16 mai 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
17/07273
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 11
ARRET DU 16 MAI 2023
(n° , 5 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 17/07273 – N° Portalis 35L7-V-B7B-B3LUU
Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Décembre 2016 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F15/13526
APPELANT
Monsieur [D] [H]
Chez Maître Fabrice LUBRANO [Adresse 4]
[Localité 2]
Représenté par Me Fabrice LUBRANO, avocat au barreau de PARIS, toque : C1513
INTIMEE
S.A. PRODWARE venant aux droits de la société COLOMBUS IT PARTNER FRANCE
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Laurent MAYER, avocat au barreau de PARIS, toque : B1103
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 09 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre,
Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre,
Madame Catherine VALANTIN, Conseillère,
Greffière, lors des débats : Madame Manon FONDRIESCHI
ARRET :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre, et par Madame Manon FONDRIESCHI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
M. [D] [H], né en 1984, a été engagé par la SA Prodware (anciennement Colombus It Partners France), selon un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 16 juillet 2007, en qualité de consultant, coefficient 130, niveau 2 statut cadre.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des bureaux d’études techniques (Syntec).
Par courrier du 14 juillet 2010, le salarié informait la société de son souhait d’évoluer au sein de ses fonctions et d’ajustement de sa rémunération par rapport au marché. Par ailleurs, il reprochait à son employeur une mise au placard, estimant qu’il ne lui fournissait pas une prestation à hauteur de son engagement contractuel. M. [H] a alors entendu démissionner des ses fonctions, bien que restant ouvert à la discussion.
Par courrier du 24 septembre 2010, la société a fait des propositions à M. [H].
Par courrier en date du 11 avril 2011, M. [H] a fait part à son employeur de sa volonté de signer une rupture conventionnelle.
Le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail par courrier du 12 mai 2011 en demandant en outre à l’employeur d’écourter son préavis au 13 juin 2011.
A la date de la prise d’acte de la rupture du contrat de travail, M. [H] avait une ancienneté de 4 ans et 2 mois et la société Prodware occupait à titre habituel plus de dix salariés.
Soutenant que sa prise d’acte de la rupture doit produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et réclamant diverses indemnités, M. [D] [H] a saisi le 26 janvier 2012 le conseil de prud’hommes de Paris qui, par jugement du 13 décembre 2016, auquel la cour se réfère pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a statué comme suit :
– Dit que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail doit produire les effets d’une démission.
– Déboute M. [D] [H] de l’ensemble de ses demandes ;
-Déboute la société Prodware venant aux droit de Colombus It Partner Frai de sa demande reconventionnelle ;
– Condamne M.[D] [H] aux dépens.
Par déclaration du 18 mai 2017, M. [H] a interjeté appel de cette décision, notifiée le 27 avril 2017.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 21 juillet 2017, M. [H] demande à la cour de :
Réformer le jugement entrepris en toutes ces dispositions ;
Dire et juger M. [H] recevable et bien fondé en ses demandes ;
En conséquence de quoi,
-Dire et juger que la prise d’acte de la rupture par M. [H] de son contrat de travail, en raison des graves manquements de son employeur, s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Condamner la société Prodware ‘ Colombus it Partner à lui verser les sommes de :
-9900,00 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;
-990,00 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ;
-4216,00 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement ;
-39600,00 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
-1500,00 euros au titre de l’article 700 du CPC
Prononcer l’exécution provisoire du jugement à intervenir, en application des dispositions de l’article 515 du CPC ;
Condamner la société Prodware ‘ Colombus it Partner aux dépens éventuels de l’instance.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 20 mai 2020, la société Prodware demande à la cour de :
– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Paris du 13 décembre 2016
Et ainsi :
– déclarer M. [H] mal fondé en ses demandes, fins et conclusions ;
– constater que M. [H] ne rapporte pas la preuve de faits suffisamment graves pouvant justifier la prise d’acte de la rupture du contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur;
En conséquence, dire que la prise d’acte de rupture du 12 mai 2011 doit s’analyser en une démission,
Et ainsi :
– requalifier en conséquence la prise d’acte de rupture du 12 mai 2011 en démission ;
En conséquence :
– débouter M. [H] de l’ensemble de ses demandes y compris indemnitaires ;
– condamner M. [H] à verser à la société Prodware la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-condamner M. [H] aux dépens qui seront recouvrés par Maitre Mayer avocat conformément aux dispositions de l’article 699 du CPC.
Par conclusions d’incident du même jour, la société Prodware (intimée) a demandé au conseiller de la mise en état de prononcer la nullité de la déclaration d’appel du 18 mai 2017 à titre principal, et à titre subsidiaire de prononcer l’irrecevabilité des conclusions d’appelant du 27 juillet 2017 et la caducité de la déclaration d’appel du 18 mai 2017 portant sur le jugement du conseil de prud’hommes de Paris du 13 décembre 2016.
Par ordonnance sur incident du 5 janvier 2021 (rectifiant une première ordonnance du 21 janvier 2020 comportant une erreur dans la date du jugement de 1ère instance), le conseiller de la mise en état a rejeté la demande de caducité de la déclaration d’appel, formulée par l’intimé.
Par requête en déféré du 20 janvier 2021, la société Prodware a demandé l’infirmation de l’ordonnance sur incident.
Par arrêt du 16 février 2022, la cour d’appel de Paris a confirmé l’ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 5 janvier 2021 et renvoyé l’affaire à la mise en état en vue de sa fixation.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 8 février 2023 et l’affaire a été fixée à l’audience du 9 mars 2023.
A l’audience du 7 mars 2023, M. [H] a déclaré retirer sa demande, à laquelle s’opposait en tout état de cause l’intimée, de rabat de clôture aux fins de prise en compte de ses écritures datées du 7 février 2023 mais transmises à la cour au service des appels et s’en remettre à ses écritures d’appel datées du 21 juillet 2017 signifiées le 21 février 2020.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR :
La cour donne acte à M. [H] de son retrait de sa demande de rabat de clôture et de ce qu’il s’en remet à ses écritures d’appel datées du 21 juillet 2017.
Sur la rupture du contrat de travail
Pour infirmation du jugement déféré, M. [H] fait valoir qu’il a entendu prendre acte de la rupture de son contrat de travail en raison de la grave détérioration de ses conditions de travail et des manquements de l’employeur consistant dans la modification unilatérale de sa mission et l’attitude équivoque de ce dernier visant à dégrader ses conditions de travail.
Pour confirmation de la décision, la société intimée réplique que l’appelant a en réalité voulu démissionner par courrier daté du 14 juillet 2010, renouvelé le 12 mai 2011 sans qu’elle n’ait commis aucun manquement.
Il résulte de la combinaison des articles L.1231-1, L.1237-2 et L.1235-1 du code du travail que la prise d’acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l’employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail.
En cas de prise d’acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, cette rupture produit, soit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués la justifiaient en étant suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail, soit, dans le cas contraire, d’une démission. Il appartient au salarié d’établir les faits qu’il allègue à l’encontre de l’employeur étant rappelé que la lettre de prise d’acte de fixe pas les limites du litige.
En l’espèce, M.[H] soutient qu’il a vainement alerté l’employeur, dès le 14 juillet 2010 sur les difficultés d’évolution rencontrées au sein de l’entreprise notamment en matière de gestion de projet sur des solutions Dynamics, faute en outre de formation afin d’étendre son périmètre d’intervention et faute d’affectation sur des projets internationaux sur du long terme, évoquant à l’appui de sa démission, un projet d’expatriation avorté au Chili en l’absence de soutien de l’employeur. Il ajoute qu’il a renouvelé sa volonté de rupture du contrat de travail par courrier du 11 avril 2011 en dénonçant le non-respect des engagements de l’employeur ayant conditionné son maintien au sein de la société à savoir sa montée en compétence, son intervention sur des projets internationaux et des projets Dynamics AX et qu’il a concrétisée par son courrier de prise d’acte de la rupture du 12 mai 2011.
