COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
11e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 15 SEPTEMBRE 2022
N° RG 21/01611 – N° Portalis DBV3-V-B7F-URCP
AFFAIRE :
[L] [C]
C/
S.A.S.U. BUREAU D’ETUDES ET DE CONSEILS EN SECURITE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 22 Avril 2021 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT
N° Section : E
N° RG : F18/01443
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Grégoire BRAVAIS de la SCP D.D.A Avocats
Me Karen AZRAN de la SCP A & A
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE QUINZE SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Madame [L] [C]
née le 29 Mars 1968 à [Localité 6]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Grégoire BRAVAIS de la SCP D.D.A Avocats, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P43
APPELANTE
****************
S.A.S.U. BUREAU D’ETUDES ET DE CONSEILS EN SECURITE
N° SIRET : 403 539 729
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me Karen AZRAN de la SCP A & A, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0067
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 03 Juin 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Bérangère MEURANT, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Hélène PRUDHOMME, Président,
Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,
Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,
Greffier lors des débats : Madame Sophie RIVIERE,
Le 2 janvier 2001, Mme [L] [C] était embauchée par la société SMA Développement, contrat repris par la SASU BECS, Bureau d’études et de conseils en sécurité, en qualité d’assistante administrative et commerciale, par contrat à durée indéterminée.
A compter de 2011, Mme [C] était élue en qualité de déléguée du personnel.
Le contrat de travail était régi par la convention collective nationale Syntec.
Le 26 novembre 2018, Mme [C] saisissait une première fois le conseil des prud’hommes de Boulogne-Billancourt d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, en invoquant des faits de harcèlement moral.
Le 15 mars 2019, l’inspection du travail rejetait la demande de l’employeur tendant à obtenir l’autorisation de licencier Mme [C].
Le 14 février 2019, le médecin du travail déclarait Mme [C] inapte à son poste en précisant que « tout maintien dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ».
Le 26 mars 2019 la SASU BECS convoquait la salariée à un entretien préalable en vue de son licenciement. L’entretien se déroulait le 5 avril 2019.
Le 16 mai 2019, l’employeur notifiait à Mme [C] son licenciement pour inaptitude professionnelle, après autorisation du CSE le 5 avril 2019 et de l’inspection du travail le 3 mai 2019.
Le 17 juillet 2019, Mme [C] saisissait à nouveau le conseil des prud’hommes de Boulogne-Billancourt, considérant que le harcèlement moral était à l’origine de son inaptitude.
Vu le jugement du 22 avril 2021 rendu en formation paritaire par le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt qui a’:
– Ordonné la jonction des procédures enregistrées devant le conseil de prud’hommes de Bou1ogne-Billancourt sous le numéro RG F18/01443 et F19/00963 ;
– S’est déclaré incompétent pour statuer après autorisation de licenciement devenu définitive sur une résiliation judiciaire,
– Dit que le licenciement de Mme [C] pour inaptitude notifié le 16 mai 2019 est valide et que la société BECS n’a pas violé le statut protecteur de Mme [C] ;
– Dit que la société BECS n’a pas modifié de façon unilatérale le contrat de travail en la déclassant et en retirant les fonctions managériales de Mme [C] et qu’il n’y a pas lieu de requalifier la rupture du contrat de travail en licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse ;
– Dit que Mme [C] n’a pas fait l’objet de harcèlement moral, que la société BECS n’a pas manqué à son obligation de sécurité de résultat et que l’inaptitude de Mme [C] n’est pas liée à ses conditions de travail ;
– Dit que la convention de forfait en jours n’est pas applicable à Mme [C], qu’une partie des demandes de Mme [C] sont prescrites et que les éléments apportés par Mme [C] ne sont pas suffisamment détaillés pour étayer sa demande ;
– Dit que la société BECS n’a pas manqué à son obligation d’exécution de bonne foi du contrat de travail et qu’elle a payé les salaires et les indemnités de prévoyance ;
– Dit qu’il n’y a pas lieu de donner droit à une reclassification de Mme [C] ;
– Dit que la société BECS a procédé au paiement des primes de vacances et que la société BECS n’est pas’assujettie aux règles d’attribution de jours de fractionnement ;
En conséquence,
– Débouté Mme [C] de toutes ses demandes ;
– Reçu la société BECS dans sa demande d’application de l’article 700 du code de procédure civile et l’en a débouté ;
– Mis les dépens à la charge de Mme [C].
Vu l’appel régulièrement interjeté par Mme [C] le 28 mai 2021
Vu les conclusions de l’appelante, Mme [L] [C], notifiées le 28 juillet 2021 et soutenues à l’audience par son avocat auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, et par lesquelles il est demandé à la cour d’appel de :
– Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en ce qu’il a ordonné la jonction des procédures enregistrées devant le Conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt sous les numéros de RG F18/01443 & F19/00963 ;
– Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en ce qu’il a dit que la convention de forfait en jours invoquée par la société BECS n’est pas applicable à Mme [C] ;
– Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en ce qu’il a débouté la société BECS de ses demandes ;
– Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en ce qu’il s’est déclaré incompétent pour statuer après autorisation de licenciement devenu définitive sur une résiliation-judiciaire ;
– Infirmer le jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en ce qu’il a dit que le licenciement de Mme [C] pour inaptitude notifié le 16 mai 2019 est valide et que la société BECS n’a pas violé le statut protecteur de Mme [C] ;
– Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en ce qu’il a dit que la société BECS n’a pas modifié de façon unilatérale le contrat de travail en la déclassant et en retirant les fonctions managériales de Mme [C] et qu’il n’y a pas lieu de requalifier la rupture du contrat de travail en licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse ;
– Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en ce qu’il a dit que Mme [C] n’a pas fait l’objet de harcèlement moral, que la société BECS n’a pas manqué à son obligation de sécurité de résultat et que l’inaptitude de Mme [C] n’est pas liée à ses conditions de travail ;
– Infirmer le jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en ce qu’il a dit qu’une partie des demandes de Mme [C] au titre des heures supplémentaires sont prescrites et que les éléments apportés par Mme [C] ne sont pas suffisamment détaillés pour étayer sa demande de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires ;
– Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en ce qu’il a dit que la société BECS n’a pas manqué à son obligation d’exécution de bonne foi du contrat de travail et qu’elle a payé les salaires et les indemnités de prévoyance ;
– Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en ce qu’il a dit qu’il n’y a pas lieu de donner droit à une reclassification de Mme [C] ;
– Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en ce qu’il a dit que la société BECS a procédé au paiement des primes de vacances et que la société BECS n’est pas assujettie aux règles d’attribution de jours de fractionnement ;
En conséquence :
– Dire et juger que la société BECS a modifié de façon unilatérale son contrat de travail en la déclassant et en lui retirant ses fonctions managériales ;
– Dire et juger que la société BECS s’est livrée à des agissements de harcèlement moral, ou à tout le moins qu’elle a manqué à son obligation de sécurité de résultat ;
– Dire et juger que le dispositif de décompte de la durée du travail selon les modalités dites « du forfait en jours » est nul et de nul effet ;
– Dire et juger que la société BECS a manqué à son obligation d’exécution de bonne foi du contrat de travail ;
– Dire et juger que les différents agissements de la société BECS sont à l’origine de l’avis d’inaptitude ayant abouti au licenciement qui lui a été notifié par lettre datée du 16 mai 2019 ;
A titre principal :
– Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de la société BECS
– Dire et juger que la rupture du contrat de travail doit s’analyser en un licenciement nul ou par défaut sans cause réelle et sérieuse ;
A titre subsidiaire :
– Dire et juger que le licenciement notifié le 16 mai 2019 est nul et de nul effet ou par défaut sans cause réelle et sérieuse ;
En tout état de cause :
– Condamner la société BECS à lui verser les sommes suivantes :
– 11’400 euros bruts en deniers ou quittance à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;
– 1’140 euros bruts en deniers ou quittance au titre des congés payés y afférents ;
– 114’000 euros au titre de l’indemnité pour violation du statut protecteur fixée par l’article L.1235-3-1 du code du travail ;
– 68’000 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul, ou à défaut sans cause réelle et sérieuse ;
– 15’000 euros à titre de dommages-intérêts spécifiques pour exécution déloyale du contrat de travail ayant eu des répercussions sur l’état de santé de la salariée ;
– 1’309,36 euros bruts à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires effectuées au cours de l’année 2015 ;
– 130,93 euros bruts à titre de rappel congés payés afférents aux rappels de salaire pour les heures supplémentaires effectuées au cours de l’année 2015 ;
– 9’884,54 euros bruts à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires effectuées au cours de l’année 2016 ;
– 988,45 euros bruts à titre de rappel congés payés afférents aux rappels de salaire pour les heures supplémentaires effectuées au cours de l’année 2016 ;
– 15’321,08 euros bruts à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires effectuées au cours de l’année 2017 ;
– 1’532,10 euros bruts à titre de rappel congés payés afférents aux rappels de salaire pour les heures supplémentaires effectuées au cours de l’année 2017 ;
– 7’431,77 euros bruts à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires effectuées au cours de l’année 2018 ;
– 743,17 euros bruts à titre de rappel congés payés afférents aux rappels de salaire pour les heures supplémentaires effectuées au cours de l’année 2018 ;
– A titre principal 79’934,25 euros bruts à titre de rappel de salaires lié au rattrapage de coefficient 270 niveau 3.3. pour la période comprise entre novembre 2015 et mai 2019, et à titre subsidiaire à la somme de 24’837,75 euros bruts à titre de rappel de salaires lié au rattrapage de coefficient 210 niveau 3.2. pour la période comprise entre novembre 2015 et mai 2019 ;
– A titre principal 7’993,42 euros bruts au titre des congés payés y afférents, ou à titre subsidiaire à la somme de 2’483,77 euros bruts au titre des congés payés y afférents ;
– Pour mémoire, rappel de salaire au titre des retenues pratiquées depuis le mois d’octobre 2018 ;
– Pour mémoire, au titre des congés payés sur rappel de salaire au titre des retenues pratiquées depuis le mois d’octobre 2018 ;
– 1’037 euros bruts à titre de rappel de salaires liés aux congés de fractionnement (article 23 de la convention collective Syntec) ;
– 5’000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
– Assortir ces condamnations des intérêts au taux légal à compter de la date de convocation de l’employeur devant le Bureau d’orientation et de conciliation ;
– Ordonner la capitalisation des intérêts ;
– Condamner la société BECS à lui remettre des documents de fin de contrat faisant état d’une date d’embauche au 2 janvier 2001 ;
– Condamner la société BECS aux entiers débours et dépens.
Vu les écritures de l’intimée, la SASU BECS, Bureau d’études et de conseils en sécurité, notifiées le 27 octobre 2021 et développées à l’audience par son avocat auxquelles il est aussi renvoyé pour plus ample exposé, et par lesquelles il est demandé à la cour d’appel de’:
– Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en ce qu’il a :
– Ordonné la jonction des procédures enregistrées devant le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt sous le numéro RG F18/01443 et F19/00963 ;
– S’est déclaré incompétent pour statuer après autorisation de licenciement devenue définitive sur une résiliation judiciaire et a débouté Mme [C] de toutes ses demandes y afférentes ;
– Dit que le licenciement de Mme [C] pour inaptitude notifié le 16 mai 2019 est valide et que la société BECS n’a pas violé le statut protecteur de Mme [C] ;
– Dit que la société BECS n’a pas modifié de façon unilatérale le contrat de travail en la déclassant et en retirant les fonctions managériales de Mme [C] et qu’il n’a pas lieu de requalifier la rupture du contrat de travail en licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse ;
– Dit que Mme [C] n’a pas fait l’objet de harcèlement moral, que la société BECS n’a pas manqué à son obligation de sécurité de résultat et que l’inaptitude de Mme [C] n’est pas liée à ses conditions de travail ;
– Dit que les demandes relatives aux heures supplémentaires sont prescrites pour parties et que les éléments apportés par Mme [C] ne sont pas suffisamment détaillés pour étayer sa demande ;
– Dit que la société BECS n’a pas manqué à son obligation d’exécution de bonne foi du contrat de travail et qu’elle a payé les salaires et les indemnités de prévoyance ;
– Dit qu’il n’y a pas lieu de donner droit à une reclassification de Mme [C] ;
– Dit que la société BECS a procédé au paiement des primes de vacances et que la société BECS n’est pas assujettie aux règles d’attribution de jours de fractionnement ;
– Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en ce qu’il a débouté Mme [C] de toutes ses demandes et mis les dépens à la charge de Mme [C] ;
Y ajoutant :
– Constater que Mme [C] a renoncé à sa demande de condamnation de la société BECS à lui régler un rappel de prime de vacances ;
– Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en ce qu’il a débouté la société BECS de sa demande de voir condamner Mme [C] au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau sur ce chef,
– Condamner Mme [C] à régler à la société BECS la somme de 4’000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
– Condamner Mme [C] aux entiers dépens.
Vu l’ordonnance de clôture du 11 avril 2022.
SUR CE,
Sur l’exécution du contrat de travail’:
Sur la classification
Mme [C] reproche à l’employeur l’application d’un coefficient insuffisant, considérant qu’elle aurait dû être classée au moins à la position 3.3, coefficient 270 ou subsidiairement, 3.2, coefficient 210.
Elle réclame un rappel de salaire de 79 934,25 euros outre les congés payés afférents et subsidiairement, 24 837,75 euros outre les congés payés afférents.
Comme le rappelle l’employeur, lorsque le salarié revendique une autre classification que celle indiquée dans le contrat de travail, il lui appartient de rapporter la preuve qu’il assume les fonctions correspondant à la classification invoquée.
Il ressort des bulletins de paie de Mme [C] qu’elle relevait de la classification 2.1, coefficient 115 de la convention collective Syntec qui suppose des « qualités intellectuelles et humaines permettant de se mettre rapidement au courant des travaux d’études » et une « coordination éventuelle des travaux de techniciens, agents de maîtrise, dessinateurs ou employés, travaillant aux mêmes tâches qu’eux ».
Les classifications revendiquées sont définies comme suit par la convention collective’:
– position 3.3, coefficient 270′: « L’occupation de ce poste, qui entraîne de très larges initiatives et responsabilités et la nécessité d’une coordination entre plusieurs services, exige une grande valeur technique ou administrative »’;
– position 3.2, coefficient 210 : « Ingénieurs ou cadres ayant à prendre, dans l’accomplissement de leurs fonctions, les initiatives et les responsabilités qui en découlent, en suscitant, orientant et contrôlant le travail de leurs subordonnés. Cette position implique un commandement sur des collaborateurs et cadres de toute nature ».
Or, l’attestation de M. [K] est insuffisamment précise pour démontrer que Mme [C] exerçait des fonctions entraînant de très larges initiatives et responsabilités, ainsi que la nécessité d’une coordination entre plusieurs services et exigeant une grande valeur technique ou administrative. Cette pièce ne permet pas davantage d’établir qu’elle avait à prendre, dans l’accomplissement de ses fonctions, les initiatives et les responsabilités qui en découlent, en suscitant, orientant et contrôlant le travail de ses subordonnés.
Le fait que Mme [C] ait pu être considéré comme le «’bras droit’» de M. [E], auquel elle rapportait, ne permet de tirer aucune conclusion quant aux conditions d’exercice de ses fonctions dans ses rapports avec le dirigeant de l’entreprise et l’ensemble des collaborateurs.
Si l’employeur a reconnu à plusieurs reprises devant le comité d’entreprise, puis devant le comité social et économique, qu’il devait établir des fiches de postes et actualiser les coefficients attribués aux salariés, puisqu’ils ne correspondaient plus à la réalité, cette circonstance ne permet pas davantage de rapporter la preuve incombant à Mme [C], dès lors que sa situation personnelle n’est pas évoquée.
Dans ces conditions, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu’il a débouté la salariée de sa demande de rappel de salaire au titre de sa classification.
Sur les heures supplémentaires
Mme [C] expose que son contrat de travail ne comporte aucune stipulation relative à une convention de forfait en jours et que l’employeur n’a procédé à aucun suivi régulier de la charge de travail. Elle réclame un rappel de salaire de 33 946,76 euros.
Il ressort du contrat de travail de Mme [C] du 2 janvier 2001 qu’aucune convention de forfait en jours n’a été mentionnée et les horaires de la salariée sont explicitement détaillés’: du lundi au jeudi de 8h30 à 12h30, puis de 13h30 à 17h30 et le vendredi de 8h30 à 12h30 et de 13h30 à 16h30, soit 169 heures par mois.
Si les bulletins de paie de Mme [C] font référence à un forfait de 218 jours par an, cette seule mention ne saurait pallier l’absence de convention écrite exigée par l’article L.3121-55 du code du travail.
Aucune convention de forfait en jours n’est donc opposable à Mme [C].
Selon l’article L 3171-4 du code du travail, « En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable ».
Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
Au soutien de sa demande, Mme [C] communique en pièce n°106 un tableau détaillant par semaine et par jour le volume d’heures supplémentaires revendiquées.
La salariée produit ainsi à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’elle prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur d’y répondre utilement.
Toutefois, il n’apparaît pas que le journal de connexions dont se prévaut Mme [C] corresponde à une extraction de son ordinateur professionnel. La pièce ne comporte aucune référence permettant de la rattacher à Mme [C]. En outre, comme le relève l’employeur, les connexions à distance ne suffisent pas à établir l’accomplissement d’un travail effectif sollicité par l’employeur ou induit par la charge de travail, alors que Mme [C] ne produit aucun email corroborant ce journal de connexion.
De sorte, la cour dispose des éléments suffisants pour évaluer le rappel de salaire dû à Mme [C] au titre des heures supplémentaires à la somme de 1 523 euros, outre les congés payés, soit 152,30 euros. Le jugement sera infirmé sur ce point.
Sur l’indemnité de fractionnement sur congés payés
Mme [C] rappelle que l’article 23 de la convention collective Syntec stipule que lorsqu’une partie des congés (à l’exclusion de la cinquième semaine) a été prise en dehors de la période du 1er mai au 31 octobre, le salarié se voit attribuer :
– 2 jours ouvrés de congés supplémentaires lorsque le nombre de jours ouvrés de congé pris en dehors de cette période est au moins égal à 5 ;
– 1 jour ouvré de congé supplémentaire lorsque le nombre de jours ouvrés de congé pris en dehors de cette période est égal à 3 ou 4.
Elle soutient avoir pris plus de 5 jours de congés en dehors de la période comprise entre le 1er mai et le 31 octobre et en conclut qu’elle pouvait donc bénéficier de 2 jours de congés supplémentaires par an au titre du fractionnement. Elle sollicite donc une indemnité de 1 037 euros à ce titre.
L’article 23 de la convention collective qui stipule :
« Tout salarié Etam et I.C. ayant au moins 1 an de présence continue dans l’entreprise à la fin de la période ouvrant droit aux congés payés aura droit à 25 jours ouvrés de congés (correspondant à 30 jours ouvrables). Il est en outre accordé en fonction de l’ancienneté acquise à la date d’ouverture des droits :
– après une période de 5 années d’ancienneté : 1 jour ouvré supplémentaire ;
– après une période de 10 années d’ancienneté : 2 jours ouvrés supplémentaires ;
– après une période de 15 années d’ancienneté : 3 jours ouvrés supplémentaires ;
– après une période de 20 années d’ancienneté : 4 jours ouvrés supplémentaires,
indépendamment de l’application des dispositions relatives aux congés pour événements familiaux.
Cette durée est formulée en jours ouvrés (lundis, mardis, mercredis, jeudis et vendredis non fériés et non chômés).
Il est précisé que lorsque l’employeur exige qu’une partie des congés à l’exclusion de la cinquième semaine soit prise en dehors de la période du 1er mai au 31 octobre, il sera attribué :
– 2 jours ouvrés de congés supplémentaires lorsque le nombre de jours ouvrés de congé pris en dehors de cette période est au moins égal à 5 ;
– 1 jour ouvré de congé supplémentaire lorsque le nombre de jours ouvrés de congé pris en dehors de cette période est égal à 3 ou 4. »
Toutefois, la cour constate que Mme [C] affirme avoir pris plus de 5 jours de congés en dehors de la période comprise entre le 1er mai et le 31 octobre au cours des 3 années précédant le licenciement sans fournir la moindre précision quant aux dates des congés pris et sans démontrer que l’employeur a exigé que ces jours de congés soient pris en dehors de la période du 1er mai au 31 octobre, comme l’impose l’article 23 de la convention collective pour ouvrir droit aux congés de fractionnement.
En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a débouté Mme [C] de sa demande à ce titre.
Sur le rappel de salaire pour les périodes postérieures au mois d’octobre 2018
Mme [C] fait valoir que la SASU BECS a pratiqué des retenues injustifiées sur les salaires servis à compter du mois d’octobre 2018 et qu’elle se réserve la possibilité de solliciter un rappel de rémunération de ce chef.
La cour constate qu’elle n’est saisie d’aucune demande de condamnation chiffrée de la part de la salariée.
Sur la rupture du contrat de travail’:
La SASU BECS fait valoir que la demande de résiliation judiciaire est irrecevable, dès lors qu’une autorisation de licenciement a été accordée postérieurement par l’inspecteur du travail, en vertu du principe de séparation des pouvoirs.
Mme [C] conteste l’irrecevabilité de sa demande de résiliation judiciaire et ajoute qu’en tout état de cause, la juridiction prud’homale demeure compétente pour examiner tous les manquements de l’employeur qui ont conduit au prononcé de son inaptitude médicale.
Lorsqu’un licenciement a été notifié à la suite d’une autorisation administrative accordée à l’employeur, le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de séparation des pouvoirs, se prononcer sur une demande de résiliation judiciaire formée par le salarié même si sa saisine était antérieure à la rupture. Néanmoins, l’autorisation de licenciement d’un salarié protégé, donnée par l’inspecteur du travail et motivée par l’inaptitude, ne fait pas obstacle à ce que le salarié fasse valoir devant les juridictions judiciaires tous les droits résultant de l’origine de l’inaptitude lorsqu’il l’attribue à un manquement de l’employeur à ses obligations.
Mme [C] se prévaut des manquements suivants de l’employeur :
– A compter du décès de M. [E] le 30 octobre 2017, les nouveaux dirigeants de la SASU BECS lui ont retiré une part importante de ses responsabilités, en la cantonnant à des tâches de moindre valeur.
La salariée explique qu’au début du mois de novembre 2017, alors que l’ancien gérant M. [E] lui avait confié les fonctions de responsable administrative et financière en charge d’une équipe de quatre personnes, l’employeur lui a retiré la tâche de réception et de traitement du courrier reçu au siège de l’entreprise à Boulogne et a confié cette tâche à M. [I], responsable des ressources humaines.
Contrairement à ce que soutient la salariée, l’organigramme communiqué en pièce n°8 ne permet pas de démontrer qu’elle occupait en outre les fonctions de responsable administrative et financière ou qu’elle était responsable d’une équipe de 4 collaborateurs, puisqu’elle est désignée chef du service administration des ventes et logistiques et qu’elle a deux assistants, M. [X] et Mme [A]. En outre, les tâches attribuées par M. [X] à Mme [C], aux termes de son attestation, ne caractérisent pas les missions d’un responsable administratif et financier, s’agissant essentiellement de contrôler et suivre les contrats et d’assurer le suivi comptable.
Mme [C] établit par sa pièce n°76 d’une seule invitation au Codir le 9 novembre 2016. En revanche, rien n’établit qu’elle n’y a plus été conviée.
De son côté, M. [X] confirme le retrait par l’employeur de la tâche d’ouverture du courrier. Cependant, au regard de l’aspect peu significatif de cette tâche, son retrait ne peut caractériser un manquement de l’employeur.
– Les services production/facturation/logistique dont elle était en charge ont été divisés, cette nouvelle organisation s’étant traduite par des tensions au sein de l’équipe et un retrait d’une part significative de ses fonctions managériales et de ses responsabilités.
Au soutien de ses dires, Mme [C] se prévaut de l’attestation de M. [X] qui indique que la nouvelle direction a divisé son équipe en séparant la production de la facturation et la logistique. Cependant, M. [X] ne fournit pas de précision concernant la manière dont les membres de l’équipe de Mme [C] auraient été séparés, alors qu’il ressort du courrier de la SASU BECS du 28 septembre 2018 que la réorganisation s’est limitée à permettre aux collaborateurs d’être mieux répartis dans le bureau’: «’Nous n’avons pas «’éclaté’» les services production et facturation mais avons jugé plus logique que nos collaborateurs puissent prendre leur aise. En effet, Mme [C] avait concentré toute son équipe autour d’elle sur 10 m² dans un bureau d’une superficie totale de 30 m². Il nous a semblé plus logique de répartir les équipes de manière plus harmonieuse dans l’espace disponible »». La cour constate que Mme [C] n’a pas contesté les termes de ce courrier. Par ailleurs, l’échange de courriels du 4 octobre 2017 communiqué en pièce n°45 par la salariée ne permet pas de caractériser les «’incompréhensions sur les lignes hiérarchiques’» générées par la réorganisation, Mme [O] se limitant à demander à M. [H], nouveau dirigeant, si elle peut transmettre les états navette du mois de septembre et le tableau de bord aux personnes conviées à une réunion sur le plan de charge.
S’agissant des tensions invoquées, si M. [X] les confirme (« » Cette nouvelle organisation imposée par la nouvelle direction ainsi que les décisions prises pour éclater le service de [L] [C] ont eu un impact désastreux sur l’ambiance du service »»), l’employeur communique les attestations de M. [I] et Mmes [O], [B] et [M] qui, de manière concordante et circonstanciée, expliquent que c’est Mme [C] qui est à l’origine de la mauvaise ambiance du service, dès lors qu’à partir de l’annonce de l’embauche d’un responsable administratif et financier, elle s’est enfermée dans un mutisme, n’adressant plus la parole à ses collègues. Cette situation est également confirmée par le rapport d’enquête diligentée par l’inspection du travail le 15 mars 2019′: «’le mutisme de Mme [C] à l’égard de ses subordonnés ainsi que le désintérêt dont elle a fait preuve vis-à-vis du fonctionnement de l’équipe dont elle a la charge sont constitutifs d’une faute professionnelle’». Le manquement reproché par elle n’est par conséquent pas établi.
– L’employeur l’a soumise à une surcharge de travail afin de pallier l’absence de deux assistantes régionales, situation qu’elle a dénoncée en vain.
Au soutien de ce manquement, Mme [C] communique un unique courriel du 12 janvier 2018, dont M. [H] est en copie, dans lequel elle se plaint auprès d’un autre collaborateur de l’entreprise d’une surcharge de travail générée par le traitement de la facturation des agences de [Localité 8] et de [Localité 5].
Cependant, il ne ressort pas de ce message que la salariée assumait seule le remplacement de ses deux collègues, alors que le courriel de M. [H] du 16 décembre 2017 établit que la charge de travail a été répartie entre différents collaborateurs, notamment Mme [O], Mme [M] et Mme [B], ce point étant confirmé par Mme [O] aux termes de son attestation et par le courrier de la SASU BECS du 28 septembre 2018. En outre, le courriel de Mme [C] à Mme [D] du 19 juillet 2018 établit que le remplacement a pris fin en février 2018, de sorte que le renfort demandé a été de courte durée.
Si Mme [C] soutient que l’employeur a entendu faire savoir à tous qu’elle était désormais positionnée sur des tâches de moindre valeur que celles qui lui étaient habituellement confiées, la cour relève que la facturation relevait de ses missions. Par ailleurs, l’affirmation suivant laquelle le remplacement des deux assistantes absentes a compliqué le suivi des dossiers dont elle avait la charge n’est pas corroborée par le courrier de réclamation adressé par M. [K] à l’employeur concernant son contrat de travail puisqu’il se contente d’évoquer un déplacement de M. [H], accompagné de Mme [C], sur un chantier, ni par les deux notes de frais de taxi des 19 décembre 2017 et 25 janvier 2018 adressées sur la messagerie personnelle de la salariée, ne permettant ainsi de faire aucun lien avec son activité professionnelle. Enfin, l’échange de SMS strictement personnels concernant essentiellement la maladie de M. [E] entre Mme [E] et Mme [C] retranscrit dans le procès-verbal de constat d’huissier du 20 novembre 2018, au cours de la période courant du mois de juillet 2017 au mois de février 2018, ne révèle aucune alerte de M. [H] sur «’les conséquences de cette surcharge de travail, en s’alarmant du retard conséquent pris sur le travail courant et sur les clôtures comptables mensuelles qui ne pouvaient plus être réalisées dans les délais’».
Le manquement n’est par conséquent pas établi.
– A compter du décès de M. [E] le 30 octobre 2017, les nouveaux dirigeants de la SASU BECS lui ont retiré l’intégralité de ses fonctions managériales.
Mme [C] explique avoir perdu toute fonction managériale à l’égard des quatre collaborateurs qui composaient son équipe le 20 avril 2018. Elle considère que cet agissement de l’employeur caractérise une modification unilatérale de son contrat de travail.
Au soutien de ses dires, Mme [C] se prévaut d’un organigramme communiqué en pièce n°8. Cependant, il en ressort que Mme [C] n’était responsable que de deux collaborateurs, M. [X] et Mme [A]. S’agissant de l’organigramme communiqué par la salariée en pièce n°18, la cour constate qu’il ne reflète manifestement pas l’organisation générale et habituelle de l’entreprise puisqu’il a été établi pour un chantier précis, à savoir «’la modernisation de la ligne 330’000 [Localité 9]-[Localité 7]’». Par ailleurs, pour les motifs précités, il n’est pas établi que le service de la salariée a été, sur le plan organisationnel, divisé. Mme [C] invoque également un courriel qu’elle a adressé à Mme [B] le 22 juin 2018 aux termes duquel elle déplore de ne plus avoir de collaborateurs sous sa responsabilité. Cependant, cet email rédigé par Mme [C] ne revêt aucun caractère probant, dès lors que nul ne peut se constituer de preuve à lui-même. En outre, Mme [C] se plaint de ne plus gérer les congés de ses collaborateurs, alors que Mme [B] explique dans son attestation que la salariée ne voulait plus valider ses demandes de congés. Il doit également être rappelé que l’inspection du travail, le 15 mars 2019, a confirmé le désintérêt de Mme [C] pour les membres de son équipe, démontrant par la même occasion qu’aucune fonction managériale ne lui a été retirée.
Mme [C] ne peut tirer aucun argument du différend ayant opposé l’employeur à M. [X] à l’occasion de son départ, dès lors qu’il lui est étranger. Aucune pièce probante ne démontre que l’employeur lui a reproché de ne pas l’avoir informé de la démission de M. [X], ni qu’il s’est violemment emporté à son égard à ce sujet. Enfin, s’il n’est pas justifié du remplacement de M. [X], la cour constate que ce dernier a démissionné au cours du mois d’avril 2018 et que la salariée a été en arrêt maladie dès le mois de juillet suivant.
Aucun manquement de l’employeur n’est caractérisé.
– A l’occasion de la réunion du 20 avril 2018, l’employeur a annoncé une réorganisation du service administratif et financier, dans le cadre de laquelle il a procédé au recrutement d’un «’vrai RAF’», la cantonnant à de simples activités de facturation et comptabilité.
Et
– A compter du mois de juillet 2018, un nouveau responsable administratif et financier a été recruté et la SASU BECS lui a imposé de lui transférer ses dossiers et de lui rendre compte, actant un peu plus son déclassement.
Mme [C] explique que le 2 juillet 2018, l’employeur lui a demandé à d’assurer la nouvelle RAF, Mme [D] la passation des dossiers qu’elle gérait jusque-là, qu’un nombre important des tâches qui étaient les siennes lui ont été retirées au profit de sa nouvelle supérieure hiérarchique et qu’elle n’a plus rapporté au dirigeant, mais à cette dernière.
Au soutien de ses dires, Mme [C] communique le compte-rendu de la réunion du 20 avril 2018. Cependant, la cour constate que l’employeur a, dans le cadre de son pouvoir de direction, décidé d’engager un responsable administratif et financier, alors que le poste n’existait pas à cette date et que Mme [C] ne rapporte pas la preuve qu’elle assumait cette fonction. S’il est fait référence à formation de responsable administratif et financier de M. [F], que l’employeur envisageait d’engager, cette mention ne vise pas Mme [C], mais M. [X] qui s’était « auto-proclamé RAF dans son CV mis en ligne ». Il a par ailleurs explicitement précisé qu’aucun poste ne serait supprimé. S’il est indiqué que «’la comptabilité doit rester en gestion à [L] [C]’», il doit être rappelé que cette tâche relevait effectivement de ses missions. Par ailleurs, il résulte également du compte-rendu que la mission affectée au responsable administratif et financier était clairement distincte de celles de Mme [C], puisqu’il était prévu de lui demander de réaliser un «’audit complet sur les outils informatiques actuels (base Gérer) mais également sur le fonctionnement du service et de proposer à long ou court termes, des solutions pérennes et un logiciel de gestion digne d’une entreprise telle que BECS’».
Mme [C] se prévaut également d’un email du 19 juillet 2018 que lui a adressé Mme [D], qui sera finalement engagée à la place de M. [F] au poste de responsable administratif et financier, soutenant que cette dernière l’a cantonnée à de simples activités de facturation et de comptabilité. Cependant, comme indiqué supra, la facturation et la comptabilité relevaient des missions de Mme [C]. En outre, il ressort du compte-rendu du 20 avril 2018 que la facturation accusait un retard important que Mme [C] a reconnu. Il ne peut donc être reproché à l’employeur d’avoir, dans le cadre de son pouvoir de direction, demandé à la salariée de se concentrer ponctuellement sur la résorption de ce retard préjudiciable à l’entreprise. Comme l’indique l’employeur, cet email n’est donc en rien un retrait de fonctions mais une simple priorisation des tâches demeurées inchangées. La cour constate que Mme [C] ne communique aucun élément probant justifiant l’affirmation suivant laquelle un nombre important de tâches qui étaient les siennes lui ont été retirées au profit de Mme [D], qu’elle aurait de surcroît été contrainte de former.
La création d’un échelon hiérarchique intermédiaire n’est pas de nature à caractériser une rétrogradation en l’absence de modification des missions, de la classification et de la rémunération, comme c’est le cas pour Mme [C].
La pièce n°19 communiquée par la salariée ne permet pas de démontrer qu’elle n’avait plus droit à la parole au cours des réunions, dès lors qu’elle ne participait pas à la réunion des chefs d’agences du 2 mars 2018, dont le compte rendu lui a été transmis pour information.
Enfin, le courrier de la SASU BECS du 28 septembre 2018 ne trahit aucune volonté de l’employeur de la cantonner à des fonctions de simple responsable administration des ventes, en charge de la facturation, du suivi des règlements, des relations avec le cabinet comptable sur son périmètre d’intervention et d’un accès très limité à la banque, dès lors, à nouveau, que ces missions relèvent de sa fonction de responsable administration des ventes telle que mentionnée à son contrat de travail et sur ses bulletins de paie, alors que Mme [C] ne rapporte pas la preuve qu’elle assumait la fonction de responsable administratif et financier.
Aucune modification unilatérale du contrat de travail n’apparaît ainsi caractérisée.
– cette situation a conduit à la dégradation de son état de santé, ayant justifié un arrêt de travail pour burn-out le 23 juillet 2018. Mme [C] précise qu’elle ne pourra jamais reprendre son poste de travail, et le médecin du travail la déclarera finalement inapte en mars 2019.
Cependant, comme le souligne l’employeur, les pièces médicales produites ne sont pas de nature à démontrer l’existence d’un lien entre l’état de santé constaté et l’activité professionnelle de l’appelante.
– les agissements supplémentaires de l’employeur depuis ses arrêts de travail en juillet 2018 caractérisent une situation de harcèlement moral à l’origine de son inaptitude rendant son licenciement nul.
Mme [C] explique que l’employeur, par courrier du 28 septembre 2018, l’a accusée à tort d’avoir injurié un collaborateur et harcelé une ancienne subordonnée, la contraignant à saisir le CHSCT dont l’enquête l’a disculpée ; et malgré le résultat de cette enquête, l’employeur a engagé à son encontre une procédure de licenciement dans le cadre de laquelle il a provoqué des élections au CSE sans respecter le principe du contradictoire, dans le seul but d’obtenir une composition de la représentation du personnel qui lui soit plus favorable. Elle précise que l’inspection du travail a rejeté la demande d’autorisation de licenciement.
Au soutien de ses dires, Mme [C] communique en pièces n°20 à 22 les procès-verbaux d’audition de Mme [B], de M. [I] et le procès-verbal de conclusion du CHSCT. La cour constate que l’enquête du CHSCT a été menée de manière singulière, dès lors que les propos tenus par Mme [B] et M. [I], dénonçant un comportement et des propos harcelant et insultant, ne sont repris qu’au conditionnel’: «’Mlle [Z] [B] explique qu’il aurait été prononcé à son égard des réflexions du type «’qu’elle ne savait rien faire et qu’elle faisait du travail de merde’» ou encore «’M. [J] [I] explique qu’il aurait été prononcé à son égard devant plusieurs salariés des réflexions du type «’gras du bide là-bas, il n’y connaît rien, qu’est-ce qu’ils attendent pour le dégager’». En outre, la cour relève que Mme [P], membre du CHSCT a indiqué, de manière menaçante aux deux salariés plaignants, que Mme [C] pouvait les poursuivre pour diffamation. Enfin, il résulte du procès-verbal de conclusion qu’aucun autre salarié n’a été entendu pour vérifier les dénonciations de Mme [B] et de M. [I], le CHSCT s’étant contenté de considérer que ces deux auditions ne permettaient pas de caractériser le harcèlement moral et les propos insultants attribués à Mme [C]. Aucun élément probant ne peut donc être tiré de cette pièce en l’absence d’une véritable enquête.
La cour constate qu’en engageant une procédure de licenciement à l’égard de Mme [C], l’employeur n’a fait qu’exercer son pouvoir disciplinaire, alors que des salariés avaient dénoncé une situation de harcèlement moral et des propos insultants, auxquels il se devait de réagir au titre de son obligation légale de sécurité. Au demeurant, les pièces produites établissent que la procédure de licenciement de Mme [C] a été engagée le 15 novembre 2018, alors que le procès-verbal de conclusions du CHSCT n’était pas encore établi puisqu’il est daté du 5 décembre 2018.
Il ne peut donc être considéré que la procédure de licenciement était vouée à l’échec, étant rappelé que l’inspecteur du travail a considéré que le comportement de Mme [C] à l’égard des membres de son équipe était constitutif d’une faute professionnelle.
S’agissant des élections des membres du CSE, rien ne permet de corroborer les dires de la salariée suivants lesquels l’employeur a volontairement repoussé la réunion du CSE dans l’attente des élections, dans le seul but d’obtenir une composition de la représentation du personnel qui lui soit plus favorable. La cour constate que la première réunion a été reportée au 11 décembre 2018, soit avant l’expiration des mandats des membres du CSE le 12 décembre 2018, et que cette seconde date a à nouveau dû être repoussée du fait de l’indisponibilité de Mme [P] en déplacement professionnel du 10 au 14 décembre 2018. Aucune pièce probante ne permet de corroborer les dires de la salariée concernant le discrédit professionnel qui serait résulté de ces multiples convocations. En outre, comme le relève l’employeur, rien ne permet de penser qu’il bénéficierait d’une composition «’plus favorable’». Contrairement à ce que soutient la salariée, la convocation des membres du CSE à la réunion au cours de laquelle a été examiné le projet de licenciement précise qu’est jointe une «’Note explicative concernant le projet de licenciement pour motif personnel de Mme [C]’». Il ne ressort pas du procès-verbal de la réunion du CSE du 7 janvier 2019 que cette note n’a pas été transmise, étant observé que Mme [C], bien que régulièrement convoquée, n’a pas jugé utile de participer à cette réunion. Si elle prétend que la note ne lui a pas été communiquée et qu’elle a dénoncé cette situation auprès de l’employeur par courriers des 4, 9 et 16 janvier 2019, elle ne justifie pas de l’envoi de ces lettres. Enfin, l’affirmation de la salariée suivant laquelle l’employeur aurait fait pression sur les membres du CSE en indiquant que Mme [C] réclamait 325’000 euros dans le cadre de l’instance prud’homale n’est pas justifiée, dès lors qu’il ressort du courriel de Mme [P] que cette indication a été donnée par Mme [O], membre du CSE, en tant que représentante de la direction, alors que M. [G], en sa qualité de dirigeant assistait à la réunion «’Pour la direction’».
Aucun manquement de l’employeur n’apparaît par conséquent caractérisé dans le cadre de cette procédure de licenciement.
La salariée ajoute que l’employeur l’avait déjà remplacée avant d’engager la première procédure de licenciement par M. [T] qui est apparu, dès le mois de novembre 2018, sur les organigrammes comme étant chargé, avec Mme [M], de la facturation et de la comptabilité, fonctions qui lui étaient jusque-là dévolues.
Cependant, comme le relève l’employeur, l’organigramme dont se prévaut la salariée n’est pas daté et son origine n’est pas connue, de sorte qu’il ne revêt pas de caractère probant, étant observé que Mme [C], qui figure sur cet organigramme en tant que «’responsable ADV’», conformément à sa fonction, ne communique aucune pièce permettant d’établir que M. [T] a effectivement assuré des tâches relevant de sa sphère de compétence.
Mme [C] reproche également à l’employeur un défaut de paiement des indemnités journalières de sécurité sociale (IJSS) dans le cadre de la subrogation et des compléments conventionnels de salaire. Elle explique qu’à compter du 21 octobre 2018, l’employeur a cessé d’envoyer systématiquement les attestations de salaires employeur à la CPAM, ce qui a retardé le versement de ses IJSS et qu’il a retenu les indemnités qui lui étaient servies par la caisse de prévoyance, la situation n’ayant été régularisée qu’en mars 2019, la privant d’une large partie de ses ressources pendant plusieurs mois. La salariée fait également grief à l’employeur de refuser, depuis le mois de mars 2019, de lui remettre le détail des sommes qui lui ont été versées, ne lui permettant ainsi pas de s’assurer qu’elle a été remplie de ses droits. Elle ajoute que l’employeur ne lui a pas remis ses bulletins de salaire, ni ses documents de fin de contrat, la contraignant à les réclamer systématiquement.
Il ressort des attestations de paiement des indemnités journalières que pour la période courant du 23 juillet au 20 octobre 2018, les IJSS ont été versées à l’employeur dans le cadre de la subrogation légale. Si elle reproche à l’employeur d’avoir cessé, à compter du 21 octobre 2018, de lui régler les dites indemnités, l’attestation du 7 janvier 2019 établit qu’à compter du 21 octobre 2018, la subrogation a été suspendue. Elle n’est ainsi plus mentionnée sur l’attestation. Dans ces conditions, il appartenait à Mme [C] de communiquer à l’employeur ses relevés d’IJSS pour transmission à l’organisme de prévoyance, afin de permettre le versement du complément de salaire. Or, elle n’en justifie pas. Elle n’établit avoir adressé à l’employeur qu’un seul courrier le 2 février 2019, auquel le dirigeant M. [G] a répondu dès le 6 février 2019 en lui indiquant qu’il interrogeait l’organisme de prévoyance, Mme [C] reconnaissant que la situation a été régularisée en mars 2019. Contrairement à ce que la salariée prétend, le médecin du travail n’a nullement saisi l’assistance sociale des caisses du BTP, dès lors qu’il ressort de l’échange d’emails produits en pièce n°56 que c’est Mme [C] qui l’a contacté le 20 février 2019, alors que l’employeur lui avait déjà indiqué se rapprocher de l’organisme de prévoyance afin de régler la difficulté.
Concernant la transmission d’un décompte détaillé, l’employeur justifie avoir répondu aux multiples demandes d’explications de Mme [C] par un courrier très circonstancié du 16 avril 2019 qu’aucun élément probant ne permet de remettre en cause. Mme [C] ne communique aucune pièce démontrant qu’elle n’a pas été remplie de ses droits. La cour constate que l’employeur a répondu à chacune des sollicitations de la salariée dans des délais raisonnables. Dans ces conditions, ce manquement de l’employeur n’est pas démontré.
En conséquence, aucun manquement de l’employeur n’est caractérisé.
Mme [C] se prévaut d’une entrave aux fonctions de représentant du personnel, expliquant que l’employeur a transféré l’ensemble de ses courriels à l’une de ses anciennes collaboratrices, la privant des correspondances qu’elle devait recevoir en qualité de représentant du personnel.
Toutefois, comme le relève l’employeur, la preuve de ce transfert n’est pas rapportée par la capture d’écran communiquée, mentionnant un transfert dont on ne sait s’il a été enregistré, à quelle date et par qui. Elle ne l’est pas davantage par la photographie de l’écran sur lequel la messagerie de Mme [C] est ouverte et active à la date du 15 janvier 2019. Aucun manquement de l’employeur n’est caractérisé sur ce point.
La salariée affirme que l’employeur ne pouvait pas ignorer, notamment après avoir reçu la convocation à la première audience prud’homale, qu’elle se plaignait d’une dégradation de ses conditions de travail, d’une mise à l’écart et d’une organisation pathogène ayant des répercussions directes sur son état de santé ; qu’il n’a néanmoins pas réagi, en violation de son obligation de sécurité.
Comme le rappelle l’employeur, la première requête déposée par Mme [C] auprès du conseil de prud’hommes est en date du 26 novembre 2018. A cette époque, la salariée était en arrêt de travail depuis le 23 juillet 2018. Elle n’a par la suite jamais repris le travail. En outre, dès lors qu’aucune dégradation de ses conditions de travail, ni mise à l’écart ou organisation pathogène ne sont démontrées, Mme [C] n’était exposée à aucun risque professionnel, aucune enquête, saisine du médecin du travail ou du CSE ne s’avérait nécessaire et aucun manquement de l’employeur à son obligation de sécurité n’est établi.
Elle explique que l’ensemble de ces manquements caractérisent une exécution déloyale du contrat de travail par l’employeur ayant conduit à un burn-out professionnel à compter du 23 juin 2018. Cependant, comme rappelé supra, les pièces médicales produites ne sont pas de nature à démontrer l’existence d’un lien entre l’état de santé constaté et l’activité professionnelle de l’appelante.
– Mme [C] invoque encore d’autres manquements :
– un fort turn over’; cependant, l’examen du registre unique du personnel ne permet pas de confirmer les dires de la salariée’;
– le non-respect des règles afférentes à la durée du travail’; le manquement est établi ;
– l’application d’un coefficient insuffisant’; cependant, pour les motifs précités, le coefficient appliqué à la salariée correspond à ses fonctions.
Il résulte de l’ensemble de ces éléments que le seul manquement établi de l’employeur concerne le non-paiement des heures supplémentaires. Cependant, au regard du volume très limité d’heures supplémentaires accomplies, il doit être considéré que Mme [C] ne rapporte pas la preuve d’un manquement de la SASU BECS à l’origine de l’inaptitude ayant mené à son licenciement, de sorte que le jugement déféré doit être confirmé en ce qu’il l’a déboutée de l’intégralité de ses demandes financières.
Sur la demande de dommages et intérêts au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail
Compte tenu de la solution du litige, la demande indemnitaire de Mme [C] ne peut prospérer. Le jugement entrepris est confirmé sur ce point.
Sur la remise des documents de fin de contrat :
Mme [C] sollicite la rectification des documents de fin de contrat faisant état d’une embauche au 1er juillet 2006 alors qu’elle a été engagée le 2 janvier 2001.
Cependant, l’employeur justifie avoir rectifié cette erreur par courriel du 12 janvier 2019.
La salariée doit donc être déboutée de sa demande.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
Compte tenu de la solution du litige, la décision entreprise sera confirmée du chef de l’article 700 du code de procédure civile et infirmée du chef des dépens. Par application de l’article 696 du code de procédure civile, il sera fait masse des dépens de première instance et d’appel qui seront supportés par les parties, chacune par moitié.
Par ailleurs, l’équité commande de débouter Mme [C] de sa demande au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
statuant publiquement et contradictoirement
Confirme le jugement entrepris sauf en celle de ses dispositions relative aux heures supplémentaires et aux dépens’;
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Condamne la SASU BECS, Bureau d’études et de conseils en sécurité, à payer à Mme [L] [C] la somme de 1 523 euros au titre des heures supplémentaires, outre les congés payés afférents, soit la somme de 152,30 euros ;
Fait masse des dépens d’appel qui seront supportés par les parties, chacune par moitié ;
Déboute Mme [L] [C] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
Signé par Mme Hélène PRUDHOMME, président, et Mme’Sophie RIVIÈRE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIERLe PRÉSIDENT