Convention collective SYNTEC : 16 juin 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 21/07921

·

·

Convention collective SYNTEC : 16 juin 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 21/07921

AFFAIRE PRUD’HOMALE

DOUBLE RAPPORTEUR

N° RG 21/07921 – N° Portalis DBVX-V-B7F-N5JC

S.A.S. OTEIS

C/

[L]

Organisme POLE EMPLOI

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LYON CEDEX

du 06 Janvier 2017

RG : 15/04245

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRET DU 16 Juin 2023

APPELANTE :

Société OTEIS venant aux droits de la SA GRONTMIJ

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES – LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON, Me Jérôme HALPHEN du PARTNERSHIPS DLA PIPER FRANCE LLP, avocat au barreau de PARIS

INTIMES :

[D] [L]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, Me Patricia IARUSSI, avocat au barreau de LYON

POLE EMPLOI

[Adresse 6]

[Localité 4]

non représenté

DEBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 16 Mars 2023

Présidée par Catherine CHANEZ, présidente et Régis DEVAUX, conseiller, magistrats rapporteurs (sans opposition des parties dûment avisées) qui en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistés pendant les débats de Rima AL TAJAR, greffière

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

– Béatrice REGNIER, présidente

– Catherine CHANEZ, conseillère

– Régis DEVAUX, conseiller

ARRET : CONTRADICTOIRE

rendu publiquement le 16 Juin 2023 par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Béatrice REGNIER, présidente, et par Mihaela BOGHIU, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

M. [D] [L] a été embauché par la société Séchaud et Bossuyt, à compter du 16 juillet 2007, dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée en qualité de projeteur VRD (emploi d’ETAM – échelon 3.2, coefficient 450, selon la classification de la convention collective nationale des bureaux d’études techniques, cabinet d’ingénieurs-conseils et sociétés de conseil, dite SYNTEC (IDCC 1486)). Il était affecté à l’agence de [Localité 8] (Rhône).

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 5 octobre 2015, la société Grontmij, venant aux droits de la société Séchaud et Bossuyt, notifiait à M. [D] [L] son licenciement dans le cadre d’une procédure de licenciement économique collectif, accompagné d’un plan de sauvegarde de l’emploi, homologué le 1er octobre 2015 par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE).

Par requête reçue au greffe le 13 novembre 2015, M. [D] [L] a saisi le conseil de prud’hommes de Lyon, en demandant condamnation de la société Otéis, venant aux droits de la société Grontmij à lui payer diverses sommes, notamment à raison d’un manquement à l’obligation de reclassement.

Par jugement du 6 janvier 2017, le conseil de prud’hommes de Lyon a :

– dit que M. [D] [L] a la qualification de projeteur I et fixé son salaire à 2 706 euros ;

– dit que le licenciement de M. [D] [L] est sans cause réelle et sérieuse ;

– condamné la société Oteis à payer à M. [D] [L] les sommes de 40 000 euros pour défaut de reclassement dans la procédure de licenciement économique et de 5 412 euros de dommages et intérêts pour absence de priorité de réembauchage ;

– débouté M. [D] [L] de sa demande d’indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents ;

– débouté M. [D] [L] de sa demande de dommages et intérêts au titre de la participation ;

– débouté M. [D] [L] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire ;

– ordonné le remboursement par la société Oteis aux organismes concernés des indemnités de chômage perçues par M. [D] [L] dans la limite de 5 412 euros (2 mois de salaire) ;

– condamné la société Oteis à payer à M. [D] [L] 1 700 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– débouté les parties du surplus de leurs demandes.

La société Oteis a interjeté appel de ce jugement.

Par arrêt du 15 mai 2019, la cour d’appel de Lyon (chambre sociale, section A) a :

– confirmé le jugement, sauf en ce qu’il a rejeté la demande en paiement d’une indemnité compensatrice de préavis et d’une indemnité de congés payés afférents formée par M. [L] ;

Statuant à nouveau :

– condamné la société Oteis à payer à M. [D] [L] les sommes de 5 412 euros à titre d »indemnité compensatrice de préavis et 541,20 euros à titre d’indemnité de congés payés afférents, augmentées des intérêts au taux légal à compter du 19 novembre 2015 ;

Ajoutant,

– condamné la société Oteis à payer à M. [D] [L] 315,35 euros à titre de remboursement de frais, augmentée des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

– condamné la société Oteis aux dépens d’appel ;

– condamné la société Oteis à payer à M. [D] [L] la somme de 1 300 euros, en application de l’article 700 du code de procédure en cause d’appel.

La société Oteis formait un pourvoi en cassation.

Par arrêt du 8 septembre 2021, la Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt rendu le 15 mai 2019 par la cour d’appel de Lyon, mais seulement en ce qu’il a :

– confirmé le jugement du conseil de prud’hommes, en ce qu’il avait dit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, condamné la société Oteis à payer à M. [L] la somme de 40 000 euros pour défaut de reclassement dans la procédure de licenciement économique et ordonné le remboursement par la société Oteis aux organismes concernés des indemnités de chômage perçues par M. [D] [L] dans la limite de 5 412 euros (2 mois de salaire),

– condamné la société Oteis à payer à M. [D] [L] les sommes de 5 412 euros à titre d »indemnité compensatrice de préavis et 541,20 euros à titre d’indemnité de congés payés afférents,

– condamné la société Oteis aux dépens et à payer à M. [D] [L] 1 300 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

En outre, l’affaire et les parties étaient remises dans l’état où elles se trouvaient avant l’arrêt du 15 mai 2019 et renvoyées devant la cour d’appel de Lyon, autrement composée. M. [L] était condamné aux dépens, les demandes en application de l’article 700 du code de procédure civile étaient rejetées.

En conséquence, le 29 octobre 2021, la société Oteis a saisi la cour de céans.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Au terme de ses conclusions notifiées le 28 décembre 2021, la société Oteis demande à la Cour de :

A titre principal,

– infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Lyon en ce qu’il a dit que le licenciement de M. [D] [L] est sans cause réelle et sérieuse

– rejeter en conséquence l’ensemble des demandes de M. [L]

A titre subsidiaire, si la Cour retenait que le licenciement de M. [L] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse

– limiter le montant des dommages et intérêts à ce titre à 6 mois de salaires, soit 16 236 euros

En tout état de cause,

– condamner M. [L] à lui payer 2 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner M. [L] aux entiers dépens.

La société Oteis souligne que la réalité du motif économique du licenciement de M. [L] n’est pas contestée. Elle fait valoir qu’elle n’avait pas l’obligation d’informer la commission paritaire nationale de l’emploi instituée par la convention, dans le cadre de ses recherches de reclassement externe du salarié. Elle ajoute qu’elle a respecté son obligation de recherche de reclassement interne, qu’elle n’a pas violé la priorité de réembauche dont M. [L] bénéficiait et qu’elle a correctement appliqué les critères d’ordre du licenciement. Elle soutient que celui-ci occupait un emploi de projeteur II, au vu de son expérience professionnelle.

Par ses dernières conclusions notifiées le 16 février 2022, M. [D] [L] demande à la Cour de :

A titre principal,

– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes, en ce qu’il a dit que le licenciement de M. [D] [L] est sans cause réelle et sérieuse ;

– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes, en ce qu’il a limité le montant des dommages et intérêts à 40 000 euros et l’a débouté de sa demande d’indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, en dommages et intérêts au titre de la participation et pour licenciement vexatoire

Statuant à nouveau,

– condamné la société Oteis à lui payer, outre intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes, les sommes suivantes :

‘ indemnité compensatrice de préavis : 5 864 euros

‘ congés payés sur préavis : 586,40 euros

‘ dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 52 776 euros

‘ dommages et intérêts pour licenciement vexatoire : 10 000 euros

‘ dommages et intérêts pour perte des droits à participation pour les années à venir : 2 000 euros

A titre subsidiaire,après avoir dit que les critères d’ordre de licenciement n’ont pas été respectés,

– condamné la société Oteis à lui payer, outre intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes, les sommes suivantes :

‘ dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 52 776 euros

‘ dommages et intérêts pour licenciement vexatoire : 10 000 euros

‘ dommages et intérêts pour perte des droits à participation pour les années à venir : 2 000 euros

En tout état de cause,

– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes, en ce qu’il a condamné la société Oteis à lui payer 5 412 euros pour dommages et intérêts pour absence de priorité de réembauchage ;

– condamner la société Oteis à lui payer 315,35 euros en remboursement des frais engagés pour un voyage en Corse conformément aux règles posées par le PSE ;

– ordonner le remboursement par la société Oteis aux organismes concernés des indemnités de chômage perçues par lui dans la limite de 6 mois de salaire

– condamner la société Oteis à lui payer 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile

– condamner la société Oteis aux dépens de première instance, d’appel et d’appel de renvoi.

M. [L] conteste la validité de son licenciement au motif que la société Grontmij n’a pas respecté son l’obligation de reclassement, car elle n’a pas saisi la commission paritaire nationale de l’emploi de la convention SYNTEC et aussi elle n’a finalement pas supprimé son poste. L’intimé souligne qu’il occupait un emploi de projeteur I, alors que, lors du licenciement, il lui a été notifié la suppression de son emploi de projeteur II. Invoquant le même moyen, M. [L] souligne que la société Grontmij n’a pas respecté les critères d’ordre du licenciement.

Pour un plus ample exposé des moyens des parties, la Cour se réfère expressément aux dernières conclusions de ces dernières, en application de l’article 455 du code de procédure civile.

La clôture de la procédure était ordonnée le 14 février 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la délimitation de la saisine de la cour de renvoi après cassation

L’article 624 du code de procédure civile dispose que la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l’arrêt qui la prononce. Elle s’étend également à l’ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d’indivisibilité ou de dépendance nécessaire.

Le principe selon lequel la cassation est limitée à la portée du moyen qui en constitue la base, doit être entendu en ce sens que la cassation laisse subsister, comme passées en force de chose jugée, toutes les parties de la décision qui n’ont pas été attaquées par le pourvoi.

En l’espèce, n’est pas atteint par la cassation prononcée le 8 septembre 2021 le chef du dispositif de l’arrêt rendu le 15 mai 2019 par la cour d’appel de Lyon (chambre sociale, section A) confirmant le jugement du conseil de prud’hommes de Lyon, en ce que celui-ci a condamné la société Oteis à payer à M. [D] [L] la somme de 5 412 euros pour dommages et intérêts pour absence de priorité de réembauchage, débouté M. [D] [L] de sa demande de dommages et intérêts au titre de la participation, débouté M. [D] [L] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire.

Par ailleurs, la cour de céans ne peut pas étendre la cassation au-delà des dispositions expressément énumérées dans le dispositif de l’arrêt rendu le 8 septembre 2021, sans porter atteinte à la force de la chose jugée.

Dès lors, seront déclarées irrecevables, au visa de l’article 122 du code de procédure civile, les demandes de M. [L] tendant à la condamnation de la société Oteis à lui payer 10 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire et 2 000 euros de dommages et intérêts pour perte des droits à participation pour les années à venir, au motif que ces prétentions ont été définitivement rejetées par l’arrêt rendu le 15 mai 2019.

N’est pas non plus atteint par la cassation prononcée le 8 septembre 2021 le chef du dispositif de l’arrêt rendu le 15 mai 2019 condamnant la société Oteis à payer à M. [D] [L] 315,35 euros à titre de remboursement de frais.

Est donc sans objet la demande de M. [L] tendant à la confirmation du chef du dispositif de l’arrêt du 15 mai 2019 condamnant la société Oteis à lui payer 315,35 euros à titre de remboursement de frais, car celui-ci est d’ores et déjà définitif.

Sur le bien-fondé du licenciement de l’intimé

Le 5 octobre 2015, M. [D] [L] était licencié dans le cadre d’une procédure de licenciement économique collectif.

La réalité du motif économique du licenciement ne fait pas l’objet de contestation.

La commission paritaire nationale de l’emploi, instituée par la convention collective SYNTEC, n’a pas été saisie par l’employeur, en préalable au licenciement de M. [L], en vue d’étudier un reclassement du salarié à l’extérieur de l’entreprise.

Pour autant, l’accord du 30 octobre 2008 ne met pas à la charge de l’employeur une obligation de saisine préalable de cette commission.

Dès lors, le seul fait que la société Grontmij n’a pas saisi la commission paritaire nationale de l’emploi de la branche SYNTEC ne prive pas le licenciement de M. [L] d’une cause réelle et sérieuse.

La lettre de licenciement de M. [L] mentionne que trente-neuf postes sont supprimés au sein de l’entreprise, dont le sien, qui est désigné comme étant un poste de projeteur II au sein de l’activité « Bâtiment » de l’agence de [Localité 8] (pièce n° 8 de l’appelante, page 4).

Le plan de sauvegarde de l’emploi (pièce n° 6 de l’intimé), homologué par la DIRECCTE, prévoyait, en ses pages 53 et 59, la suppression d’un poste projeteur II de l’activité « Aménagement », au sein de l’agence de [Localité 7]-[Localité 8]. Ce même document précisait, en sa page 42, que les salariés de l’agence de [Localité 8], bien que classés en activité « Aménagement » travaillaient principalement sur des projets du Bâtiment. Par ailleurs, dans le tableau de synthèse des catégories professionnelles retenues pour définir les suppressions de poste (en page 61 du plan), il est mentionné qu’est supprimé, à l’agence de [Localité 8], un poste de « projeteur environnement ».

Toutefois, ce même plan de sauvegarde de l’emploi décrivait l’organisation de l’entreprise en sa page 45 et recensait alors deux postes de projeteur I rattachés à l’activité « Bâtiment » et deux postes de projeteur I rattachés à l’activité « Aménagement », à l’agence de [Localité 8], en tout cas aucun poste de projeteur II.

L’analyse du plan de sauvegarde de l’emploi, qui a été légalement homologué, révèle ainsi plusieurs incohérences internes :

– d’une part, au titre de la présentation de l’organisation de l’entreprise, il est indiqué sans ambiguïté que l’agence de [Localité 8] compte deux postes de projeteur I rattachés à l’activité « Bâtiment » et deux postes de projeteur I rattachés à l’activité « Aménagement », en tout cas aucun poste de projeteur II et aucune activité « Environnement » (page 45) ;

– d’autre part, il est projeté, concernant l’agence de [Localité 8], la suppression d’un poste de projeteur II de l’activité « Aménagement » (pages 53 et 59) ou bien de projeteur de l’activité « Environnement », sans précision de l’échelon I ou II (page 61).

Il s’en déduit que le plan de sauvegarde de l’emploi a ainsi prévu la suppression d’un poste de projeteur, au sein de l’agence de [Localité 8] qui, d’une part, est d’échelon II et, d’autre part, est rattaché à l’activité « Aménagement », qui est en réalité incluse à l’activité « Bâtiment », ou bien à l’activité « Environnement ».

La société Oteis ne fournit aucune explication quant à ces incohérences. Elle fait valoir qu’en tout cas, M. [L] a été embauché en qualité de projeteur VRD (emploi d’ETAM – échelon 3.2, coefficient 450, selon la classification conventionnelle), alors que l’activité VRD fait partie en pratique de l’activité « Bâtiment » et que le coefficient 450 correspond conventionnellement à un emploi « projeteur II » ; elle ajoute que la société Grontmij a indiqué à M. [L], par courrier du 15 octobre 2015, qu’elle avait décidé en interne, en 2013, de classer celui-ci dans la catégorie « projeteur II », compte tenu de son expérience professionnelle, de sa maîtrise de compétences techniques et de son degré d’autonomie (pièce n° 14 de l’appelante).

Toutefois, si l’annexe I de la convention collective SYNTEC associe effectivement un coefficient de rémunération de 450 à un emploi classé à la position 3.2, elle n’utilise jamais les termes « projeteur I » ou « projeteur II ». A cet égard, si la pièce n° 15 de l’appelante, référencée comme un extrait de la convention collective Syntec, distingue expressément « projeteur I » et « projeteur II », la société Oteis omet de spécifier que ces appellations n’ont aucun caractère normatif, chaque entreprise ayant ses propres désignations d’emploi (selon la formule utilisée en préambule aux grilles de classification de la convention collective SYNTEC ‘ pièce n° 36 de l’appelante). La distinction entre « projeteur I » et « projeteur II » était donc d’un usage interne à la société Grontmij, ainsi que cette dernière l’a d’ailleurs précisé dans le courrier du 15 octobre 2015.

En outre, l’appelante ne démontre pas que la société Grontmij a notifié, avant 2015, à M. [L] que l’emploi qu’il occupait avait été classé en interne dans la catégorie « projeteur II », alors même que le salarié souligne pour sa part que la fiche le concernant, extraite du logiciel de gestion des ressources humaines de l’entreprise, ses bulletins de paie délivrés après 2013 (pièces n° 14 et 15 de l’intimé) et les documents de fin de contrat mentionnent qu’il occupait un emploi de « projeteur I » (pièces n° 7 de l’intimé).

Quelle que soit la désignation retenue en interne par la société Grontmij avant le licenciement de M. [L], la Cour retient que l’employeur, dans le cadre de l’élaboration du plan de continuation de l’emploi, a classé l’emploi de celui-ci parmi la catégorie des projeteurs I rattachés à l’activité « Bâtiment » ou « Aménagement » (page 45 du plan), avant de prévoir la suppression, au sein de l’agence de [Localité 8], d’un poste relevant de la catégorie professionnelle « projeteur environnement » (page 61 du plan).

Si les difficultés économiques rencontrées par l’entreprise justifiaient la suppression d’un emploi de « projeteur environnement » au sein de l’agence de [Localité 8], l’employeur ne démontre pas que M. [L] occupait un tel poste.

Dès lors, le licenciement de ce dernier est dépourvu de cause réelle. Le jugement déféré mérite d’être confirmé sur ce point.

En l’absence de cause réelle et sérieuse d’un licenciement pour motif économique, le contrat de sécurisation professionnelle n’a pas de cause et l’employeur est tenu à l’obligation du préavis et des congés payés afférents, sauf à tenir compte des sommes déjà versées au salarié ; la somme versée par Pôle emploi par l’employeur au titre de sa participation au financement de l’allocation de sécurisation professionnelle ne peut donc pas venir en déduction de la créance du salarié au titre de l’indemnité de préavis (selon une solution dégagée par la Cour de cassation : Cass. Soc., 10 mai 2016 ‘ pourvoi n° 14-27.953).

La société Oteis n’est donc pas fondée à opposer le contrat de sécurisation professionnelle à la demande de M. [L].

Dans la mesure où le montant du salaire de base mensuel dû à M. [L] était de 1 985 euros (selon le bulletin de paie délivré pour le mois de septembre 2015) et en l’absence de justification du fait que celui-ci aurait eu le droit de recevoir, en octobre et novembre 2015, des accessoires de salaire, en retenant que la durée du délai-congé était de 2 mois (conformément à l’article 4.2 de la convention collective SYNTEC), il sera accordé à l’intimé 3 970 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 397 euros au titre des congés payés afférents.

S’agissant de l’indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, au visa des articles L. 1235-3 et L. 1235-5 du code du travail, dans leur rédaction applicable au 6 octobre 2015, donc antérieure à l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, alors que M. [L] ne saurait être réintégré dans l’entreprise, le montant de celle-ci ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois, soit en l’espèce 17 336 euros (cumul des montants bruts des salaires cumulés d’avril à septembre 2017).

En considération de l’âge du salarié (48 ans) et de son ancienneté dans l’entreprise (8 ans) au moment du licenciement, de son aptitude à retrouver un travail (M. [L] justifie avoir retrouvé un emploi 11 mois après son licenciement ‘ pièce n° 45 de l’intimé), le préjudice subi par M. [L] sera justement indemnisée par le versement de la somme de 32 000 euros. Le jugement déféré sera réformé en ce sens.

Le licenciement étant sans cause réelle et sérieuse, il y a lieu, en application des dispositions de l’article L. 1235-4 du même code qui l’imposent, d’ordonner d’office à l’employeur de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées au salarié, dans la limite de six mois d’indemnités, sous déduction de la contribution prévue à l’article L. 1233-69 du code du travail.

En conséquence, le jugement du conseil de prud’hommes sera réformé, en ce qu’il a limité d’office la créance de Pôle emploi à 5 412 euros, montant équivalent à deux mois de salaire, sans avoir déterminé le montant correspondant à six mois d’indemnités versées au salarié postérieurement à son licenciement.

Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile

La société Oteis, succombant en son appel, supportera les dépens, en application du principe énoncé par l’article 696 du code de procédure civile, ce qui inclut les dépens afférents à l’arrêt rendu par la cour d’appel de Lyon le 15 mai 2019, conformément aux dispositions de l’article 639 de ce même code.

La demande de la société Oteis fondée sur l’article 700 du code de procédure civile sera en outre rejetée.

En équité et sur le fondement de cette dernière disposition légale, elle versera à M. [L] la somme de 3 000 euros.

PAR CES MOTIFS,

La Cour

Dans les limites de la cassation prononcée le 8 septembre 2021,

Déclare irrecevables les demandes de M. [D] [L] tendant à la condamnation de la société Oteis à lui payer 10 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire et 2 000 euros de dommages et intérêts pour perte des droits à participation pour les années à venir ;

Infirme le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Lyon le 6 janvier 2017, uniquement en ce qu’il a :

– débouté M. [D] [L] de sa demande d’indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents ;

– condamné la société Oteis à payer à M. [D] [L] la somme de 40 000 euros pour défaut de reclassement dans la procédure de licenciement économique ;

– ordonné le remboursement par la société Oteis aux organismes concernés des indemnités de chômage perçues par M. [D] [L] dans la limite de 5 412 euros (2 mois de salaire) ;

Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées et ajoutant,

Condamne la société Oteis à payer à M. [D] [L] les sommes suivantes :

– 3 970 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 397 euros au titre des congés payés afférents,

– 32 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Ordonne à la société Oteis de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées à M. [D] [L], dans la limite de six mois d’indemnités, sous déduction de la contribution prévue à l’article L. 1233-69 du code du travail ;

Condamne la société Oteis aux dépens de première instance, ainsi qu’aux dépens afférents à l’arrêt rendu par la cour d’appel de Lyon le 15 mai 2019, ainsi qu’aux dépens de la présente instance d’appel ;

Rejette la demande de la société Oteis en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Oteis à payer à M. [D] [L] 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

 


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x