14 juin 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
20/08242
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 6
ARRET DU 14 JUIN 2023
(n° 2023/ , 9 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/08242 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCYL4
Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Octobre 2020 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MEAUX – RG n° F18/01070
APPELANT
Monsieur [T] [F]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par Me Manuella METOUDI, avocat au barreau de PARIS, toque : D1137
INTIMÉE
S.A.S. JULIE SOLUTIONS
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Christine ARANDA, avocat au barreau de PARIS, toque : R0163
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 18 avril 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre
Madame Nadège BOSSARD, Conseillère
Monsieur Stéphane THERME, Conseiller
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience Monsieur Stéphane THERME, Conseiller, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats
ARRÊT :
– contradictoire,
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– signé par Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :
M. [F] a été embauché par la SARL Julie en qualité de technicien d’assistance téléphonique, par contrat à durée indéterminée, en date du 23 janvier 2001. Son contrat de travail a été transféré le 1er janvier 2014 à la société Julie Solutions, filiale du groupe Henry Schein France, qui développe une activité de mise en place de logiciels dans le domaine de la gestion de cabinets dentaires .
M. [F] est devenu cadre, en avril 2012 et en dernier état il avait en charge du service clients des prestations commercialisées par la société Julie Solutions.
La convention collective nationale du SYNTEC est applicable.
Le 24 juillet 2018, M. [F] a été convoqué à un entretien préalable, en vue d’une éventuelle mesure de licenciement, fixé au 2 août 2018.
Le jour de l’entretien préalable, M. [F] a été dispensé d’activité jusqu’à la date de la décision.
Par courrier du 6 août 2018, la société Julie Solutions a notifié à M. [F] son licenciement pour insuffisance professionnelle.
M. [F] a demandé que lui soient précisés par écrit les motifs de son licenciement, par courrier du 16 août 2018. la société Julie Solutions lui a répondu dans un courrier du 3 septembre 2018.
M. [F] a saisi le conseil de prud’hommes de Meaux le 17 décembre 2018.
Par jugement du 08 octobre 2020, le conseil de prud’hommes a :
Dit que le licenciement pour insuffisance professionnelle de M. [F], prononcé par la société Julie Solutions, est fondé sur une cause réelle et sérieuse ;
En conséquence,
Débouté M. [F] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Et,
Débouté M. [F] de la totalité de ses autres demandes ;
Débouté la société Julie Solutions de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code procédure civile ;
Laissé ses éventuels dépens à la charge de chacune des parties.
M. [F] a formé appel par acte du 04 décembre 2020.
Par conclusions déposées au greffe et notifiées le 09 février 2023, auxquelles la cour fait expressément référence, M. [F] demande à la cour de :
Déclarer recevable et bien fondé M. [F] en son appel et ses demandes ;
Réformer, et infirmer le jugement attaqué du conseil de prud’hommes de Meaux en date du 8 octobre 2020, notifié aux parties le 20 novembre 2020, en ce qu’il a :
Jugé le licenciement pour insuffisance professionnelle de M. [F] fondé sur une cause réelle et sérieuse,
Débouté M. [F] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Débouté M. [F] de ses demandes tendant à condamner la société Julie Solutions à payer à M. [F] les sommes suivantes :
– Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 78 039 euros nets
– Dommages et intérêts pour licenciement dans des conditions vexatoires 16 146 euros nets
– Rappel au titre de l’indemnité de licenciement (solde) 5 488 euros nets
– Dommages et intérêts ou titre de la perte de chance et de la violation de l’obligation de formation 32 292,47 euros nets
– Congés payés (solde) 80,47 euros bruts
– Frais formation 1 200 euros nets
En tout état cause, réformer, annuler et infirmer le jugement attaqué dans toutes ses dispositions en ce qu’il a débouté M. [F] de ses demandes tendant à condamner la société Julie Solutions :
– à rembourser l’organisme Pôle Emploi des indemnités de chômage que M. [F] a perçues, dans la limite de six mois d’indemnités, à savoir la somme de 32 292 euros.
– aux intérêts légaux sur toutes les demandes en paiement des sommes d’argent
– à 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Statuant à nouveau,
Déclarer recevable et bien fondé M. [F] en son appel et ses demandes ;
Dire et juger que la rupture du contrat de travail de M. [F] s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse :
En conséquence,
Condamner la société Julie Solutions à payer à M. [F] les sommes suivantes :
Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 78 039 euros
Dommages et intérêts pour licenciement dans des conditions vexatoires 16 146 euros
Rappel au titre de l’indemnité de licenciement (solde) 5 488 euros nets
Dommages et intérêts au titre de la perte de chance et de la violation de l’obligation de formation 32 292,47 euros nets
Congés payés (solde) 80,47 euros bruts
Frais de formation 1 200 euros nets
En tout état cause,
Débouter la société Julie Solutions de ses demandes et de son appel incident,
Débouter la société Julie Solutions de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Débuter la société Julie Solutions de sa demande au titre des dépens,
Condamner la société Julie Solutions à rembourser l’organisme Pôle Emploi des indemnités de chômage que M. [F] a perçues, dans la limite de six mois d’indemnités, à savoir la somme de 32 292 euros.
Condamner la société Julie Solutions aux intérêts légaux sur toutes les demandes en paiement des sommes d’argent
Condamner la société Julie Solutions à 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Par conclusions déposées au greffe et notifiées le 29 septembre 2021, auxquelles la cour fait expressément référence, la société Julie Solutions demande à la cour de :
A titre principal :
Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Meaux en date du 8 octobre 2020 en ce qu’il a :
Dit et jugé le licenciement pour insuffisance professionnelle de M. [F] fondé sur une cause réelle et sérieuse ;
Débouté M. [F] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Débouté M. [F] de la totalité de ses autres demandes.
Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Meaux en date du 8 octobre 2020 en ce qu’il a :
Débouté la société Julie Solutions de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Débouté la société Julie Solutions de sa demande reconventionnelle au titre des dépens ;
En conséquence,
Dire et juger le licenciement pour insuffisance professionnelle de M. [F] fondé sur une cause réelle et sérieuse ;
Débouter M. [F] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Débouter M. [F] de sa demande d’indemnisation au titre de la violation de l’obligation de formation et perte de chance ;
Débouter M. [F] de sa demande d’indemnisation pour licenciement vexatoire ;
Débouter M. [F] de sa demande de rappel d’indemnité de licenciement ;
Débouter M. [F] de sa demande de sa demande de rappel de congés payés ;
Débouter M. [F] de sa demande de remboursement de la formation VAE ;
Débouter M. [F] de sa demande de remboursement à l’organisme Pôle Emploi des indemnités chômage que M. [F] a perçu ;
Débouter M. [F] de sa demande au titre des intérêts légaux ;
Débouter M. [F] de sa demande d’indemnisation au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Débouter M. [F] de sa demande au titre des dépens ;
Condamner M. [F] à verser à la société Julie Solutions la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
Condamner M. [F] aux entiers dépens.
A titre subsidiaire et statuant à nouveau :
Dire et juger que l’indemnisation au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse de M. [F] ne saurait être 3 mois de salaires, soit 13 172,28 euros ;
Débouter M. [F] de sa demande d’indemnisation au titre de la violation de l’obligation de formation et perte de chance ;
Débouter M. [F] de sa demande d’indemnisation pour licenciement vexatoire ;
Débouter M. [F] de sa demande de rappel d’indemnité de licenciement ;
Débouter M. [F] de sa demande de sa demande de rappel de congés payés ;
Débouter M. [F] de sa demande de remboursement de la formation VAE ;
Débouter M. [F] de sa demande de remboursement à l’organisme Pôle Emploi des indemnités chômage que M. [F] a perçu ;
Débouter M. [F] de sa demande au titre des intérêts légaux ;
Débouter M. [F] de sa demande d’indemnisation au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Débouter M. [F] de sa demande au titre des dépens ;
Condamner M. [F] à verser à la société Julie Solutions la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamner M. [F] aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 14 février 2023.
MOTIFS
Sur le licenciement
L’insuffisance professionnelle est caractérisée par l’inaptitude du salarié à exécuter son travail de manière satisfaisante. Elle ne résulte pas d’un comportement volontaire, mais révèle l’incapacité constante du salarié à assumer ses fonctions. Elle constitue une cause de licenciement et doit être caractérisée par des éléments réels et objectifs.
En application des articles L1232-1 et L 1235-1 du code du travail dans leur rédaction applicable à l’espèce, l’administration de la preuve du caractère réel et donc existant des faits reprochés et de leur importance suffisante pour nuire au bon fonctionnement de l’entreprise et justifier le licenciement du salarié, n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et, au besoin, après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute persiste, il profite au salarié.
