Convention collective SYNTEC : 15 juin 2022 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 19/00463

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Convention collective SYNTEC : 15 juin 2022 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 19/00463

COUR D’APPEL DE [Localité 4]

CHAMBRE SOCIALE – SECTION A

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ARRÊT DU : 15 JUIN 2022

PRUD’HOMMES

N° RG 19/00463 – N° Portalis DBVJ-V-B7D-K2WM

SAS CGI FRANCE

c/

Madame [F] [X]

Syndicat CGT CGI

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 14 décembre 2018 (RG n° F 16/01998) par le conseil de prud’hommes – formation paritaire de BORDEAUX, section Encadrement, suivant déclaration d’appel du 24 janvier 2019,

APPELANTE :

SAS CGI France, siret n° 702 042 755, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social, [Adresse 1],

représentée par Maître Pierre FONROUGE de la SELARL LEXAVOUE [Localité 4], avocat au barreau de BORDEAUX,

assistée de Maître Lionel VUIDARD, avocat au barreau de PARIS,

INTIMÉE :

Madame [F] [X], née le 28 février 1975, de nationalité française, demeurant [Adresse 2],

représentée par Maître Sylvain LEROY de la SELARL LEROY-GRAS, avocat au barreau de [Localité 4],

assistée de Maître Pierre BURUCOA, avocat au barreau de BORDEAUX,

INTERVENANT :

Syndicat CGT CGI, pris en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, [Adresse 3],

représenté par Maître Sylvain LEROY de la SELARL LEROY-GRAS, avocat au barreau de BORDEAUX,

assisté de Maître Pierre BURUCOA, avocat au barreau de BORDEAUX,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 avril 2022 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Sylvie Hylaire, présidente chargée d’instruire l’affaire, et Monsieur Rémi Figerou, conseiller

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sylvie Hylaire, présidenteMadame Sophie Masson, conseillère

Monsieur Rémi Figerou, conseiller

Greffière lors des débats : Anne-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

– contradictoire,

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [F] [X], née en 1975, a été engagée en qualité d’ingénieur en Technologies de l’information par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 2 mai 2005 par la société Unilog, intégrée en 2005 au groupe Unilog qui a lui-même été racheté en 2012 par la SAS CGI France, dont l’activité est le conseil en systèmes et logiciels informatiques.

Le contrat de travail a été rompu le 8 mars 2019, suite à la démission de la salariée.

***

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseil (ci-après dénommée convention Syntec).

Un accord collectif de branche annexé à la convention collective conclu le 22 juin 1999 et étendu par arrêté du 21 décembre 1999 (publié au JORF du 24 décembre 1999), relatif à la réduction du temps de travail a, dans son chapitre II, prévu trois modalités d’aménagement du temps de travail pour les ingénieurs et cadres :

– la modalité 1 dite ‘standard’ qui correspond à la durée légale de travail de 35 heures hebdomadaires, sans aménagement particulier,

– la modalité 2, dite ‘réalisation de missions’ qui organise une convention de forfait hebdomadaire en heures (38h30),

– la modalité 3, dite ‘réalisation de missions avec autonomie complète’ soit l’équivalent d’une convention de forfait en jours sur l’année.

En vertu de l’article 3 de l’accord, la modalité 2 :

– s’applique aux salariés non concernés par les modalités standard ou les réalisations de missions avec autonomie complète,

– concerne tous les ingénieurs et cadres à condition que leur rémunération soit au moins égale au plafond annuel de la sécurité sociale (ci-après PASS).

Dans la modalité 2, les appointements des salariés englobent les variations horaires éventuellement accomplies dans une limite dont la valeur est au maximum de 10 % pour un horaire hebdomadaire de 35 heures, soit 38h30 par semaine.

Le personnel ainsi autorisé à dépasser l’horaire habituel dans la limite de 10 % doit bénéficier d’une rémunération annuelle au moins égale à 115 % du minimum conventionnel de sa catégorie.

L’article 1er du chapitre XI de l’accord dispose que ‘les accords d’entreprise ou d’établissement, conclus avec des délégués syndicaux ou en application de l’article 3 de la loi du 13 juin 1998, peuvent prévoir des dispositions différentes de celles du présent accord, spécifiques à leur situation particulière’.

*

Le 30 juin 2008, un accord d’entreprise sur la réduction et l’aménagement du temps de travail a été conclu au sein de l’UES Logica France, accord que la société CGI France continue d’appliquer, qui reprend les trois modalités conventionnelles d’aménagement du temps de travail prévues par l’accord de branche.

S’agissant de la modalité 2, l’accord prévoit dans son article 3.2.2 qu’elle s’applique :

– aux salariés non concernés par la modalité standard ou par celle correspondant à la réalisation de missions en autonomie complète,

– aux ingénieurs et cadres relevant a minima de la position 2.2 et du coefficient 130 et au plus du coefficient 170 soit la position 3.1 de la convention collective nationale et dont la rémunération au moment de leur affectation dans la modalité est au moins égale au PASS.

L’accord fixe un nombre de jours de RTT variable chaque année selon le nombre de jours calendaires de l’année de week-end et jours fériés permettant de réduire le nombre maximum de jours travaillés par an à 218 jours (y compris la journée de solidarité) sans pouvoir être inférieur à 10 pour un salarié travaillant à temps plein sur une année civile complète.

L’article 9.1 de l’accord d’entreprise intitulé ‘Clause de forclusion’ est ainsi rédigé : ‘Les signataires s’accordent à reconnaître que toute clause du présent accord ne saurait restreindre des dispositions plus favorables, actuelles ou à venir dans la législation Européenne, le code du travail et la convention collective Syntec’.

***

Le contrat de travail de Mme [X] conclu le 2 mai 2005 prévoyait que le temps de travail hebdomadaire est de 38h30 (35 heures + 10%), précisant : ‘Ces dispositions correspondent à la modalité 2 de l’accord UNILOG sur l’Aménagement et la Réduction du Temps de travail. Elles pourront être revues en fonction de l’évolution de votre coefficient. Votre rémunération telles que définie dans cet accord englobe forfaitairement les variations horaires éventuellement accomplies au delà de 35 heures hebdomadaires dans la limite de 10%’.

Par avenant non daté, visant l’accord collectif du 30 juin 2008, Mme [X] a été affectée en modalité standard.

Par avenant à effet au 1er mai 2010, Mme [X] a été promue au coefficient 130 de la convention collective et affectée en modalité ‘réalisation de mission’, l’avenant précisant qu’elle bénéficiera :

– d’un salaire fixe annuel brut de 34.440 euros payable ‘ (en équivalent temps plein)’en 12 mensualités brutes de 2.870 euros outre la prime de vacances ;

– ‘d’une convention de forfait hebdomadaire de 38h30 ( la rémunération brute englobant les variations horaires dans une limite maximale de 35 heures hebdomadaires plus 10%)’ ;

– ‘de jours de repos RTT, dit Q1 (dont le nombre varie chaque année en fonction du calendrier et des jours fériés) permettant de réduire le nombre de jours maximum travaillés par an au niveau fixé par la législation soit actuellement 218 jours (y compris la journée de solidarité), sans pour autant que le nombre de JRTT ne puisse être inférieur à 10 pour un salarié travaillant à temps plein sur une année civile complète’.

***

A la fin de l’année 2015, plusieurs salariés et le syndicat CGT CGI ont saisi la direction de la société de la difficulté tenant au fait que leur rémunération était devenue inférieure au PASS, soutenant que par suite, la forfaitisation du temps de travail permise par la modalité 2 s’est trouvée privée d’effet, qu’ils doivent en conséquence relever de la modalité standard et du régime de droit commun et peuvent donc solliciter un rappel de salaire correspondant aux 3,5 heures supplémentaires majorées effectuées par semaine au-delà de 35 heures.

Le 26 juillet 2016, Mme [X] ainsi que d’autres salariés ont saisi le conseil de prud’hommes de Bordeaux.

Par jugement rendu le 14 décembre 2018, cette juridiction a déclaré Mme [X] recevable et bien fondée dans sa demande et a :

– condamné la société CGI France à lui verser la somme de 20.833,67 euros bruts à titre de rappel de salaire au 31 décembre 2017 ainsi qu’à lui remettre un bulletin de salaire rectificatif,

– débouté Mme [X] de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 1.500 euros pour nullité du temps de travail forfaitaire, nullité de la rémunération forfaitaire et privation de salaire,

– débouté la société de sa demande de remboursement des JRTT et des majorations d’heures supplémentaires,

– condamné la société à verser à Mme [X] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Par déclaration du 24 janvier 2019, la société a relevé appel de cette décision.

Par ordonnance rendue par le conseiller de la mise en état le 4 octobre 2021, une décision portant injonction de rencontrer un médiateur et ordonnant une médiation en cas d’accord des parties a été rendue.

Les parties ont rencontré un médiateur mais refusé la médiation.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 29 mars 2022, la société CGI France demande à la cour de :

A titre principal,

– constater que la salarié a été affectée en modalité 2 avec une rémunération supérieure au PASS,

– dire que la convention de forfait hebdomadaire en heures de la salariée est valable,

– dire que la convention de forfait de salaire inclut le paiement forfaitaire de 3h30 heures supplémentaires sur une base hebdomadaire,

– infirmer le jugement déféré en ce qu’il a condamné la société à un rappel de salaire de

20.833,67 euros, à la remise d’un bulletin de salaire rectificatif et au paiement de la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens,

– débouter la salariée de l’ensemble de ses demandes,

– dire que le syndicat CGT CGI ne démontre pas avoir subi un quelconque préjudice,

– débouter le syndicat CGT CGI de l’ensemble de ses demandes ;

A titre subsidiaire, si la cour considérait la convention de forfait inopposable,

– dire que la salariée ne prouve pas avoir effectué les prétendues heures supplémentaires dont elle réclame le paiement,

– dire et juger qu’elle ne peut se prévaloir d’aucun préjudice à ce titre,

– constater que les calculs de la salariée relatifs aux heures supplémentaires sont inexacts,

– dire que la convention de forfait de salaire inclut déjà le paiement forfaitaire de 3h30 heures supplémentaires (majoration incluse) sur une base hebdomadaire et que la salariée ne peut prétendre une deuxième fois au paiement de ces heures supplémentaires majorées,

– dire que la salariée ne peut se prévaloir d’aucun préjudice à ce titre,

– infirmer le jugement déféré en ce qu’il a condamné la société à un rappel de salaire de

20.833,67 euros, à la remise d’un bulletin de salaire rectificatif et au paiement de la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens,

– débouter la salariée de ses demandes de rappel d’heures supplémentaires, de dommages et intérêts et d’indemnité pour travail dissimulé ;

A titre infiniment subsidiaire, si la cour considérait la convention de forfait inopposable,

– dire que la convention de forfait de salaire inclut déjà le paiement forfaitaire de 3h30 sur une base hebdomadaire et que la salariée ne peut dès lors prétendre qu’au paiement des majorations applicables aux heures supplémentaires effectuées au-delà de la durée légale,

– limiter la condamnation de la société au paiement de la somme de 5.275,71 euros bruts au titre des majorations afférentes aux 3,5 heures hebdomadaires comprises dans le forfait de la salariée (prime de vacances et indemnité de congés payés afférentes incluses),

– dire que la salariée ne peut se prévaloir d’aucun préjudice à ce titre,

– débouter la salariée de ses demandes de rappel d’heures supplémentaires et de dommages et intérêts ;

A titre reconventionnel,

– réformer le jugement en ce qu’il a débouté la société CGI France de ses demandes reconventionnelles et statuant à nouveau,

– condamner la salariée à rembourser à la société 8.217,20 euros bruts à titre de JRTT indûment attribués de juillet 2013 au mois de mars 2019 avec intérêts légaux et ordonner la compensation entre cette somme et le montant des éventuelles condamnations mises à la charge de la société,

– condamner la salariée à rembourser la somme de 3.008,97 euros bruts à la société correspondant au montant des heures supplémentaires majorées sur la base du salaire forfaitaire et indûment versées à la salariée et ordonner la compensation entre cette somme et le montant des éventuelles condamnations mises à la charge de la société,

En tout état de cause :

– condamner la salariée au paiement d’une somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner le syndicat CGT CGI au paiement d’une somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouter la salariée et le syndicat CGT CGI de l’ensemble de leurs demandes,

– condamner la salariée et le syndicat CGT CGI aux dépens.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 16 mars 2022, Mme [X] demande à la cour de’déclarer la société CGI France recevable mais infondée en son appel, de la déclarer recevable et en tout cas bien fondée en son appel incident, et de :

– confirmer le jugement rendu en ce qu’il a :

* déclaré Mme [X] recevable et bien fondée dans sa demande,

* condamné la société CGI France à verser à Mme [X] la somme de 20.833,67 euros bruts à titre de rappel de salaire au 31 décembre 2017,

* condamné la société CGI France à communiquer à Mme [X] un bulletin de salaire rectificatif,

* condamné la société CGI France à verser à Mme [X] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– le réformer pour le surplus,

Statuant à nouveau,

A titre subsidiaire, condamner la société CGI France à verser à Mme [X] les sommes suivantes :

* à titre de rappel de salaire du 1er juillet 2013 au 31 décembre 2017 : 18.939,70 euros bruts,

* à titre de rappel d’indemnité compensatrice de congés payés afférents : 1.893,97 euros bruts,

* à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail : 2.500 euros,

– débouter la société CGI France de ses demandes,

Y ajoutant,

– condamner la société CGI France à verser à Mme [X] la somme de 5.040,79 euros bruts à titre de rappel de salaire du 1er janvier 2018 au 28 février 2019 ainsi que la somme de 504,08 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés afférents,

– condamner la société CGI France à verser à Mme [X] la somme de 21.570,42 euros à titre d’indemnité forfaitaire de travail dissimulé,

– dire que les condamnations de nature salariale et indemnitaire porteront intérêts moratoires à compter du 1er juillet 2016 dans les limites des montants sollicités dans la mise en demeure de Mme [X], avec capitalisation des intérêts,

– dire que pour le surplus, les condamnations porteront intérêts moratoires à compter de la décision les ayant prononcées, avec capitalisation des intérêts,

– condamner la société CGI France à verser à Mme [X] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société CGI France à communiquer à Mme [X] un bulletin de salaire rectificatif,

– condamner l’appelante aux dépens, dont distraction au profit de la SELARL Leroy-Gras, avocat au barreau de Bordeaux.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 23 juillet 2019, le syndicat CGT CGI demande à la cour de’le déclarer recevable et en tout cas bien fondé en son intervention volontaire, de déclarer la société CGI France recevable mais mal fondée en son appel limité et incident et de :

– condamner la société CGI France à lui verser la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour atteinte à l’intérêt collectif de la profession et non-respect des dispositions collectives de branche et d’entreprise,

– condamner la société CGI France à lui verser la somme de 500 euros au titre des frais irrépétibles sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouter la société CGI France de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société CGI France aux dépens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 31 mars 2022 et l’affaire a été fixée à l’audience du 11 avril 2022.

A cette audience, il a été convenu avec les parties qu’afin de permettre à la salariée de répondre aux dernières écritures de la société adressées deux jours avant la clôture et dont il sollicitait l’irrecevabilité, la cour autorisait l’appelante à adresser une note en délibéré au plus tard le 15 avril.

Cette note a été adressée à la cour le 14 avril 2022.

Le 22 avril 2022, la société CGI France a adressé, sans y avoir été autorisée par la cour, une note en réponse à celle dûment autorisée adressée par l’intimé.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile ainsi qu’au jugement déféré.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La salariée ayant été autorisée à adresser une note en délibéré à la cour pour répondre aux dernières conclusions de la société, il n’y a pas lieu de déclarer celles-ci irrecevables.

Sur l’opposabilité du forfait en heures

Pour voir infirmer la décision déférée, la société CGI France demande à la cour de déclarer valable la convention de forfait en heures conclue entre les parties et fait principalement valoir les éléments suivants :

– lorsque la salariée a été affecté en modalité 2, sa rémunération était supérieure au PASS ;

– or, les partenaires sociaux de la branche n’ont pas voulu faire de la condition de rémunération au moins égale au PASS une condition de maintien dans la modalité 2 mais seulement une condition d’entrée dans cette modalité, ce dont témoignerait le document établi par la Fédération Syntec à la suite de la signature de l’accord en 1999 ; cette position a été réaffirmée par la même Fédération dans un communiqué du 20 novembre 2015, paru à la suite des arrêts ‘Altran Technologies’ ;

– l’accord d’entreprise conclu le 30 juin 2008 a expressément prévu, dans son article 3.2.2, par dérogation à l’accord de branche, que le critère relatif au PASS devait s’apprécier ‘au moment de l’affectation’ ; dès lors que l’accord de branche ne prévoyait pas expressément que la condition du PASS devait s’apprécier tout au long de l’exécution du contrat, l’accord d’entreprise pouvait stipuler que la condition du PASS ne devait exister qu’au moment de l’affectation du salarié dans la modalité 2, dans la mesure où cette disposition n’est pas moins favorable que celle prévue par l’accord de branche ;

– les dispositions des articles L. 2253-1 et suivants dans leur rédaction en vigueur à la date de signature de l’accord et de la convention de forfait, autorisaient ‘l’adaptation aux conditions particulières de l’entreprise des stipulations de l’accord de branche’ et à y apporter des précisions ;

– elles permettaient aux accords d’entreprise de déroger à la convention collective ou accord de branche et ce, bien avant l’ordonnance ‘Macron’ n° 2017-1385 du 22 septembre 2017 ;

– la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 autorisait en effet des dérogations moins favorables, sauf clause de la norme supérieure dite de verrouillage ou d’impérativité ; or l’accord de branche stipulait dans son article 11 que les accords d’entreprise peuvent prévoir des dispositions différentes spécifiques à leur situation particulière, ce qu’a confirmé la circulaire du ministère du travail du 22 septembre 2004 ;

– la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 a consacré la primauté des accords d’entreprise en substituant au principe général de faveur un principe général de subsidiarité donnant la primauté aux accords d’entreprise sur les accords de branche, y compris antérieurs à la loi, ce qu’ont confirmé le Conseil constitutionnel, la Cour de cassation et la circulaire d’application du 13 novembre 2008 ;

– l’accord d’harmonisation CGI des statuts collectifs de 2013, réitérant l’accord Logica, pouvait donc valablement déroger à l’accord de branche, s’agissant ‘d’un domaine dérogeable’ dès lors que cet accord n’interdit pas aux accords d’entreprise de comporter des dérogations moins favorables ;

– l’article 3.3.2 de l’accord Logica, disposition spéciale, doit prévaloir sur les dispositions générales de son article 9.1.

Mme [X] conclut à l’inopposabilité du forfait de temps de travail.

Elle conteste l’analyse faite par la société CGI France soutenant que, selon l’article 9.1 de l’accord intitulé ‘Clause de forclusion’, les partenaires sociaux ont entendu exclure toute clause plus défavorable, qu’il s’agisse ou non d’une adaptation.

Selon Mme [X], l’article 3.2.2 de l’accord d’entreprise, qui restreint l’application du PASS au moment de l’affectation du salarié dans la modalité 2, lui est défavorable dès lors que l’interprétation donnée par la Cour de cassation de l’article 3 de l’accord de branche conduit à considérer que la condition d’une rémunération supérieure au PASS

doit être remplie, non seulement au moment de l’attribution de la modalité 2, mais tout au long de la relation contractuelle, en fonction du montant du PASS tel qu’il est réévalué chaque année.

***

Durant la période sur laquelle porte la demande en paiement présentée par Mme [X], que ce soit sa demande initiale devant le conseil de prud’hommes et sa demande réactualisée formulée devant la cour (de juillet 2013 à février 2019 – pièce 18 salariée), la rémunération qui lui a été versée a été inférieure au montant du PASS, ainsi que cela résulte de la comparaison du salaire perçu incluant la prime de vacances au cours de la période) et du montant du PASS au cours des années concernées.

Ce point n’est au demeurant pas contesté par la société, ainsi qu’elle l’a confirmé à l’audience sur l’interrogation de la cour.

Il résulte des termes clairs et non équivoques de l’article 3 de l’accord de branche du 22 juin 1999, que les partenaires sociaux ont entendu soumettre la validité de la modalité 2 à la condition d’une rémunération au moins égale au PASS, sans limiter l’application de cette condition à la seule date de l’entrée du salarié dans cette modalité ; cette condition doit par conséquent être remplie tant que le salarié relève de la modalité 2 et si elle cesse de l’être, le forfait horaire en résultant devient inopposable au salarié concerné.

L’analyse du texte de l’article 3 ne peut être remise en cause par les avis émis par la Fédération Syntec versés aux débats par la société CGI France (ses pièces 3, 4 et 53) dont le caractère ‘paritaire’ n’est pas démontré, pas plus que par le contenu du tract syndical émanant du syndicat CGT Altran (pièce 7 société), ces documents, postérieurs à la signature de l’accord de branche du 22 juin 1999 n’étant pas de nature à contrevenir aux termes clairs de celui-ci.

L’article 3.3.2 de l’accord d’entreprise signé le 30 juin 2008, qui a expressément limité la condition d’une rémunération au moins égale au PASS au moment de l’entrée du salarié dans le régime de la modalité 2, est dès lors incontestablement moins favorable aux salariés que les dispositions de l’accord de branche.

Ainsi que le soutient la société, l’article 1er du chapitre XI de l’accord de branche stipulait que les accords d’entreprise peuvent prévoir des dispositions différentes de celles de l’accord, spécifiques à leur situation particulière.

Cependant, cet article 1er ne prévoit pas la possibilité d’insérer dans un accord d’entreprise des dispositions moins favorables aux salariés en matière de rémunération, l’article 3.2.2 de l’accord Logica n’étant au surplus pas justifié par ‘une situation particulière’ de la société CGI France qui ne précise pas en quoi sa situation serait différente de celle des autres entreprises relevant de la convention Syntec.

L’article L. 2253-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la date de la conclusion de l’accord d’entreprise, qu’il s’agisse de l’accord Logica ou de l’accord d’harmonisation des statuts conclu au sein de la société CGI France le 24 avril 2013 (pièce 63 société), prévoyait qu’une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement pouvait ‘adapter’ les stipulations des conventions de branche ou des accords professionnels ou interprofessionnels applicables dans l’entreprise, aux conditions particulières de celle-ci ou des établissements considérés et comporter des stipulations nouvelles et des stipulations plus favorables aux salariés.

Il était ainsi possible pour les partenaires sociaux de prévoir dans l’accord d’entreprise une ‘adaptation’ des stipulations des conventions de branche ou des accords professionnels ou interprofessionnels applicables dans l’entreprise aux conditions particulières de celle-ci.

Mais, ainsi qu’il l’a déjà été relevé, la société CGI France ne justifie ni même n’allègue de conditions particulières distinctes de celles des autres entreprises relevant de la convention Syntec pouvant autoriser une ‘adaptation’ consistant en outre à ajouter une condition plus restrictive et moins favorable aux salariés que celle prévue par l’accord de branche.

L’article L. 2253-3 du code du travail, dans sa version applicable à la date de signature de l’accord Logica et de l’accord d’harmonisation des statuts conclu le 24 avril 2013, a, en dehors des matières concernant les salaires minima, les classifications, les garanties collectives complémentaires mentionnées à l’article L. 912-1 du code de la sécurité sociale et la mutualisation des fonds de la formation professionnelle, autorisé un accord d’entreprise à déroger en tout ou en partie aux stipulations applicables en vertu d’une convention ou d’un accord couvrant un champ territorial ou professionnel plus large, sauf si cette convention ou cet accord en dispose autrement.

De même, la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 a permis, notamment pour la mise en place de conventions individuelles de forfait en heures, de neutraliser le principe de faveur qui faisait prévaloir la norme supérieure sur celle inférieure, en l’espèce, l’accord de branche sur l’accord d’entreprise, en donnant la primauté à l’accord d’entreprise.

Cependant, à la date de conclusion tant de l’accord Logica que de l’accord d’harmonisation des statuts, le principe de faveur restait applicable en vertu de l’article 45 de la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 qui prévoyait que ‘la valeur hiérarchique accordée par leurs signataires aux conventions et accords conclus avant l’entrée en vigueur de la présente loi demeure opposable aux accords de niveaux inférieurs’.

Cet article 45 a certes été abrogé mais par l’article 16 de l’ordonnance n° 217-1385 du 22 septembre 2017.

De plus, les dispositions légales organisant la supplétivité des conventions ou accords de branche sont d’application immédiate mais n’ont pas d’effet rétroactif et permettent seulement la négociation pour l’avenir d’accords d’entreprise qui peuvent déroger aux normes supérieures.

Par conséquent, il y a lieu de déclarer inopposable à Mme [X] la convention de forfait en heures dès lors que, durant la période sur laquelle porte sa demande en paiement, la rémunération qui lui a été servie était inférieure au PASS.

Sur la nullité du forfait de rémunération

Mme [X] soutient que le forfait de rémunération est nul car aucune convention claire et précise n’a été conclue entre les parties, qu’au contraire les avenants successivement signés se contentent de la référence à la modalité 2, alors que ni l’accord de branche, ni l’accord d’entreprise ne précisent le salaire de base ou le taux horaire normal et majoré, que ces avenants mentionnent un salaire brut annuel ‘à temps complet ou équivalent temps plein’, ce qui ne peut s’entendre que comme correspondant à la durée légale, que de même, les bulletins de paie font état d’un ‘salaire de base’ et non, d’un salaire forfaitisé et ne distinguent pas les heures rémunérées au taux normal de celles qui sont majorées, Mme [X] soulignant que l’employeur en est réduit à invoquer des règles de calcul fort complexes qui démontrent que le forfait de rémunération n’a pas été consenti dans des termes clairs et non équivoques.

La société CGI France ne répond qu’indirectement aux prétentions de la salariée à ce titre, soutenant principalement que la rémunération versée à Mme [X] englobe les 3,5 heures supplémentaires forfaitisées et que celle-ci ne peut valablement en réclamer le paiement une seconde fois.

***

Le contrat de travail initial daté du 4 janvier 2008 prévoyait expressément que le temps de travail hebdomadaire était de 38h30 (35 heures + 10 %) et que ‘la rémunération versée était forfaitaire et englobait les variations horaires éventuellement accomplies au-delà de 35 heures dans la limite de 10%’.

La modalité 2 a été provisoirement abandonnée par un avenant non daté, replaçant Mme [X] dans la modalité 1.

La société ne s’explique pas sur cette modification, Mme [X] invoquant à juste titre que son coefficient (120) ne permettait de lui appliquer que la modalité 1, compte tenu des dispositions de l’article 3.3.2 de l’accord d’entreprise conclu le 30 juin 2008 imposant un coefficient minimum de 130 pour la modalité 2.

L’avenant conclu ensuite le 15 mai 2010 (à effet au 1er mai) a replacé Mme [X], promue au coefficient 130, sous le régime de la modalité 2 et mentionne l’existence d’une convention de forfait hebdomadaire de 38h30 et que la rémunération versée englobe les variations horaires dans une limite maximale de 35 heures +10 %.

Il ne peut donc être soutenu que la rémunération forfaitaire n’a pas été valablement convenue alors qu’elle résulte des termes clairs et précis de l’avenant ainsi que de l’intention commune des parties, la mention ‘équivalent temps plein’, figurant page 1 de l’avenant, ne pouvant s’analyser que par référence au temps de travail figurant en page 2 comme étant de 38h30 par semaine, corroboré par les mentions des bulletins de paie faisant apparaître un horaire hebdomadaire de 35H + 10 %.

Mme [X] sera donc déboutée de sa demande tendant à voir déclarer nul le forfait de rémunération convenu.

Sur la demande en paiement au titre des heures supplémentaires

Dans le corps de ses dernières écritures (page 68), la société CGI France invoque l’irrecevabilité des demandes de la salariée au motif qu’elle n’a pas dénoncé son solde de tout compte dans le délai de 6 mois.

Outre que l’irrecevabilité invoquée ne figure pas dans le dispositif de ces conclusions, la saisine de la juridiction prud’homale tendant au paiement des heures supplémentaires était antérieure à la signature du solde de tout compte qui ne peut dès lors avoir l’effet libératoire allégué d’autant qu’aucune des parties ne l’a versé aux débats.

***

Les parties sont en désaccord à la fois sur le principe d’un droit à heures supplémentaires pour les heures réalisées par semaine au-delà de 35 heures et jusqu’à 38 heures et 30 minutes, sur lesquelles porte la demande en paiement de Mme [X] mais aussi sur les modalités de calcul du rappel de salaire réclamé à ce titre.

Sur le principe d’un droit à heures supplémentaires

Lorsqu’une convention de forfait en heures est déclarée inopposable, le décompte et le paiement des heures supplémentaires doivent s’effectuer selon le droit commun, au regard de la durée légale de 35 heures hebdomadaires ou de la durée considérée comme équivalente.

En vertu des dispositions des articles L. 3171-2 alinéa 1er, L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, il appartient, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.

Mme [X] soutient avoir effectué 38h30 par semaine tout au long de la relation contractuelle, se référant d’une part aux mentions portées à ce sujet sur ses bulletins de paie produits dans leur intégralité depuis janvier 2013 jusqu’en mars 2019 (sa pièce 2) qui font état d’un horaire hebdomadaire de 35H + 10 %, mais aussi au système déclaratif mis en oeuvre dans l’entreprise et verse aux débats ses relevés d’activité (sa pièce 17).

Elle présente ainsi des éléments suffisamment précis quant aux horaires effectués entre 35 et 38 heures 30.

En réponse, la société, tout en soutenant que ces 3h30 ont été dûment rémunérées, ne verse aux débats aucune pièce remettant en cause une durée hebdomadaire de travail de 38h30 qui était au demeurant la durée contractuellement prévue entre les parties.

Il sera en conséquence retenu que l’horaire hebdomadaire habituellement réalisé par la salariée s’élevait à 38h30 par semaine.

Sur la demande en paiement des 3 heures et 30 minutes effectuées entre 35 et 38h30

La société CGI France fait valoir que la rémunération versée à la salariée englobait les 3h30 supplémentaires réalisées par semaine et incluait la majoration des 3h 30 supplémentaires, décrivant, en page 53 de ses écritures, des modalités de calcul à l’appui de cette affirmation ainsi qu’il suit :

‘Une simple règle de trois permet de reconstituer son salaire base 35 heures.

Le salaire forfaitaire de l’Intimé inclut 3,5 heures supplémentaires par semaine, soit 3,5 x (52/12) = 15,17 heures supplémentaires par mois payées à 125 %, soit au total 166,84 heures de travail.

Pour calculer le taux horaire de base, il convient de convertir les 15,17 heures supplémentaires majorées à 25 % en équivalent heures normales, soit 15,17 heures x 125 % = 18,96 heures normales, ce qui rajouté à 151,67 heures (base 35 heures) fait un total de 170,62 heures normales.

Le taux horaire de base est donc de : 3.086,20 euros/170,62 heures normales = 18,08 euros.

Le salaire de base du Salarié est donc : 2.743,43 euros, c’est à dire 151,67 heures x 18,08 euros

Le taux majoré est de 18,08 x 125 % = 22,61 euros.

Le salaire mensuel forfaitaire du Salarié est donc de 3.086,20 euros (base 35h+10 %) dont 15,17 heures supplémentaires (15,17 heures x 22,61 euros = 343)’.

Mme [X] soutient que l’analyse de la société est erronée, exposant qu’il suffit de prendre le taux majoré appliqué par l’employeur lorsque des heures supplémentaires ont été accomplies au-delà de 38h30 et détaillant elle aussi des modalités de calcul en page 58 de ses écritures à partir du bulletin de paie du mois de décembre 2018 ainsi qu’il suit :

« Par exemple au mois de décembre 2018, le taux majoré à 125 % de Madame [X] est égal à 25,82 €.

En appliquant une règle de trois, on retrouve son taux horaire normal :

– 25,82 € / 125 % = 20,65 € [précisément : 20,6548 €]

A partir de ce taux horaire normal, on devrait pouvoir retrouver son salaire forfaitisé incluant les 3.5 heures supplémentaires majorées :

– 20,65 € x 151,67 heures au titre du salaire de base (35 heures) = 3 132,71 €

– 20,65 € x 3,5 heures supplémentaires x 4,33 semaines x 125 % = 391,28 €

– Total : 3 523,99 €

Or, ce n’est pas ce salaire qui figure sur les bulletins de paie, mais uniquement la première ligne, ‘1000 SALAIRE DE BASE : 3 132,65 €’.

Autrement dit, le salaire de base du salarié est calculé sur la base des 35 heures légales, et non des 38.50 heures forfaitisées.

Il est définitivement démontré que non seulement l’employeur n’a jamais majoré les

3.5 premières heures supplémentaires, mais il ne les a même jamais réglées ».

*

Par suite de l’inopposabilité de la convention de forfait en heures, il convient dans le cadre des comptes à faire entre les parties de vérifier si la rémunération contractuelle prévue n’a pas eu pour effet d’opérer paiement, au moins partiellement, des heures supplémentaires accomplies au-delà de la 35ème heure et jusqu’à 38 heures et demi et le décompte ainsi que le paiement doivent s’effectuer au regard de la durée légale de travail ou d’une durée considérée comme équivalente.

Aucun taux horaire ne figure dans le contrat ou dans les avenants ultérieurs pas plus que n’en font mention les bulletins de paie et la modalité de calcul invoquée par la société se heurte aux éléments portés sur les bulletins de paie lorsque des heures supplémentaires ont été réglées pour les heures accomplies au-delà de 38h30.

Cependant, les erreurs manifestes affectant le calcul des heures supplémentaires réalisées au-delà de 38h30, effectué sur un taux plus favorable à Mme [X], ne peuvent suffire à caractériser que la rémunération versée ne correspondait qu’à 35 heures en contradiction avec les termes de l’avenant qui font tous référence à un horaire de 38h30 ainsi qu’avec les bulletins de paie qui mentionnent un horaire de 35H + 10 %, la taille de l’entreprise et les différentes modalités d’organisation du temps de travail applicables en son sein, étant de nature à expliquer ces anomalies, contrairement à ce que soutient Mme [X].

La convention des parties fixe un salaire forfaitaire annuel pour un temps de travail de 38h30 par semaine et précise que cette rémunération forfaitaire englobe les variations horaires éventuellement accomplies dans une limite dont la valeur est au maximum de 10 % pour un horaire hebdomadaire de 35 heures.

Il s’en déduit que l’accord entre les parties était de rémunérer la salariée sur une base de 38 heures 30 par semaine, ce qui est confirmé par les mentions figurant sur les bulletins de salaire.

Il sera en conséquence considéré que nonobstant l’inopposabilité de la convention de forfait, Mme [X] a été effectivement rémunérée sur une base de 38 heures 30 et qu’elle ne peut prétendre entre la 35ème et la 38ème heure et demi au paiement du salaire de base une 2ème fois mais seulement aux majorations afférentes aux heures supplémentaires effectuées au delà de 35 heures.

***

La société CGI France fait valoir que les calculs de Mme [X] sont inexacts en ce qu’elle n’a pas tenu compte de ses absences (congés payés, jours fériés et maladie) qui, ne constituant pas un temps de travail effectif, ne peuvent ouvrir droit au paiement d’heures supplémentaires, invoquant à titre d’exemple 4 mois au cours desquels la salariée était en congés payés.

Elle ne produit pas de décompte détaillé des jours d’absence allégués, ayant seulement établi un tableau récapitulatif du nombre annuel de jours d’absences s’arrêtant à l’année 2020 (pièce C à C quinquies).

Mme [X] soutient qu’il n’y a pas lieu de neutraliser les périodes d’absence car, qu’il s’agisse de congés payés, de jours fériés, de jours RTT ou d’arrêts de travail pour maladie, elle a droit au maintien de son salaire (pour les arrêts pour maladie, en vertu des dispositions de la convention collective dès lors que la durée de ces arrêts est inférieure à trois mois).

*

Ainsi que l’invoque Mme [X], l’employeur est tenu de lui assurer un maintien de son salaire pendant les congés, jours fériés, RTT et arrêts de travail pour maladie dans la limite prévue par la convention collective pour ces derniers.

Cependant, dès lors que Mme [X] revendique l’application du droit commun au soutien de sa demande en paiement des heures supplémentaires effectuées, elle ne peut en solliciter le bénéfice durant ses périodes d’absence qui ne constituent pas un temps de travail effectif et au cours desquelles elle n’a pas réalisé d’heures supplémentaires.

***

Le rappel de salaire sera en conséquence fixé à la somme de 3.357,43 euros bruts que la cour a calculé à partir des mentions portées sur les bulletins de paie, la somme allouée se décomposant comme suit, prime de vacances incluse :

– de juillet à décembre 2013 : 257,56 euros,

– année 2014 : 592,98 euros,

– année 2015 : 578,07 euros,

– année 2016 : 570,42 euros,

– année 2017 : 585,90 euros,

– année 2018 : 644,49 euros,

– de janvier à mars 2019 : 128,01euros.

La société CGI France sera en conséquence condamnée à payer à Mme [X] la somme de 3.357,43 euros bruts à titre de rappel de salaire pour les majorations des heures supplémentaires réalisées au-delà de la 35ème heure et jusqu’à la 38ème heure et demi durant la période de juillet 2013 à mars 2019 ainsi que la somme de 335,74 euros bruts au titre des congés payés afférents.

Sur la demande au titre de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé

Mme [X] sollicite en cause d’appel le paiement de la somme de 21.570,42 euros au titre de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé prévue par l’article L. 8223-1 du code du travail.

***

Ainsi que le fait valoir la société CGI France, le caractère intentionnel de la dissimulation des majorations des heures supplémentaires retenues comme dues ci-avant par la cour aux termes d’un long débat judiciaire, ne peut être considéré comme suffisamment établi en sorte que Mme [X] doit être déboutée de sa demande en paiement à ce titre, la présente juridiction n’ayant ni le pouvoir ni la compétence de sanctionner une situation éventuelle de concurrence déloyale opposant l’employeur à d’autres entreprises du secteur.

Sur la demande au titre de l’exécution déloyale du contrat

En cause d’appel, Mme [X] sollicite le paiement de la somme de 2.500 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail invoquant le fait qu’elle a été privée d’une partie importante de sa rémunération ainsi que la résistance abusive de la société, malgré ses démarches amiables et judiciaires pour obtenir le paiement des sommes non négligeables qui lui étaient dues.

***

Il ne peut être déduit de la position prise par la société, s’appuyant sur un accord d’entreprise adopté en 2008 par les partenaires sociaux et réitéré en 1993, que celle-ci a exécuté de manière déloyale le contrat de travail, Mme [X] n’obtenant en outre que partiellement gain de cause dans le cadre de la présente procédure.

La demande au titre de l’exécution déloyale du contrat sera par conséquent rejetée.

Sur les demandes reconventionnelles de la société CGI France

La société CGI France sollicite en premier lieu la condamnation de Mme [X] à lui rembourser les salaires versés au titre des jours de RTT qui lui ont été accordés si la cour retient que la durée du travail était la durée légale.

*

D’une part, la cour a retenu que Mme [X] a été rémunérée pour une durée de travail supérieure à la durée légale, 38h30 au lieu de 35 heures en sorte que les jours de RTT correspondaient à un dépassement de la durée légale du travail et n’ont pas été indûment payés.

D’autre part, l’attribution de ces jours de RTT dits Q1 dans l’avenant conclu entre les parties à effet au 1er mai 2010, n’était pas liée à la convention de forfait en heures mais à la réduction du temps de travail.

Il n’y a dès lors pas lieu de faire droit à la demande de restitution à ce titre.

***

En second lieu, la société CGI France demande à la cour d’ordonner le remboursement des majorations erronées dont Mme [X] a bénéficié au titre des heures supplémentaires réalisées au-delà de 38h30.

*

La répétition de l’indu n’est pas fondée dès lors qu’il appartenait à l’employeur de calculer la rémunération due pour les heures supplémentaires réalisées au-delà de 38h30 en considération des modalités d’organisation du temps de travail mises en oeuvre au sein de l’entreprise, ce qu’il n’a pas fait, y compris postérieurement à la saisine de la juridiction prud’homale et aux contestations émises par la salariée, la société persistant à verser librement des majorations calculées en fonction d’un salaire de base correspondant à 35 heures hebdomadaires.

La société CGI France sera donc déboutée de sa demande à ce titre.

Sur l’intervention volontaire du syndicat CGT CGI

En cause d’appel, le syndicat CGT CGI France est intervenu volontairement à l’instance pour solliciter le paiement de la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour atteinte à l’intérêt collectif de la profession et non-respect des dispositions collectives de branche et d’entreprise outre la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Sont versés aux débats les statuts du syndicat ainsi que le mandat donné par la commission exécutive du syndicat à deux de ses membres d’engager celui-ci en qualité de partie intervenante en cause d’appel.

La société CGI France soutient qu’il n’est pas justifié du préjudice subi et conclut au rejet des demandes du syndicat.

***

Aux termes des dispositions des articles L. 2132-3 et L 2262-10 du code du travail, lorsque l’action principale exercée par un salarié repose sur une convention ou un accord collectif, un syndicat professionnel peut intervenir volontairement à l’instance engagée à raison de l’intérêt collectif que la solution du litige peut présenter pour ses membres.

En l’espèce, le non-respect des dispositions de l’accord de branche du 22 juin 1999 justifie la recevabilité et le bien-fondé de l’intervention du syndicat auquel il sera alloué la somme de 500 euros en réparation du préjudice en résultant outre la somme de 250 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur les autres demandes

Les créances salariales produiront intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la convocation devant le conseil de prud’hommes pour les majorations exigibles à cette date et, pour les majorations postérieures, à compter de leur date d’exigibilité, s’agissant de créances à exécution successive, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil.

La société CGI France devra délivrer à Mme [X] un bulletin de salaire récapitulant année par année les majorations dues pour les heures supplémentaires effectuées et ce, dans le délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt.

La société CGI France, partie perdante à l’instance, sera condamnée aux dépens ainsi qu’à payer à Mme [X] la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Infirme le jugement déféré dans toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a alloué à Mme [F] [X] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et a condamné la société CGI France aux dépens,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la société CGI France à payer à Mme [F] [X] les sommes suivantes :

– 3.357,43 euros bruts à titre de rappel de salaire dû pour les majorations des heures supplémentaires réalisées au-delà de la 35ème heure et jusqu’à la 38ème heure et demi durant la période de juillet 2013 à mars 2019 et 335,74 euros bruts au titre des congés payés afférents,

– 1.500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel,

Rappelle que les créances salariales produiront intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la convocation devant le conseil de prud’hommes pour les majorations exigibles à cette date et, pour les majorations postérieures, à compter de leur date d’exigibilité, s’agissant de créances à exécution successive, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil,

Ordonne à la société CGI France de délivrer à Mme [F] [X] un bulletin de salaire récapitulant année par année les majorations dues pour les heures supplémentaires effectuées et ce, dans le délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt,

Condamne la société CGI France à payer au syndicat CGT CGI les sommes de 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice porté à l’intérêt collectif de la profession et non-respect des dispositions de l’accord de branche et de 250 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties du surplus de leurs prétentions,

Condamne la société CGI France aux dépens et accorde à la SELARL Leroy-Gras le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Signé par Madame Sylvie Hylaire, présidente et par Anne-Marie Lacour-Rivière, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Anne-Marie Lacour-Rivière Sylvie Hylaire

 


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