15 mars 2023
Cour d’appel de Versailles
RG n°
21/00215
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
17e chambre
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
DU 15 MARS 2023
N° RG 21/00215
N° Portalis DBV3-V-B7F-UIOO
AFFAIRE :
Société CAPGEMINI TECHNOLOGY SERVICES
C/
[Z] [O]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 4 décembre 2020 par le Conseil de Prud’hommes Formation de départage de NANTERRE
Section : E
N° RG : F15/01744
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Frédéric ZUNZ
Me Céline COTZA
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE QUINZE MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Société CAPGEMINI TECHNOLOGY SERVICES
N° SIRET : 479 766 842
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me Frédéric ZUNZ de la SELEURL MONTECRISTO, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J153
APPELANTE
****************
Madame [Z] [O]
née le 22 août 1959 à [Localité 6]
de nationalité française
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Céline COTZA de la SELARL LPS AVOCATS ASSOCIES, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire: P0392, substitué à l’audience par Me Louison CARATIS, avocat au barreau de Paris
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 11 janvier 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Aurélie PRACHE, Président chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Aurélie PRACHE, Président,
Monsieur Laurent BABY, Conseiller,
Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller,
Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Mme [O] a été engagée par la société Cap Gemini France, devenue Capgemini Technology Services, en qualité d’ingénieur concepteur, par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 20 juillet 1999, prenant effet le 9 août 1999.
La société Capgemini Technology Services est spécialisée dans le secteur d’activité du conseil en systèmes et logiciels informatiques. L’effectif de la société était, au jour de la rupture, de plus de 10 salariés. Elle applique la convention collective nationale dite Syntec.
Quelques mois après son embauche, à la suite d’un infarctus, la salariée a été placée en arrêt de travail, lequel a été renouvelé durant trois années, jusqu’au 2 avril 2003.
Par décision de la Commission technique d’orientation et de reclassement professionnel (COTOREP) du 5 mars 2003, la salariée a été reconnue travailleur handicapé pour la période du 5 mars 2003 au 5 mars 2008.
Le 31 mars 2003, l’Assurance Maladie d’Île-de-France a informé la salariée de son classement dans la première catégorie d’invalides et lui a attribué une rente annuelle de 5 607,01 euros versée mensuellement à compter du 3 avril 2003.
Au terme d’un avenant en date du 26 mai 2003, la salariée a réintégré la société Capgemini Technology Services dans le cadre d’un mi-temps à hauteur de 11,40 heures de travail hebdomadaire, à compter du 3 avril 2003.
Elle a obtenu un diplôme de chargé de projets d’insertion professionnelle des travailleurs handicapés le 10 février 2009.
Par avenant du 10 août 2009, la salariée a repris son poste à temps plein à hauteur de 35 heures hebdomadaires à compter du 1er juillet 2009. A nouveau en arrêt maladie, la salariée a été déclarée apte au poste de consultant handicap à temps partiel thérapeutique par avis du médecin du travail du 18 mai 2010.
Elle a ensuite obtenu un master de Développement des Pratiques Professionnelles et Sociales par la recherche-action le 9 octobre 2012.
Le 20 novembre 2012, la salariée a été de nouveau arrêtée suite à un accident du travail et n’a pas repris son poste depuis.
Le 11 juin 2015, Mme [O] a saisi le conseil de prud’hommes de Nanterred’une demande de de dommages-intérêts pour harcèlement moral, discrimination syndicale et discrimination fondée sur l’état de santé ainsi que d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail.
Par jugement du 4 décembre 2020, le conseil de prud’hommes de Nanterre (section encadrement), en sa formation de départage, a :
– prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail signé entre la S.A.S Capgemini Technology Services et Mme [Z] [R] épouse [O], aux torts de l’employeur,
– dit que la résiliation judiciaire, fondée sur des faits de harcèlement moral, produit les effets d’un licenciement nul,
– condamné la S.A.S. Capgemini Technology Services à payer à Mme [O] les sommes suivantes :
. 12 055,14 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
. 1 205,51 euros au titre des congés payés afférents,
. 25 543 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,
. 12 040,96 euros à titre de rappel de primes 2014, 2015, 2016 et 2017,
. 1 204,10 euros au titre des congés payés afférents,
. 1 000 euros à titre de rappel de prime 2008,
. 100 euros au titre des congés payés afférents,
ces sommes portant intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2015,
– condamné la S.A.S. Capgemini Technology Services également à payer à Mme [O] les sommes de :
. 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
. 5 000 euros à titre de à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de formation, d’adaptation et de maintien de l’employabilité,
. 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive et déloyale du contrat de travail en matière de prévoyance,
. 30 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul,
. 36 701,20 euros à titre de dommages et intérêts pour violation du statut protecteur,
ces sommes portant intérêts au taux légal à compter du présent jugement,
– ordonné la capitalisation des intérêts échus,
– ordonné à la S.A.S. Capgemini Technology Services de faire le nécessaire auprès de l’organisme de prévoyance afin que celui-ci régularise le versement des indemnités de Mme [O], sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l’expiration d’un délai de 8 jours suivant la notification du présent jugement, le conseil se réservant le droit de liquider l’astreinte à l’expiration d’un délai de 4 mois,
– ordonné à la S.A.S. Capgemini Technology Services de remettre à Mme [O] ses bulletins de paie, un solde de tout compte, un certificat de travail et une attestation Pôle emploi rectifiés conformément au présent jugement,
– rejeté toutes autres demandes des parties,
– condamné la S.A.S. Capgemini Technology Services à payer à Mme [O] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonné l’exécution provisoire du présent jugement sur le fondement de l’article 515 du code de procédure civile,
– condamné la S.A. Capgemini aux dépens de l’instance comprenant les éventuels frais d’exécution.
Par déclaration adressée au greffe le 18 janvier 2021, la société Capgemini Technology Services a interjeté appel de ce jugement.
Une ordonnance de clôture a été prononcée le 25 octobre 2022.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 14 avril 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société Capgemini Technology Services demande à la cour de :
– d’infirmer le jugement de départage en ce qu’il a : .prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail signé entre la société Capgemini Technology Services et Mme [O], aux torts de l’employeur, . dit que la résiliation judiciaire, fondée sur des faits de harcèlement moral, produit les effets d’un licenciement nul, . condamné la société Capgemini Technology Services à payer à Mme [O] les sommes suivantes :
* 12 055, 14 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
* 1 205, 51 au titre des congés payés y afférents,
* 25 543 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,
* 12 040, 96 euros au titre de la prime de vacances et de fin d’année pour 2014 et 2015, 2016, 2017,
* 1 000 euros au titre du rappel de prime 2008,
* 100 euros au titre des congés payés y afférents, . l’a condamné également à payer à Mme [O] les sommes de :
* 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
* 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de formation, d’adaptation et de maintien dans l’employabilité,
* 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive et déloyale du contrat de travail en matière de prévoyance,
* 30 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul,
* 36 701, 20 euros à titre de dommages et intérêts pour violation du statut protecteur,
* 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
statuant à nouveau,
– dire et juger qu’elle ne s’est rendue coupable d’aucun manquement à l’encontre de Mme [O],
en conséquence,
– débouter Mme [O] de sa demande visant à dire que sa demande de résiliation judiciaire doit produire les effets d’un licenciement nul,
– débouter Mme [O] de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
– débouter Mme [O] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution fautive et «loyale» (sic) du contrat relatif à la mise en place de la prévoyance,
– débouter Mme [O] de sa demande au titre du préavis de licenciement et des indemnités de congés payés y afférents,
– débouter Mme [O] de sa demande au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,
– débouter Mme [O] de sa demande au titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,
– débouter Mme [O] de sa demande à titre de dommages et intérêts pour violation du statut protecteur,
– débouter Mme [O] de sa demande au titre de la prime de vacances et de fin d’année pour 2014 et 2015, 2016, 2017 et au titre des indemnités de congés payés y afférents,
– débouter Mme [O] de sa demande au titre de la prime de mérite attribuée à l’occasion de l’évaluation de 2008 et au titre des indemnités congés payés y afférents,
– débouter Mme [O] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
. débouté Mme [O] de sa demande de dommages et intérêts pour discrimination syndicale, . débouté Mme [O] de sa demande au titre des heures complémentaires effectuées du 6 juin 2008 au 18 décembre 2008 et au titre des indemnités congés payés y afférents,
à titre reconventionnel,
– condamner Mme [O] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner Mme [O] aux entiers dépens de l’instance.
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 10 juin 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles Mme [O] demande à la cour de :
– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a :
. prononcé la résiliation du contrat de travail de Mme [O] et reconnu la situation de harcèlement moral, le manquement à l’obligation d’assurer l’employabilité et la résistance abusive aux obligations déclaratives de la société Cap Gemini et en ce qu’il a enjoint la société Cap Gemini de faire le nécessaire auprès des organismes de prévoyance afin que ce dernier régularise la situation de Mme [O],
. condamné la société Cap Gemini à payer à Mme [O] les sommes suivantes :
* 12 055,14 euros au titre du préavis de licenciement outre la somme de 1205 euros au titre des indemnités congés payés y afférents,
* 25 543 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,
* 12 040,96 euros au titre de la prime de vacances et de fin d’année pour 2014, 2015, 2016, 2017 outre la somme de 1 204,10 euros au titre des indemnités congés payés y afférents,
* 1 000 euros au titre de la prime de mérite attribuée à l’occasion de l’évaluation de 2008 outre 100euros au titre des indemnités congés payés y afférents,
* 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation d’assurer la formation,
. enjoint à la société Cap Gemini de délivrer les bulletins de paie corrigés et de délivrer les documents de fin de contrat (solde de tout compte, certificat de travail, attestation Pôle emploi) conformes à la décision à intervenir,
– infirmer le jugement sur le quantum des dommages et intérêts alloués au titre du harcèlement moral, de l’exécution déloyale du contrat de travail, de l’indemnité pour licenciement nul et de l’indemnité pour violation du statut protecteur,
statuer de nouveau et,
– condamner la société Cap Gemini à lui payer les sommes suivantes :
. 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
. 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale et en raison du handicap,
. 20 000 euros à titre de dommages et intérêt pour exécution fautive et loyale du contrat relative à la mise en place de la prévoyance,
. 96 792 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,
. 120 551,40 euros à titre de dommages et intérêts pour violation du statut protecteur,
. 5 119 euros au titre des heures complémentaires qu’elle a effectuées du 6 juin 2008 au 18 décembre 2008 et qui ont été reconnues par la société Cap Gemini outre la somme de 511 euros au titre des indemnités congés payés y afférents,
– infirmer le jugement en ce qu’il a débouté Mme [O] de sa demande portant substitution de Cap Gemini à l’organisme de prévoyance dans le paiement des salaires,
statuer de nouveau et,
– condamner la société Cap Gemini à lui payer les sommes suivantes :
. 111 508 euros outre 11 150 euros au titre des indemnités congés payés y afférents,
y ajouter,
– condamner la société Cap Gemini à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner au paiement des intérêts légaux au jour de la saisine avec capitalisation des intérêts conformément à l’article 1154 du code de procédure civile,
– condamner aux entiers dépens et frais d’exécution,
– dire et juger qu’en cas d’exécution forcée de la décision à intervenir les sommes relevant du droit proportionnel prévu à l’article 10 du décret du 12 décembre 1996 seront remis à la charge du défendeur et s’ajouteront aux dépens.
MOTIFS
Sur la résiliation judiciaire
La résiliation judiciaire du contrat de travail est prononcée à l’initiative du salarié et aux torts de l’employeur, lorsque sont établis des manquements par ce dernier à ses obligations suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail. Dans ce cas, la résiliation produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Au soutien de sa demande de résiliation de son contrat de travail, le salarié invoque des manquements tirés de faits de harcèlement moral et de discrimination syndicale et en raison de son état de santé, de la résistance administrative de l’employeur au regard de la prévoyance, et du non respect de son obligation d’employabilité de la salariée, manquements qu’il convient donc d’examiner sucessivement.
Sur le harcèlement moral
Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En vertu de l’article L. 1154-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2018-1088 du 8 août 2016, applicable en la cause, lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant présumer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de laisser présumer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail. Dans l’affirmative, il appartient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Au cas présent, la salariée invoque ‘sa mise au placard professionnelle’ et son isolement physique du collectif de travail ayant conduit à la dégradation de ses conditions de travail et de sa santé.
Sur la mise au placard professionnelle
La salariée invoque une rétrogradation entre 2003 à 2007 et la négation de ses fonctions de consultant handicap à partir de 2009. Elle expose qu’à son retour d’arrêt maladie, elle est restée inactive pendant huit mois, d’avril à novembre 2003, puis qu’elle a été rétrogradée jusqu’en 2007 sur un poste vide de tout contenu et sans rapport avec son poste initial d’ingénieur, qu’elle ne s’est vue confier un poste de consultant handicap en 2009 que grâce à sa propre volonté, et que, contrairement à ce qu’affirme l’employeur, elle n’a pas été convoquée à un entretien en vue de la repositionner sur ses anciennes fonctions.
A l’appui de ses allégations, elle produit les éléments suivants :
– son contrat de travail indiquant qu’elle est engagée en qualité d’ingénieur concepteur,
– l’entretien de développement personnel du 5 novembre 2004 indiquant qu’elle occupe le poste d’assistante au service médical depuis le 2 novembre 2003, la salariée indiquant en commentaire qu’elle ‘apprécie l’autonomie du poste’ et ‘souhaiterait établir (des) documentations concernant l’invalidité et le handicap’
– l’entretien de développement personnel de 2007 mentionnant, au titre des principales réussites de la salariée, que ‘le rôle actuel que mène Mme [O] au SST n’est plus un rôle d’assistante mais de management sur l’handicap au service’.
– l’entretien de développement personnel de 2008, comportant la mention manuscrite que son rôle est : ‘cons- confirmé 6PS’ (cf bulletins de paie indiquant qu’elle a comme rôle : ‘consultant junior’ puis à compter de juillet 2008 ‘consultant’ puis à compter de février 2009 ‘consultant Conf. Maj GPS’ et enfin, depuis 2013 ‘consultant Conf PES), et indiquant au titre des principales réussites de la salariée : ‘Force de proposition, [Z] a monté un projet ambitieux de sensibilisation [au handicap] de l’ensemble des collaborateurs (gazette, constitution de l’équipe des supporters, courts métrages) qu’elle a su construire en prenant en compte les recommandations qui lui ont été faites. Ce projet est une réussite’. Le commentaire du ‘CED’ indique l’octroi d’une prime de 1 000 euros.
– l’entretien de développement professionnel de 2011 indique peu de choses mais notamment que la salariée n’est pas intéressée par s’occuper du plan Sénior
– l’attestation de la DRH du 6 juillet 2009 selon laquelle la salariée occupe ‘un poste de consultant handicap au SST’ avec un salaire brut annuel de 47 450 euros
– le courriel du 21 novembre 2012 de M. [D], le directeur des affaires sociales, à Mme [V], directrice des ressources humaines (cf. annexe 8 de l’enquête CPAM) indiquant que la salariée ‘n’a aucune mission en relation avec la Mission Handicap (…) il n’est pas prévu d’intégrer Mme [O] dans la Mission Handicap ni dans le service de santé au travail ; Mme [O] doit rapidement se conformer à ce qui lui est demandé (suivi des actions du plan seniors)’
– le courriel de M. [K], secrétaire du CHSCT, à Mme [O] du 29 février 2012 relatant un entretien qui s’est tenu le même jour avec Mme [V], au cours duquel cette dernière a indiqué que Mme [O] ‘ne fait pas partie du service de santé au travail, ce qu'[Z] conteste (…) Mme [V] demande alors la communication de l’ordre de mission affectant [Z] au service de santé au travail (…) [Z] [O] déclare que la situation actuelle dégrade ses conditions travail et ‘porte atteine à sa dignité. Elle reçoit des injonctions paradoxales qui lui pèsent d’autant plus que cette situation dure depuis deux ans. Concernant l’affectation ou non d'[Z] au SST, [M] [K] constate qu’il y a ambiguïté et que celle-ci doit être levée par écrit.’
– un courriel de Mme [Y] à la salariée le 9 mars 2012, en réponse à sa demande de lui confirmer des propos selon lesquels ‘vous disiez que je ne faisais pas partie du SST, que vous ne me connaissiez pas’ : ‘à mon arrivée en novembre 2007 à Coeur défense tu faisais bien partie du SST (…)tu étais chargée de la mission Handicap. Puis nous sommmes arrivés à Europlaza en 2010 et tu as demandé, par souci de confidentialité à avoir un bureau séparé, ce qui t’a été accordé. Puis nouvelle organisation : ton bureau a été mis à disposition du CCE et on t’attribuait je crois deux bureaux : un auprès de [U] [T] [Europlaza’], l’autre à [Localité 7]. Tu as choisi Seine Etoile où semble-t-il tu continues la même mission. Les organigrammes du docteur [E] qui nous étaient présentés mentionnaient ta présence ; nous n’avons jamais vu ceux du docteur [J]. Je me pose la question suivante : dans quel but t’aurait elle dit cela ‘ Je ne comprends pas… c’est tellement grotesque et infantile’
Ces pièces, produites par la salariée, sont corroborées par un courriel (pièce 15 de l’employeur) de Mme [B] du 20 février 2006 adressé à tous les salariés Capgemini et leur transférant un message du service médical de Coeur Défense donnant les coordonnées du nouveau médecin du travail et de son équipe, parmi laquelle figure Mme [O] en qualité d’assistante.
La rétrogradation des fonctions de la salariée entre 2003 à 2007, d’un poste d’ingénieur concepteur à un poste d’assistante du service de santé au travail, et la négation de ses fonctions de consultant handicap à partir de 2009, la salariée n’étant à nouveau en arrêt maladie que courant 2010, sont établies.
Sur l’isolement physique du collectif de travail
La salariée invoque un changement de bureau en 2010 puis à nouveau en 2012. A l’appui de ses allégations, elle produit les éléments suivants :
– le courriel précité de Mme [Y] à la salariée le 9 mars 2012
– l’attestation de Mme [I], retraitée (D7) selon laquelle la salariée a occupé le poste d’assistante du médecin du travail depuis 2003 et après une formation de 2006 à 2008, elle a exercé les fonctions de consultant handicap au sein du SST, et un projet validé par la Mission nationale Handicap a été mis en oeuvre par Mme [O]; ‘sans comprendre j’ai assisté petit à petit à son éviction à partir de 2010 (…) Pendant son absence une cloison a été montée, remplaçant la porte d’entrée de son bureau qui donnait dans le SST permettant à une autre personne de pouvoir accéder à son bureau sans passer par le SST. J’ai assisté à la mise au placard de Mme [O] au fil des mois, un point de chute a été trouvé à [Localité 7] (…) Elle fut écartée du SST sans que j’en comprennne les raisons; j’ai revu [Z] [O] en urgence en novembre 2012 au sein du SST lorsque la DRH a décidé pour la deuxième fois de la suppression de son espace de travail de [Localité 7] pour un bureau désigné à Europlaza e situé dans les sous sols de la tour à côté des archives et du restaurant d’entreprise et éloigné du SST et du collectif de travail’
– un courriel du 7 avril 2010 de la salariée à M. [N] lui demandant où sont passés des documents personnels situés dans une armoire de son bureau, déménagé pendant son arrêt maladie, et la réponse de l’intéressé lui indiquant : ‘nous avons transféré tes affaires dans le nouveau bureau ; il y avait aussi sans doute un caisson à roulettes’ lui demandant de s’adresser à la nouvelle occupante du bureau qui lui indique n’avoir trouvé aucune affaires personnelles de Mme [O] dans son nouveau bureau, de même que Mme [T], sa nouvelle collègue de bureau qui n’a pas trouvé ces affaires dans leur bureau
– le courriel de M. [K] à Mme [V] le 20 novembre 2012 indiquant que ‘suite au projet Optimm Helène [O] a été installée dabs les locaux du SST d’Europlaza. Son bureau a ensuité été déménagé début 2010 lors du projet Between sans justification et en son absence, malgré l’avis défavorable des élus dans un bureau qui ne lui permettait plus de remplir sa mission. Depuis, après diverses pérégrinations elle a été installée dans le bureau voisin du SST de Seine Etoile dans des conditions normales de travail.’
S’agissant du changement de bureau en novembre 2012 elle produit également :
– une enquête de la CPAM sur le ‘choc émotionnel’ du 20 novembre 2012 à propos de son déménagement, dont le caractère professionnel a été reconnu par la caisse le 8 avril 2013 (G1), dans lequel l’enquêteur expose que :
* Mme [V] lui a indiqué que la salariée a été avisée par mail en novembre 12 avant ses congés qu’elle changerait de bureau et qu’il ne s’agissait pas d’une ‘proposition’ ; ‘je t’informe que le bureau que tu occupes sera ré attribué du fait du déménagement des équipes FSGBU’
* la salariée ‘ajoute que ce changement de bureau situé au 2e sous sol près des containers à ordures et des quais de déchargement, sur un autre site imposé, loin du collectif de travail et du service de santé au travail, constitue une mise à l’écart qui ne lui permettrait plus d’être maintenue dans l’emploi. De plus, les conditions de travail, à savoir le partage du bureau avec des personnes non soumises au secret professionnel, ne lui permettrait plus d’exercer’
* Mme [V] précise que ‘ ce bureau est situé (à [Localité 5]) en rez de jardin, avec vue sur le parc (…) Le service médical principal du groupe se trouve à [Localité 5], les équipes faisant partie du périmètre de Mme [O] sont également basées à [Localité 5]’
– un courriel de la salariée àMme [V] le 9 novembre 2012 indiquant que ‘ce bureau isolé sur le site Europlaza au rez de jardin derrière la repro, partagé avec une personne est incompatible avec ma fonction de Consultant Handicap (…) Je vous demande de pouvoir rester dans le bureau RC07 sur le site Seine Etoile que je partage avec l’assistante sociale et qui est attenant au service de santé au travail’
– la réponse de Mme [V] par courriel du 19 novembre 2012 : ‘je t’informe que le bureau que tu occupes sera réattribué du fait du déménagement des équipes FSGBU; La personne avec qui tu partageras le bureau à EPZ participe également à des activités RH; elle a aussi des sujets confidentiels’
– une attestation de M. [H], ancien collègue de la salariée, selon lequel, plan à l’appui : ‘quatre étages séparent le bureau RJB14 du premier collectif de travail au 1er étage. Six étages séparent le bureau RJB14 qui se trouve au 2e sous sol et le SST qui se trouve au 3e étage’
Le changement de bureau en 2010 puis à nouveau en 2012 est donc établi.
Mme [O] produit en outre un certificat d’un médecin psychiatre du 23 mars 2016 indiquant un syndrome post traumatique, une incapacité à reprendre une activité professionnelle, et un traitement antidépresseur, établissant ainsi l’altération de son état de santé, justifiant par la suite son placement en invalidité 2e catégorie.
Ces faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer ou laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail ;
Il convient en conséquence d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Or, l’employeur se contente de produire un courriel de Mme [V] à la salariée le 3 octobre 2012 lui demandant de la rappeler au sujet du bureau, et une attestation de Mme [V] non conforme aux dispositions de 202 du code de procédure civile (la CNI produite n’est pas celle de Mme [V]), ainsi que le compte-rendu de la réunion du comité d’entreprise portant notamment sur le regroupement des équipes de la FGSBU sur le site de Seine Etoile, selon laquelle ‘133 personnes étant concernées (…) 177 personnes seront transférées d’Europlazza’.
Ces seules pièces ne permettent pas de considérer que l’employeur justifie par des éléments objectifs la négation de ses fonctions de consultant handicap à partir de 2009, le choix de lui attribuer, par deux fois, un bureau éloigné du service de santé au travail dont elle dépendait, ce déménagement s’effectuant au surplus pendant des périodes auxquelles la salariée n’était pas présente.
Par des motifs pertinents que la cour adopte, le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il a retenu que la salariée a été victime de harcèlement moral et condamné l’employeur au paiement de la somme, justement évaluée, de
10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral.
Sur la discrimination syndicale et en raison de l’état de santé
Selon l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses mesures d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations :
– constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, son âge, son handicap, son orientation sexuelle ou de son sexe, une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne l’aura été dans une situation comparable,
– constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d’entraîner, pour l’un des motifs précités, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d’autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés.
L’article L.1134-1 du code du travail prévoit qu’en cas de litige relatif à l’application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, au vu desquels il incombe à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et que le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Au cas présent, la salariée ne renvoie pas dans ses écritures aux faits présentés dans le cadre de sa demande au titre du harcèlement moral mais invoque la concomitance entre sa mise au placard professionnelle et sa reconnaissance en qualité de travailleur handicapé en avril 2003, le fait de n’avoir jamais bénéficié de la moindre augmentation individuelle depuis cette date et le fait que son employeur lui a clairement indiqué qu’elle ne pouvait pas être repositionnée en qualité d’ingénieur concepteur car ‘elle ne travaillait que 11 heures par semaine et que ce n’était pas vendable auprès d’un client’.
Il n’est pas contestée que la salariée a été titulaire de mandat de représentants du personnel de 2004 à 2011 (délégués du personnel, élu CHSCT, élu CE) et qu’elle est conseiller du salarié depuis 2011, d’une part, et, d’autre part, qu’elle a été reconnue travailleur handicapée en avril 2003.
A l’appui de ses allégations, la salariée fait référence dans ses écritures aux pièces ‘C 1. Power point de présentation du service SST Pièce C 2. Liste des membres du service SST Pièce C 3. reconnaissance des heures supplémentaires effectuées en 2008″ qui ne contiennent cependant pas les éléments qu’elle invoque : ces pièces correspondent, dans son dossier de plaidoirie, aux entretiens de développement personnel et à une attestation, dont il ressort toutefois en effet qu’il lui a été indiqué que son temps de travail réduit ne permettait pas d’envisager son repositionnement sur son poste initial.
Au surplus, la cour relève que la pièce B2 constituée par l’entretien de développement professionnel 2005 que la salariée a refusé de signer, indique en p. 4 « heures de délégation à dimensionner » – « formation à suivre » : « formation liée au rôle d’élue », ces indications constituant une référence explicite, et illégale dans un entretien d’évaluation, à l’engagement syndical de la salariée.
Par ailleurs, l’absence d’augmentation salariale est établie par les bulletins de paie produits pour la période 2008 à 2016 (1216 euros en 2008 pour 56h33 / 3650 euros pour 169h en septembre 2009 / 3704 euros en novembre 2012 / 3727 euros en décembre 2016).
La salariée présente ainsi des éléments de fait laissant présumer l’existence d’une discrimination tant syndicale qu’en raison de son état de santé.
L’employeur ne réplique pas sur l’absence d’augmentation salariale de la salariée sur l’ensemble de la période, ni sur la concomitance entre la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapée et sa ‘mise au placard’, se bornant à invoquer l’absence de lien de connexité entre le mandat et les faits allégués, et à objecter que la salariée n’a jamais été rétrogradée, ni mise au placard.
Toutefois, la cour rappelle que, contrairement à ce qu’ont retenu les premiers juges, la salariée n’a pas à établir l’existence d’un ‘lien de connexité’ entre ses mandats et /ou son état de santé et les faits invoqués, mais seulement à présenter des éléments laissant présumer l’existence d’une discrimination, ce qu’elle fait au cas présent, sans que l’employeur n’invoque l’existence d’éléments objectifs à l’origine de l’absence d’augmentation salariale retenue.
L’existence d’une discrimination syndicale et en raison de l’état de santé sera en conséquence retenue, de sorte que le jugement sera infirmé en ce qu’il a débouté la salariée de sa demande de dommages-intérêts au titre d’une discrimination.
Par voie d’infirmation, l’employeur sera condamné à verser à la salariée la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts de ce chef.
Sur la résistance abusive aux obligations déclaratives de la société Cap Gemini auprès des organismes de prévoyance
Par des motifs pertinents que la cour d’appel adopte, les premiers juges ont retenu que l’employeur a fait preuve d’une inertie fautive ayant eu pour conséquence de priver la salariée des ressources dues par l’organisme de prévoyance pendant son arrêt longue maladie.
La cour ajoutera seulement qu’il ressort en effet de sa lettre du 13 juin 2016 que la salariée a demandé à l’employeur de mettre en place la prévoyance contractée pour son bénéfice et liée à son contrat de travail, suspendu en raison d’une mise en invalidité catégorie 2, puis par une nouvelle lettre le 9 février 2017 elle a alerté sur ses grosses difficultés financières, et que ce n’est que par courriel du 15 janvier 2021 de Mme [F] (direction compensation & benefits), en copie des échanges avec [A] , que ‘suite à votre classement en invalidité 2e catégorie, (son) dossier est traité directement par AXA et non plus par [A] qui n’a pas délégation de gestion sur ce type de dossier. (…) A ce jour AXA n’a eu aucun retour de votre part. En l’absence de réponse, votre dossier est suspendu depuis le 01/01/2017’
Or, l’employeur produit en pièce 12 un modèle de lettre [C] à [A] de transmission des pièces justificatives pour la constitution d’un dossier d’invalidité d’un salarié, ce qui est contradictoire avec ses affirmations selon lesquelles AXA traite directement ses dossiers, et en tout cas, n’établit pas que la salariée en aurait été informée.
Enfin, un courriel de Mme [X] [A] à Mme [F] [C] lui indique que AXA a procédé le 1er mars 2019 au règlement de la période du 24/06/2016 au 31/12/2016, soit un délai de près de trois ans, durant lequel l’employeur n’établit pas avoir procédé à des relances de l’organisme de prévoyance couvrant le risque invalidité de sa salariée.
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il a condamné l’employeur à payer la somme, justement évaluée, de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive et déloyale du contrat de travail relative à la mise en oeuvre de la prévoyance.
Sur le non respect par l’employeur de son obligation d’employabilité de la salariée
Par des motifs également pertinents que la cour d’appel adopte, les premiers juges ont relevé, d’une part, que la salariée, embauchée en qualité d’Ingénieur concepteur, n’a jamais bénéficié, après son retour d’arrêt maladie, de formations ou de mesures d’adaptations qui lui auraient permis d’être repositionnée sur un poste proche de ses compétences, et, d’autre part, que les formations relatives à la gestion du handicap obtenues en 2009 et 2012, de sa propre initiative, ne seront plus utiles à son parcours professionnel puisque la société a ensuite considéré qu’elle n’a jamais fait partie du Service de santé au travail ni exercé les fonctions de Consultant Handicap.
En conséquence, le jugement qui a retenu que l’employeur n’a pris aucune mesure afin de veiller au maintien de l’employabilité de sa salariée ni en tant qu’ingénieur concepteur ni en qualité de Consultant handicap, sera confirmé en ce qu’il a condamné la société Capgemini à verser à la salariée la somme de 5 000 euros de ce chef.
Sur la demande de résiliation judiciaire
Les manquements de l’employeur à ses obligations, tirés du harcèlement moral, de la discrimination syndicale et en raison de l’état de santé, du non respect de son obligation d’employabilité de la salariée et de déclarations aux organismes de prévoyance, sont chacun de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail, ainsi que l’ont retenu les premiers juges.
Le jugement sera également confirmé en ce qu’il a retenu que la résiliation produit les effets d’un licenciement nul, compte tenu du harcèlement moral et de la discrimination dont a été victime la salariée (en ce sens, Soc., 20 février 2013, pourvoi n° 11-26.560, Bull. 2013, V, n° 47).
La salariée n’ayant pas été licenciée, par voie de confirmation, la date d’effet de la résiliation judiciaire doit être fixée à la date du jugement qui l’a prononcée.
Sur les conséquences financières de la résiliation judiciaire
Sur l’indemnité compensatrice de préavis et l’indemnité conventionnelle de licenciement
Mme [O] a droit à une indemnité compensatrice de préavis dont il y a lieu de fixer le montant en considération de la rémunération qu’elle aurait perçue si elle avait travaillé durant le préavis d’une durée de trois mois.
Par voie de confirmation du jugement, dont la cour adopte les motifs, il y a lieu de condamner l’employeur à lui verser à ce titre la somme de 12 055,14 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 1 205,51 euros au titre des congés payés afférents, et la somme de
25 543 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement, ces montants n’étant pas critiqués en leur calcul par l’employeur.
Sur les dommages-intérêts au titre du licenciement nul
En application de l’article L. 1235-3-1 du code du travail, en considération de la situation particulière de la salariée, notamment de sa rémunération mensuelle brute (4 018 euros), de son âge (61 ans) et de son ancienneté au moment de la rupture (20 ans et 4 mois), des circonstances de celle-ci et du fait que la salariée, en arrêt maladie depuis novembre 2012, est en invalidité depuis 2016, indemnisée depuis cette date à hauteur de 1 148, 63 euros par mois, complétée par la prévoyance seulement à compter de 2021 ainsi qu’il a été dit ci-dessus, de sa capacité à retrouver un emploi compte tenu de cette situation, il y a lieu de condamner la société Capgemini Technology Services à payer à Mme [O] une indemnité de 60 000 euros au titre de la résiliation judiciaire produisant les effets d’un licenciement nul, cette indemnité réparant la perte injustifiée de son emploi.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur le remboursement des indemnités de chômage
La résiliation judiciaire produisant les effets d’un licenciement nul, il y a lieu, en application des dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail qui l’imposent et sont donc dans le débat, d’ordonner d’office à la société Capgemini Technology Services de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage éventuellement versées à la salariée, dans la limite de six mois d’indemnités.
Sur les dommages-intérêts au titre de la violation du statut protecteur
La salariée rappelle qu’elle a été désignée conseiller du salarié pour une période de trois ans le 8 septembre 2017 jusqu’au 8 septembre 2020, son mandat étant ensuité renouvelé jusqu’au 10 septembre 2023, de sorte que l’indemnisation pour violation du statut protecteur doit porter sur l’intégralité de cette période en appliquant le plafond de 30 mois posé par la Cour de cassation.
L’employeur objecte que la demande de résiliation judiciaire de la salariée n’étant pas fondée, le jugement entrepris doit être infirmé sur ce point, la demande n’ayant pas lieu d’être, la salariée étant toujours aux effectifs de la société.
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Lorsque la résiliation judiciaire du contrat de travail d’un salarié titulaire d’un mandat de représentant du personnel est prononcée aux torts de l’employeur, la rupture produit les effets d’un licenciement nul pour violation du statut protecteur, de sorte que le salarié peut prétendre à une indemnité pour violation du statut protecteur égale aux salaires qu’il aurait dû percevoir jusqu’à la fin de la période de protection en cours dans la limite de 30 mois, quand bien même il aurait été susceptible de partir à la retraite avant l’expiration de cette période (Soc., 25 septembre 2019, pourvoi n° 18-15.952, diffusé).
Lorsque le juge prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail d’un salarié protégé aux torts de l’employeur, le salarié peut prétendre à une indemnité pour violation du statut protecteur égale à la rémunération qu’il aurait dû percevoir jusqu’à l’expiration de la période de protection en cours au jour de la demande de résiliation judiciaire, dans la limite de trente mois.
Mais dans la mesure où la résiliation judiciaire prend effet seulement au jour où ell est prononcée, l’indemnité n’est pas due si à cette date, il n’y a plus de statut protecteur (cf. Soc., 23 mars 2016, pourvoi n°14-26.105).
Ainsi, lorsque la période de protection en cours au moment de la demande est expirée quand le juge prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail, le salarié ne peut prétendre à l’allocation d’une indemnité pour violation du statut protecteur (cf. Soc., 16 février 2022, pourvoi n° 20-16.184, publié ; Soc., 8 avril 2021, pourvoi n° 18-21.901)
L’indemnité pour violation du statut protecteur est une indemnité qui couvre le préjudice lié à la perte du mandat. (Soc., 8 juin 2011, pourvoi n° 10-11.933, 10-13.663, Bull. 2011, V, n° 143).
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En l’espèce, la salariée sollicite une indemnité égale à la rémunération qu’elle aurait dû percevoir jusqu’à l’expiration de la période de protection en cours au jour de la demande de résiliation judiciaire , soit du 11 juin 2015, date de la saisine du conseil de prud’hommes, au 10 septembre 2023, date de la fin de son statut protecteur, dans la limite du plafond de 30 mois.
Toutefois, il n’est pas contesté que, au jour de la demande de résiliation judiciaire, aucun mandat de la salariée n’était alors en cours, puisque, si elle été titulaire de mandat de représentants du personnel de 2004 à 2011, ces mandats étaient terminés, et elle n’a été désignée conseiller du salarié pour une période de trois ans qu’à compter du 8 septembre 2017, soit plus de deux ans après la demande de résiliation judiciaire.
Il en résulte que la salariée, qui, faute de mandat en cours, n’était pas en période de protection lorsqu’elle a saisi le conseil de prud’hommes d’une demande de résiliation judiciaire, est mal fondée à solliciter le paiement d’une indemnité au titre de la violation du statut protecteur.
Au surplus, le prononcé de la résiliation judiciaire n’a pas fait pas perdre à la salariée son mandat de conseiller du salarié, qui a d’ailleurs été renouvelé postérieurement au prononcé de cette résiliation judiciaire.
Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu’il a condamné l’employeur à lui verser la somme de 36 701,20 euros à titre de dommages et intérêts pour violation du statut protecteur.
Sur la prime de vacances et de fin d’année au titre des années 2014, 2015, 2016 et 2017
La salariée sollicite la confirmation de ce chef de dispositif du jugement, l’employeur se bornant à répliquer, comme devant les premiers juges, que les salariés qui sont en maladie de longue durée ne peuvent prétendre au règlement de ces primes par la société, sans expliciter sur quel fondement juridique il base cette objection.
Par des motifs pertinents, que la cour adopte, les premiers juges ont relevé que la convention collective applicable, dite Syntec, ne prévoit aucune exclusion du bénéfice de cette prime pour les salariés en arrêt de travail de longue durée.
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il a condamné l’employeur à verser à la salariée la somme de 12 040,96 euros à titre de rappel de primes de vacances et de fin d’année pour les années 2014, 2015, 2016 et 2017, outre la somme de 1 204,10 euros au titre des congés payés afférents.
Sur la prime de mérite attribuée à l’occasion de l’évaluation de 2008
La salariée demande confirmation de ce chef de dispositif, l’employeur objectant seulement que le Conseil (sic) notera que l’entretien sur lequel elle s’appuie pour se prévaloir de cette prime n’a aucune valeur légale et qu’il s’agit simplement d’une suggestion de son évaluateur.
Par des motifs pertinents que la cour adopte, les premiers juges ont relevé qu’il résulte de l’entretien de développement professionnel 2008 de la salariée que l’employeur, par l’intermédiaire de l’évaluateur, a manifesté la volonté de lui accorder, en récompense de ses résultats et de son implication, une prime de 1 000 euros, dont le versement n’apparaît pas sur les bulletins de paie, et dont l’employeur ne démontre pas avoir procédé au paiement par un autre moyen.
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il a condamner la société à verser à la salariée la somme de 1 000 euros au titre de la prime de mérite attribuée en 2008, ainsi que 100 euros au titre des congés payés afférents.
Sur les heures complémentaires qu’elle a effectuées du 6 juin 2008 au 18 décembre 2008
La salariée sollicite la somme de 5 119 euros au titre des heures complémentaires qu’elle a effectuées du 6 juin 2008 au 18 décembre 2008 et qui ont été reconnues par la société Cap Gemini outre la somme de 511 euros au titre des indemnités congés payés y afférents. Elle soutient que
L’employeur objecte que, ainsi que le juge départiteur l’a justement retenu, cette demande à laquelle la société avait déjà répondu, par email du 14 mai 2009, en démontrant à la salariée qu’il s’agissait d’heures complémentaires compte tenu du fait qu’elle travaillait à temps partiel et non d’heures supplémentaires, est prescrite.
En l’espèce, la salariée, qui ne répond pas à la prescription retenue par les premiers juges, a saisi le conseil de prud’hommes le 11 juin 2015 soit plus de six ans après la fin de la période pour laquelle un rappel est sollicité.
Par des motifs pertinents que la cour d’appel adopte les premiers juges ont retenu que la salariée n’était pas recevable à solliciter un rappel de salaire antérieur au 11 juin 2010.
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il a débouté la salariée de ce chef de demande.
Sur la ‘demande portant substitution de Cap Gemini à l’organisme de prévoyance dans le paiement des salaires’
La salariée sollicite, dans le dispositif de ses écritures (p. 34), l’infirmation du jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande portant substitution de Cap Gemini à l’organisme de prévoyance dans le paiement des salaires, et statuant à nouveau, la condamnation de la société Cap Gemini à lui payer la somme de 111 508 euros outre 11 150 euros au titre des indemnités congés payés y afférents.
Toutefois, la cour relève, d’une part, que la demande ‘portant substitution de Cap Gemini à l’organisme de prévoyance dans le paiement des salaires’ n’avait pas été formulée de cette façon devant les premiers juges, qui indiquent que la salariée sollicitait ’20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive et loyale du contrat relative à la mise en place de la prévoyance’ et ‘70.252 € à titre de rappel de salaires sur la période de juin 2016 à octobre 2020, 7.025,20 € au titre des congés payés y afférents’, ou ‘à titre subsidiaire d’enjoindre à la société défenderesse de faire le nécessaire auprès de l’organisme de prévoyance afin de régulariser sa situation sous astreinte de 100 € par jour de retard à l’expiration d’un délai de 8 jours suivant le prononcé du présent jugement et demande au Conseil de se réserver le droit de liquider les astreintes à l’expiration d’un délai de 4 mois’.
Le conseil de prud’hommes a condamné la société à payer une somme à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive et déloyale du contrat de travail, a retenu que ‘s’agissant de la demande de rappel de salaires de juin 2016 à octobre 2020, il y a lieu de rappeler que le versement du complément de salaire en cas d’arrêt longue maladie n’incombe pas à l’employeur mais à l’organisme de prévoyance compétent’ et a ordonné à la société de faire le nécessaire auprès de l’organisme de prévoyance afin que celui-ci régularise la situation de Madame [O], sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l’expiration d’un délai de 8 jours suivant la notification du présent jugement.
Ce faisant le conseil de prud’hommes a fait droit à la demande subsidiaire de la salariée, qui ne demande pas l’infirmation de ce chef de dispositif, étant ici rappelé qu’il a été précédemment relevé que l’organisme de prévoyance a in fine régularisé la situation de la salariée et procédé aux versements sollicités. La cour relève à ce titre que la salariée n’invoque pas avoir saisi le conseil de prud’hommes d’une demande de liquidation de l’astreinte prononcée.
D’autre part, cette demande de substitution, qui est dès lors sans objet, n’est pas fondée en droit dans le corps de ses écritures, et l’employeur n’y répond d’ailleurs pas expressément dans ses conclusions, qui se contentent d’indiquer que si réellement la salariée rencontrait de réelles difficultés financières, il ne fait aucun doute qu’elle aurait tout mis en ‘uvre pour recouvrer ces sommes.
La salariée invoque seulement, dans le corps de ses écritures (p. 28) un manque à gagner de janvier 2017 à mai 2021, résultant de la carence fautive de l’employeur dans le cadre de ses obligations déclaratives relatives à la mise en oeuvre de la prévoyance, manquement qui a été précédemment réparé par l’octroi de dommages-intérêts. De plus, ce manquement a été retenu par la cour au titre de la résiliation judiciaire du contrat de travail, produisant les effets d’un licenciement nul, et dont le préjudice a été réparé par l’octroi d’une indemnité réparant la perte injustifiée de l’emploi, en application de l’article L. 1235-3-1 du code du travail.
En conséquence, cette demande sera donc rejetée.
Sur les intérêts
Par voie d’infirmation, les intérêts au taux légal courront sur les créances de nature salariale à compter de la date de réception par l’employeur de sa convocation à comparaître à l’audience de conciliation.
Par voie de confirmation, les intérêts au taux légal courront sur les créances de nature indemnitaire à compter du prononcé du jugement s’agissant de l’indemnité au titre du licenciement nul. Ils courront à compter du prononcé du présent arrêt s’agissant des dommages-intérêts au titre de la discrimination.
Les intérêts échus des capitaux porteront eux-mêmes intérêts au taux légal dès lors qu’ils seront dus pour une année entière à compter de la demande qui en a été faite. Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur la remise des documents sociaux
Le jugement sera également confirmé en ce qu’il a enjoint à la société Cap Gemini de délivrer les bulletins de paie corrigés et de délivrer les documents de fin de contrat (solde de tout compte, certificat de travail, attestation Pôle emploi) conformes au jugement.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
Il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
L’employeur, succombant en son appel, sera condamné aux dépens, ainsi qu’à payer à la salariée la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, la cour rejetant sa demande fondée sur ce texte.
Il y a lieu de préciser que le sort des éventuels frais d’exécution forcée sera réglé dans le cadre des procédures civiles d’exécution mises en oeuvre.
PAR CES MOTIFS:
La cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe :
INFIRME le jugement entrepris mais seulement en ce qu’il déboute Mme [O] de sa demande de dommages-intérêts au titre de la discrimination syndicale et en raison de l’état de santé, en ce qu’il condamne la société Capgemini Technology Services à verser à Mme [O] la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul, et la somme de 36 701,20 euros à titre de dommages et intérêts pour violation du statut protecteur, et en ce qu’il dit que les sommes dues au titre des créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2015,
CONFIRME le jugement pour le surplus,
Statuant à nouveau des seuls chefs infirmés, et y ajoutant,
CONDAMNE la société Capgemini Technology Services à payer à Mme [O] les sommes de:
– 60 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul,
– 10 000 euros à titre de dommages-intérêts au titre de la discrimination syndicale et en raison de l’état de santé,
DÉBOUTE Mme [O] de sa demande de dommages-intérêts au titre de la violation du statut protecteur,
DÉBOUTE Mme [O] de sa demande portant substitution de Cap Gemini à l’organisme de prévoyance dans le paiement des salaires,
DIT que les intérêts au taux légal sur les créances indemnitaires courront à compter du prononcé de la présente décision s’agissant des dommages-intérêts au titre de la discrimination, et à compter de la date de réception par l’employeur de sa convocation à comparaître à l’audience de conciliation pour les créances salariales,
ORDONNE à la société Capgemini Technology Services de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage éventuellement versées à Mme [O], dans la limite de six mois d’indemnités,
CONDAMNE la société Capgemini Technology Services à payer à Mme [O] la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et la déboute de sa demande fondée sur ce texte,
CONDAMNE la la société Capgemini Technology Services aux dépens de l’instance d’appel.
. prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
. signé par Madame Aurélie Prache, président et par Madame Dorothée Marcinek, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier Le président