A l’appui de sa prise d’acte, il invoque la modification unilatérale de son contrat de travail par l’employeur en expliquant que du mois de février 2011 à son départ de la société le 13 juin 2011, il ne s’est vu confier que des tâches de maintenance informatique ou de secrétariat (traduction), celles-ci n’étant pas prévues à son contrat de travail mais appauvrissant ses missions et responsabilités et vidant son poste de sa substance. Il dénonce également l’attitude équivoque de la direction qui n’a rien fait pour améliorer sa situation et qu’il s’est trouvé victime d’une véritable placardisation, l’employeur se bornant à lui promettre des perspectives d’évolution non tenues.
En réplique la société Prodware indique sans être contredite sur ce point, que deux jours après la demande de rupture conventionnelle, l’appelant a signé un contrat à durée indéterminée avec la société Capgemini alors qu’il était encore engagé avec la société Colombus IT, raison pour laquelle il a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 12 mai 2011.
Elle ajoute que M. [H] a été engagé comme consultant pour intervenir sur les produits commercialisés par la société Colombus, qu’il n’était pas convenu qu’il interviendrait sur la partie développement des produits Dynamics voire même sur des projets à l’étranger.
Elle conteste toute modification du contrat de travail soulignant que le contrat de travail prévoyait en effet des travaux de support et d’assistance clients par téléphone ou sur site.
La cour retient que s’il est légitime pour tout salarié d’émettre des souhaits d’évolution tant salariale que fonctionnelle, l’employeur reste toutefois seul décisionnaire sur ce point dans le cadre de son pouvoir de direction.
Or en l’espèce, il n’est pas justifié de promesses qui n’auraient pas été tenues (il n’est à ce titre produit aucun justificatif relatif à un éventuel projet avorté d’expatriation au Chili) mais il est évoqué un échec de l’appelant dans un dossier Vinci UK.
En outre, le salarié ne peut soutenir au vu de son contrat de travail que la maintenance informatique, au demeurant ponctuelle (en remplacement d’un certain [F] en congés) survenue entre février et juin 2011 n’entrait pas dans ses fonctions et la cour estime que les demandes de traduction également ponctuelles ne sauraient être assimilées à du secrétariat.
La cour relève par ailleurs, ainsi que le fait observer de façon pertinente l’employeur, que la convention Syntec applicable autorise entre les missions l’affectation temporaire du salarié à une fonction inférieure à la sienne sous réserve du maintien de la classification et des appointements, ce qui n’est pas contesté en l’espèce.
Au constat que M. [H] ne développe pas et a fortiori n’établit pas les agissements de l’employeur ayant dégradé ses conditions de travail, la cour en déduit, au vu de ce qui précède, à l’instar des premiers juges, que les manquements de l’employeur ne sont pas rapportés, que la prise d’acte de la rupture est par conséquent imputable au salarié et qu’elle doit doit s’analyser comme une démission. C’est donc à bon droit que le salarié a été débouté de l’ensemble de ses prétentions. Le jugement déféré est confirmé en toutes ses dispositions.
Sur les autres dispositions
Partie perdante en son recours, M. [H] est condamné aux dépens d’appel et d’instance, le jugement déféré étant confirmé sur ce point, ceux-ci étant recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile par Me Mayer.
L’équité commande d’allouer à la société Prodware une indemnité de 750 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions.
CONDAMNE M. [D] [H] à payer à la SA Prodware venant aux droits de la société Colombus It Partner France une somme de 750 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNE M. [D] [H] aux dépens d’appel, lesquels comme ceux d’instance seront recouvrés par Me Mayer dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.
La greffière, La présidente.