Convention collective SYNTEC : 14 décembre 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 20/01389

·

·

Convention collective SYNTEC : 14 décembre 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 20/01389

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

15e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 14 DECEMBRE 2023

N° RG 20/01389 –

N° Portalis DBV3-V-B7E-T5Z7

AFFAIRE :

[H] [R]

C/

G.I.E. SOLOCAL

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 Mai 2020 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT

N° Section : E

N° RG : F18/00473

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Sylvie KONG THONG de l’AARPI Dominique OLIVIER – Sylvie KONG THONG

Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATORZE DECEMBRE DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant, initialement fixé au 26 octobre 2023, prorogé au 23 novembre 2023, puis au 14 décembre 2023, les parties ayant été avisées dans l’affaire entre :

Madame [H] [R]

née le 18 Novembre 1970 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Sylvie KONG THONG de l’AARPI Dominique OLIVIER – Sylvie KONG THONG, Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0069

Représentant : Me Louis MARION de la SCP SAINT SERNIN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P525

APPELANTE

****************

G.I.E. SOLOCAL

N° SIRET : 824 389 837

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Mikaël PELAN de la SELARL LUSIS AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0081, substitué par Me Frédéric LECLERCQ, avocat au barreau de PARIS

Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 13 Juin 2023, Madame Régine CAPRA, présidente ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Régine CAPRA, Présidente,

Monsieur Thierry CABALE, Président,

Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier lors des débats : Madame Sophie RIVIERE

Greffier lors du prononcé : Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [H] [R] a été engagée à compter du 3 novembre 2011 par la société PagesJaunes Groupe, immatriculée au registre du commerce et des sociétés sous le numéro 552 028 425, ultérieurement dénommée la société Solocal Group S.A., par contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de directeur des relations investisseurs, cadre, position 3.3, coefficient 270, pour 210 jours de travail par an, moyennant un salaire annuel brut de base de 120 000 euros, soit un salaire mensuel brut fixe de 9 230,77 euros sur douze mois plus un treizième mois, et une part variable annuelle afférente à l’atteinte des objectifs fixés. Elle bénéficiait en outre d’un avantage en nature constitué par la mise à disposition d’un véhicule de fonction.

Par avenant du 15 novembre 2016 à effet au 1er janvier 2017, son salaire mensuel brut fixe a été fixé à 10 238,62 euros payable 12 fois par an, incluant le 13ème mois, ce qui a porté son salaire annuel brut fixe de 120 000 à 122 863,44 euros.

Le contrat de travail de la salariée a été transféré de plein droit au 1er janvier 2017 au groupement d’intérêt économique (GIE) Cristallerie Services, immatriculé au registre du commerce et des sociétés sous le numéro 824 389 837, ultérieurement dénommé à compter de novembre 2017 le GIE Solocal.

Les relations entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des bureaux d’études techniques, cabinets d’ingénieurs conseils, sociétés de conseil dite Syntec.

Mme [R] a été en arrêt de travail pour maladie à compter du 13 février 2017.

Par courrier du 19 mars 2018, elle a dénoncé à son employeur des agissements qu’elle qualifiait de harcèlement moral.

Reprochant à son employeur un harcèlement moral et estimant ne pas avoir été remplie de ses droits, elle a saisi, le 10 avril 2018, le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt aux fins d’obtenir le paiement de diverses créances salariales et indemnitaires.

Elle a effectué le 27 mai 2019 une déclaration de maladie professionnelle pour burn out (épuisement professionnel) auprès de la caisse primaire d’assurance maladie, qui, après avis favorable du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, a reconnu sa maladie comme étant d’origine professionnelle, par décision notifiée le 3 août 2020.

Son arrêt de travail pour maladie a pris fin le 15 mars 2020. La visite de reprise initialement fixée au 24 mars 2020, a été reportée en raison de la pandémie de Covid 19, au 16 juin 2020.

La salariée a été successivement en absence autorisée rémunérée du 16 au 24 mars 2020, en chômage partiel du 25 mars au 15 juin 2020, en absence autorisée rémunérée du 16 juin au 10 juillet 2020, puis en congés payés du 13 juillet au 23 août 2020.

Aux termes d’un avenant à son contrat de travail, elle a été nommée à compter du 1er septembre 2020 directrice des programmes stratégiques et de la transformation, cadre position 3.3, coefficient 270 et exerce ses fonctions au sein du secrétariat général. Les autres stipulations du contrat de travail sont demeurées inchangées.

Par jugement en date du 14 mai 2020, auquel la cour renvoie pour l’exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil des prud’hommes de Boulogne-Billancourt a :

– fixé la rémunération mensuelle moyenne brute de Mme [R], calculée sur la moyenne des trois derniers mois, à la somme de 14 829,21 euros ;

– débouté Mme [R] de sa demande fondée sur le harcèlement moral ;

– dit que Mme [R] a effectué des heures supplémentaires en 2015, 2016, et 2017 et condamné ainsi le GIE Solocal à lui verser à ce titre la somme brute globale de 50 000 euros ainsi que 5 000 euros brut au titre des congés payés afférents ;

– condamné le GIE Solocal à verser à Mme [R] les sommes suivantes :

*22 965,29 euros brut outre 2 296,53 euros brut au titre des congés payés afférents, ce pour l’année 2015 ;

*36 001, 09 euros brut outre 3 600,11 euros au titre des congés payés afférents, ce au titre de l’année 2016 ;

*8 473,66 euros bruts outre 847,36 euros au titre des congés payés afférents, ce au titre de l’année 2017 ;

– ordonné au GIE Solocal de verser à Mme [R] la somme de 36 148,60 euros en deniers ou quittances à titre de rappel de salaire sur arrêt maladie ;

– condamné la société GIE Solocal à verser à Mme [R] la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– ordonné au GIE Solocal de remettre à Mme [R] les bulletins de salaire correspondant aux heures supplémentaires et à la rémunération variable.

– ordonné l’application de l’exécution provisoire sur le fondement de l’article R. 1454-28 du code du travail ;

– ordonné l’application de l’intérêt au taux légal et de sa capitalisation :

*dès la date de réception de la convocation du GIE Solocal par le conseil de céans pour les sommes de nature salariale ;

*dès la réception du présent jugement pour les autres sommes ;

– condamné la société GIE Solocal aux entiers dépens ;

– débouté les parties du surplus de leurs demandes.

La salariée a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe du 8 juillet 2020.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le RPVA le 15 juin 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens, Mme [R] demande à la cour de :

¿ confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

– fixé son salaire à la somme de 14 829,21 euros par mois ;

– condamné le GIE Solocal à lui verser :

*22 965,29 euros, outre 2 296,5 euros de congés payés afférents, à titre de rappel de rémunération variable pour l’année 2015 ;

*36 001,96 euros, outre 3 600,19 euros de congés payés afférents, à titre de rappel de rémunération variable pour l’année 2016 ;

– condamné le GIE Solocal à lui verser à Madame [R] au titre de rappels de salaire sur arrêt maladie ;

– ordonné au GIE Solocal de lui remettre les bulletins de salaire correspondant aux heures supplémentaires et à la rémunération variable ;

– dit qu’elle a effectué les heures supplémentaires en 2015, 2016 et 2017 et a condamné le GIE Solocal à ce titre ;

¿ réformer le jugement entrepris en ce qu’il :

– l’a déboutée de sa demande au titre du harcèlement moral et au titre de la violation de son obligation de prévention des agissements de harcèlement moral ;

– a limité à la somme brute globale de 50 000 euros la condamnation du GIE Solocal au titre des heures supplémentaires qu’elle a effectuées en 2015, 2016 et 2017, outre la somme de 5 000 euros brut au titre des congés payés afférents ;

– a limité la condamnation du GIE Solocal à son profit au titre de la rémunération variable 2017 à la somme de 8 473,66 euros brut, outre 847,36 euros brut de congés payés afférents ;

– a limité à 20 000 euros les dommages et intérêts dus au titre de la violation des dispositions légales sur les repos hebdomadaires et quotidiens ;

– a limité à la somme de 1 000 euros la condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

¿ statuant de nouveau, de :

– condamner le GIE Solocal à lui verser les sommes suivantes :

*88 975 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des agissements de harcèlement moral subis ;

*88 975 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des agissements de discrimination en raison de l’état de santé ;

*88 975 € à titre de dommages-intérêts en réparation de la violation par le GIE Solocal de son obligation de prévention des atteintes à la santé du salarié ;

*50 842,99 euros à titre de rappel de variable de l’exercice 2017, outre 5 084,29 euros de congés payés afférents ;

*50.842,99 euros, soit la totalité de sa rémunération variable pour l’exercice 2018, outre 5 084,29 euros de congés payés afférents ;

*50 842,99 euros, soit la totalité de sa rémunération variable pour l’exercice 2019, outre 5 084,29 euros de congés payés afférents ;

*35 913 euros au titre de l’exercice 2020 (soit 50 842,99 euros ‘ 14 930 euros déjà versés), outre 3 591 euros de congés payés afférents ;

*40 800 euros au titre de l’exercice 2021 (soit 50 842,99 euros ‘ 10 043 euros déjà versés), outre 4 080 euros de congés payés afférents ;

*140 648,67 euros au titre du rappel de salaire correspondant aux heures supplémentaires effectuées de mars à décembre 2015, outre 14 064,87 euros de congés payés afférents ;

*191 664,09 euros au titre de rappels d’heures supplémentaires pour l’année 2016, outre 19 166,40 euros de congés payés afférents ;

*22 680,85 euros à titre de rappels d’heures supplémentaires pour l’année 2017, outre 2 268,08 euros de congés payés afférents ;

*88 975 euros à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié ;

– condamner le GIE Solocal à lui remettre des bulletins de salaire conformes ;

– condamner, le GIE Solocal à lui verser les sommes de :

*44 487,63 euros à titre de dommages-intérêts pour violation des dispositions sur le repos quotidien minimal ;

*44 487,63 euros à titre de dommages-intérêts pour violation des dispositions sur le repos hebdomadaire minimal ;

– débouter le GIE Solocal de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

– condamner le GIE Solocal à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de la première instance et 5 000 euros au titre de la procédure d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens ;

– assortir les condamnations des intérêts au taux légal et prononcer la capitalisation des intérêts en application des dispositions de l’article 1343-2 du code civil.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le RPVA le 1er décembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens, la société GIE Solocal demande à la cour de recevoir les présentes écritures et y faisant droit, de :

¿ réformer le jugement du conseil de prud’hommes de Boulogne Billancourt, en ce qu’il a :

– dit que Mme [R] a effectué les heures supplémentaires en 2015, 2016 et 2017 et l’a condamnée ainsi à verser à celle-ci la somme brute globale de 50 000 euros ainsi que 5 000 euros brut au titre des congés payés afférents ;

– l’a condamnée à verser à Mme [R] les sommes suivantes :

*22 965,29 euros brut outre 2 296,53 euros brut au titre des congés payés afférents, ce pour l’année 2015 ;

*36 001, 09 euros brut outre 3 600,11 euros au titre des congés payés afférents, ce au titre de l’année 2016 ;

*8 473,66 euros bruts outre 847,36 euros au titre des congés payés afférents, ce au titre de l’année 2017 ;

– lui a ordonné de verser à Mme [R] la somme de 36 148,60 euros en deniers ou quittances à titre de rappel de salaire sur arrêt maladie ;

– l’a condamnée à verser à Mme [R] la somme de 1 000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– lui a ordonné de remettre à Mme [R] les bulletins de salaire correspondant aux heures supplémentaires et à la rémunération variable ;

¿ statuant à nouveau, de :

– débouter Mme [R] de l’ensemble de ses demandes ;

– condamner Mme [R] à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner Mme [R] aux entiers dépens.

L’affaire, distribuée à la 21ème chambre à l’issue des délais [A], a été redistribuée à la 11ème chambre le 22 octobre 2021, puis à la 15ème chambre le 30 janvier 2023.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 10 mai 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la rémunération variable due pour les années 2015 à 2021

L’article 6-Rémunération du contrat de travail de Mme [R] est rédigé comme suit :

« …la rémunération annuelle de base de Madame [H] [R] est portée à 120 000 €.

Madame [H] [R] percevra ainsi une rémunération mensuelle brute de 9 230,77 €.

Madame [H] [R] percevra également un treizième mois égal à sa rémunération de décembre de l’année en cause (…).

De plus, Madame [H] [R] bénéficiera d’une part variable annuelle afférente à l’atteinte des objectifs fixés et dont le montant pourra varier de 0 à 40% maximum de la rémunération annuelle fixe. En cas d’atteinte à 100% des objectifs, le montant annuel représentera 20 % de la rémunération annuelle fixe de Madame [H] [R]. Les modalités de détermination de cette part variable seront fixées chaque année par la Direction Générale et communiquées par note interne.

Cette part variable sera calculée au prorata temporis du temps de présence dans l’entreprise. »

L’avenant au contrat de travail à effet au 1er janvier 2017 stipule :

« En contrepartie du parfait accomplissement de sa mission, Mlle [H] [R] bénéficiera d’un salaire fixe mensuel brut de 10 238,62 euros payable en 12 fois par an incluant le 13ème mois.

Toutes les autres composantes de votre rémunération et l’ensemble des autres dispositions de votre contrat de travail initial demeurent inchangées. »

L’avenant au contrat de travail à effet au 1er septembre 2020 aux termes duquel Mme [R] devient directrice des programmes stratégiques et de la transformation, cadre position 3.3, coefficient 270, stipule également que les autres dispositions du contrat de travail demeurent inchangées.

Mme [R], qui avait perçu 18 248 euros en mars 2013 à titre de part variable pour l’année 2012, 31 536 euros en mars 2014 à titre de part variable pour l’année 2013 et 29 732,94 euros en mars 2015 à titre de part variable pour l’année 2014, sollicite, pour les années 2015 à 2021, le paiement de rappels de rémunération variable calculés sur la base d’une part variable annuelle brute de 50 842,99 euros, représentant 40% de la somme de 127 107,48 euros comprenant, outre le montant de son salaire annuel de base selon le montant fixé à compter du 1er janvier 2017, soit 122 863,44 euros, l’avantage en nature véhicule selon l’évaluation de 353,67 euros par mois qui en a été faite en 2016, 2017 et 2018, soit 4 244,04 euros par an. Elle revendique les rappels de rémunération variable suivants :

*pour l’année 2015 (exigible au 31 mars 2016) : 22 965,29 euros ;

*pour l’année 2016 (exigible au 31 mars 2017) : 36 001,09 euros ;

*pour l’année 2017 (exigible au 31 mars 2018) : 50 842,99 euros ;

*pour l’année 2018 (exigible au 31 mars 2019) : 50 842,99 euros ;

*pour l’année 2019 (exigible au 31 mars 2020) : 50 842,99 euros ;

*pour l’année 2020 (exigible au 31 mars 2021) : 35 913 euros ;

*pour l’année 2021 (exigible au 31 mars 2022) : 40 800 euros.

La fourniture par l’employeur d’un véhicule de fonction constitue un avantage en nature qu’il y a lieu d’inclure dans la rémunération du salarié. Cet avantage en nature constituant un élément fixe de rémunération, Mme [R] est bien fondée, en l’absence de stipulation contraire du contrat de travail, à inclure la valeur de cet avantage en nature dans l’assiette de calcul de sa rémunération variable.

Le salaire annuel brut fixe de Mme [R] était de 120 000 euros jusqu’au 31 décembre 2016 et de 122 863,44 euros à compter du 1er janvier 2017. La salariée est donc mal fondée à calculer la part variable de sa rémunération en retenant un salaire annuel brut fixe de 122 863,44 euros au lieu d’un salaire annuel brut fixe de 120 000 euros pour les années 2015 et 2016.

En ce qui concerne l’avantage en nature véhicule, il a été successivement évalué en 2015 à 309,36 euros brut par mois, en 2016, 2017 et 2018 à 353,67 euros brut par mois et en 2020 et 2021 à 330,60 euros brut par mois.

La part variable annuelle n’est due qu’en proportion du temps de présence de la salariée au cours de l’année considérée.

Mme [R] est mal fondée à prétendre à un rappel de salaire variable pour la période d’arrêt de travail pour maladie du 13 février 2017 au 15 mars 2018, au motif que cette maladie, reconnue comme maladie professionnelle, résulterait d’un harcèlement moral, alors que son contrat de travail étant alors suspendu, elle ne s’est pas tenue à la disposition de l’employeur pour exécuter sa prestation de travail et qu’elle ne peut, sous couvert d’une demande de rappel de salaire variable durant ses périodes d’arrêt de travail, obtenir réparation d’un préjudice né en réalité de sa maladie professionnelle.

Il s’ensuit que la part variable de la rémunération de Mme [R] sera calculée sur l’assiette suivante :

*pour l’année 2015 : 123 712,32 euros ;

*pour l’année 2016, durant laquelle elle a été présente durant 242 jours ouvrés sur 253, pour avoir été absente pour maladie du 24 octobre au 2 novembre 2016 et du 1er au 6 décembre 2016 :

[(124 244,04/253) x 242] = 118 842,12 euros ;

*pour l’année 2017, durant laquelle elle a été présente durant 28 jours ouvrés sur 251, pour avoir été absente pour maladie du 29 au 31 janvier 2017 (accident de trajet) et du 13 février au 31 décembre 2017 :

[ (127 107,48/251) x 28] =14 179,32 euros ;

*pour l’année 2018, durant laquelle elle a été absente pour maladie du 1er janvier au 31 décembre 2018 : 0 euro ;

*pour l’année 2019, durant laquelle elle a été absente pour maladie du 1er janvier au 31 décembre 2018 : 0 euro ;

*pour l’année 2020, durant laquelle elle a été présente durant 201 jours ouvrés sur 253, pour avoir été absente du 1er janvier au 15 mars 2020 :

[ (126 830,64/253) x 201] =100 762,68 euros ;

*pour l’année 2021, durant laquelle il n’est pas allégué qu’elle ait été absente : 126 830,64 euros.

Lorsque la partie variable de la rémunération contractuelle due au salarié dépend de la réalisation d’objectifs fixés, il appartient à l’employeur de justifier du calcul de la part variable de la rémunération convenue en produisant les éléments permettant de vérifier la réalisation des objectifs fixés. Le GIE Solocal, qui a payé à Mme [R] en mars 2016 la somme de 27 877,70 euros représentant 22,53% de la base de calcul de la part variable de sa rémunération pour l’année 2015, quand la salariée pouvait prétendre à une part variable d’un montant maximum de 40 % de la base de calcul, soit une somme de 49 484,93 euros, ne justifiant pas des modalités de calcul de la rémunération variable due à la salariée, il convient d’infirmer le jugement entrepris et de condamner l’employeur à payer à l’intéressée un rappel de rémunération variable de 21 607,23 euros pour l’année 2015 ainsi que la somme de 2 160,72 euros au titre des congés payés afférents.

Lorsque la partie variable de la rémunération contractuelle due au salarié dépend de la réalisation d’objectifs fixés chaque année unilatéralement par l’employeur et que celui-ci n’a pas précisé au salarié les objectifs à réaliser pour les années en cause, cet élément de rémunération doit être versé intégralement pour chacune de ces années à l’intéressé qui doit dès lors percevoir la montant maximum prévu pour la part variable, soit pour Mme [R], 40% de la base de calcul de la part variable de sa rémunération.

Le GIE Solocal ne justifiant pas avoir fixé à la salariée pour les années 2016, 2017, 2020 et 2021 les objectifs à réaliser conditionnant le versement de sa rémunération variable, l’intéressée est bien fondée à prétendre à une part variable d’un montant correspondant à 40 % de la base de calcul pour chacune de ces années, soit :

*pour l’année 2016 : 40 % de 118 842,12 euros, soit 47 536,85 euros ;

*pour l’année 2017, 40 % de 14 179,32 euros, soit 5 671,73 euros ;

*pour l’année 2020, 40 % de 100 762,68 euros, soit 40 305,07 euros ;

*pour l’année 2021, 40 % de 126 830,64 euros soit 50 732,26 euros.

Il est établi par les bulletins de paie produits par Mme [R], dont elle ne conteste pas qu’ils ont donné lieu au paiement effectif des sommes qu’ils mentionnent, que l’intéressé a perçu à titre de part variable de rémunération :

*pour l’année 2016 :14 841,90 euros en mars 2017 ;

*pour l’année 2017 : 232,26 euros en mars 2018 ;

*pour l’année 2020 : 14 930,10 euros en mars 2021 ;

*pour l’année 2021 : 10 043,17 euros en mars 2022.

Il convient en conséquence d’infirmer le jugement entrepris et de condamner le GIE Solocal à payer à Mme [R] à titre de rappel de rémunération variable :

*pour l’année 2016 : 32 694,95 euros ainsi que la somme de 3 269,50 euros au titre des congés payés afférents ;

*pour l’année 2017 : 5 439,47 euros ainsi que la somme de 543,95 euros au titre des congés payés afférents.

Ajoutant au jugement entrepris, il convient de débouter Mme [R] de sa demande de rappel de part variable de rémunération pour les années 2018 et 2019 et de condamner le GIE Solocal à lui payer à titre de rappel de part variable de rémunération :

*pour l’année 2020 : 25 374,97 euros ainsi que la somme de 2 537,50 euros au titre des congés payés afférents ;

*pour l’année 2021 : 40 689,09 euros ainsi que la somme de 4 068,91 euros au titre des congés payés afférents.

Sur les heures supplémentaires

Mme [R] soutenant que la convention de forfait-jours stipulée au contrat de travail lui est inopposable en l’absence d’un suivi régulier et individualisé par son employeur, qu’elle a pourtant alerté sur sa charge de travail, revendique le paiement des heures supplémentaires qu’elle a effectuées selon le décompte suivant :

– 140 648,67 euros au titre du rappel de salaire correspondant aux heures supplémentaires effectuées de mars à décembre 2015 ;

*191 664,09 euros au titre de rappels d’heures supplémentaires pour l’année 2016 ;

*22 680,85 euros à titre de rappels d’heures supplémentaires pour l’année 2017.

Le GIE Solocal oppose la prescription triennale à la demande en paiement d’heures supplémentaires de Mme [R] pour la période antérieure au 10 avril 2015.

Mme [R], bien qu’elle indique solliciter le paiement des heures supplémentaires qu’elle a effectuées au cours des trois dernières années, compte-tenu de la prescription triennale applicable, sollicite le paiement d’heures supplémentaires qu’elle prétend avoir accomplies au cours du mois de mars 2015, soit plus de trois ans avant la saisine du conseil de prud’hommes le 10 avril 2018.

Aux termes de l’article L. 3245-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, entrée en vigueur le 16 juin 2013, l’action en paiement ou en répétition de salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

Le délai de prescription des salaires court à compter de la date à laquelle la créance salariale est devenue exigible. Pour les salariés payés au mois, la date d’exigibilité du salaire correspond à la date habituelle du paiement des salaires en vigueur dans l’entreprise, en l’espèce, au vu des bulletins de paie produits, le dernier vendredi du mois, et concerne l’intégralité du salaire afférent au mois considéré. Mme [R] ayant eu connaissance, des faits lui permettant d’agir en paiement des heures supplémentaires qu’elle prétend avoir accomplies au cours de la période du lundi 2 au dimanche 22 mars 2015 dès la délivrance de son bulletin de paie de ce mois, le vendredi 27 mars 2015 (pièce 64 de Mme [R]), l’action en paiement de ces heures supplémentaires était prescrite à la date de la saisine du conseil de prud’hommes, le 10 avril 2018. Sa demande est donc irrecevable seulement en ce qu’elle porte sur les heures supplémentaires qu’elle prétend avoir accomplies au cours de la période du lundi 2 au 22 mars 2015.

Son action en paiement des heures supplémentaires accomplies au cours de la période du 23 mars au 10 avril 2018 dont le paiement n’était pas exigible avant le 24 avril 2015 n’est en revanche pas prescrite.

L’article 4.8.3. de l’avenant du 1er avril 2014 à l’accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail annexé à la convention collective nationale Syntec dispose :

« Afin de se conformer aux dispositions légales et de veiller à la santé et à la sécurité des salariés, l’employeur convoque au minimum deux fois par an le salarié, ainsi qu’en cas de difficulté inhabituelle, à un entretien individuel spécifique.

Au cours de ces entretiens seront évoquées la charge individuelle de travail du salarié, l’organisation du travail dans l’entreprise, l’articulation entre la vie professionnelle et la vie privée et, enfin la rémunération du salarié.

Lors de ces entretiens, le salarié et son employeur font le bilan sur les modalités d’organisation du travail du salarié, la durée des trajets professionnels, sa charge individuelle de travail, l’amplitude des journées de travail, l’état des jours non travaillés pris et non pris à la date des entretiens et l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle.

Une liste indicative des éléments devant être abordés lors de ces entretiens est également transmise au salarié.

Au regard des constats effectués, le salarié et son responsable hiérarchique arrêtent ensemble les mesures de prévention et de règlement des difficultés (lissage sur une plus grande période, répartition de la charge, etc.). Les solutions et mesures sont alors consignées dans le compte-rendu de ces entretiens annuels.

Le salarié et le responsable hiérarchique examinent si possible également à l’occasion de ces entretiens la charge de travail prévisible sur la période à venir et les adaptations éventuellement nécessaires en termes d’organisation du travail. »

Le GIE Solocal ne justifiant pas avoir procédé aux deux entretiens par an exigés par les dispositions conventionnelles, la convention de forfait en jours est inopposable à Mme [R].

Celle-ci est en conséquence bien fondée à prétendre au paiement d’heures supplémentaires selon le droit commun.

Selon l’article L. 3121-22 du code du travail, constituent des heures supplémentaires toutes les heures de travail effectuées au-delà de la durée hebdomadaire du travail fixée par l’article L. 3121-10 du code du travail ou de la durée considérée comme équivalente. Cette durée du travail hebdomadaire s’entend des heures de travail effectif et des temps assimilés.

Aux termes de l’article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée du travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l’article L. 3171-3 du même code, l’employeur tient à la disposition de l’inspecteur ou du contrôleur du travail ( rédaction antérieure à celle issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016), ou, de l’agent de contrôle de l’inspection du travail mentionné à l’article L. 8112-1 (rédaction résultant de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016), les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction, après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

Mme [R] présente des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’elle prétend avoir accomplies, tandis que le GIE Solocal, tenu d’assurer le contrôle des heures de travail effectuées, s’est abstenu, en violation de l’obligation qui lui est faite, de procéder à l’enregistrement de l’horaire accompli par la salariée et ne verse aucun élément de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par celle-ci. La preuve de l’accomplissement d’heures supplémentaires est ainsi rapportée, dont il appartient à la cour d’évaluer l’importance.

Il est établi d’une part que Mme [R] a accompli des heures supplémentaires au vu et au su de son employeur, qui ne s’y est pas opposé, et, d’autre part, que la réalisation des heures supplémentaires accomplies a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées.

Les heures supplémentaires accomplies par Mme [R] au-delà de la durée légale hebdomadaire fixée à l’article L. 3121-27 à 35 heures par semaine donnent lieu à une majoration de salaire de 25 % pour chacune des huit premières heures supplémentaires. Les heures suivantes donnent lieu à une majoration de 50 %.

Les jours fériés, les jours de RTT et les jours d’arrêt maladie ne peuvent, en l’absence de dispositions légales ou conventionnelles, être assimilées à du temps de travail effectif, de sorte qu’ils ne sauraient être pris en compte dans la détermination de l’assiette de calcul des droits à majoration et bonification en repos pour heures supplémentaires.

Les éléments de rémunération dont les modalités de fixation permettent leur rattachement direct à l’activité personnelle du salarié doivent être intégrés dans la base de calcul des majorations pour heures supplémentaires.

Au vu des éléments soumis à son appréciation, la cour fixe les sommes dues à la salariée comme suit :

– période du 23 mars au 31 décembre 2015 : 49 616,97 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires ainsi que la somme de 4 961,70 euros au titre des congés payés afférents ;

– année 2016 : 75 280,92 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires ainsi que la somme de 7 528,09 euros au titre des congés payés afférents ;

– période du 1er janvier au 12 février 2017 : 6 843,72 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires ainsi que la somme de 684,37 euros au titre des congés payés afférents.

Il convient en conséquence d’infirmer le jugement entrepris et de condamner le GIE Solocal à payer lesdites à Mme [R].

Sur le non-respect des dispositions sur le repos quotidien minimal et le non-respect des dispositions sur le repos hebdomadaire minimal

Tout salarié doit bénéficier d’un repos quotidien d’une durée minimale de onze heures consécutives et d’un repos hebdomadaire d’une durée minimale de vingt-quatre heures consécutives auxquelles s’ajoutent les heures consécutives de repos quotidien.

La preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l’Union européenne et des durées maximales de travail fixées par le droit interne incombe à l’employeur.

Le GIE Solocal ne rapporte pas cette preuve.

Le non-respect des durées minimales de repos par la fatigue qu’il a engendrée pour la salariée a causé à celle-ci un préjudice, dont il n’est pas contesté par le GIE Solocal, qu’il puisse être réparé par la cour de céans selon le droit commun.

Il convient en conséquence d’infirmer le jugement entrepris, qui dans son dispositif a débouté Mme [R] de ses demandes de ces chefs, en contradiction avec les motifs de sa décision, et, au vu des éléments soumis à l’appréciation de la cour, de condamner le GIE Solocal à payer à la salariée, en réparation du préjudice qu’elle a subi, la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect des dispositions légales sur le repos quotidien minimal ainsi que la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect des dispositions légales sur le repos hebdomadaire minimal.

Sur l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé

Selon l’article L. 8221-5 du code du travail, le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié.

Le caractère intentionnel du travail dissimulé ne peut se déduire de la seule constatation de l’inexécution par l’employeur de ses obligations conventionnelles de contrôle de l’amplitude et de la charge de travail privant d’effet de la convention individuelle de forfait.

En tout état de cause, l’indemnité de travail dissimulé prévue à l’article L. 8223-1 du code du travail n’est exigible en qu’en cas de rupture de la relation de travail.

Le contrat de travail de Mme [R] avec la société Solocal S.A. ayant été transféré de plein droit au 1er janvier 2017 au GIE Cristallerie Services, dénommé à compter de novembre 2017 le GIE Solocal, la relation de travail n’a pas été rompue mais s’est poursuivie sous une autre direction. Le contrat de travail n’ayant pas été rompu depuis lors, les dispositions de l’article L. 8223-1 du code du travail ne sont pas applicables. Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la salariée de sa demande d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

Sur le maintien du salaire durant l’arrêt de travail pour maladie

Il résulte des bulletins de paie de l’année 2017 produits par Mme [R], qui ne conteste pas qu’ils ont donné lieu au paiement effectif des sommes qu’ils mentionnent, que le GIE Solocal lui a payé au cours de l’année considérée des avances sur indemnités de prévoyance comme suit :

*3 500 euros net en juillet 2017 ;

*3 500 euros net en août 2017 ;

*1 000 euros net en octobre 2017 ;

*3 000 euros net en décembre 2017.

Si les bulletins de paie de l’année 2018, hormis celui du mois de mars 2018, ne sont pas produits par les parties, la salariée reconnaît que le GIE Solocal lui a versé le 15 février 2018 la somme de 31 000 euros à titre d’avances sur indemnités de prévoyance.

Mme [R], qui estime que son employeur lui doit la somme totale de 67 148,60 euros au titre des indemnités de prévoyance, sous déduction de la somme de 31 000 euros versée en février 2018, sollicite le paiement d’un rappel d’indemnités de prévoyance de 36 148,60 euros.

Si le GIE Solocal verse aux débats, en pièce 20, un mail du 19 juin 2018 de M. [Z] de la direction des ressources humaines, indiquant qu’il a été versé à Mme [R] 64 500 euros d’avances prévoyance ‘à fin mai 2018″, il ne produit aucun élément comptable justifiant du paiement effectif de cette somme totale à la salariée depuis mai 2017 et ne justifie pas, en tout état de cause, ainsi qu’il lui incombe, avoir rempli Mme [R], qui percevait des indemnités journalières calculées sur la base d’un montant unitaire de 43,80 euros, de ses droits à indemnités de prévoyance au titre de son incapacité temporaire pour la période de mai 2017 à mai 2018.

Il convient en conséquence de la condamner à payer à la salariée la somme de 36 148,60 euros qu’elle revendique.

Sur le harcèlement moral

Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. En vertu de l’article L. 1154-1 du même code, dans sa rédaction antérieure à la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et, au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. En vertu de l’article L. 1154-1 du même code, dans sa rédaction résultant de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 applicable aux faits commis à compter de son entrée en vigueur le 10 août 2016, lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement et, au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Dans le questionnaire qu’elle produit, qu’elle a adressé à la Cpam le 14 novembre 2019 dans le cadre de l’instruction de la demande de reconnaissance de maladie professionnelle qu’elle a effectuée le 27 mai 2019, Mme [R] affirme qu’elle a été exposée au quotidien entre janvier 2015 et février 2017, depuis l’arrivée d’une nouvelle directrice financière, Mme [C], à des conditions anormales d’exécution de son contrat de travail et à des pratiques managériales harcelantes et maltraitantes, qui ont conduit à son arrêt maladie depuis le 13 février 2017.

Elle invoque :

– une surcharge de travail incessante, démesurée et sans limite, une forte pression constante ;

– un rythme de travail insoutenable de manière récurrente, avec de multiples non-respect du repos minimum légal quotidien, hebdomadaire et mensuel ;

– l’exigence d’une durée de travail et d’une disponibilité excessive, y compris durant les week-ends, lors des jours fériés et pendant ses jours de congés, sans compter le report de ses vacances imposé par sa hiérarchie à la dernière minute ;

– des comportements managériaux abusifs et défaillants malgré ses alertes répétées.

Elle reprend dans ses conclusions devant la cour, dans l’exposé des faits, les mêmes éléments, à savoir :

– que dès son arrivée, Mme [C] lui a demandé de quitter ses fonctions de directrice des relations investisseurs pour prendre un nouveau poste et qu’ayant refusé, elle a été en butte à une entreprise de déstabilisation menée par celle-ci ;

– que le groupe faisait alors l’objet d’une restructuration et qu’elle a vu ses horaires de travail, déjà d’une très grande amplitude, prendre des proportions démesurées jusqu’à inclure nuits, week-ends, jours fériés et vacances ;

– qu’elle a été rétrogradée en octobre 2015 en étant désormais placée sous la subordination d’un de ses collaborateurs, M. [N], directeur de la performance financière, alors que les salariées qui l’ont remplacée durant son arrêt maladie ont été directement rattachées, comme elle l’était elle-même auparavant, à la directrice financière ; qu’elle a été exclue du comité de direction Finance ainsi que de réunions auxquelles elle participait depuis 5 ans ;

– que son collaborateur, M. [E], mis à l’écart par Mme [C], a donné sa démission début octobre 2015 et qu’elle a dû absorber sa charge de travail pendant des mois, dans l’attente de son remplacement ;

– que pour pourvoir à son remplacement, Mme [C] a défini un poste plus étoffé, proche de celui de directrice des investisseurs qu’elle occupe ; que M. [J] a pris en mai 2016 le poste de responsable des relations investisseurs, remplaçant ainsi M. [E] ;

– que du fait de son extrême charge de travail, elle a demandé à disposer d’une aide supplémentaire et qu’on lui a donné la possibilité de faire appel à un stagiaire ; que M. [G], qui lui a été affecté comme stagiaire de mai à octobre 2016, a été engagé par l’entreprise par contrat à durée déterminé à compter du mois de novembre 2016 et affecté à 50% à la direction relations investisseurs et à 50% à la direction de la trésorerie, puis lui a été finalement retiré en décembre 2016 pour être rattaché directement à M. [N] ;

– que souhaitant que M. [J] et M. [G] se voient octroyer une prime pour récompenser leur grand professionnalisme, elle a contacté M. [N], qui ne lui a pas donné de réponse, et qu’elle a appris un mois plus tard, le 16 mars 2017, par un mail général dont elle était en copie, qu’ils avaient reçu une prime d’un montant significatif sans qu’elle en ait été informée et qu’instruction avait été donnée aux intéressés de ne pas lui en parler ;

– que le 7 février 2017, M. [N] et Mme [C] lui ont annoncé la volonté claire et non équivoque de la voir quitter son poste, relevant qu’elle n’avait pas atteint les objectifs et répondu aux attentes du groupe (alors que les objectifs 2016 ne lui avaient jamais été fixés), et que Mme [C] n’a pas entendu lui fixer des objectifs pour 2017 ; qu’aucun compte-rendu n’a été formalisé malgré sa demande ;

– que fortement déstabilisée par les agissements de son employeur et épuisée par la surcharge de travail grandissante et incessante qu’elle assumait depuis son arrivée dans le groupe, elle a été placée en arrêt de travail en raison d’un grave burn-out ; que ses arrêts de travail se sont poursuivis par la suite pour la raison supplémentaire qu’elle avait dû être opérée par deux fois d’un cancer du sein et du fait du lourd traitement consécutif ;

– qu’elle n’a pas obtenu de réponse satisfaisante aux courriers qu’elle a adressés à son employeur les 14 mars et 28 juin 2017 pour dénoncer sa situation ;

– qu’elle a fait l’objet dans le même temps de brimades pécuniaires, son employeur l’ayant privée, sans justification, de la quasi-totalité de sa rémunération variable pour l’année 2016, versée en 2017, ne lui ayant pas réglé la totalité de ses salaires pendant son arrêt maladie et ne lui ayant pas versé les indemnités de prévoyance auxquelles elle avait droit.

Elle invoque ensuite, dans la partie ‘discussion’ de ses conclusions devant la cour, comme caractérisant le harcèlement moral qu’elle dénonce, les faits suivants :

– une déstabilisation et une rétrogradation se traduisant par :

*la demande qui lui a été présentée début 2015 par Mme [C] d’accepter un déclassement par retrait de la dimension stratégique de son poste pour limiter son rôle à un rôle opérationnel ;

*une rétrogadation en octobre 2015 par son placement sous la hiérarchie de M. [N], qui était au même niveau hiérarchique qu’elle, ce qui lui a fait perdre sa place au sein du comité de direction de la direction financière, alors que les salariées qui l’ont remplacé pendant son arrêt maladie ont été placées sous la hiérarchie directe de Mme [C] ;

-une surcharge de travail se traduisant par :

*une très lourde charge de travail, en inadéquation avec l’équilibre de sa vie personnelle, qui a pris en 2015, à compter de l’arrivée de Mme [C], des proportions démesurées jusqu’à inclure nuits, week-ends, jours fériés et vacances ;

*une charge de travail supplémentaire consécutive à la démission en octobre 2015 de son collaborateur, M. [E], qui n’a été remplacé qu’en mai 2016 par M. [J] ;

*le retrait de l’aide apportée M. [G] qui, après lui avoir été totalement affecté de mai à octobre 2016, durant son stage, ne lui a été affecté qu’à 50% à compter de son embauche par contrat de travail à durée déterminée en novembre 2016, puis a été rattaché à temps plein à M. [N] en décembre 2016 ;

– une mise à l’écart se traduisant par :

*le fait que Mme [C] la court-circuite, échangeant directement avec ses collaborateurs à son insu ;

*le fait que les primes qu’elle avait demandées pour ses collaborateurs leur ont été accordées à son insu ;

– l’absence de fixation de ses objectifs pour les années 2016 et 2017 ;

– des brimades financières se traduisant par une baisse de sa rémunération variable ;

– son éviction du Top 50 des managers Solocal Group se traduisant par le fait qu’elle n’a plus été destinataire des courriers adressés à ce groupe à compter de la fin de l’année 2017 et le fait qu’elle n’a plus reçu d’actions gratuites à compter de 2016 ;

– sa situation dans l’entreprise à son retour dans les effectifs le 16 mars 2018, caractérisée en outre par :

*une mise en chômage partiel injustifiée du 25 mars au 15 juin 2020 ;

*des propositions de reclassement sur des postes d’un niveau hiérarchique inférieur au sien et rattachés au directeur financier, seule son opposition ferme lui ayant permis d’obtenir d’être repositionnée à un poste de niveau équivalent au sien rattaché au secrétariat général ;

*l’absence de régularisation du retard de paiement des indemnités de prévoyance durant son arrêt maladie.

– sur la surcharge de travail alléguée

Il est établi que Mme [R] a été soumise sur une longue période à une charge de travail excessive, à l’origine d’horaires démesurés, incluant nuits, week-ends, jours fériés et vacances ; qu’elle a dû assumer seule les tâches de la direction des relations investisseurs durant plusieurs mois, son collaborateur, qui a démissionné en octobre 2015, n’ayant été remplacé qu’en mai 2016 ; que si elle a obtenu l’aide d’un stagiaire de mai à octobre 2016, celui-ci une fois engagé par contrat de travail à durée déterminée comme contrôleur de gestion senior, n’a été affecté qu’à 50% à la direction des relations investisseurs et affecté à 50% à la direction trésorerie.

Il ressort des pièces produites que l’année 2016 a été une année hors norme avec un plan de restructuration financière complexe et de grande ampleur, dont la validation devait intervenir d’ici fin 2016, qui a connu des rebondissements et dont l’issue est restée longtemps incertaine (un plan A annoncé début août, refusé à l’assemblée générale mixte de mi-octobre, renégocié, plan A’présenté début novembre et finalement accepté à l’assemblée générale extraordinaire de mi-décembre) entraînant la production de plus de 90 publications à destination du marché, dont 40 au cours des deux derniers mois de l’année. Mme [R] a réalisé en définitive 117 publications en 2016 contre 50 en 2015.

Mme [R] rapporte la preuve qu’elle recevait des mails et des sms de Mme [C] et de M. [N] à toutes heures du jour et de la nuit ainsi que le dimanche, par la justification des mails reçus et par la production d’un procès-verbal de constat d’huissier du 6 mars 2017 mentionnant par exemple un sms de Mme [C] du vendredi 29 juillet 2016 à 23h04 en ces termes : « Nous serons au bureau demain. Peux-tu nous y rejoindre’ Mille mercis ».

Mme [T], directrice des études et de la responsabilité sociétale de 2014 à 2019, atteste que la charge de travail de Mme [R] était vraiment trop importante pour elle et son équipe, ainsi qu’elle l’a constaté à maintes reprises avec les heures de ses e-mails faisant suite aux demandes venant de sa hiérarchie.

Lors de son entretien d’évaluation du 8 février 2017, M. [J], adjoint de Mme [R], engagé début mai 2016, a déclaré : « Grâce à elle, il y a un équilibre au sein du département relations investisseurs, malgré des horaires de travail difficiles et chargés. (…) Il y a de graves problèmes structurels et organisationnels au sein de Solocal qui engendrent de grandes inefficacités au quotidien, des surcharges inutiles de travail et parfois un sentiment d’inéquité. Le degré d’exigence et le rythme de travail diffèrent selon les départements et les membres du Comex. Certains membres du top management sont parfois très éloignés de la réalité opérationnelle et n’hésitent pas à épuiser une partie de leurs équipes, sans pour autant remettre en question leur organisation et l’allocation des ressources. »

Lors de son entretien d’évaluation du 9 février 2017, M. [G], stagiaire du 3 mai 2016 au 30 octobre 2016, puis engagé par contrat de travail à durée déterminée à compter du mois de novembre 2016, a déclaré ; ‘en dehors du contexte exceptionnel et difficile avec entre autres, le plan de restructuration financière, l’organisation de deux assemblées générales, tout en assurant les missions habituelles d’un département de communication financière, il existe à Solocal et singulièrement dans le département finance un gros problème organisationnel qui nuit à mon humble avis à l’efficacité et à la productivité.(…) De plus le degré d’exigence dans les tâches et la charge de travail ne sont clairement pas équitables entre les collaborateurs à l’intérieur du département finance mais aussi à l’échelle du groupe, ce qui entraîne un profond sentiment d’injustice dans la gestion des ressources humaines. » Il a souligné les horaires très importants réalisés et indiqué que la situation qu’ils ont connu en 2016 ne devrait pas être considérée comme la norme au niveau de la charge de travail notamment et suggère de mettre en oeuvre une gestion prenant en compte la réalité des ressources afin de ne pas user les équipes.

Dans son attestation, M. [G] fait état d’une charge de travail extrêmement importante au vu des sujets à traiter et de leur complexité et d’un contexte de pression extrêmement forte vis-à-vis de Mme [R] de M. [N], n+1, de Mme [C], n+2 et de M. [L], n+3 (directeur général). Il indique que depuis son arrivée, il a constaté un volume de travail hors du commun, qui n’a cessé de croître avec une pression toujours plus importante et disproportionnée de M. [N] et de Mme [C], qui s’exerce principalement sur Mme [R]. Il indique : « Les horaires de travail sont vite devenus disproportionnés et intenables. Nous recevions des demandes très régulières, principalement de la part de Mme [C], via courriel ou appel téléphonique, à des heures de bureau, mais également très tôt le matin, tard le soir et même la nuit. Au fil du temps, les demandes arrivaient également le samedi, le dimanche, un jour férié. Nos journées atteignaient généralement douze heures, voire plus. Il y avait un décalage important entre la charge de travail et les moyens humains de l’équipe, à savoir 3 collaborateurs dont 2 nouveaux. Les demandes de la hiérarchie étaient toutes urgentes, souvent infondées et rarement priorisées. »

S’il estime en outre que la pression exercée par la hiérarchie sur Mme [R] pouvait relever d’une volonté malveillante, il s’agit toutefois d’une appréciation subjective qui n’est corroborée par aucun exemple précis et circonstancié.

M. [I], directeur du contrôle de gestion, atteste que le rythme de travail était intense, voire déraisonnable dans le cas de Mme [R], que des journées de 13-14 heures étaient fréquentes, voire permanentes pour cette dernière, que Mme [C] adressait de nombreuses demandes pressantes, jusque tard le soir afin de respecter les échéances très courtes imposées par un calendrier très serré.

La charge de travail excessive de Mme [R], qui n’a cessé d’augmenter en dépit de ses alertes, et le rythme de travail démesuré auquel la pression exercée sur elle la contraignait, la privant des durées minimales de repos dont elle aurait dû bénéficier, sont établis.

– sur la déstabilisation et la rétrogradation alléguées

Il est établi :

– qu’en sa qualité de directrice des relations investisseurs au sein de la société PagesJaunes Groupe, ultérieurement dénommée Solocal Group S.A., Mme [R] a rendu compte initialement de son activité à la directrice générale adjointe en charge des finances, ainsi que son contrat de travail l’indique ; qu’elle avait en 2013 pour responsable hiérarchique Mme [K], directrice Financier, Informatique et Performance (CFO) ainsi qu’il ressort du compte-rendu de l’entretien d’évaluation de la performance pour l’année 2013, établi le 4 février 2014 ;

– qu’après le départ de Mme [K] six mois plus tôt, Mme [C] a été nommée début janvier 2015 directrice financière en charge de la Finance, de l’Immobilier et des Achats (CFO) de la société et est devenue la responsable hiérarchique de Mme [R], ainsi qu’il ressort du compte-rendu de l’entretien d’évaluation de la performance pour l’année 2014, établi le 18 février 2015.

Si Mme [R] allègue successivement que début 2015, Mme [C] lui a demandé de quitter ses fonctions de directrice des relations investisseurs pour prendre un nouveau poste, puis que celle-ci lui a demandé à cette époque d’accepter d’être déchargée de la dimension stratégique de son poste pour restreindre ses fonctions à des fonctions opérationnelles, elle n’en justifie pas, la seule appréciation portée par Mme [C] dans le compte-rendu de l’entretien annuel d’évaluation pour l’année 2014 en date du 18 février 2015 ‘[H] s’est énormément investie à tous point de vue dans le contexte d’un refinancement complexe et d’une vacance de CFO pendant 6 mois. Elle est un actif d’une grande valeur pour l’entreprise et pourrait prendre des responsabilités managériales et/ou opérationnelles au sein de la Direction financière pour poursuivre son développement et son apport à l’entreprise. Un point d’attention dans son rôle actuel : le pilotage du consensus qui est un objectif prioritaire de la relation investisseurs.’ ne suffisant pas à l’établir.

Il est démontré :

– qu’à compter d’octobre 2015, Mme [R] a été placée sous l’autorité de M. [N], directeur stratégie & études, ainsi qu’il ressort du compte-rendu de l’entretien d’évaluation de la performance pour l’année 2015, établi le 7 janvier 2016 ;

-qu’au 24 juin 2016, une nouvelle organisation a été mise en place regroupant l’ensemble des équipes financières au sein d’une seule et même équipe transverse Finance Groupe, dirigée par Mme [C], CFO Groupe, et organisée autour de trois pôles : un pôle pilotage, dit pôle Performance financière, en charge à la fois du pilotage et de la communication financière aux fins d’optimiser la cohérence entre le pilotage financier interne et la communication financière externe, un pôle production, dit pôle de Finance opérationnelle, et un pôle experts, dit pôle des services experts : Corporate Finance & Trésorerie, Transformation & Projets Finance, Fiscalité et direction de l’Immobilier ; que l’équipe en charge du pilotage et de la communication financière, était dirigée par M. [N] et comportait quatre directeurs : un directeur relations investisseurs, en la personne de Mme [R], un directeur pilotage financier groupe/ support, IT, G&A, un directeur pilotage financier BU/verticales et un directeur pilotage financier lignes de produits ;

– que Mme [W] a pris au 1er mars 2017 la direction du programme Conquérir 2020 l’amenant à piloter 21 chantiers prioritaires en vue de faire du groupe Solocal le leader de la communication digitale locale ; que directement rattachée à Mme [C], CFO Groupe, dont certains de ces chantiers relevaient, elle a également été chargée d’assurer l’intérim de Mme [R], en arrêt de travail pour maladie depuis le 13 février 2017 ;

– que le 8 janvier 2018, Mme [B]-[S] a été nommée directrice des relations investisseurs de Solocal Group ;

– qu’en juin 2019, Mme [B]-[S] ayant été nommée secrétaire générale et membre du comité exécutif, Mme [D]-[Y] a été chargée en plus de ses fonctions de directrice de la trésorerie et des financements de Solocal, de la direction du département Relations investisseurs et Mme [P] [U] a été nommée directrice des Relations investisseurs, rapportant à ce titre à Mme [D]-[Y].

Si un échelon intermédiaire ayant été créé, Mme [R] a rapporté à compter du mois d’octobre 2015 à M. [N], d’abord directeur stratégie & études, puis, après la réorganisation de juin 2016, directeur de la performance financière, il n’est pas établi que celui-ci, que la salariée qualifie de collaborateur, ait été auparavant effectivement placé sous son autorité hiérarchique ou fonctionnelle ou ait relevé d’une classification inférieure à la sienne.

La création de cet échelon intermédiaire n’a pas entraîné de modification du contenu du poste de Mme [R], qui a conservé ses fonctions antérieures, le seul fait que n’étant plus rattachée directement à la directrice financière, elle ne participait plus au comité de direction Finance et à certaines réunions organisées entre directions financières et générales auxquelles participait désormais la direction de la performance financière, n’étant pas de nature à caractériser une rétrogradation. La salariée ne justifie pas non plus, par des exemples précis et circonstanciés, avoir été privée des informations nécessaires à la tenue de son poste. Si, dans son attestation, Mme [T], directrice des études et de la responsabilité sociétale de 2014 à 2019, estime qu’en n’étant plus rattachée à un membre du comité exécutif, Mme [R] a perdu en légitimité en interne, cette appréciation subjective n’est pas de nature à établir la réalité de la rétrogradation alléguée.

Mme [R] est en conséquence mal fondée à prétendre avoir subi une rétrogradation.

Elle n’établit pas non plus que les salariées qui ont occupé après elle le poste de directrice des relations investisseurs ont été, en tant que telles, directement rattachées à la directrice financière, de sorte que son nouveau rattachement hiérarchique répondait à une volonté de la déstabiliser. En effet, Mme [W] n’a pas été rattachée directement à Mme [C] parce qu’elle était chargée d’assurer l’intérim de la directrice des relations investisseurs, mais parce qu’elle assurait la direction du programme Conquérir 2020, dont certains chantiers relevaient de la direction finance du groupe. Il n’est pas établi que Mme [B]-[S], qui a été nommée directrice des relations investisseurs au départ de Mme [W], ait été directement rattachée à Mme [C]. Quant à Mme [P] [U], qui a été nommée directrice des Relations investisseurs en juin 2019 elle ne rapportait pas à la directrice financière, mais à Mme [D]-[Y] chargée de superviser à la fois la direction de la trésorerie et des financements de Solocal et la direction du département Relations investisseurs.

Il n’est établi, ni que la démission du collaborateur de Mme [R], M. [E], en octobre 2015 soit imputable à Mme [C], ni que le profil de poste établi pour pourvoir au remplacement de celui-ci ait été proche de celui de directrice des relations investisseurs qu’elle occupait.

Il est établi :

– que par courrier du 14 mars 2017, Mme [R] a écrit à Mme [C]:

*qu’elle a été choquée de la volonté claire et non équivoque de la voir quitter la communication financière exprimée par M. [N] lors de leur entretien du 8 février 2017 et par Mme [C] lors de leur entretien du 10 février 2017, soutenant qu’ils ont avancé des arguments professionnels nullement justifiés, qu’elle n’énonce cependant pas ;

*qu’elle constate que son éviction est d’ores et déjà actée dans les faits, puisque sa signature n’est plus apposée sur les communications financières et qu’elle n’est plus destinataire d’aucun mail, le fait qu’elle soit en arrêt maladie ne justifiant pas, selon elle, ces deux constats ;

*que cette brutalité dans la façon de faire lui fait craindre qu’il n’existe pas de volonté réelle de la garder au sein de l’entreprise contrairement à la volonté affichée lors des entretiens susvisés non assortie de propositions concrètes ;

*que son état de santé est impacté par ses incertitudes concernant ses perspectives professionnelles et qu’elle demande à ce que sa situation soit clarifiée ;

– que par courrier du 6 avril 2017, Mme [C] lui a répondu :

*que si elles ont fait le constat, ensemble, des difficultés que celle-ci a pu éprouver dans ce contexte où les sujets concernant la communication financière sont d’une importance stratégique, voire vitale, pour l’entreprise, personne, en aucun cas, n’a eu et n’a l’intention de l’évincer et ce sous quelque forme que ce soit ;

*qu’ils ont dû s’organiser dans l’urgence, en raison de son absence prolongée, en pleine opération financière visant à sauver l’entreprise et renforcer ses fonds propres de façon massive et historique et que l’absence de mail est due au fait qu’elle est actuellement en congé maladie ;

*qu’à son retour de congé maladie, elles feront le point ensemble et travailleront aux différents outils qui lui permettront de poursuivre son activité au sein de l’entreprise dans les meilleures conditions et le cas échéant, des conditions adaptées à l’évolution de sa situation ;

– que par courrier du 28 juin 2017, Mme [R] :

*s’est dite choquée par le courrier du 6 avril 2017, estimant qu’il constitue le premier jalon d’une réécriture totale des événements et de la gestion de sa situation professionnelle par ses supérieurs hiérarchiques et qu’il a pour effet de dégrader son état de santé déjà très fragilisé ;

*a affirmé que M. [N], son n+1, lui a annoncé lors d’un entretien son éviction du poste de directrice des relations investisseurs, au prétexte qu’elle ne répondait pas aux attentes, sans avancer aucun fait objectif et alors qu’aucune évaluation professionnelle ne pouvait être faite, en l’absence d’entretien de fixation des objectifs pour l’année 2016, ce qui a par ailleurs impacté le montant de sa rémunération variable, et que Mme [C], sa n+2 lui a confirmé lors d’un entretien du 10 février 2017 son départ de la communication financière et la recherche d’un poste qui serait « sur mesure » pour elle, sans autre précision et qu’il semblait du reste acquis qu’à défaut de poste, son départ du groupe dans le cadre d’un « consensus » était envisagé ; qu’il n’a été fait aucun constat, ensemble, sur les prétendues difficultés éprouvées sur son poste ;

*a estimé que dans son courrier du 6 avril 2017, Mme [C] se tait sur ses conditions de reprise et qu’on la laisse dans l’incertitude totale sur ses perspectives professionnelles ;

*a demandé que des propositions concrètes de poste lui soient faites en vue de sa reprise du travail à l’échéance de son arrêt maladie et que son employeur justifie le calcul de la rémunération variable qu’il lui a versée en mars 2017 ;

*a communiqué les coordonnées de son avocat ;

– que par courrier du 13 juillet 2017, le directeur des ressources humaines Groupe a exprimé son profond désaccord avec elle sur la lecture qu’il convient de faire de sa situation, qu’il ne souhaite pas poursuivre cette polémique et a transmis à son avocat les coordonnées de l’avocat du GIE.

Si Mme [R] affirme que Mme [C] et M. [N] lui ont fait part en février 2017 de leur volonté de la voir quitter la communication financière, aucun élément ne vient cependant corroborer cette allégation.

La salariée est mal fondée à prétendre que son départ était d’ores et déjà acté au motif que si le communiqué de presse du 13 janvier 2017 « Précisions relatives au plan de restructuration financière », mentionnait son nom et celui de M. [J], le communiqué de presse du 14 mars 2017 « Solocal a finalisé la réduction de sa dette financière, dette nette proforma au 31/12/2016: 344 millions d’euros », mentionnait le nom de Mme [W] et celui de M. [J], alors qu’elle en arrêt maladie depuis le 13 février, que Mme [W] avait été désignée pour assurer son interim et que celle-ci était l’auteur de ce communiqué.

L’entreprise de déstabilisation invoquée n’est pas caractérisée.

– sur la mise à l’écart alléguée

Si Mme [R] allègue que Mme [C] la court-circuitait, échangeant directement avec ses collaborateurs à son insu, elle ne l’établit pas, la seule affirmation par M. [G] dans son attestation qu’il est arrivé que Mme [C] court-circuite Mme [R] en adressant des demandes directement à M. [J] ou à lui, sans la tenir au courant, sans référence à aucun exemple précis, ne peut être retenue comme probante.

Le mail adressé le 24 janvier 2017 par Mme [R] à M. [N], indiquant souhaiter cadrer avec lui le niveau de performance qu’elle peut accorder à ses deux collaborateurs concernant leur appréciation 2016, d’un point de vue budgétaire, lui demandant s’il ne conviendrait pas de faire ‘le point sur ce qui a été déjà acté sur le principe ou donné en matière de primes exceptionnelle’ à leur égard, et affirmant ‘comme tu le sais, je n’ai pas été mise au courant’, ne suffit pas à établir qu’elle devait, en sa qualité de manager, être associée aux arbitrages à intervenir sur l’attribution des primes au regard du budget et être informée des décisions prises à l’issue des procédures d’évaluation, préalablement à la diffusion du mail général du 16 mars 2017 avisant les managers que l’ensemble des informations relatives aux primes était disponible et téléchargeables sur le portail intranet et que chaque salarié devait être reçu et informé par son manager avant le 26 mars du pourcentage de prime qu’il recevra sur sa paie de mars. Si elle affirme qu’il avait été donné instruction à ses collaborateurs de ne pas lui parler des primes qui leur ont été attribuées, elle n’en justifie pas.

La mise à l’écart alléguée n’est pas établie.

– sur l’absence de fixation de ses objectifs pour les années 2016 et 2017

Il est établi que le GIE Solocal n’a pas fixé à la salariée les objectifs à réaliser conditionnant le versement de sa rémunération variable pour les années 2016 et 2017.

– sur la baisse de sa rémunération variable

Il est établi que Mme [R] a perçu successivement à titre de rémunération variable :

*18 248 euros en mars 2013 pour l’année 2012, au vu de l’atteinte de ses objectifs appréciée dans la revue de performance individuelle 2012,

*31 536 euros en mars 2014 pour l’année 2013, au vu de l’atteinte de ses objectifs appréciée dans le compte-rendu de l’entretien annuel d’évaluation d’évaluation du 4 février 2014 ;

*29 732,94 euros en mars 2015 pour l’année 2014, au vu de l’atteinte de ses objectifs appréciée dans le compte-rendu de l’entretien annuel d’évaluation d’évaluation du 18 février 2015 ;

*27 878 euros en mars 2016 pour l’année 2015,

*14 841,90 euros en mars 2017 pour l’année 2016,

*232,26 euros, en mars 2018 pour l’année 2017,

*0 euro en mars 2019 pour l’année 2018,

*0 euro en mars 2020 pour l’année 2019,

*14 930,10 euros en mars 2021 pour l’année 2020,

*10 043,17 euros en mars 2022 pour l’année 2021.

Il en résulte que la part variable de rémunération versée par le GIE Solocal à Mme [R] en mars 2015 et en mars 2016, qui avait légèrement baissé par rapport à celle versée en mars 2014, a significativement baissé ensuite, la part variable versée à la salariée en mars 2017 pour l’année 2016 étant inférieure de plus de 40% à celle qui lui a été versée en mars 2016 pour l’année 2015, sans qu’aucun compte-rendu de l’entretien d’évaluation qu’elle a eu avec M. [N] n’ait été formalisé, bien qu’elle en ait fait la demande, ainsi qu’il ressort du mail de celui-ci du 7 février 2017.

– sur son éviction du Top 50 des managers Solocal Group et l’absence d’attribution d’actions gratuites

Mme [T], directrice des études et de la responsabilité sociétale de 2014 à 2019, atteste que Mme [R] faisait partie du Top 50 managers du groupe. M. [I], directeur du contrôle de gestion, atteste qu’elle a été maintenue dans le Top 50 managers lorsqu’elle a été rattachée à M. [N].

Si Mme [R] allègue qu’elle a été évincée du Top 50 managers, elle ne l’établit pas, se bornant à produire des mails d’information sur la société adressés par ‘Conquérir 2020″ à ‘Top managers’ de mars 2016 à octobre 2017 et à affirmer qu’elle n’a plus été destinataire de tels mails à compter de la fin de l’année 2017.

Mme [R] justifie avoir bénéficié le 16 décembre 2011 et le 16 décembre 2012 du plan d’attribution de d’actions gratuites de performance, qui, après ajustement pour l’augmentation de capital, ont été, au vu de l’atteinte partielle des conditions de performance par l’entreprise, pour partie seulement définitivement acquises par les bénéficiaires.

Elle justifie qu’elle a également bénéficié du plan qui a donné lieu le 19 juin 2014 à l’attribution d’actions gratuites de performance, dont le droit d’acquisition a été perdu, faute d’atteinte des conditions de performance par l’entreprise et qu’il en a été de même des actions gratuites du plan d’action 2015, distribuées à 12 collaborateurs.

Il résulte de la pièce 62 de Mme [R], qu’il n’y a pas eu de plan d’attribution d’actions de performance en 2016 (pour 2015) et 2017 (pour 2016) ainsi qu’en 2020. Si la salariée étant en arrêt de travail pour maladie en 2017 et 2018, n’a pu bénéficier de l’attribution des actions de performances des plans 2018 et 2019, elle était présente durant partie de l’année 2020, qui a donné lieu à l’attribution d’actions gratuites de performance à 61 bénéficiaires le 21 janvier 2021 et à 13 bénéficiaires le 2 juin 2021, dont il est constant qu’elle n’a pas fait partie.

– sur les retards de paiement durant son arrêt de travail pour maladie, restés non régularisés

Il est établi :

– que par courriel du 4 juillet 2017, Mme [R] a demandé des explications sur le montant du salaire qui lui a été versé en mai et juin 2017 ;

– que par courriel du 2 août 2017, il lui a été répondu :

*qu’elle a bénéficié du maintien de son salaire net jusqu’au 24 avril 2017 ;

*qu’au cours de la période du 25 avril au 12 juin 2017, elle ne percevra que les indemnités journalières de la sécurité sociale, pour lesquelles son employeur est subrogé dans ses droits ;

*qu’à compter du 14 mai 2017, soit à compter du 91ème jour d’arrêt consécutif, il lui versera ses indemnités de prévoyance, lesquelles viennent compléter les indemnités journalières de la sécurité sociale, de sorte que les deux cumulées représentent 80% de son salaire net moyen des douze mois précédant son arrêt de travail ;

– que par courrier de son avocat du 10 octobre 2017, Mme [R] a reproché à son employeur d’avoir manqué à ses obligations en matière du maintien du salaire et en matière de garantie prévoyance et lui a demandé de régulariser la situation au plus vite ;

– que par courrier du 18 décembre 2017, Mme [R] a réitéré ses demandes ;

– que par courrier des 12 et 31 janvier 2018, Mme [R] a demandé à l’organisme de prévoyance de lui confirmer qu’il a bien versé à son employeur les indemnités de prévoyance conformément aux stipulations du contrat de prévoyance et de lui indiquer pour quel(s) montant(s) et à quelle(s) date(s) ;

– que par courrier du 25 janvier 2018, le GIE Solocal a fourni à Mme [R] les explications suivantes :

*la convention collective Syntec prévoit un maintien du salaire net pendant 90 jours à 100%, puis à 80% ; ayant été précédemment en arrêt maladie du 24 octobre au 2 novembre 2016, du 1er au 6 décembre 2016 et du 29 au 31 janvier 2017 avec maintien du salaire à 100%, ces 19 jours viennent en déduction de ces 90 jours, de sorte que son salaire net a été maintenu à 100% pendant 71 jours du 13 février au 24 avril 2017 ;

* il n’a pas procédé au maintien de son salaire net à hauteur de 80% du 25 avril au 11 mai 2017, comme il le devait et qu’il régularisera cette erreur par le versement d’un rappel de salaire de 4 641,51 euros brut avec la paye du mois de février 2018 ;

*que la garantie prévoyance intervient à hauteur de 80% à compter du 91ème jour d’arrêt de travail continu, soit à compter du 12 mai 2017 ; que le versement complémentaire des indemnités journalières de la sécurité sociale assuré par la garantie prévoyance étant bloqué du fait du non-versement de celles-ci par la caisse primaire d’assurance maladie, il lui octroie régulièrement des avances, qui sont assez minimalistes au regard de ce qu’elle devrait toucher ; que si, malgré ses efforts, il ne parvient pas à régulariser la situation sur le mois de février, il augmentera le montant de ces avances ;

– que le GIE Solocal n’a en effet payé en 2017 à Mme [R] que les avances sur indemnités de prévoyance suivantes :

*3 500 euros net en juillet 2017 ;

*3 500 euros net en août 2017 ;

*1 000 euros net en octobre 2017 ;

*3 000 euros net en décembre 2017 ;

-que le 15 février 2018, il lui a payé 31 000 euros net à ce titre.

Il a été ci-dessus établi que Mme [R] n’a pas été néanmoins remplie de ses droits à indemnités de prévoyance pendant son arrêt maladie et que sa situation n’a pas été totalement régularisée.

– sur sa situation dans l’entreprise à son retour dans les effectifs le 16 mars 2018

Il est établi que Mme [R] a été mise en chômage partiel du 25 mars au 15 juin 2020 et que les deux postes de contrôleur financier et de contrôleur financier senior qui lui ont été proposés en premier lieu en juin 2020 étaient d’un niveau de contribution inférieur au sien, 2 ou 3, quand le sien était 0A et la contraignaient à travailler de nouveau au sein de la direction finance.

– sur son état de santé

Il est établi que Mme [R] a été en arrêt de travail du 13 février 2017 au 15 mars 2020 ; que si la salariée ne produit aucun certificat médical, ni aucune copie de l’exemplaire de l’avis d’arrêt de travail initial destiné au service médical de la sécurité sociale, qui seul mentionne la raison médicale de l’arrêt prescrit, et si l’exemplaire de l’avis de prolongation d’arrêt de travail du 28 octobre 2017 au 31 janvier 2018 destiné au service médical de la sécurité sociale mentionne comme raison médicale « dépression réactionnelle suite cancer du sein en cours de traitement », l’exemplaire de l’avis de prolongation d’arrêt de travail du 3 mai au 3 juin 2017 destiné au service médical de la sécurité sociale mentionne comme raison médicale « burn out ».

La charge de travail excessive de Mme [R], qui n’a cessé d’augmenter en dépit de ses alertes, et le rythme de travail démesuré auquel la pression exercée sur elle la contraignait, la privant des durées minimales de repos dont elle aurait dû bénéficier, l’absence d’objectifs fixés et la baisse, dans le même temps, de plus de 40 % de sa rémunération variable pour l’année 2016 par rapport à celle versée pour l’année 2015, l’absence de maintien de son salaire net à hauteur de 80% du 25 avril au 11 mai 2017, qui n’a été régularisé qu’en février 2018, le versement d’avances sur indemnités de prévoyance de faibles montants au regard des indemnités de prévoyance dont elle aurait dû bénéficier à compter du 12 mai 2017 lui garantissant, avec les indemnités journalières, 80% de son salaire net, sa mise en chômage partiel à la fin de son arrêt maladie, les deux premiers postes proposés en juin 2010 d’un niveau inférieur au sien et qui la contraignait à travailler de nouveau au sein de la direction finance et l’absence d’attribution d’actions de performance en 2021 constituent des éléments qui pris en leur ensemble laissent supposer l’existence d’agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel constitutifs de harcèlement moral.

Il incombe dès lors au GIE Solocal de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

La charge de travail excessive de Mme [R], qui n’a cessé d’augmenter en dépit de ses alertes, et le rythme de travail démesuré auquel la pression exercée sur elle la contraignait, la privant des durées minimales de repos dont elle aurait dû bénéficier, l’absence d’objectifs fixés et la baisse, dans le même temps, de plus de 40 % de sa rémunération variable de sa rémunération pour l’année 2016 par rapport à celle versée pour l’année 2015 ne sont justifiés par aucun élément objectif étranger à tout harcèlement.

Le harcèlement moral est dès lors suffisamment caractérisé, sans qu’il y ait lieu de rechercher si les autres éléments laissant supposer l’existence d’un tel harcèlement sont justifiés.

Le harcèlement moral subi a causé à Mme [R] un préjudice, dont il n’est pas contesté par le GIE Solocal, qu’il puisse être réparé par la cour de céans selon le droit commun, et que la cour fixe à la somme de 30 000 euros. Le jugement entrepris sera donc infirmé et l’employeur condamné à payer ladite somme à la salariée.

Sur le non-respect de l’obligation de prévention des atteintes à la santé

L’obligation de prévention des risques professionnels, qui résulte de l’article L. 4121-1 du code du travail dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n°2017-1389 du 22 septembre 2017 et de l’article L. 4121-2 du même code dans sa rédaction antérieure à la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, est distincte de la prohibition des agissements de harcèlement moral instituée par l’article L. 1152-1 du code du travail et ne se confond pas avec elle.

Tenu d’une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, le GIE Solocal ne justifie pas avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et 4121-2 du code du travail, notamment en matière de harcèlement moral, par la mise en oeuvre d’actions d’information et de prévention propres à en prévenir la survenance, et ne justifie pas non plus qu’après avoir été informé par la salariée de sa charge de travail excessive lors de l’entretien annuel d’évaluation du 7 janvier 2016, puis de sa souffrance au travail dans des courriers du 14 mars 2017 et du 28 juin 2017 et enfin d’une situation qu’elle qualifiait de harcèlement moral dans son courrier du 19 mars 2018, il a pris les mesures immédiates propres à les faire cesser. Il a dès lors manqué à son obligation de sécurité.

Ce manquement a causé à Mme [R] un préjudice que la cour fixe à la somme de 5 000 euros. Il convient en conséquence d’infirmer le jugement entrepris et de condamner l’employeur à payer ladite somme à la salariée.

Sur la discrimination en raison de l’état de santé

Aux termes de l’article L. 1132-1 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, en raison de son état de santé.

En application de l’article L. 1134-1 du même code, lorsque le salarié présente des éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d’apprécier si ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l’existence d’une telle discrimination et, dans l’affirmative, il incombe à l’employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

A l’appui de la discrimination en raison de son état de santé qu’elle dénonce, Mme [R], qui a été absente pour maladie du 13 février 2017 au 15 mars 2018, invoque les faits suivants :

– son éviction du top 50 manager ;

– la non attribution d’actions gratuites ;

– la baisse drastique de sa rémunération variable ;

– les conditions de son retour dans les effectifs et sa mise en chômage partiel injustifiée.

Son éviction du top 50 manager n’est pas établie.

La baisse de plus de 40% de la rémunération variable qui lui a été versée en mars 2017 pour l’année 2016, le maintien d’un niveau de rémunération variable comparable et l’absence d’attribution d’actions de performance à son retour dans l’entreprise, sa mise en chômage partiel à la fin de son arrêt maladie et les deux premiers postes proposés en juin 2010, d’un niveau inférieur au sien et qui la contraignait à travailler de nouveau au sein de la direction finance constituent des éléments, qui, pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’une discrimination. Il incombe dès lors au GIE Solocal de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

La baisse de plus de 40% de la rémunération variable versée à la salariée en mars 2017 pour l’année 2016, sans formalisation d’aucun entretien d’évaluation, n’est justifiée par aucun élément étranger à toute discrimination.

La discrimination en raison de l’état de santé dénoncée est dès lors caractérisée sans qu’il y ait lieu de rechercher si les autres éléments laissant supposer l’existence d’une discrimination sont justifiés.

La discrimination subie par Mme [R] a causé à celle-ci un préjudice que la cour fixe à la somme de 30 000 euros. Le jugement entrepris sera donc infirmé et l’employeur condamné à payer ladite somme à la salariée.

Sur les intérêts

Les créances salariales sont productives d’intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l’employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et d’orientation pour les créances exigibles à cette date et à compter de la date de la demande qui en a été faite en justice pour celles exigibles postérieurement.

Les créances indemnitaires sont productives d’intérêts au taux légal à compter du présent arrêt – du jugement entrepris.

Il y a lieu d’ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil.

Sur la remise des bulletins de paie

Il convient d’ordonner au GIE Solocal de remettre à Mme [R] un bulletin de paie récapitulatif conforme au présent arrêt.

Sur la demande de fixation de la moyenne des trois derniers mois de salaire

Cette demande sera rejetée, comme étant sans objet, l’article R. 1454-28 du code du travail imposant au juge de fixer la moyenne des salaires n’étant pas applicable, dès lors que le pourvoi en cassation n’a pas d’effet suspensif.

Sur les dépens et l’indemnité de procédure

Le GIE Solocal, qui succombe partiellement, sera condamné aux dépens de première instance et d’appel et sera débouté de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

Il convient de le condamner, en application de l’article 700 du code de procédure civile, à payer à Mme [R] la somme de 2 500 euros pour les frais irrépétibles exposés en cause d’appel, en sus de la somme de 1 000 euros qu’elle a été condamnée à payer à celle-ci par le conseil de prud’hommes pour les frais irrépétibles exposés en première instance.

PAR CES MOTIFS :

La COUR,

Statuant par arrêt CONTRADICTOIRE,

Infirme partiellement le jugement du conseil des prud’hommes de Boulogne-Billancourt en date du 14 mai 2020 et, statuant à nouveau sur le tout pour une meilleure compréhension et y ajoutant :

Déclare irrecevable la demande de Mme [H] [R] tendant au paiement d’un rappel de salaire pour heures supplémentaires et de congés payés afférents portant sur la période du 1er au 22 mars 2015 ;

Condamne le GIE Solocal à payer à Mme [H] [R] les sommes suivantes :

*21 607,23 euros à titre de rappel de rémunération variable pour l’année 2015 ;

*2 160,72 euros au titre des congés payés afférents ;

*32 694,95 euros à titre de rappel de rémunération variable pour l’année 2016 ;

* 3 269,50 euros au titre des congés payés afférents ;

*5 439,47 euros à titre de rappel de rémunération variable pour l’année 2017 ;

*543,95 euros au titre des congés payés afférents ;

*25 374,97 euros à titre de rappel de rémunération variable pour l’année 2020 ;

*2 537,50 euros au titre des congés payés afférents ;

*40 689,09 euros à titre de rappel de rémunération variable pour l’année 2021 ;

*4 068,91 euros au titre des congés payés afférents ;

*36 148,60 euros à titre de rappel d’indemnité de prévoyance pour arrêt maladie ;

*49 616,97 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires pour la période du 23 mars au 31 décembre 2015 ;

*4 961,70 euros au titre des congés payés afférents ;

*75 280,92 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires pour l’année 2016 ;

*7 528,09 euros au titre des congés payés afférents ;

*6 843,72 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires pour la période du 1er janvier au 12 février 2017 ;

*684,37 euros au titre des congés payés afférents ;

*3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour violation des dispositions légales sur le repos hebdomadaire

*3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour violation des dispositions légales sur le repos quotidien ;

*30 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral ;

*30 000 euros à titre de dommages-intérêts pour discrimination en raison de l’état de santé ;

*5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de prévention des atteintes à la santé ;

Déboute Mme [H] [R] de ses demandes de rappels de rémunération variable et de congés payés afférents pour les années 2018 et 2019 ;

Déboute Mme [H] [R] de sa demande en paiement de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;

Dit que les créances salariales sont productives d’intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation au GIE Solocal de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et d’orientation pour les créances exigibles à cette date et à compter de la date de la demande qui en a été faite en justice pour celles exigibles postérieurement ;

Dit que les créances indemnitaires sont productives d’intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil ;

Ordonne au GIE Solocal de remettre à Mme [H] [R] un bulletin de paie récapitulatif conforme au présent arrêt ;

Déboute le GIE Solocal de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne le GIE Solocal à payer à Mme [H] [R], en application de l’article 700 du code de procédure civile, la somme de 1 000 euros pour les frais irrépétibles exposés en première instance ainsi que la somme de 2 500 euros pour les frais irrépétibles exposés en cause d’appel ;

Condamne le GIE Solocal aux dépens de première instance et d’appel.

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Régine CAPRA, Présidente et par Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,

 


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x