15 février 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
20/07114
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 6
ARRET DU 15 FÉVRIER 2023
(n° 2023/ , 2 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/07114 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCRO5
Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Septembre 2020 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOBIGNY – RG n° F19/01950
APPELANTE
S.A.S. LENI
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représentée par Me Stéphanie IMBERT, avocat au barreau de PARIS, toque : R132
INTIMÉ
Monsieur [N] [H]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Me Catherine LOUINET-TREF, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 215
PARTIE INTERVENANTE
Organisme POLE EMPLOI
[Adresse 6]
[Localité 4]
Représenté par Me Véronique DAGONET, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 3
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 02 janvier 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Nadège BOSSARD, conseillère chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre
Madame Nadège BOSSARD, Conseillère
Monsieur Stéphane THERME, Conseiller
Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats
ARRÊT :
– contradictoire,
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– signé par Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :
M. [N] [H] a été engagé par la société Leni en qualité de câbleur selon contrat à durée déterminée du 3 septembre 2014. La relation contractuelle s’est poursuivie à durée indéterminée à compter du 1er janvier 2015.
La société Leni a pour activité la production, l’organisation et l’installation de tous les éléments techniques (audiovisuel, serveurs, internet, wifi’.) au cours d’événements publics ou privés, principalement des salons.
Elle applique la convention collective des Bureaux d’études techniques (SYNTEC).
En dernier lieu, la rémunération mensuelle moyenne brute de M. [H], calculée sur ses trois derniers mois de salaire, était de 2 608 euros.
En 2018, M. [H] était affecté sur le site de la société VIPARIS.
Le 3 décembre 2018, la société Leni a convoqué M. [H] à un entretien préalable à un éventuel licenciement et l’a mis à pied conservatoire.
M. [H] a été placé en arrêt maladie du 3 décembre 2018 au 13 décembre 2018.
La société Leni a reporté l’entretien prévu le 11 décembre, au 17 décembre 2018, ce dont M. [H] était avisé par courrier du 5 décembre 2013
Par lettre du 20 décembre 2018, la société Leni a notifié à M. [H] son licenciement pour faute grave à raison d’une tentative de vol constituée par le fait d’avoir volé des sacoches, fouillé furtivement et jeté les sacoches qui ne contenaient que des effets personnels sans valeur mais pas d’ordinateur, pour ne pas avoir immédiatement averti sa hiérarchie ou la société VIPARIS d’avoir trouvé des sacoches d’ordinateurs abandonnées et pour avoir fait courir un risque client à la société Leni, ternissant par ses agissements l’image de la société Leni.
Par requête du 24 juin 2019, M. [N] [H] a saisi le conseil de prud’hommes de Bobigny des demandes suivantes :
‘ 15 650 € d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
‘ 2 257,09 € au titre du rappel de salaire retenu sur mise à pied conservatoire ;
‘ 225,70 € au titre des congés payés afférents ;
‘ 5 216,66 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis ;
‘ 521,66 € au titre des congés payés afférents ;
‘ 2 662,67 € au titre de l’indemnité légale de licenciement ;
‘ 678,04 € au titre des congés payés restant dus ;
‘ 3.016,27 € au titre de l’indemnité pour non-respect de la procédure ;
‘ 2 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
‘ Intérêts légaux à compter de l’introduction de la demande ;
‘ L’exécution provisoire ;
‘ La condamnation de la société Leni à :
o Remettre l’attestation pôle emploi, certificat de travail, bulletin de salaire conforme au jugement à intervenir sous astreinte de 50€ par jour de retard et par document ;
o Supporter les dépens.
Par jugement en date du 29 septembre 2020, le conseil de prud’hommes de Bobigny, a :
– requalifié licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– condamné la société Leni à payer à M. [H] :
7 824,99 € à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
5 216,66 € à titre d’indemnité de préavis
521,66 € à titre de CP afférents
2 662,67 € à titre d’indemnité légale de licenciement
1 200 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile
outre la remise des documents sociaux et les dépens.
La société Leni a interjeté appel le 20 octobre 2020.
Selon ses dernières conclusions remises au greffe, notifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 7 novembre 2022, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Leni demande à la cour de :
– recevoir la société Leni en son appel et l’y déclarer bien fondé
– infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Bobigny en date du 29 septembre 2020 en ce qu’il a :
‘ requalifié le licenciement pour faute en un licenciement sans cause réelle et sérieuse
‘ condamné la SAS Leni à payer à M. [H] :
o 7 824,99€ à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
o 5 216,66€ à titre d’indemnité de préavis
o 521,66€ à titre de congés payés sur préavis
o 2 662,67€ à titre d’indemnité légale de licenciement
o 1 200€ au titre de l’article 700
o Remise des documents conformes au jugement sans astreinte
o Remboursement des allocations pôle emploi dans la limite d’un mois
o Débouté la SAS Leni de sa demande d’article 700 du CPC
o Condamné la SAS Leni aux dépens
Et statuant a nouveau
– Dire que le comportement de M. [H] est constitutif d’une faute grave,
– Dire le licenciement de M. [H] fondé sur une faute grave,
– Débouter M. [H] de ses demandes.
A titre subsidiaire,
Si par impossible la Cour écartait l’existence d’une faute grave :
– Dire que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse,
– Débouter M. [H] de toute demande de rappel de salaire relative à la période de mise à pied conservatoire,
– Dire que les condamnations ne sauraient dépasser les sommes suivantes :
– 5 216€ de salaire brut au titre du préavis,
– 521 € brut de congés payés afférents,
– 2 662,67€ pour l’indemnité légale de licenciement,
En tout état de cause,
– Dire et juger que les demandes de Pôle emploi dirigées contre la société Leni sont irrecevables et mal fondées,
– Débouter Pôle emploi de l’intégralité de ses demandes
– Condamner M. [H] à verser à la société Leni la somme de 2.500€ au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Selon ses dernières conclusions remises au greffe, notifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 28 octobre 2022, auxquelles la cour se réfère expressément, M. [H] demande de :
Déclarer la Société Leni mal fondé en son appel
Accueillir Monsieur [H] en son appel incident
Confirmer le jugement rendu par le conseil des prud’hommes de Bobigny en ce qu’il a dit le licenciement de M. [H] dépourvu de cause réelle et sérieuse,
Le confirmer en ce qu’il a condamné la société Leni à payer :
– 5216.66 € à titre d’indemnité de préavis
– 521.66 € à titre de CP afférents
– 2662.67 € à titre d’indemnité légale de licenciement
– 1200 € au titre de l’article 700 du CPC
Le réformer sur le quantum de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse
Statuant à nouveau
Condamner la Société Leni à payer à MR [H] la somme de :
– 15 650 € d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
– 2.500,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
Dire que les condamnations à intervenir des intérêts au taux légal à compter de l’introduction de la demande ;
Ordonner la remise de l’attestation Pôle Emploi, certificat de travail et Bulletin de salaires conformes à l’arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document à compter de la décision à intervenir ;
Condamner la société Leni aux entiers dépens.
Statuer ce que de droit sur les demandes de Pôle Emploi.
Par conclusions notifiées le 26 juillet 2021, auxquelles la cour se réfère expressément, Pôle emploi demande de :
– Dire et juger Pôle Emploi recevable et bien fondée en sa demande,
– Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il qualifie le licenciement de dépourvu de cause réelle et sérieuse,
En conséquence,
– Condamner la société Leni à lui verser la somme de 1372, 50 euros en remboursement des allocations chômage versées au salarié,
– Condamner la société Leni à lui verser la somme de 500,00 euros au titre de l’article 700 du N.C.P.C.
-Condamner la société Leni aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 8 novembre 2022.
MOTIFS :
Sur le licenciement pour faute grave :
La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.
L’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.
Sur le fondement des articles L 1232-1 et L 1235-3 du code du travail dans leur rédaction applicable à l’espèce, la cour, à qui il appartient de qualifier les faits invoqués et qui constate l’absence de faute grave, doit vérifier s’ils ne sont pas tout au moins constitutifs d’une faute de nature à conférer une cause réelle et sérieuse au licenciement.
La lettre de licenciement est rédigée en ces termes :
« En date du 30 novembre 2018, des images enregistrées par le système de vidéosurveillance du site VIPARIS de [Localité 7] Nord [Localité 8] vous montrent en train de voler des sacoches d’ordinateur portable et de vous isoler en présence de votre collègue afin d’en fouiller le contenu.
Vous avez été formellement identifié par votre responsable de site, Monsieur [Y].
Nous avons été alertés par le client la société VIPARIS fort mécontent de l’incident.
C’est ainsi que par un courrier cosigné par son directeur de site et son directeur d’exploitation, la société VIPARIS nous a demandé votre renvoi de l’ensemble de ses sites.
Les sacoches ne contenaient pas d’ordinateur, mais les effets personnels de leurs propriétaires et de la monnaie étrangère.
Nous considérons que ces faits sont constitutifs d’un délit.
Vous n’avez pas immédiatement alerté votre hiérarchie ou la société VIPARIS de cette situation.
Nous considérons que votre attitude active constitue une tentative de vol.
