite de l’employeur, soit s’il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées en sus de ses heures de délégation et du temps passé à des réunions avec l’employeur. Tel est le cas en l’espèce, la charge de travail de M. [M] n’ayant pas été modifiée en dépit de la durée de travail de 35 heures appliquée à compter du 1er janvier 2017.
Au vu des pièces produites par les deux parties, il convient de retenir le chiffrage du salarié comme exact, d’infirmer le jugement entrepris et de condamner la société Altran Technologies à payer à M. [M] la somme de 24 351,83 euros brut à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires pour la période du 1er janvier 2017 au 30 septembre 2020, ainsi que la somme de 2 435,18 euros brut au titre des congés payés afférents.
Sur la discrimination
Aux termes de l’article L. 1132-1 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, en raison de ses activités syndicales.
Aux termes de l’article L. 2141-5 alinéa 1 du code du travail, il est interdit à l’employeur de prendre en considération l’appartenance à un syndicat ou l’exercice d’une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d’avancement, de rémunération et d’octroi d’avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail.
L’article L. 1134-1 du code du travail dispose qu’en cas de litige relatif à l’application de l’article L. 1132-1, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte telle que définie à l’article 1er de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations et il incombe à la partie défenderesse, au vu des ces éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, le juge formant sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
A l’appui de la discrimination qu’il dénonce, M. [M] fait valoir que la société Altran Technologies n’a tiré aucune conséquence de l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 4 mai 2016 qui a retenu l’existence d’une discrimination syndicale à son encontre et a persisté dans les mêmes agissements discriminatoires :
– une mise au placard via une période d’inter contrat de près de 14 ans ;
– une absence d’évolution professionnelle et une évolution salariale impactée par ses mandats.
Il est établi que M. [M], engagé en qualité d’ingénieur consultant, qui, à la date de l’audience devant la cour d’appel de Paris, n’avait plus été affecté sur une mission client depuis fin 2007, soit depuis la fin de la mission de consultant qui lui avait été confiée en janvier 2006 en exécution du contrat conclu par son employeur avec la société PSA Finances, a été maintenu en situation d’inter-contrat après cet arrêt, aucune mission relative à l’exécution d’un contrat de prestations de services conclu avec un client de l’entreprise ne lui ayant été confiée depuis lors par son employeur.
Il résulte en effet des pièces produites :
– que M. [M] a été affecté de janvier 2016 à fin juin 2020 sur le projet interne Altran Research Mira (ordre de mission de janvier 2016 à décembre 2018 et ordre de mission à compter du 2 janvier 2019, enregistré rétroactivement dans le logiciel Minos le 6 août 2019 ; relevés d’activités, qui mentionnent notamment, après une activité à temps complet entièrement consacrée à l’exercice des mandats de janvier au 28 avril 2019 et des congés payés pris du 29 avril au 12 mai 2019, une activité consacrée en partie au projet interne le 28 mai 2019, les 17, 21, 25, 27 juin 2019 et le 12 juillet 2019) ;
– du 22 juin 2020 au mois de janvier 2021, sur un projet entrant dans le cadre d’un mécénat au profit de la SNSM ;
– de février à décembre 2021, sur un projet interne Altran Research ;
– de janvier à mars 2022 sur le projet interne Altran Research Mira.
Le 25 mars 2022, la société Altran Technologies a demandé à l’inspecteur du travail l’autorisation de transférer le contrat de travail de M. [M] au sein de la société Capgemini Technology Services au motif qu’il appartenait à l’entité économique FPS (Finance and Public Sector) d’Altran Technologies transférée, le 1er avril 2022, sous la forme juridique d’un apport partiel d’actifs, à la société Capgemini Technology Services pour y être intégrée à son entité MUFS (Market Unit Financial Services).
M. [M] a été placé d’avril à fin mai 2022 en suspension d’activité dans l’attente de la décision de l’inspecteur du travail sur la demande d’autorisation de transfert de son contrat de travail à la société Capgemini Technology Services (Capgemini TS).