La lettre de licenciement indique : ‘Les résultats du service que vous dirigez se sont singulièrement dégradés au cours des derniers mois. Le turnover des équipes s’est accéléré ; le délai de réponse aux appels et le nombre d’appels non pris a crû.
Les raisons sont certes multiples et ne peuvent toutes vous incomber. Néanmoins, ce moment a mis en lumière les difficultés que nous avions déjà soulevées par le passé à assurer le leadership de votre activité.
Nous avons illustré ces propos par différents exemples qui corroborent nos propos, et qui vous empêchent aujourd’hui, à nos yeux, d’être le moteur du changement que nous attendons d’un membre du comité de Direction. Nous tenons ces exemples, qui vous ont été détaillés lors de l’entretien, à votre disposition si vous le souhaitez.
Vous avez, en réponse à nos arguments, reconnu que la dernière période avait été difficile et que vous aviez le sentiment d’avoir progressé dans le sens de la délégation vis à vis de vos collaborateurs.
Nous considérons pour notre part que nous sommes légitimes à attendre de votre part de vrais plans d’amélioration du service afin d’assurer la satisfaction de nos clients, primordiale dans notre métier.
Compte tenu de ce qui précède, et de la récurrence de nos attentes, nous sommes au regret de vous informer que nous avons pris la décision de vous licencier pour insuffisance professionnelle liée à ce manque de leadership vis-à-vis des activités qui vous sont confiées.’
Le courrier du 3 septembre 2018 dans lequel la société Julie Solutions a précisé les motifs du licenciement indique : ‘Sur le motif de l’insuffisance professionnelle, comme cela vous a été indiqué lors de l’entretien préalable du 2 août 2018, nous vous avons fait part d’une baisse significative des résultats du service clients et d’un manque de leadership entraînant de nombreuses erreurs de management, qui ont eu un impact préjudiciable sur votre équipe.
En effet, le temps moyen de réponse aux appels clients est passé de 3min06 à 8min09, rejoignant un niveau que la société n’avait pas connu depuis 2014. Dans le même temps, le pourcentage d’appels perdus est passé de 17,6% à 39%. Ces résultats sont très loin des objectifs fixés, la hotline de la société Julie Solutions à [Localité 3] étant la moins performante du groupe. Face à ces résultats qui se dégradaient, vous n’avez pas su mettre en place les actions correctives nécessaires, malgré les demandes de votre responsable, M. [N] [X].
Vous avez, en outre, adopté une attitude totalement réfractaire et négative, ne permettant pas d’engager des actions constructives. Des problèmes liés à votre mode de management sont apparus au sein de la hotline, provoquant un malaise au sein de l’équipe, et obligeant la direction à intervenir.’
Par avenant du 22 avril 2012 M. [F] a été promu au poste de responsable du services clients logiciel et formation, statut cadre, en charge de la gestion du service client des prestations informatiques de la société.
La société Julie Solutions produit des tableaux pour démontrer que la durée d’attente des appels de la hotline avait augmenté de façon très importante, passant de 3,20 minutes à 8,06 minutes, de même que le taux de perte des appels, c’est à dire la proportion des utilisateurs ayant joint le service de hotline mais qui avaient raccroché avant d’avoir pu joindre un interlocuteur, qui est passé de 23,58% à 39%. Si l’origine de ces graphiques est indéterminée, que ces documents ne présentent pas de garantie sur la réalité des informations contenues et que leurs contenus ne sont pas explicites, M. [F] ne conteste pas la réalité de ces données. En outre, cette évolution résulte des documents que l’appelant produit à l’instance, notamment le contenu des mails qui étaient régulièrement adressés à son supérieur dans lesquels il l’informait de ces indicateurs en les rapprochant des difficultés rencontrées, qui étaient signalées.
La société Julie Solutions verse aux débats un message d’un utilisateur se plaignant du temps d’attente de la hotline.
M. [F] explique que les augmentations de ces indicateurs sont consécutives à plusieurs facteurs : des difficultés de fonctionnement des logiciels, de celui fourni aux clients mais également du logiciel d’exploitation des ordinateurs, qui n’avaient pas été corrigées et qui avaient entraîné une augmentation considérable du nombre des saisines de la hot line par les clients ; des difficultés rencontrées par les professionnels de santé concernant les remboursements des prestations et qui appelaient ainsi la société Julie Solutions ; un nombre insuffisant de salariés dans le service. L’appelant justifie que ces éléments dont il n’est pas responsable ont été signalés par plusieurs mails, sans être utilement contredit par l’employeur ; il produit des attestations de plusieurs techniciens de son service qui font état de ces difficultés importantes qui ont concouru à l’augmentation de l’activité. Les reportings faits par M. [F] au cours de l’année 2018 signalaient expressément les défaillances des logiciels pour lesquelles il devait apporter des réponses aux clients, ainsi que celles concernant les lignes téléphoniques de l’entreprise.
L’employeur ne produit pas d’élément qui démontrerait l’existence d’un malaise au sein de l’équipe de M. [F], ni un phénomène de turn over dans son service. Des embauches ont eu lieu après son licenciement, mais il résulte des échanges de mails que c’était un objectif ancien. M. [F] produit quant à lui des attestations de plusieurs personnes qui ont exercé au sein de son équipe, qui font état d’un management de qualité, soulignant qu’il échangeait avec ses collaborateurs et faisait remonter les nombreuses difficultés, comportement qui a eu pour conséquence de prolonger la présence de ces salariés au sein de l’entreprise, plusieurs d’entre eux précisant que sans ce management ils auraient mis fin plus tôt à leur contrat de travail.
M. [F] produit des éléments qui justifient des difficultés à procéder aux embauches convenues avec son supérieur, plusieurs partenaires lui avaient notamment indiqué que la rémunération proposée était faible par rapport aux autres employeurs du secteur.
Les éléments produit ne démontrent pas que le supérieur de M. [F] l’ai formellement alerté sur sa situation.
L’évaluation de l’appelant établie après l’entretien du 9 février 2016 ne mentionne pas de quelconque défaillance. Les commentaires des rubriques sont très satisfaisants, plusieurs sont en progression, notamment le management ; M. [F] répondait parfaitement aux attentes et avait atteint ses objectifs. Un entretien a eu lieu le 16 mars 2017 et le compte rendu ne formule pas plus de critique envers le salarié. La réalisation des objectifs est moindre, tout en demeurant satisfaisante. M. [F] avait signalé la mauvaise qualité du logiciel comme étant un frein à ses résultats. Ce document n’est pas contredit par l’employeur.
Par mail du 15 février 2018 M. [F] a demandé à son supérieur hiérarchique que son entretien d’évaluation soit terminé et que celui de l’année précédente soit signé, sans réponse apportée ; la demande a été renouvelée par mail le 23 juillet 2018, puis par courrier du 17 août suivant. La réalisation de ces entretiens aurait permis au supérieur de M. [F] d’échanger avec lui sur la qualité de son activité professionnelle et de signaler d’éventuelles difficultés.
L’insuffisance professionnelle de M. [F] ne résulte pas des éléments produits par les parties. Le licenciement est ainsi dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
L’article L.1235-3 du code du travail dispose que :
‘Si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.
Si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau ci-dessous.
Pour déterminer le montant de l’indemnité, le juge peut tenir compte, le cas échéant, des indemnités de licenciement versées à l’occasion de la rupture, à l’exception de l’indemnité de licenciement mentionnée à l’article L. 1234-9.
Cette indemnité est cumulable, le cas échéant, avec les indemnités prévues aux articles L. 1235-12, L. 1235-13 et L. 1235-15, dans la limite des montants maximaux prévus au présent article.’
Le tableau qui fixe le nombre de mois de salaire pouvant être alloués au titre de l’indemnité est établi sur la base de périodes d’ancienneté qui sont constituées par des années complètes.
M. [F] avait une ancienneté de dix-sept années au moment du licenciement.
Le montant minimal de l’indemnité est de trois mois de salaire brut et le montant maximal est de quatorze mois, salaire qui doit inclure les primes. La rémunération mensuelle annuelle moyenne de M. [F] à prendre en compte est ainsi de 4 665,74 euros. M. [F] avait été engagé comme technicien et a progressé dans la société jusqu’à un poste de chef de service. Il justifie avoir perçu des indemnités versées par Pôle Emploi jusqu’au mois de février 2021, après avoir effectué de nombreuses recherches d’emploi et avoir par la suite signé un contrat à durée déterminée.
Compte tenu de ces éléments, et de la situation professionnelle de M. [F], la société Julie Solutions doit être condamnée à lui verser la somme de 50 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
En application des dispositions de l’article L.1235-4 du code du travail la société Julie Solutions doit être condamnée à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage payées entre le jour du licenciement et le jugement, dans la limite de six mois.
Il sera ajouté au jugement entrepris.
Sur les dommages et intérêts pour licenciement dans des conditions vexatoires
M. [F] ne produit pas d’élément qui établirait un comportement vexatoire de l’employeur à son égard au cours de la procédure de licenciement. Il doit être débouté de sa demande.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur la violation de l’obligation de formation
M. [F] fait valoir qu’il n’a pas pu bénéficier de formation au cours de son contrat de travail, celles qui lui ont été dispensées n’étant pas diplomantes.
La société Julie Solutions justifie avoir financé au profit de M. [F] une formation de 35 heures au mois de décembre 2014 et une de 56 heures au mois de décembre 2015, que le salarié a ensuite bénéficié d’une formation de manager, tel que cela résulte des propos tenus au cours de l’entretien préalable.
Le manquement de l’employeur à son obligation de formation n’est pas établi et la demande de dommages et intérêts à ce titre et pour perte de chance doit être rejetée.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur le solde de l’indemnité de licenciement
L’article R 1234-1 du code du travail dispose que : ‘L’indemnité de licenciement prévue à l’article L. 1234-9 ne peut être inférieure à une somme calculée par année de service dans l’entreprise et tenant compte des mois de service accomplis au-delà des années pleines. En cas d’année incomplète, l’indemnité est calculée proportionnellement au nombre de mois complets.’
L’article R 1234-2 prévoit : ‘L’indemnité de licenciement ne peut être inférieure aux montants suivants :
1° Un quart de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années jusqu’à dix ans ;
2° Un tiers de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années à partir de dix ans.’
L’article R 1234-3 dispose que : ‘Le salaire à prendre en considération pour le calcul de l’indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié :
1° Soit la moyenne mensuelle des douze derniers mois précédant le licenciement, ou lorsque la durée de service du salarié est inférieure à douze mois, la moyenne mensuelle de la rémunération de l’ensemble des mois précédant le licenciement ;
2° Soit le tiers des trois derniers mois. Dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, versée au salarié pendant cette période, n’est prise en compte que dans la limite d’un montant calculé à due proportion.’
La société Julie Solutions fait justement valoir que la moyenne la plus favorable était celle des douze derniers mois, soit 4 390,75 euros, tel que cela résulte des bulletins de paie de la période de référence, qu’elle produit.
M. [F] avait une ancienneté de 17 ans et 10 mois au moment du licenciement et l’indemnité aurait dû être de 22 326,97 euros alors que la somme de 22 319,66 euros lui a été versée.
La société Julie Solutions doit être condamnée à payer à M. [F] la somme de 7,31 euros au titre du rappel de l’indemnité de licenciement.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur le solde de congés payés
M. [F] sollicite un solde de congés payés à hauteur de 80,47 euros, sans s’expliquer sur ce chef de demande et alors que l’attestation Pôle Emploi indique qu’il a perçu la somme de 7 643,86 euros.
Il sera débouté de cette demande.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur les frais de formation
M. [F] demande la prise en charge par la société Julie Solutions d’une formation qui a été signée et suivie après le licenciement, sans s’expliquer le fondement de cette demande. Il en sera débouté.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur les intérêts
Conformément aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes et les dommages et intérêts alloués à compter de la présente décision.
Sur les dépens et frais irrépétibles
La société Julie Solutions qui succombe supportera les dépens et sera condamnée à verser à M. [F] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement du conseil de prud’hommes, sauf en ce qu’il a débouté M. [F] de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement dans des conditions vexatoires, pour manquement de l’employeur à son obligation de formation et pour perte de chance, pour le solde de congés payés et pour des frais de formation, et a débouté les parties de leurs demandes d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
Juge sans cause réelle et sérieuse le licenciement de M. [F],
Condamne la société Julie Solutions à payer à M. [F] les sommes suivantes :
– 50 000 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 7,31 euros au titre du rappel de l’indemnité de licenciement,
Dit que les créances salariales sont assorties d’intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes et les dommages et intérêts alloués à compter de la présente décision,
Ordonne à la société Julie Solutions de rembourser au Pôle Emploi les indemnités de chômage versées à M. [F], du jour de son licenciement au jour du prononcé du jugement dans la limite de six mois des indemnités versées,
Condamne la société Julie Solutions aux dépens,
Condamne la société Julie Solutions à payer à M. [F] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT