16 février 2023
Cour d’appel de Versailles
RG n°
22/02151
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
15e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 16 FEVRIER 2023
N° RG 22/02151
N° Portalis : DBV3-V-B7G-VJU7
AFFAIRE :
[R] [L]
C/
S.A.S. Eptica Lingway
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 16 Juin 2022 par le conseiller de la mise en état de la cour d’appel de Versailles
Chambre : 21
Section : E
N° RG : 19/00246
Copies exécutoires et copies certifiées conformes délivrées à :
Me Véronique DE LA TAILLE de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES
Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SEIZE FEVRIER DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur [R] [L]
né le 16 Novembre 1981 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Véronique DE LA TAILLE de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0148
DEMANDEUR A LA REQUÊTE EN DÉFÉRÉ
****************
S.A.S. Eptica Lingway
N° SIRET : 789 462 850
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625
Représentant : Me Julien GOUWY de la SELARL CAPSTAN OUEST, Plaidant, avocat au barreau de NANTES
DEFENDERESSE A LA REQUÊTE EN DÉFÉRÉ
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 11 Janvier 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Régine CAPRA, Présidente,
Monsieur Thierry CABALE, Président,
Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,
Greffier en pré-affectation, lors des débats : Madame Juliette DUPONT,
Monsieur [R] [L] a été engagé par la société Eptica Lingway, par un contrat de travail à durée indéterminée en date du 11 mars 2016. En dernier lieu, il exerçait les fonctions de vice-président Opérations.
La société Eptica Lingway est une SAS dont l’effectif est au moins égal à 11 salariés.
Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective des bureaux d’études techniques, cabinet d’ingénieur conseil, société de conseil, dite SYNTEC.
En dernier lieu, la rémunération mensuelle moyenne de Monsieur [L] était de 9.060 euros.
Monsieur [L] a été convoqué par un courrier du 9 octobre à un entretien préalable à un licenciement, devant se tenir le 18 octobre.
Par un courrier en date du 23 octobre 2018, Monsieur [L] a été licencié pour faute grave par la société Eptica Lingway.
Par requête reçue au greffe le 28 février 2019, Monsieur a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt par requête, aux fins de contestation de son licenciement et de l’illicéité de la convention de forfaits-jours.
Par un jugement en date du 4 mars 2021, auquel renvoie la cour pour l’exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt a :
– Dit que le licenciement prononcé à l’encontre de Monsieur [L] est bien fondé sur une cause réelle et sérieuse, et considère que la faute grave est bien établie.
En conséquence,
– Débouté Monsieur [L] en sa demande de paiement de la somme de 31 170 euros au titre des dommages et intérêts pour le licenciement sans cause réelle et sérieuse ; ainsi que de toutes ses demandes afférentes.
– Débouté Monsieur [L] dans sa demande de paiement de la somme de 81 391 euros au titre des heures supplémentaires et la somme de 8.131,5 euros au titre des congés payés afférents.
– Débouté Monsieur [L] en sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 54 360 euros pour travail dissimulé.
– Débouté Monsieur [L] en sa demande de paiement de la somme de 3082.93 euros au titre des commissions dues mais non perçues, outre la somme de 308.29 euros au titre des congés payés afférents.
– Débouté Monsieur [L] en sa demande de paiement de la somme de 6650.28 euros au titre du non pâment des 14 jours de congés payés non réglés.
– Débouté Monsieur [L] en sa demande de paiement de la somme de 246.25 euros au titre des notes de frais non remboursées.
– Débouté Monsieur [L] en toutes ses autres demandes ;
– Débouté la société Eptica-Lingway en toutes ses demandes reconventionnelles.
Par déclaration en date du 2 avril 2021, Monsieur [L] a interjeté appel de cette décision, en critiquant l’ensemble des chefs du jugement susvisé.
Il a remis ses conclusions au greffe de la cour le 30 juin 2021.
Par conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 10 janvier 2021 auxquelles il est renvoyé pour l’exposé de ses moyens, la société EPTICA, intimée, demande à la cour de céans de déclarer caduque la déclaration d’appel de l’appelant.
Par ordonnance du 16 juin 2022, le conseiller de la mise en état de la 21ème chambre sociale de la cour d’appel de Versailles a :
– rejeté l’exception d’incompétence,
– constaté la caducité de l’appel de Monsieur [L].
