Convention collective Syntec : 14 juin 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 20/05727

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Convention collective Syntec : 14 juin 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 20/05727

14 juin 2023
Cour d’appel de Montpellier
RG
20/05727

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 14 JUIN 2023

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 20/05727 – N° Portalis DBVK-V-B7E-OZKP

N°23/973

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 09 NOVEMBRE 2020

CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER

APPELANT :

Monsieur [K] [X]

[Adresse 1] Chez Mme [R]

[Localité 3]

Représenté par Me LAPORTE avocat pour Me Sylvain ALET de la SELARL SYLVAIN ALET AVOCAT, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

S.A.S DOCTOLIB

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Yann GARRIGUE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER- Représentée par Me Jérôme SO avocat pour le Cabinet MARVELL AVOCATS avocats au barreau de PARIS

Ordonnance de clôture du 21 Mars 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 AVRIL 2023,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère, chargé du rapport.

Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère, faisant fonction de Présidente

Madame Florence FERRANET, Conseillère

Madame Magali VENET, Conseillère

Greffier lors des débats : M. Philippe CLUZEL

ARRET :

– contradictoire;

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par Mme Véronique DUCHARNE, Présidente, et par M. Philippe CLUZEL, Greffier.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE

Par contrat de travail à durée indéterminée du 3 novembre 2015, M. [K] [X] a été engagé à temps complet (forfait hebdomadaire de 38 heures soit 13 heures supplémentaires) par la SAS Doctolib en qualité de responsable commercial prévu par la convention collective nationale SYNTEC, moyennant une rémunération fixe mensuelle brut de 2 000 € outre une rémunération mensuelle variable sur objectifs.

Par lettre du 2 juillet 2018, le salarié a remis sa démission à l’employeur.

Le contrat de travail a été rompu le 2 octobre 2018, après exécution du préavis de trois mois.

Par requête du 12 juillet 2019, estimant que l’employeur lui devait des heures supplémentaires, qu’il était en droit d’obtenir l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé et que sa démission s’analysait en une prise d’acte produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Montpellier.

Par jugement du 9 novembre 2020, le conseil de prud’hommes a :

– débouté M. [X] de l’intégralité de ses demandes,

– dit n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,

– laissé la charge des éventuels dépens aux parties.

Par déclaration enregistrée au RPVA le 15 décembre 2020, le salarié a régulièrement interjeté appel de ce jugement.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions enregistrées au RPVA le 25 février 2021, M. [K] [X] demande à la Cour, au visa des articles 11 du Code de procédure civile, 1103 du Code civil, L.3171-4, L.4622-3, L.8221-5, L.82231 et R.624-10 du Code du travail, de :

– réformer le jugement en toutes ses dispositions ;

– juger recevable et fondée la demande de paiement de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires ;

– condamner la société Doctolib au paiement des sommes suivantes :

* 15.873,75 € à titre de rappel de salaire,

* 2.500 € au titre du préjudice subi du fait de l’absence de visite médicale passée sur une durée de trois ans ;

– juger qu’en omettant d’inscrire sur les bulletins de salaire et de payer les heures de travail réellement effectuées la société Doctolib a commis l’infraction de travail dissimulé par dissimulation d’emploi et de la condamner au paiement d’une somme de 19.175,10 € à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;

-juger que la démission doit s’analyser en une prise d’acte et qu’elle produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

-condamner la société Doctolib au paiement d’une somme de 9.587,55 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– la condamner au paiement d’une somme de 1.500 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions enregistrées au RPVA le 11 mai 2021, la SAS Doctolib demande à la Cour de :

– confirmer le jugement ;

– débouter le salarié de l’intégralité de ses demandes plus amples ou contraires ;

– le condamner à verser la somme de 2.000 € en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– le condamner aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Pour l’exposé des prétentions des parties et leurs moyens, il est renvoyé, conformément à l’article 455 du Code de procédure civile, à leurs conclusions ci-dessus mentionnées et datées.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 21 mars 2023.

MOTIFS

Sur l’absence de visite médicale.

En application des article R 4624-10 et R 4624-16 du Code du travail, dans leur rédaction applicable au litige, le salarié bénéficie d’un examen médical avant l’embauche ou au plus tard avant l’expiration de la période d’essai par le médecin du travail, ainsi que d’examens médicaux périodiques.

En l’espèce, il est constant que le salarié n’a bénéficié d’aucune visite médicale préalable à l’embauche et d’aucun examen médical périodique.

Il estime que ce manquement de la part de l’employeur lui a causé « nécessairement » un préjudice en ce que son mal-être n’a pas été détecté et a conduit à sa démission. Toutefois, il lui incombe d’établir l’existence de son préjudice ainsi que de son étendue, ce qu’il ne fait pas.

Sa demande doit être rejetée.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur le rappel de salaires au titre des heures supplémentaires.

Aux termes de l’article L. 3171-2, alinéa 1er, du Code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

En l’espèce, le salarié expose qu’il a accompli des heures supplémentaires non payées au-delà des 13 heures supplémentaires contractuelles.

Il verse aux débats les pièces suivantes :

– un tableau récapitutalif couvrant la période de novembre 2015 à juin 2018, mentionnant au total 747 heures supplémentaires non payées,

– un tableau détaillé correspondant à la même période prenant en compte les périodes de congés et précisant pour chaque semaine de chaque mois, le nombre d’heures supplémentaires accomplies après déduction des heures supplémentaires contractuelles, soit pour chacune des années les heures supplémentaires non payées suivantes :

* 2015/2016 : 354,

* 2017 : 247,

* 2018 : 146.

– son agenda électronique,

– des courriels,

– des bulletins de salaire dont il ressort qu’aucune heure supplémentaire en sus des 13 heures contractuelles n’a été payée.

Les éléments produits par le salarié sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre.

Or, celui-ci conteste l’existence d’heures supplémentaires non payées, estimant n’avoir pas demandé au salarié de les accomplir, avant d’admettre à titre subsidiaire que le salarié aurait accompli 360 heures supplémentaires au-delà des heures contractuelles sans pour autant expliciter son calcul ni produire le moindre document, de sorte qu’il sera fait droit à la demande du salarié.

Au vu du nombre d’heures supplémentaires non payées et du taux horaire applicable ‘ qui varie selon les années contrairement à ce qu’a retenu le salarié – il y a lieu de condamner l’employeur à payer au salarié la somme de 12 216,76€ au titre du rappel de salaire, étant précisé qu’aucune demande au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés y afférents n’est présentée.

Sur le travail dissimulé.

La dissimulation d’emploi salarié prévue à l’article L 8221-5 du Code du travail n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a, de manière intentionnelle, omis d’accomplir la formalité relative à la déclaration préalable à l’embauche ou de déclarer l’intégralité des heures travaillées.

L’article L 8223-1 du même Code, dans sa version applicable, prévoit qu’en cas de rupture de la relation de travail, le salarié concerné par le travail dissimulé a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

En l’espèce, au vu du volume important d’heures supplémentaires accomplies par le salarié et non déclarées, l’intention de dissimulation est caractérisée.

L’employeur devra payer au salarié la somme de 19 175,10 €.

Sur la rupture du contrat de travail.

La démission ne se présume pas et doit résulter d’une volonté claire et non équivoque de rompre le contrat de travail.

En l’espèce, le salarié sollicite que sa démission soit requalifiée en prise d’acte de la rupture.

Lorsqu’un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison des faits qu’il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués le justifient, soit dans le cas contraire d’une démission.

Les faits invoqués par le salarié doivent non seulement être établis mais constituer des manquements suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite de la relation contractuelle.

Enfin, c’est au salarié et à lui seul qu’il incombe d’établir les faits allégués à l’encontre de l’employeur. S’il subsiste un doute sur la réalité des faits invoqués à l’appui de la prise d’acte, celle-ci doit produire les effets d’une démission.

En l’espèce, la lettre remise par le salarié est rédigée en ces termes:

« Objet : lettre de démission

Madame, Monsieur,

Après plusieurs mois passés à informer ma hiérarchie directe de mon inconfort professionnel dû notamment à de très nombreuses heures supplémentaires travaillées mais non rémunérées, ainsi qu’une culture des résultats toujours plus pressante, je suis contraint de vous adresser la présente.

En effet, si afin de contenir mes demandes vous m’avez fait miroiter et entretenu l’illusion d’une perspective d’évolution qui n’a fait qu’être repoussée de mois en mois.

Cette situation ayant entachée ma santé et ma vie de famille depuis de nombreux mois, je me vois, ce jour, dans l’obligation de vous présenter ma démission pour le poste de business developer au sein de la société Doctolib que j’occupe depuis le 03 novembre 2015.

Cette décision s’impose malheureusement à moi dans la mesure où il n’y a eu aucune prise en compte de mes appels.

Cette démission sera effective après avoir observé une période de préavis de 3 mois comme le stipule mon contrat de travail. (…) ».

Par cet écrit, le salarié explique clairement avoir décidé de rompre le contrat de travail du fait du non-paiement de nombreuses heures supplémentaires.

Il résulte de ce qui précède qu’effectivement, le salarié a accompli un volume important d’heures supplémentaires qui ne lui ont pas été payées.

La démission résultant d’un manquement de l’employeur, elle s’analyse en une prise d’acte de la rupture du contrat de travail produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences pécuniaires de la rupture.

L’article L 1235-3 du Code du travail prévoit que l’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse d’un salarié totalisant deux années d’ancienneté dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés, doit être comprise entre trois et trois mois et demi de salaire brut.

Compte tenu de l’âge du salarié (né le 4/06/1987), de son ancienneté à la date du licenciement (2 ans et 11 mois), du nombre de salariés habituellement employés (au moins 11 salariés), de sa rémunération mensuelle brut (3 195,85€) et de l’absence de justificatifs relatifs à sa situation actuelle, il convient de fixer les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 9 587,55 €.

Il y a lieu de relever que le salarié ne sollicite aucune somme au titre des indemnités compensatrices de préavis et de congés payés afférents, ni au titre de l’indemnité de licenciement.

Sur les demandes accessoires.

L’employeur sera tenu aux dépens de première instance et d’appel.

Il est équitable de le condamner à payer au salarié la somme de 1500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Par ailleurs, l’employeur devra rembourser à Pôle emploi les allocations chômages versées au salarié dans la limite de six mois.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré, par arrêt mis à disposition au greffe ;

CONFIRME le jugement du 9 novembre 2020 du conseil de prud’hommes de Montpellier en ce qu’il a débouté M. [K] [X] de sa demande de dommages et intérêts au titre de l’absence de visites médicales ;

L’INFIRME pour le surplus ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

CONSTATE l’existence d’heures supplémentaires non rémunérées et du travail dissimulé ;

CONDAMNE la SAS Doctolib à payer à M. [K] [X] les sommes suivantes :

-12 216,76€ au titre du rappel de salaire pour heures supplémentaires,

– 19 175,10 € au titre de l’indemnité forfaitaire de travail dissimulé ;

DIT que la lettre de démission du 2 juillet 2018 remise par M. [K] [X] à la SAS Doctolib s’analyse en une prise d’acte de la rupture du contrat de travail produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE la SAS Doctolib à payer à M. [K] [X] la somme de 9587,55 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Y ajoutant,

CONDAMNE la SAS Doctolib à payer à M. [K] [X] la somme de 1500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en cause d’appel ;

ORDONNE le remboursement par la SAS Doctolib à Pôle Emploi des indemnités de chômage payées à M. [K] [X] dans la limite de six mois ;

CONDAMNE la SAS Doctolib aux entiers dépens de première instance et d’appel ;

DIT que conformément aux dispositions des articles L 1235-4 et R 1235-2 du Code du travail, une copie du présent arrêt sera adressée par le greffe au Pôle Emploi du lieu où demeure le salarié.

LE GREFFIER P/LE PRESIDENT

 


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