Après décision implicite de rejet de la demande le 30 mai 2022, la société Altran Technologies a proposé à M. [M], le 10 juin 2022, de le mettre à disposition de la société Capgemini TS afin qu’il continue à travailler sur le projet Mira, ce qu’il a refusé.
Par décision notifiée le 27 juin 2022, objet d’un recours de la société Altran Technologies, l’inspecteur du travail, considérant que l’appartenance de M. [M] à l’entité économique FPS de celle-ci était entachée d’irrégularités, a refusé l’autorisation de transférer le contrat de travail de M. [M] au sein de la société Capgemini Technology Services.
M. [M], qui était sans affectation depuis la fin du mois de mai 2022, a été affecté par la société Altran Technologies à compter du 11 juillet 2022 sur le projet Altran Research VBF, par ordre de mission enregistré rétroactivement dans le logiciel Minos le 23 septembre 2022.
L’accord de groupe Altran sur le dialogue social et le droit syndical du 23 décembre 2008, applicable à compter du 31 mars 2009 jusqu’à la signature d’un nouvel accord a prévu en son article 2 que la direction demande à la hiérarchie d’adapter l’organisation du travail des représentants du personnel élus pour prendre en compte le volume des temps alloués à ces représentants pour leur mandat et leur répartition dans le temps, sans que ces aménagements réduisent l’intérêt du travail et les possibilités d’évolution professionnelle des intéressés.
L’accord sur le dialogue social et la mise en place du CSE au sein de l’UES Altran du 28 octobre 2019, applicable à compter du 20 décembre 2019, rappelle que les représentants du personnel ne peuvent faire l’objet d’une quelconque discrimination et en tire notamment pour conséquence qu’un représentant du personnel doit bénéficier des mêmes conditions de travail que l’ensemble du personnel et que, s’agissant plus spécifiquement des consultants, les missions confiées peuvent être réalisées dans les locaux de l’entreprise (plateaux projets, mécénats, Altran Research…) ou chez les clients.
Il résulte du procès-verbal du comité d’établissement d’Altran CIS du 16 avril 2013 que M. [G], directeur en charge des activités IT de [Localité 6], invité par la direction à cette réunion, a déclaré que les collaborateurs en inter-contrat sont les salariés disponibles pour démarrer sur des projets clients et que le programme Altran Research est destiné à permettre à ces collaborateurs de continuer à travailler sur un projet, tout en étant comptabilisés en tant qu’inter-contrats. Invité à la réunion du comité d’établissement d’Altran IT Ile-de-France du 19 avril 2016, il a confirmé que le chiffre de salariés en inter-contrat, 66, incluait les salariés positionnés sur Altran Research et sur le mécénat. Invité à la réunion du comité d’établissement d’Altran IT Ile-de-France du 18 juillet 2017, puis à la réunion du CSE de l’établissement d’Altran IdF du 18 juin 2020, il a confirmé à chaque fois que le nombre des salariés en inter-contrat inclut les salariés positionnés sur Altran Research et sur le mécénat. Mme [S], directrice des ressources humaines, présidente du CSE a déclaré lors de la réunion du CSE de l’établissement d’Altran IdF du 19 novembre 2020 que rien n’avait changé concernant l’indicateur intercontrats. M. [J] a également déclaré lors de la réunion du CSE de l’établissement d’Altran IdF du 28 janvier 2021 que le nombre des salariés en inter-contrat inclut les salariés positionnés sur Altran Research et sur le mécénat. Enfin, Mme [S] a déclaré lors de la réunion du CSE de l’établissement d’Altran IdF du 27 octobre 2021, qu’un salarié en interprojet affecté à Altran Research n’a pas vocation à rester dans cette situation, son métier étant d’être consultant pour un client.
Il résulte du procès-verbal de la réunion du comité d’établissement d’Altran CIS du 20 mai 2014 que la structure Altran Research ne correspond pas aux établissements mais constitue une structure nationale, créée en 2009, pour mener des projets de recherche dont le niveau de Technology Readiness Level est compris entre 3 et 8, destinés à mettre au point des méthodes et outils pour différents secteurs d’activité; que ses travaux ne donnent pas lieu à facturation ; qu’Altran ayant d’abord vocation à avoir des activités facturables, les réunions d’intercontrats restent obligatoires pour les consultants affectés à un projet Altran Research.
Il résulte de documents internes diffusés par l’entreprise que les activités des consultants pour Altran Research doivent être conciliées avec les fondamentaux du métier de consultant, à savoir trouver un projet externe (consulter Direct, voir les business managers), préparer une réunion de qualification et participer aux réunions d’inter-contrats organisés par les business managers et que, pendant la période d’intervention d’un consultant sur un projet interne Altran Research, ses activités liées au futur démarrage d’un projet externe sont prioritaires par rapport au projet Altran Research.
Il résulte du procès-verbal du comité d’établissement d’Altran CIS du 16 avril 2013 que les inter-contrats de trois mois et plus sont considérés par l’employeur comme des inter-contrats de longue durée, du procès-verbal de la réunion du comité d’établissement d’Altran CIS du 20 mai 2014 que les salariés affectés pour moins d’un mois à Altran Research sont nombreux et qu’à l’inverse les salariés affectés plus de six mois sont peu nombreux, et du procès-verbal du comité d’établissement d’Altran Technologies du 27 février 2017 que la durée moyenne d’intervention des consultants sur les projets Altran Research est de l’ordre de 35 jours. Il résulte du rapport Syndex d’octobre 2021, que la durée des missions Altran Research des consultants de Altran IdF a été de 36,7 jours en moyenne en 2019 et de 55,3 jours en moyenne en 2020 et, pour l’ensemble des consultants d’Altran France, de 33,3 jours en moyenne en 2019 et de 51,8 jours en moyenne en 2020 et que la durée des missions de mécénat a pu être très importante pour certains salariés, positionnés quasiment à temps plein.
Il se déduit de ce qui précède que M. [M] est resté en situation d’inter contrat au cours des six années suivant l’audience de la cour d’appel de Paris du 13 janvier 2016, ce qui porte sa durée d’inter contrat à 14 années, alors que la durée moyenne des situations d’inter contrat des consultants est habituellement de moins de deux mois.
Il est établi également que M. [M], engagé en qualité d’ingénieur consultant, statut cadre, position 2.1, coefficient 110, puis coefficient 115 à compter de mars 2003, et promu consultant senior, position 2.3, coefficient 150 au 1er octobre 2007, n’a connu aucune évolution de carrière de l’audience devant la cour d’appel de Paris du 13 janvier 2016 jusqu’à sa promotion à la position 3.1, coefficient 170, à effet au 1er janvier 2022.
Il est établi enfin par les bulletins de salaire produits que M. [M], dont le salaire mensuel brut de base avait été porté de 4 037 euros au 1er janvier 2006 à 4 200 euros le 1er juillet 2006 rétroactivement au 1er juin 2006, puis à 4 830 euros le 1er octobre 2007, puis à 4 975 euros le 1er octobre 2008, puis à 5 293,40 le 1er mars 2011 rétroactivement au 1er novembre 2010, puis à 5 331,51 euros le 1er mars 2015 rétroactivement au 1er janvier 2015, a bénéficié, après l’audience devant la cour d’appel de Paris du 13 janvier 2016, de l’évolution salariale suivante :
*5 354,26 euros le 1er mars 2018, rétroactivement au 1er janvier 2018 (+ 0,43%) en application de l’accord sur le dialogue social et le droit syndical du 23 décembre 2008, l’augmentation moyenne de 2015 à 2017 de sa catégorie ayant été de 0,67 % et la sienne de 0,24% ;
*5 424 euros le 1er janvier 2020 rétroactivement au 1er octobre 2019 (+ 69,74 euros) ;
*5 473,42 euros le 1er mars 2021, rétroactivement au 1er janvier 2020 (+0,91%), en application de l’accord sur le dialogue social du 28 octobre 2019, l’augmentation moyenne de sa catégorie sur la période de référence 2018-2019 ayant été de 2,64% et la sienne de 1,73% ;
*5 503,42 euros au 1er octobre 2021 (+ 30 euros) ;
*5 625,44 euros au 1er avril 2022 ( + 2,169%), la responsable des ressources humaines, interrogée par le salarié sur la nature de cette revalorisation lui répondant : ‘Apparemment il s’agit d’une revalorisation obligatoire.’, ce qui n’est pas démenti par les autres pièces produites.
Il résulte de ce qui précède que M. [M] n’a pas bénéficié d’évolution salariale significative en dehors de celle résultant de l’application de l’accord sur le dialogue social et le droit syndical du 23 décembre 2008, à effet au 31 mars 2009, garantissant aux représentants du personnel, dont l’augmentation de salaire s’avère être inférieure au taux moyen d’augmentation constaté pour les salariés à ancienneté et classification et ou statuts comparables sur les trois dernières années, que le groupe Altran leur appliquera ce taux moyen, avec mise en place d’un suivi annuel, puis de l’application de l’accord sur le dialogue social du 28 octobre 2019, applicable à compter du mois de janvier 2020, instituant pour les représentants du personnel une garantie d’évolution de leur rémunération à partir du mois de janvier 2020 au moins égale aux augmentations générales lorsqu’elles existent, à défaut à l’évolution moyenne des rémunérations perçues dans l’entreprise par les salariés relevant de la même catégorie professionnelle, de la même classification conventionnelle, du même métier et de la même ancienneté ou, à défaut, à l’évolution moyenne des rémunérations perçues dans l’entreprise, l’accord précisant que les représentants du personnel dont le nombre annuel d’heures de délégation théoriques dont ils disposent personnellement, en prenant en compte les seuls mandats visés par les articles L. 2411-1, L. 2142-1-1 et L. 2411-2 du code du travail, excède 30% de leur temps de travail, bénéficient de cette garantie d’évolution salariale tous les deux ans tandis que les autres représentants du personnel éligibles bénéficient de cette garantie 4 ans à partir de l’entrée en vigueur de l’accord et prévoyant, au titre des dispositions transitoires, que les parties conviennent d’appliquer rétroactivement le nouveau dispositif pour la période allant du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2019.
L’existence d’une discrimination n’implique pas nécessairement une comparaison avec la situation d’autres salariés.
L’absence de mission externe facturable confiée, l’absence d’évolution salariale significative constatée en dehors de l’évolution salariale minimale garantie par accord collectif ainsi que l’absence d’évolution de carrière jusqu’au 31 décembre 2021 constituent des éléments qui, pris en leur ensemble, laissent supposer l’existence d’une discrimination à l’égard de M. [M] au cours de la période postérieure à l’audience du 13 janvier 2016, non prise en compte par l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 4 mai 2016.
Il appartient dès lors à la société Altran Technologies de prouver que ses décisions sont fondées sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
La société Altran Technologies, qui ne justifie pas de l’absence de missions relevant des compétences de M. [M] parmi les contrats de prestation de services qu’elle a conclus avec ses clients, n’établit pas avoir proposé à M. [M] des missions externes qu’il aurait refusées. Il ressort des pièces produites par le salarié qu’en dépit de l’intérêt qu’il a manifesté pour des opportunités de missions de maîtrise d’ouvrage moyens de paiement relevant de ses compétences dont il a eu connaissance, la société Altran Technologies ne lui a proposé aucune mission en clientèle au cours des années 2016 à 2022.
Il est constant toutefois que M. [M], qui avait droit à 69 heures de délégation par mois de janvier 2016 jusqu’en décembre 2019, a droit désormais à 123 heures de délégation par mois et qu’il passe en outre du temps à des réunions avec l’employeur, qui est rémunéré, en application des dispositions légales comme temps de travail, mais n’entre pas dans le décompte des heures de délégation.
Il ressort des relevés d’activité produits par le salarié qu’en dehors des journées consacrées à l’exercice de ses mandats et à ses journées d’absence, il a consacré 21,5 jours au total au cours de la période du 14 janvier au 31 janvier 2016 au projet interne Mira Research (10,5 jours) et à une présence agence (11 jours), 29 jours au total au projet interne Mira Research (26 jours) et à une présence agence (3 jours) au cours de l’année 2017, 11,5 jours au total au projet interne Mira Research au cours de l’année 2018 et 12,5 jours au total au projet interne Mira Research au cours de l’année 2019. Il en ressort également qu’au cours de la période de janvier à septembre 2020, soit durant neuf mois, il a consacré 37 jours au total à une activité sur projet, soit 26 jours au projet interne Mira Research et 11 jours au projet de Mécénat au profit de la SNSM.
L’employeur est dès lors bien fondé à soutenir que l’affectation du salarié sur une mission externe est incompatible avec les très nombreuses heures de délégation dont il dispose dans le cadre de l’exercice de ses mandats, qui ont entraîné depuis le 14 janvier 2016 des absences fréquentes et non prévisibles, lui laissant une disponiblité insuffisante pour mener à bien une mission de prestation de service chez un client.
La société Altran Technologies justifie ainsi par un élément objectif étranger à toute discrimination l’absence de mission externe confiée au salarié depuis le 14 janvier 2016.
La société Altran Technologies ne justifie en revanche par aucun élément objectif étranger à toute discrimination le fait que M. [M], qui n’avait bénéficié que d’aucune évolution de carrière depuis le 1er octobre 2007, n’a bénéficié d’aucune évolution de carrière entre le 14 janvier 2016 et le 31 décembre 2021, n’étant promu à la classification 3.1, coefficient 170, que le 1er janvier 2022.
La société Altran Technologies ne justifie non plus par aucun élément objectif étranger à toute discrimination le fait que M. [M] n’a pas bénéficié depuis le 14 janvier 2016 d’augmentation de salaire significative, seule l’application de la garantie minimale de salaire prévue par accord collectif lui ayant permis de bénéficier rétroactivement de l’augmentation moyenne accordée aux autres salariés de sa catégorie.
L’absence d’éléments objectifs justifiant que depuis le 14 janvier 2016, elle n’a fait pas bénéficier spontanément M. [M] d’une évolution salariale significative et qu’elle n’ait pas fait évoluer sa classification avant le 1er janvier 2022, tous éléments laissant supposer une discrimination, suffit à caractériser l’existence de la discrimination syndicale dénoncée.
M. [M] revendique le paiement de la somme de 170 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice financier, moral et professionnel que lui cause la discrimination syndicale subie et sollicite la fixation pour l’avenir de son salaire mensuel brut de base à la somme de 6 426,16 euros.
Ayant été rémunéré sur la base d’un salaire mensuel brut fixe de 5 331,51 euros pour la période de janvier 2016 à décembre 2017, de 5 354,26 euros pour la période de janvier 2018 à septembre 2019, de 5 424 euros pour la période d’octobre 2019 à décembre 2019, de 5 473,42 euros pour la période de janvier 2020 à septembre 2021, de 5 503,42 euros pour la période d’octobre 2021 à mars 2022 et étant rémunéré sur la base d’un salaire mensuel brut fixe de 5 625,44 euros depuis le mois d’avril 2022, il fait valoir qu’il :
– perçoit un salaire mensuel brut fixe inférieur à celui des salariés embauchés aujourd’hui à un emploi relevant de la même classification, qui est de 5 766,58 euros, alors même qu’il a 22 ans d’ancienneté ;
– ne perçoit pas de salaire variable alors que le salaire variable mensuel brut moyen des salariés dont l’emploi relève de la classification position 3.1, coefficient 170, est de 1 237,25 euros ;
– perçoit un salaire mensuel brut inférieur au salaire mensuel brut moyen (fixe+variable) des salariés dont l’emploi relève de la classification position 3.1, coefficient 170, qui est de 6 491,50 euros (fixe de 5 254,25 euros + variable de 1 237,25 euros),
en soulignant que ces moyennes s’entendent toutes anciennetés et expériences confondues et qu’il compte une ancienneté de 22 ans.
Soutenant qu’il aurait dû percevoir depuis janvier 2016 un salaire mensuel brut de 6 426,16 euros correspondant à la moyenne du salaire mensuel brut moyen de chacun des cinq panels auxquels il se réfère, il estime avoir subi, au cours de la période de janvier 2016 à novembre 2022, une perte de salaire de 84 036,94 euros.
A l’appui du préjudice qu’il allègue, il produit :
¿ en pièce 12 :
– un panel de 53 salariés de l’entreprise âgés de plus de 45 ans ayant plus de 15 ans d’ancienneté, tous emplois de cadres confondus, dont 17 sont classés 3.1 coefficient 170, 29 sont classés 3.2 coefficient 210 et 7 sont classés 3.3, coefficient 270, dont il ressort qu’en novembre 2017, le salaire mensuel brut moyen des salariés constituant ce panel était de 6 615,39 euros ;
– un panel de 9 salariés tous emplois de cadres confondus relevant de la position 2.3 coefficient 150, extrait du panel précédent, dont il ressort qu’en novembre 2017, le salaire mensuel brut moyen des salariés constituant ce panel était de 6 825,49 euros ;
– un panel de 13 salariés occupant un emploi de consultant senior comprenant 1 salarié classé 2.3 coefficient 150, 9 salariés classés position 3.1, coefficient 170, 2 salariés classés position 3.2, coefficient 210 et 1 salarié classé 3.3 coefficient 270, dont il ressort qu’en novembre 2017, le salaire mensuel brut moyen des salariés constituant ce panel était de 6 091,85 euros, étant précisé que la rémunération de 6 de ces salariés était fixée dans le cadre d’une convention de forfait en jours sur l’année et celle des 7 autres dans le cadre d’une convention de forfait en heures de 38h30 avec un nombre de jours travaillés de 218 jours ;
– un panel de 7 salariés occupant un emploi de consultant senior, âgés de plus de 45 ans et ayant plus de 10 ans d’ancienneté, extrait du précédent, soit 4 salariés classés position 3.1, coefficient 170, 2 classés position 3.2, coefficient 210 et 1 classé 3.3 coefficient 270, dont il ressort qu’en novembre 2017, le salaire mensuel brut moyen des salariés constituant ce panel était de 6 210,34 euros, étant précisé que la rémunération de 5 de ces salariés était fixée dans le cadre d’une convention de forfait en jours sur l’année et celle des 2 autres dans le cadre d’une convention de forfait en heures de 38h30 avec un nombre de jours travaillés de 218 jours ;
– un panel de 4 salariés occupant un emploi de consultant senior et embauchés entre 1994 et 2004, dont 3 sont classés positions 3.1 coefficient 170 et 1 est classé position 3.2, coefficient 210, dont il ressort qu’en novembre 2017, le salaire mensuel brut moyen des salariés constituant ce panel était de 6 387,72 euros, étant précisé que la rémunération de 2 de ces salariés était fixée dans le cadre d’une convention de forfait en jours sur l’année et celle des 2 autres dans le cadre d’une convention de forfait en heures de 38h30 avec un nombre de jours travaillés de 218 jours et que ce panel correspondant au panel précédent dont ont été exclus les trois salariés les plus anciens engagés en 1985 et 1988, il apparaît qu’il n’existe pas de corrélation certaine établie entre l’ancienneté dans l’entreprise et le montant de la rémunération ;
¿ en pièce 67 un document support de la réunion de négociation annuelle obligatoire 2022 du 22 février 2022, dont il ressort qu’au 31 décembre 2021 :
– le salaire annuel brut théorique moyen d’un cadre classé position 3.1 coefficient 170, tous emplois et toutes régions confondus est de 63 051 euros, soit de 5 254,25 euros par mois ;
– le salaire annuel brut variable moyen d’un cadre classé position 3.1 coefficient 170, tous emplois et toutes régions confondus, est de 14 847 euros, soit de 1 237,25 euros par mois.
La société Altran Technologies, qui conteste la pertinence des panels produits par M. [M], produit :
¿ en pièce 28 les données sociales relatives aux rémunérations 2019 présentées en vue de la négociation annuelle obligatoire 2020, dont il ressort qu’au 31 décembre 2019 :
– le salaire annuel brut fixe moyen versé à un cadre consultant, toutes régions confondues :
*classé position 2.3 coefficient 150 est de 49 341 euros, soit de 4 111,75 euros par mois ;
*classé position 3.1 coefficient 170 est de 58 070 euros, soit de 4 839,17 euros par mois ;
– le salaire annuel brut moyen fixe + variable versé à un cadre consultant, toutes régions confondues :
*classé position 2.3 coefficient 150 est de 51 871 euros, soit de 4 322,58 euros par mois.
*classé position 3.1 coefficient 170 est de 64 533 euros, soit de 5 377,75 euros par mois ;
– le salaire annuel brut fixe moyen versé à un cadre consultant est inférieur au salaire annuel brut fixe moyen versé à un cadre administratif (58 905 euros pour la position 2.3 et 73 099 pour la position 3.1) ou à un cadre opérationnel (49 573 euros pour la position 2.3 et 66 066 pour la position 3.1)
– le salaire annuel brut moyen, fixe comme fixe + variable, versé à un cadre consultant en poste en région Ile-de-France tous coefficients confondus est supérieur d’environ 10% au salaire annuel brut moyen des consultants des autres régions ;
¿ en pièce 24 un panel de 238 salariés, tous consultants seniors de l’établissement de [Localité 7], dont 8 sont classés 2.2 coefficient 130, 128 sont classés 2.3 coefficient 150, 95 sont classés 3.1 coefficient 170, 6 sont classés 3.2 coefficient 210 et un est classé 3.3, coefficient 270, dont l’ancienneté dans l’entreprise est très variable, dont 27 seulement perçoivent une rémunération supérieure à celle de M. [M] au 31 janvier 2020, dont 4 sont classés 2.3, 20 sont classés 3.1, 2 sont classés 3.2 et 1 est classé 3.3., étant précisé que 15 des 27 salariés dont le salaire est supérieur à celui de M. [M] ayant une ancienneté dans le groupe remontant au plus tôt au 5 septembre 2016 et au plus tard au 24 février 2020, il n’existe pas de corrélation certaine établie entre l’ancienneté et le montant de la rémunération ;
¿ en pièce 38, un panel de 36 salariés consultants seniors classés position 3.1, coefficient 170, affectés à l’activité FPS en 2022, dont il ressort qu’ils perçoivent un salaire mensuel brut moyen de 5 268,60 euros, que 6 d’entre eux perçoivent une rémunération variable annuelle qui s’élève en moyenne mensuelle à 486,47 euros et que la moyenne mensuelle de la rémunération variable des 36 salariés du panel est dès lors de 81,08 euros, soit un salaire fixe + variable moyen de 5 349,68 euros.
La comparaison effectuée par M. [M] entre sa rémunération et celle de salariés cadres, tous emplois confondus, ou entre sa rémunération et celle de salariés cadres classés 2.3, tous emplois confondus, est inopérante, ces catégories très larges recouvrant des métiers non similaires et des situations très disparates.
Seule une comparaison avec des salariés occupant comme lui un emploi de consultant senior est susceptible d’être pertinente.
La comparaison effectuée par M. [M], dont le salaire de base est fixé pour une durée de travail de 35 heures par semaine, avec le salaire des salariés dont la rémunération s’apprécie dans le cadre d’une convention de forfait en jours sur l’année est inopérante, la durée de travail rémunérée étant différente. C’est ainsi que M. [M] perçoit, en sus de son salaire de base, le paiement d’heures supplémentaires auxquelles un salarié en forfait en jours sur l’année ne peut prétendre.
En l’espèce, la comparaison effectuée par M. [M] entre sa rémunération et celle des deux seuls salariés consultants seniors cadres travaillant dans le cadre d’un forfait en heures assorti d’un nombre de jours travaillés dans l’année, ayant plus de 10 ans d’ancienneté, M. [H] et M. [D], qui ont un salaire très différent l’un de l’autre, de sorte que leur moyenne n’est pas significative, ne peut être retenue comme utile en l’absence d’élément concret précis concernant la situation de chacun d’eux permettant d’en apprécier la pertinence.
Il n’est pas établi en conséquence que M. [M] ait subi, du fait de la discrimination salariale qu’il dénonce un préjudice financier à hauteur de celui qu’il revendique.
Au vu de l’ensemble des éléments soumis par les parties à son appréciation, la cour fixe l’entier préjudice subi par M. [M] du fait de la discrimination syndicale dont il a été victime depuis le 14 janvier 2016 à la somme de 20 000 euros. Il convient en conséquence d’infirmer le jugement entrepris et de condamner la société Altran Technologies à payer ladite somme à M. [M].
La société Altran Technologies justifiant qu’à situation égale en ancienneté et classification, M. [M] n’est pas en position défavorable au niveau de sa rémunération par rapport à d’autres salariés placés dans une situation similaire, indépendamment même de son affectation, discutée, au sein de l’entité économique FPS, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande tendant à voir fixer pour l’avenir son salaire à la somme de 6 426,16 euros.
Sur la demande de dommages-intérêts pour refus persistant de règlement des heures supplémentaires effectuées
Aux termes de l’article 1231-6, alinéa 3 du code civil, le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages-intérêts distincts de l’intérêt moratoire.
Cependant, M. [M] ne rapporte pas la preuve de l’existence d’un préjudice indépendant du retard apporté au paiement de ses heures supplémentaires par la société Altran Technologies et causé par la mauvaise foi de celle-ci. Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande de dommages-intérêts de ce chef.
Sur la demande de fixation du salaire de référence
M. [M], qui fait valoir qu’il a perçu de juillet 2017 à juin 2018, un salaire mensuel brut moyen de 5 977,35 euros, demande que la cour fixe son salaire de référence à ce montant. La société Altran Technologies justifie que le salarié a perçu en 2021 un salaire mensuel brut moyen de 6 267,54 euros bruts, heures supplémentaires incluses.
La demande de fixation d’un salaire de référence sera rejetée, comme étant sans objet, l’article R. 1454-28 du code du travail imposant au juge de fixer la moyenne des salaires n’étant pas applicable, dès lors que le pourvoi en cassation n’a pas d’effet suspensif.
Sur les dépens et l’indemnité de procédure
La société Altran Technologies, qui succombe partiellement, sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel et sera déboutée de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.
Il convient de la condamner, en application de l’article 700 du code de procédure civile, à payer à M. [M] la somme de 3 000 euros pour les frais irrépétibles qu’il a exposés.
PAR CES MOTIFS :
La COUR,
Statuant par arrêt CONTRADICTOIRE, dans les limites de l’appel,
Infirme partiellement le jugement du conseil de prud’hommes de Nanterre en date du 15 mars 2021 et statuant à nouveau sur le tout pour une meilleure compréhension et y ajoutant :
Dit que M. [P] [M] a subi une discrimination syndicale ;
Condamne la société Altran Technologies à payer à M. [P] [M] les sommes suivantes :
*5 997,72 euros brut à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires pour la période du 15 janvier au 31 décembre 2016 ;
*599,77 euros brut au titre des congés payés afférents ;
*24 351,83 euros brut à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires pour la période du 1er janvier 2017 au 30 septembre 2020 ;
*2 435,18 euros brut au titre des congés payés afférents ;
*20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour discrimination syndicale ;
Déboute M. [P] [M] de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice subi du fait du refus persistant de règlement des heures supplémentaires effectuées ;
Déboute M. [P] [M] de sa demande de fixation pour l’avenir de son salaire brut de base à la somme de 6 426,16 euros ;
Condamne M. [M] à payer à la société Altran Technologies la somme de 2 829,81 euros bruts à titre de remboursement de jours non-travaillés indûment payés au cours de la période du 15 janvier au 31 décembre 2016 ;
Ordonne la compensation de la créance de remboursement de jours non-travaillés indûment payés ci-dessus reconnue à la société Altran Technologies avec la créance de rappel de salaire pour heures supplémentaires accomplies en 2016 ci-dessus reconnue M. [P] [M] ;
Dit n’y avoir lieu à fixation d’un salaire de référence ;
Condamne la société Altran Technologies à payer à M. [M] la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboute la société Altran Technologies de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Altran Technologies aux dépens de première instance et d’appel.
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Régine CAPRA, Présidente et par Madame Sophie RIVIERE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, La Présidente,