En outre, celle-ci nous fait courir un risque client très important puisque l’image de la société est nécessaire ternie ».
La société Leni verse aux débats l’attestation de M. [T] [Y], responsable de l’équipe Leni sur le site VIPARIS, lequel indique avoir été contacté par le directeur de la sûreté du parc des expositions de [Localité 7] Nord [Localité 8] le 30 novembre 2018 afin d’identifier sur la vidéoprotection du site deux personnes enregistrées en train de sortir de la galerie technique avec des sacoches d’ordinateur portable puis, l’une se mettant à fouiller des sacoches d’ordinateur et à jeter au sol leur contenu consistant en des devises étrangères et des accessoires d’ordinateur, l’autre personne se limitant à regarder le premier faire. M. [Y] atteste avoir reconnu M. [H] sur cette vidéo comme étant la personne ayant fouillé les sacoches.
M. [Y] déclare avoir été convoqué par le directeur du site et son directeur d’exploitation lesquels lui ont demandé un ‘renvoi immédiat de M. [H] de l’ensemble des sites de VIPARIS’.
La société produit également le courrier que lui a adressé le 13 décembre 2018 la société VIPARIS exprimant expressément cette demande de ‘renvoi de l’ensemble des sites VIPARIS à effet immédiat de M. [H].
M. [H] ne conteste pas la matérialité des faits, il nie en revanche toute intention délictuelle exposant qu’il lui avait été demandé de nettoyer les galeries et qu’ayant vu que deux sacoches bloquaient une porte, il s’était placé volontairement face à la caméra pour examiner le contenu de ces sacoches et il avait examiné celles-ci, en vérifiait le contenu et leur appartenance ou non à la société Leni. Il soutient avoir informé son supérieur de la présence de ces deux sacoches dans la galerie dès son retour au bureau du site et souligne avoir à de nombreuses reprises au cours de ses quatre années d’activité rapporté au bureau de Leni du matériel de la société retrouvé sur site alors qu’il avait été oublié ou perdu par la société.
Toutefois, il résulte de la vidéoprotection telle que relatée par M. [Y] que ‘ M. [H] et M. [M] sortaient vers l’extérieur en bout de galerie technique puis quelques secondes plus tard, qu’ils y revenaient; M. [H] avec des sacoches d’ordinateurs portables à la main. Après les avoir jetées au sol et regardé autour de lui, M. [H] a fouillé les sacoches de manière expéditive, jetant leur contenu par terre (des billets de devise étrangère et accessoires d’ordinateur portable). Il a ensuite jeté les sacoches à l’extérieur de la galerie technique’.
Le déroulé des faits est différent de celui relaté par M. [H] qui soutient avoir découvert deux sacoches bloquant une porte d’accès à la galerie technique.
Ces faits dont témoigne M. [Y] ne consistent pas en des faits de vol, aucun bien n’ayant été dérobé, mais à tout le moins en une tentative de vol compte tenu du comportement de M. [H] qui a jeté les sacoches au sol, regardé autour de lui, avant de fouiller les
sacoches de manière expéditive et de jeter leur contenu par terre. Il n’a en outre pas rapporté ces sacoches à son employeur.
Cette attitude a porté atteinte à l’image de son employeur auprès du client et caractérise une faute rendant impossible la poursuite du contrat de travail. Le licenciement pour faute grave est donc justifié.
Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qu’il a condamné la société Leni à payer à M. [H] les sommes de 7 824,99 € à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, 5 216,66 € à titre d’indemnité de préavis, 521,66 € à titre de congés payés afférents et de 2 662,67 € à titre d’indemnité légale de licenciement.
Sur la demande de Pôle emploi :
Le licenciement de M. [H] étant justifié, la demande formée par Pôle emploi aux fins de remboursement des allocations services à celui-ci dans la limite de six mois en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse en application des dispositions de l’article L1235-4 du code du travail est rejetée.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :
Le jugement n’étant que partiellement contesté par la société Leni laquelle n’a pas interjeté appel de sa condamnation au titre du solde de congés payés, il sera confirmé en ce qu’il a condamné la société Leni aux dépens et au paiement de la somme de 1 200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
M. [H] est en revanche, condamné aux dépens d’appel et au paiement de la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
INFIRME le jugement entrepris en ses chefs contestés,
Statuant à nouveau,
JUGE que le licenciement de M. [H] pour faute grave est justifié,
REJETTE les demandes d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’indemnité de préavis, de congés payés afférents et d’indemnité légale de licenciement,
REJETTE la demande formée par Pôle emploi,
CONDAMNE M. [N] [H] à payer à la société Leni la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. [N] [H] aux dépens d’appel.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT