COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
21e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 16 FEVRIER 2023
N° RG 21/00135 – N° Portalis DBV3-V-B7F-UIEY
AFFAIRE :
[U] [H]
C/
Société NETSKOPE UK LTD
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 14 Décembre 2020 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de RAMBOUILLET
N° Section : E
N° RG : 19/00016
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Elodie DANA-ABIKER
Me Nathalie WINKLER
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SEIZE FÉVRIER DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant initialement prévu le 26 janvier 2023 prorogé au 16 février 2023 dans l’affaire entre :
Monsieur [U] [H]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Présent assisté de Me Elodie DANA-ABIKER de l’AARPI COVER AVOCATS, plaidant/constitué avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0295
APPELANT
***
NETSKOPE UK LTD
[Adresse 2]
[Localité 4]
ROYAUME-UNI
Représentée par Me Nathalie WINKLER, constitué , avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 370 et par Me Céline DONAT de la SELARL CÉLINE DONAT & ASSOCIES, plaidant, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES
INTIMÉE
***
Composition de la cour
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 6 décembre 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Véronique PITE, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Thomas LE MONNYER, Président,
Madame Odile CRIQ, Conseiller,
Madame Véronique PITE, Conseiller,
Madame Alicia LACROIX, greffier lors des débats.
FAITS ET PROCÉDURE
M. [U] [H] a été engagé le 19 décembre 2016 à compter du 9 janvier 2017 en qualité de directeur régional des ventes, par la société de droit étranger Netskope UK limited, selon contrat de travail à durée indéterminée, et il devait « diriger les équipes et être le responsable final des ventes et des activités liées, ainsi que du développement de Netskope en Europe du Sud, développer l’activité, recruter et gérer des réseaux de partenaires, des prospects et des clients. »
L’entreprise, ayant pour activité principale la vente de logiciels de cyber sécurité, relève de la convention collective des bureaux d’études techniques, cabinets d’ingénieurs conseil et sociétés de conseil, dite Syntec.
M. [H] a été placé en arrêt de travail du 16 décembre 2017 au 3 janvier 2018.
Lors de la reprise du travail, le médecin traitant a contre-indiqué les déplacements en avion jusqu’au 30 janvier 2018.
Convoqué le 20 février 2018 à un entretien préalable à un éventuel licenciement, avec mise à pied à titre conservatoire, M. [H] a été licencié par lettre datée du 9 mars 2018 énonçant une cause réelle et sérieuse.
Contestant son licenciement, M. [H] a saisi, le 25 janvier 2019, le conseil de prud’hommes de Rambouillet aux fins d’entendre juger le licenciement nul et subsidiairement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner la société au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.
La société s’est opposée aux demandes du requérant et a sollicité sa condamnation au paiement d’une somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement rendu le 14 décembre 2020, le conseil a statué comme suit :
Dit et juge que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse ;
En conséquence,
Condamne la société Netskope UK LTD à payer à M. [H] la somme de 665,92 euros à titre de complément d’indemnité légale de licenciement ;
Dit que cette somme portera intérêts de droit à compter du jour du jugement ;
Dit et juge que la convention de forfait-jours n’était pas opposable à M. [H] ;
Déboute M. [H] de l’intégralité de ses autres demandes,
Déboute la société de sa demande reconventionnelle,
Condamne M. [H] aux entiers dépens et frais d’exécution éventuels,
Fixe la moyenne des salaires des trois derniers mois à la somme de 13 916,67 euros.
Le 13 janvier 2021, M. [H] a relevé appel de cette décision par voie électronique.
Selon ses dernières conclusions notifiées le 26 octobre 2022, M. [H] demande à la cour de :
Dire qu’il est recevable et bien-fondé en ses écritures,
Infirmer le jugement en ce qu’il a :
– dit et jugé que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,
– l’a débouté de l’intégralité de ses autres demandes,
– l’a condamné aux entiers dépens et frais d’exécution éventuels,
– fixé la moyenne des salaires des trois derniers mois à la somme de 13 916,67 euros,
– l’a débouté de sa demande d’heures supplémentaires,
Confirmer le jugement pour le surplus et, statuant à nouveau :
Fixer la moyenne des douze dernières rémunérations à 19 423, 96 euros,
Ecarter des débats la pièce adverse n°5 en ce qu’elle a été obtenue par des man’uvres « dilatoires »,
Ecarter des débats la pièce adverse n°21 en ce qu’elle porte atteinte au respect de la vie privée,
Et :
Sur la durée du travail :
A titre principal,
Dire et juger qu’il a accompli 600,5 heures supplémentaires en 2017,
Confirmer le jugement en ce qu’il a déclaré inopposable sa convention de forfait en jours sur l’année,
Confirmer le jugement entrepris, en ce qu’il débouté la société de sa demande reconventionnelle concernant le versement d’un article 700 du code de procédure civile,
Débouter la société de son appel incident.
En conséquence,
Condamner la société à lui verser 98 680 euros à titre de rappels de salaires pour heures supplémentaires,
Condamner la société à lui verser la somme de 9 868 euros à titre de congés payés y afférents,
A titre subsidiaire,
Condamner la société à lui verser la somme de 10 921,32 euros au titre des jours de repos compensateurs non réglés,
Sur la rupture du contrat de travail :
A titre principal,
Dire et juger qu’il présente des éléments laissant supposer l’existence d’une discrimination en raison de son état de santé,
En conséquence,
Prononcer la nullité pour discrimination du licenciement,
Condamner la société à lui verser la somme de 116 543,76 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,
A titre subsidiaire,
Dire et juger que le licenciement repose sur une cause qui n’est ni réelle ni sérieuse,
En conséquence,
Condamner la société à lui verser la somme de 38 847,92 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (correspondant à 2 mois de salaires),
En tout état de cause,
Condamner la société à lui verser les sommes de :
– 2 779, 67 euros à titre de solde d’indemnité conventionnelle de licenciement en complément des 665,92 euros ordonnés par le jugement,
– 8 311, 68 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
– 831, 17 euros à titre de congés payés y afférents,
– 19 423, 96 euros au titre de la rupture brutale et vexatoire,
Sur les autres demandes :
Condamner la société NETSKOPE à lui verser les sommes de :
– 116 543, 76 euros à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
– 812, 37 euros pour le jour de congés payés non réglé,
– 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le retard opéré dans le règlement des notes de frais,
– 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamner la société aux entiers dépens,
Dire qu’il sera fait application du taux d’intérêt légal sur les sommes dont le versement est ordonné à compter de la date d’introduction de la demande,
Dire qu’il sera fait application de l’article 1231-6 (anciennement 1153) du code civil.
Aux termes de ses dernières conclusions, remises au greffe le 9 juillet 2021, la société Netskope UK limited demande à la cour de :
Confirmer que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse,
Confirmer que le licenciement n’est pas fondé sur une discrimination liée à l’état de santé du salarié,
Débouter le salarié de ses entières demandes et prétentions,
Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [H] de sa demande de condamnation au paiement de la somme de 98.680 euros à titre d’heures supplémentaires et de la somme de 9.868 euros à titre des congés payés y afférents, de sa demande de 116.543,76 euros à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, de sa demande de 5.000 euros à titre de dommage et intérêts pour le retard dans le remboursement de ses notes de frais, de sa demande visant la condamnation de l’employeur à la somme de 19.423,96 euros à titre de préjudice pour licenciement vexatoire,
Juger que M. [H] a été rempli de ses droits en matière d’indemnité de rupture de son contrat de travail,
Débouter M. [H] de sa demande de rappel d’indemnité de préavis à concurrence de 8 311,68 euros outre 831,16 euros d’indemnité de congés payés y afférentes, et de la somme de 2.779,67 euros à titre de solde d’indemnité de licenciement.
Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [H] de sa demande de 812,37 euros au titre d’un jour de congés payés,
Débouter M. [H] de sa demande au paiement de la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Sur l’appel incident,
Juger que des mesures de contrôle et de suivi de la charge de travail de M. [H] étaient mises en ‘uvre par la société,
Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré inopposable au salarié sa convention de forfait en jours à l’année,
Infirmer le jugement entrepris, en ce qu’il l’a déboutée de sa demande reconventionnelle à la condamnation de M. [H] au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
En tout état de cause,
Condamner M. [H] au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
Laisser à la charge de M. [H] les dépens.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.
Par ordonnance rendue le 9 novembre 2022, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 6 décembre 2022.
Le délibéré, fixé au 26 janvier 2023, a été prorogé au 16 février suivant, jour où la présente décision est rendue.
MOTIFS
I ‘ Sur la durée du travail
A ‘ Sur la convention de forfait en jours
M. [U] [H] rappelle que l’accord d’entreprise encadrant la possibilité de recourir au forfait en jours doit garantir le respect de la durée maximale de travail, en sorte que, selon la convention collective, l’employeur doit mettre en place un outil de suivi du temps de travail quotidien et hebdomadaire, procéder à un décompte des jours travaillés, doit assurer un suivi régulier de l’organisation du travail pour en vérifier la charge et l’amplitude, et convoquer le salarié deux fois par an, au moins à un entretien individuel spécifique. Il relève n’avoir été suivi en rien, et en conclut à l’inopposabilité de la convention de forfait.
Au rappel des dispositions de l’article L.3231-63 du code du travail et de l’article 4 de la convention collective Syntec, la société Netskope UK fait valoir les entretiens réguliers dont l’intéressé bénéficiait, et soutient que son contradicteur n’établit pas sa charge excessive de travail, dont il ne se plaignit jamais.
L’article 1.2 du contrat de travail dit que « Monsieur [H] relève de la catégorie des cadres dont le temps de travail est forfaitisé à 218 jours par an. Monsieur [H] assume la responsabilité pleine et entière du temps qu’il consacre à ses attributions et à l’organisation de son emploi du temps. Un contrôle du nombre de jours travaillés sera effectué au moyen d’une fiche individuelle auto-déclarative tenue par Monsieur [H], soumise à la société, et enregistrant le nombre et la date des journées travaillées ainsi que la qualification des jours de repos. (‘) Monsieur [H] devra respecter les obligations relatives au repos quotidien et au repos hebdomadaire. Monsieur [H] bénéficiera chaque année d’un entretien avec son supérieur hiérarchique au cours duquel seront évoquées l’organisation et la charge de travail ainsi que l’amplitude de ses journées d’activité. »
Par avenant du 1er avril 2014 à l’accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail, la convention collective, en son article 4.8 dit qu’« afin de se conformer aux dispositions légales et de veiller à la santé et à la sécurité des salariés, l’employeur convoque au minimum deux fois par an le salarié, ainsi qu’en cas de difficulté inhabituelle, à un entretien individuel spécifique. Au cours de ces entretiens seront évoquées la charge individuelle de travail du salarié, l’organisation du travail dans l’entreprise, l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie privée et, enfin, la rémunération du salarié.
« L’employeur veillera à mettre en place un outil de suivi pour assurer le respect des temps de repos quotidien et hebdomadaire du salarié.
« Afin de garantir le droit à la santé, à la sécurité, au repos et à l’articulation entre vie professionnelle et vie privée, l’employeur du salarié ayant conclu une convention de forfait annuel en jours assure le suivi régulier de l’organisation du travail de l’intéressé, de sa charge de travail et de l’amplitude de ses journées de travail. »
Faute pour l’employeur de produire aucune pièce sous ces aspects, c’est très justement que le conseil de prud’hommes a retenu que M. [U] [H] n’avait pas bénéficié d’entretiens individuels et que la société Netskope UK n’avait mis en place aucune mesure concrète assurant la garantie du respect des règles de contrôle applicables à la convention de forfait en jours, et a déclaré inopposable au demandeur sa convention, en retenant qu’il était placé, pour la durée du travail, sous le régime ordinaire. Le jugement sera confirmé à ce titre.
B ‘ Sur le rappel d’heures supplémentaires
M. [U] [H] prétend avoir effectué 410 heures supplémentaires durant le premier semestre 2017 et 190,50, durant le second semestre, reconstituées sur la base de ses notes de frais.
L’article L.3171-4 du code du travail exprime qu’« en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable. »
Il résulte de ces dispositions qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Ici, M. [U] [H] chiffre précisément durant le premier trimestre 2017 ses horaires de travail, en donnant le début et la fin, chaque jour, y joignant un agenda supportant la mention de ses activités, et précise, pour le second semestre, le temps de dépassement de la durée légale de 35 heures, estimé chaque semaine, alors que l’employeur ne communique aucun élément probant de nature à établir les horaires effectivement accomplis par l’intéressé quand il lui appartient d’assurer le contrôle des heures de travail effectuées en produisant ses propres éléments sur les horaires effectivement accomplis par le salarié.
Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences légales et réglementaires. 1Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
Dès lors, au vu des éléments soumis aux débats par l’une et l’autre partie, étant précisé que M. [U] [H] met en exergue les heures supplémentaires qu’il aurait accomplies sans perspective d’un emploi du temps pour le second semestre 2017, il convient de lui allouer 20.000 euros bruts, à ce titre, ainsi que 2.000 euros bruts pour les congés payés afférents, au paiement desquels la société Netskope UK sera condamnée. Le jugement sera réformé de ce chef.
Ces sommes seront augmentées des intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation.
C ‘ Sur le travail dissimulé
M. [U] [H] fait valoir ses conditions d’emploi au regard de l’infraction instituée par l’article L.8221-5 du code du travail, en relevant précisément la dissimulation des heures au-delà de 35 heures hebdomadaires et ses tâches effectuées dès le mois de décembre 2016 qui ne ressortissaient pas d’une discussion des modalités pratiques d’organisation de la future relation de travail alors qu’il fut déclaré le 10 janvier suivant, ce dont il évince l’intention délictuelle de la société.
L’article L.8221-5 du code du travail dispose notamment qu’est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.
Cependant, il ne saurait s’inférer de l’inopposabilité de la convention de forfait en jours, faute d’un contrôle effectif du temps de travail de M. [U] [H], l’intention pour la société Netskope UK de dissimuler ses salaires aux organismes sociaux.
Par ailleurs, comme l’a justement observé le conseil de prud’hommes, les mails dont se prévaut l’appelant en décembre 2016 ne démontrent pas qu’il effectua précisément une prestation de travail, mais qu’il assista à une réunion avec un client et s’intéressa à son suivi, son employeur lui ayant transmis une correspondance pour information, sans qu’il ne lui demande d’en rien faire.
Dès lors, le moyen manque en fait, et les conditions de l’article L.8221-5 du code du travail n’étant pas réunies, le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté les prétentions du requérant de dommages-intérêts de ce chef.
II ‘ Sur le licenciement
La lettre de licenciement est ainsi libellée :
« A la suite de l’entretien du 5 mars 2018, nous sommes au regret de vous notifier par la présente votre licenciement pour motif réel et sérieux pour les raisons suivantes.
Vous avez été engagé par notre société en qualité de Directeur Régional des Ventes le 1er février 2017.
Aux termes de votre contrat de travail, vous aviez pour mission de :
« Diriger les équipes, et être le responsable final des ventes et des activités liées, ainsi que du développement de Netskope en Europe du Sud,
Développer l’activité, recruter et gérer des réseaux de partenaires, des prospects et des clients »
Malheureusement, malgré votre expérience professionnelle nous constatons vos trop nombreuses insuffisances tant en termes de développement commercial qu’en termes de management, qui empêchent aujourd’hui la poursuite des relations contractuelles.
Au niveau commercial tout d’abord, vous êtes supposé réaliser un chiffre d’affaires hors taxe entre 200 000$ et 300 000$ par trimestre et vous réalisez un chiffre d’affaires de zéro.
En 2017, vous n’avez réalisé aucune vente, pas plus qu’en 2018 à ce stade de l’année.
Nous vous avions alerté sur la situation, et vous aviez fait valoir que les contrats de notre entreprise étaient de taille importante, qu’il s’agissait de contrats longs à mettre en ‘uvre, de sorte que nous prenions en compte vos demandes de ne pas vous pénaliser en termes de rémunération et que nous vous faisions bénéficier d’avances de rémunération variable à concurrence de 135.000€ outre votre rémunération fixe de même montant.
Bien que des responsables similaires sur d’autres zones réalisent des ventes alors qu’ils sont placés dans la même situation que vous, (750 000 dollars pour l’Allemagne, 2 643 999 dollars pour le Royaume Uni), nous décidions de ne pas vous ‘démotiver’.
Mais, par suite, nous devions découvrir qu’en réalité, la faiblesse de votre activité était liée à votre insuffisance d’implication dans les dossiers et que les contrats dont vous nous parliez qui étaient selon vous, en cours, étaient en réalité ceux des collaborateurs de votre équipe, que vous essayiez de vous approprier.
En réalité, ni en 2017, ni en 2018, vous ne concluiez ou n’étiez ‘sur le point de’ conclure de négociation.
Plus grave encore, pour dissimuler votre manque d’implication et de ténacité dans les recherches de contrats, vous adoptiez une attitude préjudiciable envers Mme [E] et M. [L].
Vos deux collaborateurs directs se sont donc trouvés dans une situation de souffrance au travail importante au point que l’un d’eux envisageait de quitter l’entreprise.
En réalité, il s’avérait que lorsqu’une perspective de contractualisation avec des clients approchait, vous faisiez en sorte d’écarter le collaborateur pour vous attribuer la négociation et la conclusion du contrat.
Vous détourniez ainsi la responsabilité hiérarchique qui vous était confiée pour tenter de masquer vos incuries.
Comme nous vous l’avons rappelé lors de l’entretien, il appartient à tout salarié de veiller à la santé physique et mentale des collaborateurs concernés par ses actes ou omissions et votre attitude, peu conforme à celle d’un manager, a généré une souffrance importante de votre équipe.
Les explications que vous avez apportées au cours de l’entretien nous ont permis toutefois de modifier notre appréciation des faits, puisque vous avez semblé ne pas avoir intentionnellement manqué à vos obligations managériales.
Néanmoins, même si vous n’avez pas eu conscience de générer une souffrance de votre équipe, il n’en demeure pas moins que tenter d’évincer Mme [E] dans le dossier [C], ou encore les dossiers Société Générale et Crédit Agricole, ou en profitant de l’absence d’expérience de M. [L] pour lui faire réaliser des missions qui vous incombaient, votre attitude empêche la poursuite des relations contractuelles et nous n’avons d’autre alternative que de vous notifier par la présente, votre licenciement pour motif réel et sérieux. »
A – Sur la cause du licenciement
M. [U] [H] soutient avoir été discriminé en raison de son état de santé qu’il érige en cause véritable de son éviction, en mettant en exergue la succession des évènements, depuis l’embolie pulmonaire déclarée le 20 décembre 2017 à sa convocation en vue de son licenciement le 20 février que ne précédait aucune doléance, et qui intervint après la confirmation de sa période d’essai de 7 mois et après l’extension de la garantie de sa rémunération variable. Il fait valoir le changement d’attitude de son employeur après sa maladie, notamment par retrait de cette garantie et que confirme M. [L]. Il reproche au conseil de prud’hommes d’avoir inversé la charge de la preuve.
Il résulte des dispositions de l’article L.1132-1 du code du travail qu’aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en raison de son état de santé. En application de l’article L.1134-1 du même texte, lorsque le salarié présente des éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d’apprécier si ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l’existence d’une telle discrimination et, dans l’affirmative, il incombe à l’employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Il est acquis aux débats que la période d’essai, de 4 mois renouvelable une fois pour une durée de 3 mois, fut confirmée, et que M. [U] [H] bénéficia d’un commissionnement non adossé sur ses résultats au-delà de la période conventionnelle de 6 mois suivant son embauche, jusqu’en janvier 2018 inclus.
M. [U] [H] établit avoir été en congé maladie dès le 16 décembre 2017 jusqu’au 3 janvier 2018 pour partie en raison d’une embolie pulmonaire et qu’ensuite les déplacements en avion lui furent contre-indiqués jusqu’à la fin du mois de janvier. Il produit l’attestation de M. [L], son collaborateur, du 5 février 2020 disant que l’intéressé « fut critiqué d’avoir faibli à ce moment-là, survenant avant la fin de l’année fiscale ».
Il est ensuite constant qu’il fut convoqué en vue de son licenciement le 20 février 2018, avec mise à pied conservatoire, et qu’il fut effectivement licencié le 9 mars suivant.
Il convient au vu de ces faits, pris dans leur ensemble, de présumer que la sanction dérive d’une discrimination fondée sur l’altération de sa santé.
La société Netskope UK qui plaide l’insuffisance de résultats, faute d’implication, et les erreurs de management, dénie tout lien entre la rupture du contrat de travail et l’état de santé du salarié.
L’insuffisance des résultats et le manque d’implication
Il est constant que le salarié, durant la relation de travail du 9 janvier 2017 au 9 mars 2018, ne signa aucun contrat de vente sous son nom, alors qu’en qualité de directeur régional des ventes en Europe du Sud, chargé du développement commercial de logiciels de sécurité, de la recherche de nouveaux prospects le cas échéant au moyen de réseaux partenaires, il lui était assigné un objectif nominatif en termes de chiffre d’affaires de 200.000 dollars par trimestre.
Cela étant, M. [U] [H] se prévaut d’un travail partagé avec ses collaborateurs dont ils auraient seuls tiré profit et le sales compensation plan de l’entreprise du 1er février 2017 au 31 janvier 2018 prévoit la possibilité, sous le paragraphe split, d’une répartition des revenus entre plusieurs participants impliqués dans la même vente, sous la validation expresse de la personne s’occupant des worldwide sales.
Il est constant que deux collaborateurs lui étaient affectés, M. [T] [L] et Mme [R] [E], cette dernière embauchée en octobre 2017.
Cependant la défense de M. [U] [H] d’un team quota, dont les termes, selon lui, auraient été ensuite modifiés, est contredite d’une part par la correspondance échangée avec M. [B], responsable des worldwide sales, le 21 octobre 2017, lui répondant « [T] and [R] can have numbers rolling up to you but you can’t give them a project amortissement the last moment. I am not accepting this as you did not even come to ask me about this. (traduction libre non contestée : [T] et [R] peuvent avoir leurs chiffres sous ton nom mais tu ne peux pas leur donner des projets au moment d’enregistrer la commande. Je ne l’accepte pas et tu ne me l’as même pas demandé) » puis « [T] needs to work his deals. It does not make sens that you work them and pass them over to him (traduction libre non contestée : [T] doit travailler ses propres projets. Cela n’a pas de sens que tu les travailles et le trans[fère] à [T] au moment de la commande) », d’autre part, par la demande d’explication de Mme [E] dans son mail du 4 janvier 2018, parlant de la répartition des comptes clients et de « 2 possibilités : soit [I] [[B]] t’accorde un chiffre global sur la région et dans ce cas nous travaillons conjointement sur les comptes (‘), soit tu conserves un quota sur ta tête et dans ce cas, j’ai besoin que les choses soient écrites afin d’éviter toute ambiguïté, frustration ‘ ».
Ensuite, si Mme [E], dont le témoignage ne saurait être écarté au motif supposé d’un conflit peu clair, d’ordre personnel, dont M. [U] [H] fait part sans l’établir, atteste d’un actif commun de suivis commerciaux, elle sous-tend que chacun pouvait l’approfondir et en extraire ses propres clients, ce qui fut son cas pour le dossier [C] sur lequel elle s’investit pour en réclamer ensuite l’attribution nominative. Or, la contradiction qu’apporte à ces dires M. [L] par attestation du 5 février 2020 ne saurait emporter la conviction de la cour dans la mesure où il se dédit de son précédent témoignage du 6 mars 2018 confortant celui de Mme [E] et qu’accrédita l’un de ses collègues, M. [K], sales engineer southern Europe, dans son mail du 27 septembre 2019 si bien que toute son expression ne peut être considérée et s’avère par suite dépourvue de force probante.
Qui plus est, la présentation de M. [U] [H] à la direction en septembre 2017 indique « [T] all accounts in SEUR below 3.000 users » « [R] : named accounts focus on France » « [U] : large account in Italy, named accounts in France, Channel strategy/ follow up with Arié ; marketing activities with Irina and Paul ». Ce faisant, par mail du 3 novembre 2017, il indiquait à Mme [E] la liste de dossiers nominatifs lui incombant.
Ainsi, M. [U] [H] ne justifie pas d’une organisation sous-tendue par sa propre activité, impliquant nécessairement que les succès de ses collaborateurs seraient siens, et seulement, à cet égard, était invoqué le dossier Banco Galicia, pour lequel un split était accepté par la société avec M. [L].
Cela étant, la liste des dossiers clos du 1er février 2017 au 5 mars 2018 issue du logiciel de ventes, laisse voir que M. [L] avait conclu 9 dossiers représentant un chiffre d’affaires de 190.018 dollars ne contenant pas celui de Banco Galicia, et Mme [E] un dossier : [C], représentant un chiffre d’affaires de 233.900 dollars, dont les noms ne se retrouvent pas dans les points hebdomadaires faits par le salarié, qu’il produit aux débats. Alors que M. [K] confirme que Mme [E] assuma tous les rendez-vous de ce dernier client, ces éléments ne sont pas sérieusement contredits par l’évocation du nom d'[C] en juin 2017, avant son arrivée, par l’un des intermédiaires de M. [U] [H], ou par l’attestation de M. [A], d’une société concurrente et qui le vit sur des salons, parlant de son intervention sur ce dossier à cette époque. Pas plus sa critique d’un biais du fichier de vente dépourvu de son nom effacé par son départ pour les dossiers ensuite réattribués est sans portée, puisqu’il n’allègue pas avoir finalisé lui-même de contrats dans ce laps de temps.
Pour autant, l’insuffisance de résultat ne peut constituer en soi une cause réelle et sérieuse de licenciement et il convient de rechercher si elle est imputable au salarié, c’est-à-dire au cas d’objectifs fixés au salarié, s’ils étaient réalistes et dans l’affirmative si le fait de ne pas avoir atteint ces objectifs relève d’une faute ou d’une insuffisance professionnelle, étant précisé que les moyens alloués au salarié ne sont pas querellés.
L’insuffisance professionnelle, qui se caractérise par une mauvaise qualité du travail due à une incompétence professionnelle ou une inadaptation à l’emploi, constitue un motif réel et sérieux de licenciement si elle repose sur des éléments précis, objectifs et imputables au salarié.
En l’occurrence, si M. [U] [H], pour justifier l’absence de résultat, évoque la longueur des cycles de vente, la liste du logiciel de vente laisse voir une variabilité de la durée d’instruction des dossiers allant de quelques jours à 2 ans dans de rares cas, n’induisant nullement qu’aucun contrat ne puisse être conclu en l’espace d’un an.
Au demeurant, force est de constater que ses collaborateurs, dont l’ancienneté dans le service n’était pas plus favorable, finalisèrent des ventes dans le même périmètre géographique. Pas plus, aucun élément n’étaye un meilleur marché à l’étranger, notamment au Royaume Uni ou en Allemagne, expliquant le chiffre d’affaires de ses homologues, qui, comme l’ont justement relevé les premiers juges, ressortit sur la « zone EMEA » à plus de 9 millions de dollars américains. En plus, l’employeur ne lui reproche pas une insuffisance du quota chiffré imparti, mais de n’avoir généré aucun chiffre d’affaires sur un an.
Certes, M. [U] [H] fait valoir son investissement dans son travail, au travers notamment, outre de ses notes de frais qui n’en disent rien, d’attestations de tiers en faisant l’interlocuteur privilégié de plusieurs sociétés. Cependant, certaines appréciations sont contredites par les salariés de l’employeur, nécessairement plus au fait, ainsi dans le dossier [C], comme il a été dit plus avant, ou pour le dossier Banco Galicia, finalement conclu, dont, selon M. [Z], regional sales director Latin America, l’opportunité aurait été développée par M. [L], ce que corrobore la correspondance de M. [B] acceptant le partage de la commission à son profit, en octobre 2017.
Par ailleurs, les divers messages élogieux à l’égard du salarié sur son implication, qu’il produit, de ses potentiels clients, ne peuvent emporter la conviction de la cour dans la mesure où la société Netskope UK établit, parce le client Airbus lui réadressa l’échange, que M. [U] [H] avait rédigé à l’avance la réponse que devait lui renvoyer l’interlocuteur sollicité et où ces messages favorables font abstraction de tout échange et sont postérieurs à la naissance du présent contentieux.
M. [U] [H] fait enfin valoir, pour justifier son implication, ses échanges avec ces tiers sur les produits, durant la relation de travail. Mais l’absence de tout résultat concret témoigne suffisamment de l’inadéquation de son approche commerciale au regard des directives de l’employeur, aurait-il eu une vision de plus long terme dont d’anciens collaborateurs, ailleurs, attestent, quoique dans des conditions peu circonstanciées.
Au contraire, comme l’a justement relevé le conseil de prud’hommes, les 36 opportunités ouvertes sous son nom pour la période de février 2017 à mars 2018, et qui témoignent selon la société Netskope UK des dossiers qui lui furent transférés à son arrivée, n’ont pas prospéré et apparaissent, ainsi qu’en atteste M. [X], director sales operations, en déshérence.
Par ailleurs, M. [U] [H] ne justifie pas autrement des « solides » relations qu’il aurait instaurées avec plusieurs potentiels clients dont il cite les noms : la Société générale, la compagnie Axa, le Crédit agricole ou la société Renault, mais qui ne donnèrent aucune suite commerciale, même à long terme.
Enfin, son argument d’un effet différé du travail accompli épuise celui, également évoqué, d’une confirmation de la période d’essai empêchant la société de se prévaloir de faits concomitants.
M. [U] [H] ajoute également à la loi, en plaidant le mal-fondé du licenciement faute d’avertissement préalable le rendant subit, et il était, au contraire, avisé d’emblée de la nécessité de générer un chiffre d’affaires, qui justifiait seul sa fonction.
Le management
M. [U] [H] dément les reproches qui lui sont faits, en excipant essentiellement d’un conflit personnel l’opposant à Mme [E], en faisant valoir les messages amicaux reçus de ses collaborateurs durant la relation de travail et le revirement de M. [L].
Cela étant, M. [K] atteste de la dégradation de l’ambiance et des relations dans l’équipe qui s’estompa au départ de M. [U] [H], lequel fit pression notamment pour l’attribution sous son nom de la commission du dossier [C], dont se fit l’écho auprès de ce témoin M. [L], qui s’estima avoir été « manipulé ».
M. [Z] témoigne que M. [L] avait démarché la Banco Galicia et négocié avec succès, ce qu’elle confirma au témoin, que lui-même avait conclu la vente, mais que M. [U] [H], ayant rédigé la seule proposition commerciale, lui demanda d’évincer son collaborateur à son profit du droit à la commission, et que M. [L], avisé, en fut « très contrarié ».
Par ailleurs, Mme [E] atteste qu’après son refus de céder sur la commission du dossier [C] dont M. [U] [H] lui réclamait l’abandon à son profit car, selon lui, il était en difficulté commerciale, il essaya de monter M. [L] contre elle, que « l’ambiance était devenue insupportable » et qu’elle envisagea de quitter l’entreprise, ce que corrobore, dans l’ensemble, M. [K].
Comme il a été dit, la multiplicité des positions de M. [L] ne permet pas de retenir ses témoignages.
Etant précisé que les correspondances versées aux débats par M. [U] [H], concernant d’autres emplois et d’autres personnes, ou, ceux, cordiaux, échangés avec ses collaborateurs, parfois non datés, souvent fragmentés et hors de tout contexte, sont inopérants à démontrer le contraire, il est suffisamment établi au travers des éléments susdits que le salarié s’est montré déloyal envers ses collaborateurs et, comme l’a justement relevé le conseil de prud’hommes, a généré, par son attitude générale, un état d’inquiétude et de souffrance chez ses collaborateurs.
La cause du licenciement
Il se déduit de ce qui précède que le licenciement est fondé des motifs exposés dans la lettre, d’une insuffisance professionnelle de M. [U] [H] évinçant tout résultat, et d’une déloyauté envers ses deux collaborateurs, faussant l’ambiance du service.
De ce seul fait, la société Netskope UK rapporte suffisamment la preuve d’une cause étrangère à toute discrimination du salarié en raison de son état de santé, dont le licenciement serait, selon l’appelant, la manifestation.
En conséquence, il convient de rejeter les prétentions de M. [U] [H] tendant à juger de la nullité sinon du mal-fondé de son licenciement par confirmation du jugement dans son expression conforme.
B ‘ Sur l’indemnisation du licenciement
Sur le restant dû
M. [U] [H] fait valoir l’inclusion au salaire moyen de ses commissions, pour le calcul de l’indemnité compensatrice de préavis et de l’indemnité conventionnelle de licenciement, de sorte que sa rémunération parviendrait à la somme mensuelle moyenne de 19.423,96 euros calculée sur la base des 12 derniers mois complets, de février 2017 à janvier 2018.
Sur l’indemnité compensatrice de préavis, la société Netskope UK objecte l’impossible comptabilisation de la prime de transport, et des commissions garanties la première année, et qui n’étaient plus dues.
L’article L.1234-5 du code du travail dit que « lorsque le salarié n’exécute pas le préavis, il a droit, sauf s’il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice.
L’inexécution du préavis, notamment en cas de dispense par l’employeur, n’entraîne aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s’il avait accompli son travail jusqu’à l’expiration du préavis, indemnité de congés payés comprise. »
Cela étant, M. [U] [H] ne justifie pas de son droit durant les 3 mois du préavis commencé en mars 2018, plus d’un an après la conclusion du contrat de travail, à la commission conventionnelle exigible les 6 premiers mois de son embauche aux termes de l’article 4 du contrat de travail et ensuite adossée à ses résultats s’ils sont atteints, dans la mesure où elle ne fut, sous ce second aspect, jamais payée.
Par ailleurs, si les parties disputent l’inclusion à l’indemnité compensatrice de préavis de l’« indemnité véhicule de 1.000 euros bruts par mois » prévue à l’article 6 du contrat de travail, il convient d’observer que l’indemnité payée, de 16.653,13 euros le mois, dépasse la moyenne mensuelle de ses salaires, 11.250 euros, et du bonus, 416 euros prorata temporis, de sorte que ce débat est sans objet.
Le jugement sera confirmé et les demandes de M. [U] [H] d’un complément d’indemnité compensatrice de préavis rejetées.
Sur l’indemnité conventionnelle de licenciement, la société Netskope UK acquiesce au jugement qui l’a condamnée à verser à son adversaire la somme supplémentaire de 665,92 euros, en faisant valoir, par ailleurs, les termes de l’article R.1234-2 du code du travail.
Comme le conseil de prud’hommes l’a relevé à bon droit, l’article 19 de la convention collective Syntex du 15 décembre 1987, étendue, ne prévoit d’indemnité pour les ingénieurs, cadres qu’au cas d’une ancienneté de plus de 2 ans, si bien que M. [U] [H] ne saurait pas en réclamer l’application, la relation de travail s’étant étendue du 9 janvier 2017 au 14 juin 2018.
L’article R.1234-2 du code du travail dispose que l’indemnité de licenciement ne peut être inférieure à un quart de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années jusqu’à dix ans, l’article R.1234-4 précisant que « le salaire à prendre en considération pour le calcul de l’indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié :
1° Soit la moyenne mensuelle des douze derniers mois précédant le licenciement, ou lorsque la durée de service du salarié est inférieure à douze mois, la moyenne mensuelle de la rémunération de l’ensemble des mois précédant le licenciement ;
2° Soit le tiers des trois derniers mois. Dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, versée au salarié pendant cette période, n’est prise en compte que dans la limite d’un montant calculé à due proportion. »
Si M. [U] [H] querelle le choix de l’employeur de calculer la moyenne des 12 derniers mois de mars 2017 à février 2018, il n’en demeure pas moins, comme l’a constaté le conseil de prud’hommes, que ces douze mois, au reste complets, précèdent le licenciement intervenu le 9 mars 2018, en sorte que le moyen est sans portée.
Dès lors, il convient de confirmer le jugement, non querellé pour le surplus, en ce qu’il a alloué à M. [U] [H] un complément de 665,92 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement.
Sur les conditions vexatoires du licenciement
M. [U] [H] fait valoir sa mise à pied conservatoire que n’étaye aucun motif disciplinaire et la dispense de son préavis, qui l’empêcha de revenir jamais dans l’entreprise, dans le contexte de son affaiblissement dû à son état de santé. Ce à quoi la société Netskope UK lui oppose la souffrance de ses collaborateurs et son appréciation finalement modérée des faits, témoignant de son respect.
Cependant, c’est à bon droit que le conseil de prud’hommes a retenu l’incidence du comportement du salarié sur son équipe de nature à justifier la mise à pied conservatoire dont il fut finalement indemnisé, étant ajouté que l’employeur est tenu d’une obligation de protéger la santé de ses collaborateurs, et n’a vu de lien avec son état de santé, qui ne l’empêcha en février de partir en vacances en Amérique. Il ne saurait non plus être imputé à faute à l’employeur de l’avoir dispensé de son préavis.
En conséquence de quoi, le jugement doit être confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de dommages-intérêts formée par M. [U] [H] de ce chef, en application de l’article 1231-6 du code civil.
III ‘ Sur les autres demandes
Sur l’indemnisation d’un jour de congés payés
M. [U] [H] fait valoir, au visa de l’article L.3141-28 du code du travail, l’acquisition sur la période de travail de 36,50 jours de congés payés, dont seulement 35,5 lui furent réglés, sur son bulletin de paie de juin 2018, ce à quoi la société Netskope UK lui oppose l’article 23 de la convention collective, prévoyant 25 jours ouvrés pour les salariés ayant au moins un an de présence continue dans l’entreprise.
L’article L.3141-28 du code du travail dit que « lorsque le contrat de travail est rompu avant que le salarié ait pu bénéficier de la totalité du congé auquel il avait droit, il reçoit, pour la fraction de congé dont il n’a pas bénéficié, une indemnité compensatrice de congé déterminée d’après les articles L.3141-24 à L.3141-27. »
L’article 23 de la convention collective applicable dit que « Tout salarié’ [ingénieur cadre] ayant au moins 1 an de présence continue dans l’entreprise à la fin de la période ouvrant droit aux congés payés aura droit à 25 jours ouvrés de congés (correspondant à 30 jours ouvrables) »
Cela étant, M. [U] [H] ne démontre pas avoir droit à un jour supplémentaire en prétendant avoir un droit ouvert, en tout, de 36,5 jours quand il prit déjà des congés, comme l’observèrent les premiers juges, et son moyen manque en fait.
Sur le dédommagement du retard de paiement des notes de frais
M. [U] [H] exprime avoir fait l’avance de 15.000 euros de frais, dont le montant lui fut, de mauvaise foi, disputé, et qui lui furent tardivement remboursés, le 24 septembre 2018, ce à quoi la société Netskope UK, relevant leur caractère somptuaire, oppose le défaut d’un dommage.
L’article 1231-6 du code civil dit que le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages-intérêts distincts de l’intérêt moratoire.
L’appelant n’alléguant aucun dommage distinct du retard de paiement, il ne saurait prétendre à l’allocation d’intérêts compensatoires, et le jugement doit être confirmé dans son appréciation conforme.
Sur les frais de justice
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de la société Netskope UK formée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
En cause d’appel, chaque partie conservera la charge de ses dépens et frais, n’y ayant lieu pour le surplus à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté la demande de M. [U] [H] en paiement d’heures supplémentaires ;
Condamne la société Netskope UK limited à payer 20.000 euros bruts à M. [U] [H] au titre des heures supplémentaires effectuées en 2017, et 2.000 euros bruts pour les congés payés afférents, augmentés des intérêts au taux légal dès la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation ;
Le confirme pour le surplus ;
Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Laisse à chaque partie la charges de ses propres dépens.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président, et par Madame Alicia LACROIX, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,