Par requête afin de déféré en date du 29 juin 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé de ses moyens, Monsieur [R] [L] demande à la cour de céans de :
– Infirmer l’ordonnance rendue le 16 juin 2022,
Et statuant à nouveau :
– Se déclarer incompétent pour statuer sur la validité des conclusions régulièrement notifiées le 30 juin 2021,
Subsidiairement,
– Débouter la société Eptica Lingway de sa demande de caducité,
– la condamner au paiement d’une somme de 2 000 euros titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 22 novembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé de ses moyens, la société Eptica-Lingway demande à la cour de :
– Recevoir la société Eptica Lingway en ses fins et conclusions,
Y faisant droit,
– Confirmer l’ordonnance rendue par le conseiller de la mise en état le 16 juin 2022 en ce qu’elle déclare l’appel de Monsieur [R] [L] caduc ;
– Débouter Monsieur [R] [L] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
– Condamner Monsieur [R] [L] au versement à la société Eptica Lingway de la somme de 2.000 euros à titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamner Monsieur [R] [L] aux entiers dépens.
Dans ses écritures, le conseil de Monsieur [L] fait valoir, s’agissant de sa déclaration d’appel, que celle-ci demande ‘l’annulation, l’infirmation ou la réformation de la décision du 4 mars 2021″ et vise les chefs de jugement critiqués de sorte qu’elle est valable et que l’effet dévolutif a produit son plein et entier effet et, s’agissant de ses conclusions d’appelant, qu’elles ont été régulièrement notifiées dans le délai requis et que : le conseiller de la mise en état a le seul pouvoir d’examiner si des conclusions ont été notifiées dans les délais mais est incompétent pour statuer sur le contenu des conclusions, que dès lors que les écritures ont été notifiées dans les délais aucune caducité de saurait être encourue, que l’article 954 du code de procédure civile n’est assorti d’aucune sanction, que les cas de caducité limitativement énumérés ne peuvent être étendus dans les cas non prévus par la loi et qu’à défaut de demande expresse d’annulation du jugement l’appel tend nécessairement à la réformation des chefs de jugement critiqués.
La société Eptica-Lingway fait valoir en réplique que s’agissant d’un appel postérieur au 17 septembre 2020, l’appelant devait à peine de caducité de la déclaration d’appel mentionner dans le dispositif de ses conclusions qu’il demandait la réformation ou l’annulation du jugement, ce qu’il n’a pas fait et qu’aucune régularisation n’était possible après l’expiration du délai prévu par l’article 908 du code de procédure civile, de sorte que l’ordonnance ayant prononcé la caducité de l’appel de Monsieur [L] doit être confirmée.
SUR CE
En application de l’article 914 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, entré en vigueur le 1er septembre 2017, les parties soumettent au conseiller de la mise en état, qui est seul compétent depuis sa désignation et jusqu’à la clôture de l’instruction, leurs conclusions, spécialement adressées à ce magistrat, tendant notamment à prononcer la caducité de l’appel, et les parties ne sont plus recevables à invoquer devant la cour d’appel la caducité après la clôture de l’instruction, à moins que sa cause ne survienne ou ne soit révélée postérieurement ;
L’article 908 du code de procédure civile dispose que : ‘à peine de caducité de la déclaration d’appel, relevée d’office, l’appelant dispose d’un délai de trois mois à compter de la déclaration d’appel pour remettre ses conclusions au greffe’ ;
En application de l’article 910-1 du même code, ce sont ces conclusions, et non l’acte d’appel, qui déterminent l’objet du litige ;
En application de l’article 910-4 du même code, l’appelant doit présenter dès les conclusions mentionnées à l’article 908 l’ensemble de ses prétentions sur le fond ;
En outre, le respect de l’obligation faite à l’appelant de conclure dans les conditions imparties par l’article 908, lequel prévoit la sanction de la caducité de la déclaration d’appel, s’apprécie nécessairement en considération des prescriptions de l’article 954 du même code ;
L’article 542 du code de procédure civile, également dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, dispose que :
‘L’appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d’appel.’ ;
L’article 954 du même code, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, prévoit que :
‘Les conclusions d’appel contiennent, en en-tête, les indications prévues à l’article 961. Elles doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé.
Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l’énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu’un dispositif récapitulant les prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière formellement distincte.
La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.
Les parties doivent reprendre, dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées.
La partie qui conclut à l’infirmation du jugement doit expressément énoncer les moyens qu’elle invoque sans pouvoir procéder par voie de référence à ses conclusions de première instance.
La partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s’en approprier les motifs.’ ;
Il résulte des articles 542 et 954 précités que l’appelant doit dans le dispositif de ses conclusions mentionner qu’il demande l’infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l’anéantissement, ou l’annulation du jugement et qu’en cas de non-respect de cette règle, la cour d’appel ne peut que confirmer le jugement, sauf la faculté qui lui est reconnue à l’article 914 du code de procédure civile de relever d’office la caducité de l’appel ; lorsque l’incident est soulevé par une partie, ou relevé d’office par le conseiller de la mise en état, ce dernier, ou le cas échéant, la cour d’appel statuant sur déféré, prononce la caducité de la déclaration d’appel si les conditions sont réunies ;
En l’espèce, la déclaration d’appel, en date du 2 avril 2021, est postérieure à l’arrêt publié rendu le 17 septembre 2020 par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation (pourvoi n°18-23.626) qui a instauré cette charge procédurale nouvelle pour les parties à la procédure d’appel ;
Il résulte également de la combinaison de ces textes que l’exception d’incompétence soulevée par M. [L] n’est pas fondée puisque l’éventuelle non conformité des conclusions remises au greffe par l’appelant dans le délai de l’article 908 au regard de ces exigences procédurales, fait encourir à ce dernier la caducité de son appel, laquelle relève de la compétence du conseiller de la mise en état.
En l’espèce, la déclaration d’appel de M. [L] qui emporte seule dévolution des chefs critiqués du jugement, énonce expressément et conformément à l’article 901 du code de procédure civile les chefs du jugement critiqués par M. [L] dont il demandait, de manière seulement générale, ‘l’annulation, l’infirmation ou la réformation’.
Toutefois, la société Eptica-Lingway ne critique pas le contenu de la déclaration d’appel mais celui du dispositif des conclusions de l’appelant.
Il convient de se référer aux mentions expresses des conclusions remises au greffe par M. [L] le 30 juin 2021 et qui n’ont pas été complétées par un nouveau jeu de conclusions dans le délai de trois mois de la déclaration d’appel ; elles comprennent outre un ‘exposé des faits’ et une partie ‘discussion’, un dispositif figurant sous l’intitulé ‘
Par ces motifs’ aux termes duquel ‘il est demandé à la Cour d’appel de Versailles de dire et juger M. [L] comme étant recevable et bien fondé en ses demandes, fins et prétentions ; dire et juger que le licenciement prononcé à l’encontre de M. [R] [L] est sans cause réelle et sérieuse ; en conséquence, condamner la société à lui verser [diverses sommes]’, de sorte que le dispositif de ces conclusions reprend uniquement les demandes initialement formulées devant le premier juge, sans solliciter ni l’annulation, ni la réformation du jugement dont appel.
Il s’ensuit que le conseiller de la mise en état a également justement retenu, après avoir rappelé que l’appel tend, par la critique du jugement rendu en première instance, à sa réformation ou à son annulation, en vue de remettre la chose jugée en question devant la juridiction d’appel, pour qu’il soit statué à nouveau en fait et en droit dans les conditions et limites déterminées aux livres premier et deuxième du code de procédure civile, que les conclusions litigieuses, faute de conclure à l’annulation ou la réformation du jugement, ne déterminent pas l’objet du litige et que l’appel encourt en conséquence la caducité.
Il y a donc lieu de confirmer son ordonnance ayant prononcé cette sanction ;
M. [L] qui succombe doit supporter les dépens ;
La demande formée par la société Eptica-Lingway au titre des frais irrépétibles en cause d’appel sera accueillie, à hauteur de 300 euros ;
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme l’ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 16 juin 2022,
Condamne Monsieur [R] [L] à payer à la SAS Eptica-Lingway la somme de 300 euros à titre d’indemnité pour frais irrépétibles de procédure,
Condamne Monsieur [R] [L] aux dépens.
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Régine CAPRA, Présidente et par Madame Sophie RIVIERE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,